Generalleutnant
F.Kirschner
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De
la pesanteur de certaines images d’Epinal :
Parmi les nombreux clichés au sujet de la Seconde Guerre Mondiale
qui polluent les forums historiques, voire certains ouvrages de gens
pourtant compétents par ailleurs, celui des "débandades"
de l’Armée Française en mai et juin 1940 est l’un
des plus pesants.
F.D. Roosevelt lui-même ayant rendu hommage, dans une lettre adressée
le 10 juin au gouvernement français, à la très
bonne tenue de nos armées sur la Somme au début du mois,
ces critiques quant aux soldats français "qui jettent leurs
fusils tout neufs et se rendent ou s'enfuient sans avoir tiré
une seule cartouche" sont généralement concentrées
sur le mois de mai, avec peu de raisons, et sur ce qui s’est passé
après le chevrotement de Pétain du 17 juin "Il
nous faut cesser le combat", avec plus de raisons mais avec
une interprétation dévoyée.
Il est indéniable que l’Armée Française et
ses alliés britanniques, belges et hollandais furent littéralement
écrasés en un temps record. L’intense stupéfaction
que cette catastrophe militaire engendra dans le monde entier, sauf
à Berlin, généra toute sorte d’explications
plus ou moins oiseuses et qui différent selon de quel côté
elles sont issues. A Vichy, on ressassa le "lâchage anglais"
de Dunkerque et la "décadence" du pays, générée
bien entendu par le Front Populaire et ses funestes congés payés,
ailleurs on parla de la couardise de nos soldats et de nos dirigeants
et des humoristes anglo-saxons nous inventèrent des usines de
tissage de drapeaux blancs. Il fallait bien expliquer ce qui paraissait
être inexplicable.
Cependant, une analyse militaire de la façon dont cela s’est
passé peut permettre de trouver la bonne explication.
Voyons donc comment s’est déroulée l’une des
plus nettes déroutes de nos troupes, à savoir comment
la 55ème division d’infanterie fut quasiment rayée
de la carte en 2 jours près de Bulson, village situé au
sud de Sedan, donc au débouché des Ardennes, défaite
qui donne lieu encore de nos jours à de vives et vaines critiques
au sujet de la soi-disant "fuite" de ces soldats.
Etudions tout d’abord la 55ème division d’infanterie
française :
13-14 mai 1940, 2ème Armée, Xème Corps d’Armée,
Général Gransard.
- réservistes de classes anciennes, très mal instruits.
4% d'officiers d'active.
- armement incomplet, pas de canon de 25 dans les RI.
- déficit en matériel de topographie et d'observation
- déficit en matériel d'habillement
- approvisionnements incomplets
- malgré les efforts pour améliorer l'instruction (envoi
des régiments dans la zone arrière du CA) celle ci reste
rudimentaire.
Au 10 mai 40, les unités sont a 80 ou 85% de leur effectifs théoriques
(nombreux permissionnaires).
La dotation en mines antichar n'est pas réalisée. L'armement
en canons antichars de 25mm est incomplet au 147ème RIF et au
11ème BM, et inexistant dans les régiments organiques
de la division.
Commandement de la division : Général de brigade Lafontaine
Chef d’état major : Lieutenant colonel Lallemand de Liocourt
INFANTERIE
Commandant d’infanterie divisionnaire : Colonel Chaligne
213ème Régiment d’infanterie : Lieutenant colonel
Labarthe
Ième Bataillon
IIème Bataillon
IIIème Bataillon
13ème Compagnie de pionniers
Régiment de série B
pas de canons antichars dans le RI
Effectifs au 10 mai : 76 officiers et 3081 hommes
295ème Régiment d’Infanterie : Lieutenant colonel
Demay
Ième Bataillon ( réduit a 300 hommes le 12 mai)
IIème Bataillon
IIIème Bataillon
14ème Compagnie divisionnaire antichar (12 canons 25mm)
Régiment de série B
pas de canons antichar dans le RI
Effectifs au 10 mai : 76 officiers et 3030 hommes
331ème Régiment d’Infanterie : Lieutenant colonel
Lafont
Ier Bataillon
IIème Bataillon
IIIème Bataillon
Régiment de série B
pas de canons antichar dans le RI
Effectifs au 10 mai : 70 officiers et 2718 hommes
Unités rattachées :
147ème Regiment d’infanterie de Forteresse (Pineaud)
Ier Bataillon
IIème Bataillon
IIIème Bataillon
