Les
forces alliées débarquent au Maroc et en Algérie
française en novembre 1942. Immédiatement, des renforts
allemands et italiens sont envoyés en Tunisie française
: Dès le 9 novembre, sans avoir informé Vichy, des appareils
de la Luftwaffe atterrissent à El Aouina pour y débarquer
des troupes venant de Sicile. Le 12, une flotte germano-italienne arrive
à Bizerte pour y débarquer des troupes et des blindés.
Les navires français de l’amiral Derrien sont capturés,
leurs équipages débarqués. Puis l’Afrikakorps
se replie de la Libye vers la Tunisie.
Devant ces nouveaux "accrocs" aux accords d’Armistice,
le gouvernement de Vichy ne fait… rien.
Au contraire, son représentant sur place, l’amiral Esteva,
fera de son mieux pour aider les Allemands et le représentant
du Reich en Tunisie, Rahn.
Le 14 novembre, l’idée d'une "Légion Impériale"
est même lancée à Paris avec l'appui de l’ambassadeur
du IIIème Reich Otto Abetz. Le plan est approuvé par Laval
le 24 novembre et, début décembre, par l’OKW qui,
cependant, pose des limites : Pas question d’envoyer une grosse
unité de France, comme Laval l’avait espéré,
mais d’accord pour envoyer une mission militaire française
chargée de recruter des volontaires sur place. Une fois de plus,
les Allemands, qui n’ont rien demandé, limitent l’étendue
des offres de collaboration spontanées de Vichy. Du coup, la
grandiloquente Légion devient Phalange Africaine.
Une mission commandée par le lieutenant-colonel Pierre Simon
Cristofini, un militaire de carrière et comprenant également
Henry Charbonneau, milicien et neveu de Darnand et le chef de bataillon
Curnier et 2 capitaines de Spahis, Euziere et Gillet, est donc envoyée
le 27 décembre 1942 en Tunisie pour recruter des volontaires
et constituer cette Phalange. Un autre officier, le lieutenant-colonel
Christian Sarton du Jonchay fait partie du voyage, mais avec une mission
purement politique, et deviendra Préfet de Police de Tunis et
chef de cabinet d’Esteva (alors que son cousin germain sera chef
de l’AS dans le Limousin puis chef de cabinet du COMAC en août
44…)
Ils ont été précédés sur place par
Georges Guibaud, envoyé par Paul Marion, secrétaire d’état
a l’information de Vichy dès novembre, et qui réussit
le tour de force d’unifier l’ensemble des Partis Collaborationnistes
implantés en Tunisie sous l’égide du "Comité
d’unité d’action révolutionnaire". Les
collaborateurs de Tunis on fait ce que les ultras de Paris ont toujours
rêvé sans jamais y arriver : Le Parti unique fascisant
français. Ephémère réussite…
Cristofini se blessa gravement à l’entraînement le
23 janvier 1943, explosion imprévue d’une grenade antichar
et fut évacué chez lui, en Corse.
Le recrutement est difficile, la plupart des jeunes français
volontaires pour rejoindre la collaboration ayant déjà
été engagé par divers services de police auxiliaires,
de secours, de surveillance ou d’autodéfense.
Environ 420 volontaires sont recrutés et instruits dans le camp
de Bordj-Ceda, 300 Français et 120 Tunisiens (R. Pellegrin, dans
son "La Phalange Africaine" parle de 330, Henri Charbonneau
dans "Les memoires de Porthos" parle de 450). La Phalange
comprends donc aussi des biens des Français de souche, pieds
noirs et cadre venant de la Métropole, beaucoup provenants de
l’éphémère Légion Tricolore, que des
volontaires musulmans. A partir de ces volontaires sera constituée
une compagnie avec 212 hommes, 42 sous-officiers et six officiers, soit
seulement 258 hommes sur les 450 (420 ?) volontaires d’origine.
La raison de la fonte de ces effectifs n’est pas claire mais il
s’agit probablement du dur "écrémage"
du tri et de l’entraînement à l’allemande.
La Phalange est enregistrée par la Wehrmacht en tant que Franzosische
Freiwilligen Legion (Parfois appelée Compagnie Frankonia) et
incorporée au 2ème bataillon, 754. PzG Rgt, 334. PzG Division,
5. Panzerarmee (von Arnim). Leur uniforme, français, était
complété du casque allemand et de quelque équipement
provenant de l'Afrika-korps.
La compagnie est envoyée le 7 avril 1943 sur le front de la Medjerda
au nord-ouest de Medjez-El-Bab, dans le secteur du II/754ème
GR.
Sous le commandement du capitaine Dupuis, capitaine de réserve,
combattant des 2 guerres, cité 2 fois pendant la campagne de
France et ancien du 4ème Zouave, elle doit faire face aux forces
britanniques (Soixante-dix-huitième division d'infanterie).
Sa conduite, notamment un coup de main audacieux contre une unité
britannique supérieure en nombre le 16 avril, lui gagne les félicitations
du Général Weber, commandeur de la 334 PzG Division qui
distribue plusieurs croix de fer et conclura son discours par "Je
les décerne au nom de notre Führer, rénovateur de
notre race blanche, aux plus braves soldats de la Compagnie se battant
pour un but commun" (R. Pellegrin, op. Cit.). Sachant qu’une
bonne centaine de ces "braves" étaient Tunisiens, il
est possible de conclure que Weber avait une définition de la
race blanche qui n’était pas tout à fait la même
que celle de son Führer.