Régiment de série A
Environ 10 canons antichar dans le régiment
Effectifs au 10 mai : 71 officiers et 2898 hommes
11ème Bataillon de Mitrailleurs (Gromaire)
avec 6 canons de 25mm
Bataillon de série A
506ème Compagnie Antichar
avec 6 canons de 25mm
205ème Régiment d’Infanterie : Lieutenant colonel
Montvignier-Monnet
Ier Bataillon
IIème Bataillon
IIIème Bataillon
Régiment
de série B
BLINDES
4ème Bataillon de Chars de Combat : Commandant de Saint Sernin
45 chars FCM36
7ème Bataillon de Chars de Combat : Commandant Giordani
45 chars FCM36
ARTILLERIE
Commandant d’artillerie divisionnaire : Colonel Boudet
45ème régiment d’artillerie mixte divisionnaire
: Colonel Mosser
Ier groupe : 12 canons de 75
IIème groupe : 12 canons de 75
IIIème groupe : 12 canons de 75
Vème groupe : 12 canons de 155C
10ème Batterie divisionnaire antichar avec 8 canons de 47mm
Régiment de série B
Effectifs au 10 mai : 2216 hommes
55ème Compagnie d’ouvriers
55ème section de munitions hippomobile
255ème section de munitions automobile
Unités rattachées :
99ème Régiment d’artillerie de Forteresse :
Ier groupe : 12 canons de 75
IIème groupe : 12 canons de 75
Régiment de série A
I/78ème Régiment d’artillerie divisionnaire : 12
canons de 75 tractés (série A)
605ème Batterie anti-char avec 8 canons de 47mm
CAVALERIE :
64ème GRDI : Lieutenant colonel Mallet
Le 64ème GRDI est détaché à la 5ème
DLC
GENIE
55/1 compagnie de sapeurs-mineurs
55/2 compagnie de sapeurs-mineurs
TRANSMISSIONS
55/81 compagnie télégraphique
55/82 compagnie radio
TRAIN
55/5 compagnie hippomobile
155/5 compagnie automobile
INTENDANCE
55/5 groupe d’exploitation divisionnaire
SANTE
55ème groupe sanitaire divisionnaire
CENTRE D’INSTRUCTION
55ème Centre d’instruction divisionnaire
Moyens de feu au 10 mai 1940
- 39 canons de 25mm Antichar
14ème CDAC/295e RI : une douzaine de canons
147ème RIF : une dizaine
11ème BM : une demi-douzaine
506ème CAC : une demi douzaine
64ème GRDI : 4 ( est affecté a la 5ème DLC au 13
mai)
- 19 canons de 47mm Antichar
605ème BAC : 8
10/45ème RAMD : 8
10/38ème RAD : 3 (n’est plus affecté a la 55ème
DI le 13 mai)
- 72 canons de 75 hippomobiles
45ème RAD : 36
99ème RAF : 24
III/38e RAD : 12 (n’est plus affecté a la 55ème
DI le 13 mai)
- 12 canons de 75 tractés
I/78ème RATTT : 12
- 24 canons de 155C
V/45ème RAD : une douzaine
V/38ème RAD : une douzaine (n’est plus affecté a
la 55ème DI le 13 mai)
Le déroulement des événements
D’après le rapport du capitaine Daumont, le 13 mai, un
peu après 18 heures, des voitures d’une batterie du 404ème
RADCA passent a toute allure devant le PC de la 55ème DI (Casemate
de Font-Dagot ). "Des grappes d’hommes sont accrochées
aux véhicules, ces gens, affolés, hurlent que l’ennemi,
avec des chars, vient d’atteindre Bulson.
Certains de ces fuyards, manifestement détraqués, tirent
des coups de fusil dans toutes les directions, quelques balles sifflent
dans les branches, quand le général Lafontaine, attiré
par le bruit, sort de son PC."
Avec l’aide du colonel Chaligne, il dressera un barrage avec quelques
véhicules afin de bloquer les fuyards.
Le général Ruby racontera qu’a tous les échelons,
les chefs prétendent avoir reçu des ordres de repli, mais
sont dans l’impossibilité de préciser l’autorité
de qui ils émanent. Mais au moment ou ces événements
se passent, pas un allemand n’est a la ronde, et encore moins
des chars, qui ne traverseront la Meuse que le lendemain…
Il semblerait que le mouvement de panique ait pris son origine au 169ème
RAP. Le Capitaine Fouques, observant des explosions d’obus a quelques
centaines de mètres au nord de la position des 7ème et
8ème batteries du régiment (Plateau de la Renardière)
supposa qu’il s’agissait d’impacts de projectiles
de chars. Cette information qu’il transmit par radio se répandit
bien vite comme une traînée de poudre, mais sous une forme
tronquée. Les impacts d’obus devinrent des éclairs
sortants des canons de chars allemands qui semblaient venir du plateau
de la Renardière pour attaquer Bulson, en passant par Chaumon.
Puis, partout courraient des rumeurs "Les chars sont à Bulson",
"les chars sont là", " tout le monde se replie",
"les boches arrivent" etc.
Il devient donc indispensable d’en savoir un peu plus sur l’avancée
allemande, et vérifier qu’il y a bien eu méprise.
Mais avant tout, nous vous invitons a lire le récit du IIIème
groupe du 185ème RALT, qui apporte un éclairage indispensable.
http://genemilassoc.free.fr/doc/1919-1945/1940-10-14mai-Bataille-Sedan-185%b0RALT.doc
Une compilation de divers éléments nous permettent de
déterminer que le mouvement de retraite toucha le 404ème
RADCA, le 185ème RALT, le 145ème RALH, le 110ème
RAL, le 169ème RAP, le 45ème RAMD, le 99ème RAF
et quelques éléments arrières , entraînés
par l’hystérie collective. L’infanterie, quand à
elle, resta sur place, et comme nous allons le voir plus loin, ne démérita
pas au combat. Ainsi, c’est la majeure partie de l’artillerie
divisionnaire renforcée du colonel Boudet, mais également
le groupe d’appui d’artillerie du Xème corps du lieutenant
colonel Dourzal, qui encombrèrent les routes, dimunant la vitesse
de déplacement des deux bataillons de chars FCM36 qui devaient
lancer une contre-attaque le 14 mai. Cependant, la panique réelle
ne toucha que quelques unités éparses, et d’une
façon générale, l’artillerie retraita sans
ses pièces, mais dans l’ordre, comme nous pouvons le lire
dans le JMO du III/185ème RALT.
Revenons
maintenant sur l’avancée Allemande dans le secteur de Sedan
:
11 Mai
La 1ère Panzer division repousse les troupes Françaises
sur l’autre rive de la rivière Semois .
12 Mai
La 10ème PzD traverse la rivière Semois dans le secteur
de Cugnon/Herbeumont et rejoint la Meuse au sud de Sedan dans la soirée.
La 1ère PzD établi une tête de pont dans la nuit
du 11/12 sur la Semois (A Mouzaive) en suivant le repli de la 3ème
Bde de Spahis et traverse cette dernière a 6h du matin, prenant
de flanc la 5ème DLC qui ignore le retrait des Spahis.
Les forces aériennes Françaises attaquent le pont de Bouillon
dans la matinée sans parvenir à le détruire.
Le kampfgruppe Krüger , formé des PzRgt 1 , I/SR 1 , III/SR
1 et II/AR 73 traverse la Semois à Bouillon. Il sera attaqué,
sans succès, a plusieurs reprises et parviendra a finalement
maintenir ses positions a la maison fortifiée "La Hatrelle"
Le kampfgruppe Keltsch, formé des II/PzRgt 2, II/SR 1, I/AR 73
et Kradschtz btl 1 rencontre des fortifications françaises au
nord de St Menges, qui se rendent après un rapide combat.
A 14h30 St.Menges est pris et les premiers éléments du
KpfGr Keltsch fondent sur Sedan, via Floing. Lorsque les premiers éléments
rejoignent la Meuse, l’artillerie lourde française ouvre
le feu et les ponts sur la Meuse sont détruits. En fin de soirée,
tous les éléments de la division se trouvent à
Sedan. Fleigneux est sécurisé avant la nuit. Pendant la
nuit, la division prépare sa traversée de la Meuse.
La 2ème PzD traverse la Semois à Vresse, mais prends du
retard et n’arrivera à Sedan qu’après les
deux autres divisions.
13 Mai
Les 1ère et 10ème PzD traversent la Meuse et établissent
une tête de pont dans le secteur ouest de Sedan.
Plus de 1500 avions du Ier et IIème Fliegerkorps vont supporter
cet assaut durant la journée. On comptera 600 bombardiers (He
111 , Do 17, Ju 88) , 250 Ju 87 Stuka, 500 chasseurs Me 109 et 120 chasseurs
Me 110, réalisant 1215 sorties d’attaque au sol .