Le 29 avril à l’aube, les forces alliées lancent
une offensive générale sur le secteur. Les positions de
la Phalange sont détruites par l'artillerie et les chars. En
une heure, l’unité a perdu la moitié de ses hommes,
morts, blessés ou disparus. Cependant, les survivants résistent
et retraitent dans l'ordre. C'est la fin de la bataille, les forces
alliées sont aux portes de Tunis.
Les 150 survivants, réunis le 8 mai au quartier Faidherbe, ont
le choix entre "disparaître" ou se placer sous la protection
de l’Evêque de Tunis, Mgr Gounot, que le lieutenant Charbonneau
a convaincu d’intercéder en leur faveur.
Les officiers sont évacués avec les Allemands qui retraitent.
Ils seront accueillis le 31 mai à Vichy et décorés
par Pétain. A cette occasion, de Brinont, Ministre de la Défense
de Vichy, dira "Qui lutte contre les ploutocrates anglo-américains
lutte contre le bolchevisme". La plupart d’entre eux continueront
leur combat au sein de la Milice, de la LVF ou de la Waffen-SS.
Mais la plupart des volontaires restés en Tunisie sont arrêtés
par les troupes françaises qui entrent dans Tunis. Selon Paul
Gaujac dans "L’armée de la victoire, le réarmement
1942 –43", 14 volontaires sont capturés et fusillés
par les troupes françaises.
De manière surprenante, environ 40 survivants de la Phalange,
qui ont eu la chance d’être fait prisonniers par des troupes
de l’ex armée d’Afrique, donc essentiellement des
pieds noirs et des musulmans comme eux, auraient été incorporés
dans l’armée française et se sont bien battus jusqu'en
l'Allemagne.
Rétroactivement, la Phalange Africaine fut intégrée
à la LVF. Les survivants, les veuves et les familles furent rattachées
à l'association qui s'en occupait. (JO du 20-05-43). C’est
sans doute pour cela que la Phalange est parfois appelée, à
tort, "Légion des Volontaires Français de Tunisie".
De
nombreux membres de la Phalange africaine furent jugés : Selon
Mme Christine Levisse-Touze, Directeur du Mémorial du maréchal
Leclerc de Hauteclocque, quatre seront condamnés à mort,
deux aux travaux forcés à perpétuité et
deux à dix ans de travaux forcés. Les procès seront
largement couverts par la presse d’Afrique du Nord, mais également
par les journaux Vichystes et Collaborationnistes qui appellent aux
représailles.
Parmi
eux, le capitaine Dupuis et le capitaine Peltier sont condamné
aux travaux forcés à perpétuité et le lieutenant-colonel
Cristofini, arrêté en octobre 43 en Corse, transféré
à Alger, condamné à mort en avril 44 et exécuté
sur une civière le 3 mai 1944 car il venait de tenter de se suicider.
Le chef de bataillon Curnier, arrêté en Allemagne, en attente
de transfert pour Alger à Nice (ou à Villefranche-sur-mer
selon le New York Times du 1er oct. 45), se suicidera dans sa cellule
le 29 septembre 1945 en se coupant les veines.
Les archives de la Croix Rouge Internationale contiennent 2 dossiers
sur les prisonniers de la Phalange, sous la référence
301 G44/12 - 63.02
Le dossier, [Afrique du Nord : Phalange africaine] est maintenu du 19.04.1944
au 27.02.1945, ce qui porte à croire qu’il n’y avait
plus de détenus phalangistes en Tunisie à cette date.
L’autre, [Correspondance générale concernant les
otages et détenus politiques en Afrique du Nord] s’étale
du 01.06.1943 au 29.09.1948, ce qui peut laisser penser que, rapatriés
en France, les derniers détenus auraient été libérés
fin 1948. A confirmer cependant.
L’éphémère aventure de la Phalange Africaine
se trouve à la charnière des multiples tendances qui émaillent
la Collaboration armée française. D’un côté
ceux qui, restés sur le sol de la métropole, se sont battus
dans des combats fratricides et ont commis tous les débordements
contre des français, à des degrés divers et variés.
De l’autre, qui sont partis sur le front de l’Est et, du
moins pour un grand nombre d’entre eux, auraient refusé
de se battre en France et, à priori et avec les habituelles nuances,
se sont comportés en combattants réguliers. Et, quelque
part au milieu, ces Phalangistes qui, certes, ne se sont battus que
contre les Britanniques mais auraient fort bien pu affronter une unité
française si les hasards de la guerre l’avaient voulu.
Pour finir cette triste page sur une note moins sombre, il semblerait
que la très célèbre photo d’un phalangiste
tunisien, qui figure parmi les illustrations de cette page et dont l’original
se trouve à Londres, au "Imperial War Museum", soit
un faux. Une discussion sur un forum spécialisé anglo-saxon
tends à démontrer que, en fait, cette photo aurait été
prise au Caire a la mi-44. Un soldat britannique avait récupéré
le casque, prise de guerre, et un correspondant de presse britannique,
fidèle a la solide tradition des Tabloïds, a posé
ce casque sur le crâne d’un citoyen Egyptien, soigneusement
choisi pour son aspect très patibulaire et, après lui
avoir demandé de prendre une attitude très agressive a
pris le cliché qui a fait les délices de la presse londonienne.