A 7h des Dornier 17 préparent l’attaque allemande pour
traverser la Meuse à Sedan. La préparation par bombardement
va durer plusieurs heures causant une nette diminution des tirs d’artillerie
français.
Les hommes doivent se mettre à l’abris, le fracas des explosions
continues est terrible, les hurlements des sirènes d’avion
des Stuka mettent les nerfs a rude épreuve.
Pourtant, malgré l’ampleur des moyens utilisés,
aucun blockhaus ne fut complètement détruit et on ne déplora
que 56 tués.
Mais cette journée d’assauts aériens continus coupa
la plupart des transmissions filaires, coupant ainsi grand nombre des
communications. C’est ce même jour que le mouvement de panique
se déclencha. Le programme de bombardement est même très
révélateur de la succession des événements
De 8h a 16h, les assauts aériens visent des unités positionnées
le long de la Meuse, afin de faciliter la traversée de celle
ci par les unités d’assaut. Ce n’est qu’à
partir de 16h, et ce, jusqu'à 17h30, que les objectifs arrières
sont visés (l’artillerie), afin d’éviter que
par ses tirs elle n’immobilise les assauts. Puis de 17h30 a minuit,
les attaques aériennes devaient viser les forces Françaises
dans l’arrière pays, se rapprochant du secteur. Et nous
le savons, les premiers mouvements de panique, eurent lieu un peu après
18 heures.
La 10ème Panzer division est alors divisée en deux kampfgruppe.
Le Kpfg 1 avec le Schtz Rgt 86 sur la droite, attaque du sud de Sedan
jusqu'à Balan. Le Kpfg 2 avec le Schtz Rgt 69 attaque de Bazeilles
a Pont Maugis
Ce régiment sera stoppé dans sa tentative par l’artillerie
française, coulant une cinquantaine de canots. Cependant, un
petit groupe de sapeurs du 49ème Bn (Fw.Rubarth, 2ème
Cie) parvient a traverser la Meuse. Sous un feu très nourri,
la première ligne de bunkers est prise. Une contre attaque française
cause de lourdes pertes a ce groupe.
Un deuxième groupe d’assaut (Lt.Hanbauer) vient renforcer
le premier .
Rubarth parvient ainsi a conquérir la seule tête de pont
sur la rive ouest de la Meuse entre Wadelincourt et Pont maugis (il
y gagnera une promotion au grade de Lieutenant et la croix de chevalier
). Hanbauer prends le Bunker 220 et Wadelincourt .
Vers 21h, le Schtz Rgt 86 traverse la Meuse et s’empare de la
colline 246 après un rapide combat.
1ère Panzer Division :
Durant la nuit, la division est sous le feu de l’artillerie française,
mais ne sera pas impactée dans ses mouvements.
A 6h le II/SR 1 s’empare de Floing. Dans la matinée l’artillerie
du général Berlin (Arko 101) arrive sur la zone et se
met en batterie.
A 8h, la Luftwaffe commence a attaquer les positions autour de Sedan.
La tache de traverser la Meuse est allouée au régiment
"Grossdeutchland", ainsi qu’au Schtz Rgt 1 et Sturmpionier
Btl 43 (de la 10ème PzD).
16h. Malgré les bombardements massifs, quasiment tous les bunkers
français sont toujours opérationnels et empêchent
la première vague d’assaut de traverser la Meuse. Des canons
de 88 sont installés afin de faire taire les bunkers Français
(le bunker 211 sera détruit) .
Les Sturmpioniers tentent une nouvelle fois la traversée mais
échouent. Mais la mort du Lt graf von Medem permettra d’identifier
la position d’une mitrailleuse, l’éliminer, et pouvoir
enfin effectuer la traversée.
La 7ème Cie du II/GD, suivie de la 6ème Cie va ainsi pouvoir
attaquer les positions Pont Neuf et Cimetière.
Les unités suivent la direction Sedan-Donchery, où elles
seront à nouveau stoppée par les feux ennemis .
A 19h, les bunkers 104 et 7 bis sont pris, et c’est avec la 8ème
Cie que les Allemands attaquent la colline 247 et la prennent vers 20h.
Epuisées, les troupes du II/GD ne peuvent poursuivre vers le
Bois de la Marfée, pendant que le III/GD est empêtré
dans des furieux combats de rue a Torcy, au sud de Sedan.
A 17h les Schtz Rgt 1 rejoint les éléments du GD . Sans
ordres le IIIème Bn ( Olt Korthals ) attaque sur l’axe
Sedan-Donchery, et se déplace dans la zone d’attaque de
la 2ème PzD. Korthals décide alors de prendre a revers
les bunkers Français afin de faciliter la traversée des
troupes de la 2e panzer, puis pousse vers Donchery .
A 20h10, le Schtz Rgt 1 a sécurisé le Frenois, et après
de sévères combats jusqu'à 22h40 environ, avec
des troupes exténuées, la colline 301 est prise, au sud
du Frénois. Jusqu'à minuit, le SR 1 va sécuriser
la bordure sud du bois de la Marfée, dans le secteur de Chéhéry.
Durant la soirée, la 1ère PzD va établir une forte
tête de pont, avec 6 bataillons sur une large part des hauteurs
de la Marfée.
Dans l’après-midi, des troupes du génie allemand
ont entamé la construction d’un pont sur la Meuse pour
faire passer les chars sur l’autre rive. Les assauts aériens
français sur ce pont échoueront du fait de la Flak et
les tirs de l’artillerie Française n’auront pas d’effet
(les obus tomberont a 50 mètres de la cible…).
Un peu après minuit, ce pont de 16 tonnes sera prêt .
Dans la nuit du 13 au 14, le Schtz Rgt 1 ne se reposera pas, et attaque
le bois de la Marfée, diminuant la pression sur les troupes de
la 10ème PzD à l’ouest de Wadelincourt, qui était
sous un feu intensif des bunkers français de Douzy.
2ème Panzer Division :
Dans l’après-midi, la division parvient à Donchery
plus tôt que planifié. Lorsque les premiers chars s’approchent
de la Meuse, l’artillerie lourde française les stoppe (Pratiquement
toute l’artillerie lourde française fera feu sur la 2ème
PzD). Des tirs de contre-batterie seront impossibles car l’artillerie
divisionnaire est affectée à la 1ère PzD et les
24 obusiers arrivant vers 17h sont à court de munitions. Cependant
vers 17h30 quelques volontaires traversent à la nage la Meuse,
mais sont repoussés par les bunkers français. Un
peu après, l’attaque de Korthals (voir 1ère PzD)
sur quelques bunkers permettra à la 2ème PzD de traverser
la Meuse. Après 22h, la division est en mesure d’effectuer
un trafic important de barges sur la rive opposée de la Meuse.
14 mai
Guderian décide de porter la 1ère et 2ème PzD à
l’ouest, en laissant la 10ème PzD, le Grossdeutchland sécuriser
la tête de pont de Sedan.
1ère Panzer Division
Elle reçoit l’ordre d’attaquer sur l’axe Chéhéry
– Maisoncelle – Villers.
A 1h20 la 1ère PzBde reçoit l’ordre de se rassembler
dans le secteur de Corbion pour traverser la Meuse grâce au pont
de 16t qui a été construit à Gaulier. En raison
d’embouteillages très importants, les premiers chars n’y
parviendront qu’à 7h20.
En raison de l’importance stratégique de ce pont, Guderian
concentre à proximité du pont de nombreuses unités
de Flak (Flak Abt 83 , 92 , 71 , Flak Rgt 102 ; au total 303 canons)
La première attaque aérienne française arrive à
5h30 et il y en aura toute la journée jusqu'à minuit.
Un total de 27 missions de l’armée de l’air, chacune
d’un groupe de 10 à 20 avions seront effectués,
sans aucun résultat.
Une attaque massive de 71 Blenheim et Battle de la RAF aura lieu entre
16 et 17h. 40 d’entre eux y seront détruits, sans plus
de résultats.
A 7h, une reconnaissance aérienne allemande identifie des chars
français au sud de Chéhéry, traversant la vallée
de la Bar, via les hauteurs de Bulson, vers le bois de la Marfée.
Immédiatement, la seule formation de char disponible (4/PzRgt
2, Olt.Krajewski) reçoit l’ordre d’attaquer en direction
de Bulson, et repousser les chars français. Un peu apres 8h,
la compagnie débute son attaque.
A 8h45, elle parvient aux hauteurs de Bulson, opposée à
une faible résistance. Lorsque les Français aperçoivent
les chars allemands, ils retraitent de Bulson. Krajewski traverse Bulson
et lorsqu’il parvient aux hauteurs au sud-ouest, ses chars sont
pris à partie par des canons antichars français. La 4/pzRgt
2 rencontre en fait deux compagnies de chars françaises et de
l’infanterie équipée de canons antichar. Les chars
allemands se positionnent entre les collines 320 et 322 et commencent
a ouvrir le feu sur les FCM36 français. Mais l’artillerie
française ouvre le feu et va détruire tous les chars allemands
sauf un.
Vers 9h15 la 2/PzRgt 2 (V.Grolman) arrive et va stopper la contre attaque
française.
A 13h une troisième compagnie de chars et des éléments
du Grossdeutchland arrivent et débutent une contre-attaque dans
le bois Rond-Caillau, appuyés par des éléments
du Pz.Jg.Abt 37. Au même moment, le Kpfgr Beck-Broichsitter avance
en direction de Chéhéry et entre en contact avec les troupes
française 3 Km avant Chéhéry.
13 chars et de l’infanterie sont identifiés. Une baarriere
de 6 canons aantichar de 37mm est formée et parvient a stopper,
au début, les Français.
Mais les canons allemands de 37mm sont assez peu efficaces face aux
chars FCM36, et ces derniers tentent de déborder les positions.
Certains chars entrent dans Connage pendant que de l’infanterie
attaque du sud-est.
A 9h15, deux compagnies du Sturmpionnier Btl 43 arrivent et s’opposent
a l’infanterie française.
Enfin, a 9h45, la 8ème Cie du pzRgt 2 (Olt. von Kleist) arrive
et repousse les chars ennemis, pendant que les sturmpioniers font reculer
l’infanterie française vers Chéhéry, dans
la forêt de Naumont .
Les renforts arrivent unités après unités. Les
canons antichars allemands s’installent sur les hauteurs de Bulson
avec des canons de 88 et ouvrent le feu sur les cibles françaises.
Vers 12h, 30 chars français sont détruits et Chémery
est prise.
Une attaque de Stuka sera effectuée par erreur sur Chémery,
au moment où une réunion d’officier se déroule
sur la place de l’église. Plusieurs officiers allemands
y seront tués ou blessés.
A 12h30, des éléments du PzRgt 2 se tournent vers l’ouest,
et rejoignent le canal des Ardennes a Malmy .
A 14h30 le GD arrive à la bordure sud du bois et avance en direction
de Maisoncille-et-villers. Le régiment s’installe en fin
de journée au sud et a l’ouest d’Artaise. Il doit
rejeter une éventuelle autre attaque blindée française.
Le PzRgt 1 traverse la Meuse vers 10h et va sur Vendresse (ouest de
Malmy). Il sera stoppé par de l’artillerie antichar française
de 25mm. Plusieurs contre attaques avec chars sont rejetées.
La tête de pont allemande prend désormais forme, et la
contre-attaque prévue par la 2ème Armée le lendemain
ne parviendra pas à les repousser.
Ils sont passés, et iront jusqu’à Dunkerque…
Les raisons de la défaite :
Il est donc clair que, si écrasement il y a eu, il se fit sans
débandades notoires, la tentative de contre attaque française
du 14 paraissant même être assez surréaliste quand
on sait à qui ils avaient affaire.
Certes, des hésitations légèrement teintées
de panique le 13, mais pas de fuite éperdue. Quelques unités
d’infanterie sous-équipées en armes antichar ne
savaient trop que faire devant une attaque massive de Panzers, une unité
d’artillerie lourde censée être à l’arrière
mais qui pense, victime de la pauvreté des moyens de communications,
se retrouver brutalement sur le front donc inutilement exposée
et qui retraite à toute vitesse, tout cela peut se comprendre.
Les papiers du général Doumenc, qui était quand
même le numéro 3 de notre hiérarchie militaire en
1940, et le résultat des recherches de Monsieur Crémieux-Brilhac
montrent que la tenue militaire de la France en 1940 fut plus ou moins
correcte.
On peut regretter que les vigoureux et parfois quasiment impertinents
appels du colonel de Gaulle à bâtir des grandes unités
blindées n’aient pas été suivis de grands
effets, mais on peut en même temps se demander si cela aurait
vraiment changé les choses.
Donc une Armée qui, sur le papier, est à même de
se mesurer à la Wehrmacht et, sur le terrain, se tient honorablement
bien. L’explication de la défaite n’est donc pas
n’est donc pas uniquement a chercher en France, bien qu’il
en existe mais aussi "en face".
Le général Doumenc avait, dès 1940, commencé
à comprendre quand il notait, au sujet de la Wehrmacht, "une
rapidité et une perfection d’exécution dont il faut
reconnaître tout le mérite."
Et c’est bien la que se trouve l’explication : La perfection
du coup allemand.
Résumons-le, ce "coup" :
Les plans allemands d’attaque par la Hollande et la Belgique étaient
connus en France grâce à des "fuites" savamment
orchestrées par les Nazis, entre autres via le Vatican et des
"résistants" allemands, peut-être noyautés
par la Gestapo (mais cela n’est pas prouvé) sans parler
des papiers "égarés" suite à un accident
d’avion tombé au bon endroit au bon moment.
Mais le plan du coup de massue vers Sedan, lui, n’était
pas connu, le secret fut bien gardé !
Les Alliés engagent donc dès le premier coup de canon
en Hollande leurs meilleures troupes pour la France et l’essentiel
de leur corps expéditionnaire pour les Britanniques. En fonçant
tête baissée, littéralement, vers les plaines flamandes,
le fer de lance des armées alliées tombe dans le piège
et la percée de Sedan où l’élite des troupes
blindées allemandes ne fait qu’une bouchée d’unités
de réserve B (voire C) les coupent de leurs arrières et
referment sur eux la tenaille autour de Dunkerque.
Le BEF et les meilleures unités d’active françaises
sont donc désagrégés et embarquent à Dunkerque
en laissant sur le sable la totalité de leur matériel
et bon nombre de morts, blessés et prisonniers. Il ne reste plus
en France pour s’opposer au déferlement de la Wehrmacht
vers la Somme que des unités qui, si elles feront preuves de
mérite, notamment entre le 5 et le 8 juin 1940, ne sont pas de
taille à repousser durablement l’ennemi.
Les exégètes de l’armée allemande parlent
du génial plan von Manstein, des exploits de Rommel et de Guderian
et de la qualité de la formation des soldats allemands pour justifier
tout cela. Cela a compté, certes, mais ils oublient l’essentiel
: A la tête du Reich, il y avait un chef, un seul contrairement
à 1914-1918, et il savait ce qu’il voulait.
Il laissait volontiers certains officiers supérieurs prendre
des initiatives sur le terrain, ce que feront largement Guderian et
Rommel, par exemple, mais intervenait, et sans appel, des que les choses
ne se passaient plus comme il le voulait.
Hitler a pris en effet une part décisive voire essentielle dans
le réarmement allemand, la formation parfois clandestine des
troupes (SA, Jeunesses Hitlériennes), la création d’unités
blindées autonomes, dans le montage du plan du coup de boutoir
via les Ardennes, a réussi par force manipulations à faire
en sorte que cette attaque soit complètement insoupçonnée
et va l’exploiter habilement sur le plan diplomatique et politique.
Au bord de la victoire totale :
Les buts d’Hitler à l’Ouest sont clairs : écraser
l’Armée Française puis signer rapidement la paix
avec la France et la Grande Bretagne ainsi qu’il l’avait
expliqué dans "Mein Kampf" :
"Quand on examine, en tenant compte des considérations
que nous venons d'exposer, les possibilités d'alliances que l'époque
actuelle offre à l'Allemagne, on est vite convaincu que tout
ce que nous pouvons faire pratiquement, en fait d'alliance, est de nous
rapprocher de l'Angleterre.
L'Angleterre désire que l'Allemagne ne soit pas une puissance
mondiale ; la France ne veut pas qu'il existe une puissance qui s'appelle
l'Allemagne ; la différence est considérable ! Mais, aujourd'hui,
nous ne luttons pas pour reconquérir la situation de puissance
mondiale ; nous avons à combattre pour l'existence de notre patrie,
pour l'unité de notre nation et pour le pain quotidien de nos
enfants. Si, tirant la conclusion de ces prémisses, nous passons
en revue les alliés que peut nous offrir l'Europe, il ne reste
que deux Etats : l'Angleterre et l'Italie.
"C'est uniquement en France que l'on remarque aujourd'hui un accord
secret, plus parfait qu'il n'a jamais été, entre les intentions
des boursiers, intentions dont les Juifs sont les représentants,
et les vœux d'une politique nationale inspirée par le chauvinisme.
Et c'est précisément cette identité de vues qui
constitue un immense danger pour l'Allemagne. C'est pour cette raison
que la France est, et reste, l'ennemi que nous avons le plus à
craindre."
Un petit grain de sable va cependant enrayer la belle machine : Les
propositions de paix immédiate "sur le sable de Dunkerque"
qu’Hitler fait parvenir aux alliés via la diplomatie non
officielle suédoise et le clin d’oeil de l’arrêt
devant Dunkerque ne seront pas suivis d’effet, notamment grâce
à un Churchill bien solitaire face aux pacifistes anglais mais
dont la détermination et l’habileté auront gain
de cause. Mais c’est la une autre histoire !
Des légendes qui perdurent :
Notre analyse qui consiste à dire quel le principal responsable
de la défaite française était l’hôte
de la Chancellerie du Reich présente l’inconvénient
majeur de faire de Hitler un homme compétent, avec un plan cohérent
et de grandes qualités de manipulations et de mise en application
de son programme envers et contre tous ou presque et qui, de plus, jouait
toujours avec un ou deux coups d’avance sur ses adversaires voire
sur ses collaborateurs tout en se faisant volontiers passer pour plus
bête qu’il ne l’était afin de mieux camoufler
ses points forts et ses intentions réelles.
Cette idée fait son chemin, mais avec grande difficulté,
l’épouvantable monstruosité des crimes que le Führer
a générés rendant difficile, voire impossible pour
certains et pas des moindres, de le prendre "au sérieux".
A ce sujet, un mot du livre "Le Mythe de la guerre-éclair,
la campagne de l'Ouest de 1940" de Karl-Heinz Frieser.
Livre passionnant, car riche en sources militaires dont nous nous sommes
servis pour cet article, et qui démolit, entre autres, les hypothèses
militaires au sujet de l’arrêt devant Dunkerque. Certaines
de ses conclusions, qui tendent à minimiser le rôle d’Hitler
a ce sujet ne sont pas acceptées par tous les historiens, mais
la polémique au sujet du "Haltbehfel" de Dunkerque
est tellement vive de nos jours que nous nous garderons bien de prendre
parti ici.
Conclusion :
Ce n’est pas la Wehrmacht qui a écrasé la France
en 1940.
C’est la ruse nazie.
Si erreur ou faiblesse française il y eut, elle fut d’avoir
sous-estimé Hitler, ses capacités, ses buts réels
et de ne pas l’avoir arrêté lorsque c’était
encore possible. Mais ce fut la une erreur mondiale, à de tardifs
Churchill et de Gaulle près.
Ceux parmi les lecteurs qui connaissent les auteurs de cet article auront
compris que, au-delà de chercher des explications, ils ont également
souhaité rendre hommage à ces soldats français
trop souvent décriés, voire traînés dans
la boue, en général par des gens qui, à leur place,
auraient eu grand mal à faire preuve d’autant de courage
et d’abnégation.
Sources :
"Mein Kampf", Adolf Hitler, Munich, 1925-1927
"Historiques succincts des grandes unités françaises",
volume I & II (SHAT 1967 )
"Les papiers secrets du g"énéral Doumenc ",
François Delpla, Paris, Orban, 1992
Hors série Militaria n°4 "Guderian perce à Sedan
", Y.Buffetaut (Histoire et collections 1992)
Hors série 39/45 magazine "Sedan 1940 ", JR.Gorce (
Heimdal 1997 )
"The French Army 1939-1940", Lee Sharp , volumes I a V (Military
press 2002 -2007 )
"La face cachée de 1940 ", François Delpla,
F.-X. de Guilbert, Paris, 2003
"Le Mythe de la guerre-éclair, la campagne de l'Ouest de
1940 " Karl-Heinz Frieser, Belin, 2003
"Trackstory n°7", "FCM36", Pascal Danjou (Editions
du Barbotin 2007 )
"Du 5 au 8 juin 1940, un tournant ?", Alain Adam et Daniel
Laurent, /Histoquiz/Lesdossiers/LaFrance19391945/juin40/Dossiers.htm
Remerciements :
Un grand merci a Monsieur Guy Steinbach, un ancien du 7éme Bataillon
de Chars Légers, qui a pris le temps de répondre, a 89
ans et par écrit a nos questions. Rescapé d’un Bataillon
qui a perdu 50% de ses effectifs, Monsieur Steinbach est descendu de
son char mais n’a pas oublie ses camarades morts au combat. Il
a fait, entre autre, apposer au Musée des Blindés de Saumur,
une plaque de marbre pour restaurer l’honneur des combattants
des chars de combat et des chars de cavalerie et, sur le mur de l’eglise
de Bulson, une plaque "Souvenir du 7éme BCL".
Merci également a "Elno", un membre du forum Croix
de Fer, qui a pris la peine de nous transmettre des photos et des écrits
de son grand-père qui y était aussi.
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