Tereska
Torrès est née en 1920 à Paris, ses parents, le
sculpteur Marek Szwarc et son épouse, Guina, sont des juifs polonais.
En 1940, suite à la fulgurante avancée allemande, Tereska
et sa mère se réfugient en Angleterre via Lisbonne. Son
père, qui combattait dans les forces armées polonaise
de France, est évacué de la Rochelle par la Royal Navy
britannique. A Londres, Tereska, qui n’a pas encore 19 ans, s’engage
chez les « Volontaires Françaises » (le Corps féminin
des Forces Françaises Libres du général de Gaulle).
Elle est la 16ème femme engagée chez les V.F. Elle travaille
au Quartier Général de Carlton Gardens, ensuite au BCRA,
puis elle suit les cours de l’école d’officiers à
Camberley. En Mai 44, elle épouse Georges Torrès, qui
fait partie de la 2éme Division Blindée du Général
Leclerc. La mère de Georges Torrès a épousé
Leon Blum et se trouve avec lui à Buchenwald. Georges Torrès
est tué en Octobre 1944, sur le front des Vosges, au cours des
combats pour la Libération. Leur fille, Dominique naitra quatre
mois après la mort de son père.
En 1947, elle
participe au tournage du documentaire « les illégaux »
sous la direction de Meyer Levin, ecrivain americain , film qui retrace
toute la route suivie par des survivants des camps de concentration,
qui, après la guerre, tentent de rejoindre la Palestine sur des
bateaux clandestins.
A l’arrivée à Haiffa, Meyer Levin et elle sont mis
en prison par les Britanniques. Le journal qu’elle a tenu pendant
tout ce voyage , n’a jusqu’ici eté publié
qu’en Allemagne sous le titre « Unerschrocken» (nous
n’avons pas peur).
En 1948, Tereska épouse Meyer Levin à Paris, puis, sur
les conseils de son mari, publie aux USA un roman de fiction au sujet
de son expérience de guerre sous le titre Women’s Barrack.
Ce « pavé dans la mare » aborde de manière
candide les problèmes des femmes vivant dans la caserne et en
autres la question de quelques relations lesbiennes dans cet environnement
militaire. Ce livre fut vendu à 4 millions d’exemplaires
aux USA, traduit en 13 langues et valu à Tereska d’être
prise à partie par la commission parlementaire américaine
sur les matériaux pornographiques…ce qui n’empêcha
pas une republication à New York en 2003 qui fut saluée
par toute les organisations féministes américaines. Ce
livre, à la demande de l’auteur, n’a jamais été
publié en France.
En 1963, Tereska accompagne Meyer Levin, son mari, en Ethiopie pour
le tournage du premier documentaire sur la vie des Juifs noirs d’Ethiopie,
les « Fellashas » bien avant leur retour en Israël.
Elle retournera en Ethiopie dans les années quatre vingt, plusieurs
fois, à l’époque d’une grande famine et au
moment de « l’Opération Moise » Elle vit maintenant
à Paris.
Bibliographie (partielle) :
Le sable et l'écume, 1945, Gallimard.
Women's Barracks, 1950, Fawcett's Gold Medal.
The Converts, 1970, Knopf (New York).
Les poupées de cendre, 1972, Le Seuil et Phébus.
Les maisons hantées de Meyer Levin, 1974, Denoël et Phebus
Une Française Libre, 2000, Le Seuil et Phébus
Le Choix, 2002, Desclée de Brouwer (Paris). Une version existe
également en Polonais, Pamientnik na trzy glossy, Znak, Varsovie.
Le livre qu’elle a écrit sur ses aventures en Ethiopie,
Le pays des chuchotements, n’a pas encore été publié.
Quelques informations complémentaires (en anglais) :
http://www.marekszwarc.com/
http://en.wikipedia.org/wiki/Tereska_Torres
Madame Tereska Torrès a fort aimablement accepté de nous
en dire plus. Qu’elle en soit vivement remerciée car rares
sont les auteurs qui acceptent ainsi d’aller au devant de leur
public sur des plateformes internautiques.
Daniel
Laurent : Ou se situe le « déclic » qui vous a fait
prendre la plume dés votre plus jeune âge ?
Tereska Torrès : Peut être parce que j’étais
fille unique et d’écrire mon journal remplaçait
une soeur ?
Peut être aussi parce que ma mère écrivait (Le porteur
d’eau, Plon 1931).
DL : L’une des particularités des
volontaires FFL fut que leurs motivations étaient très
variées.
Quelles furent les vôtres ?
TT : J’étais la première française dans
ma famille, mes parents étant polonais. J’aimais passionnément
la France, j’avais honte de la défaite. Je voulais participer
à la guerre aux cotés des Anglais. Pour l’honneur
de la France.
DL : Avez-vous eu l’occasion à Londres
d’approcher Charles de Gaulle ? Si oui, qu’en avez-vous
retenu ?
TT : Je le voyais souvent monter ou descendre des escaliers au Quartier
Général, mais je ne l’ai jamais approché.
Un jour il m’a souri en passant !
DL : Votre père s’est battu en France
en 1940 au sein des Forces Polonaises. Vous a-t-il parlé de ses
combats ?
Si la présence d’unités polonaises à l’Ouest
entre 19343 et 1945 est connue, ceux de 1940 le sont moins, d’où
ma question.
TT : Mon père m’a non seulement parlé de sa
vie dans l’armée polonaise en exil de 1940 à 1943
en Angleterre, mais pendant ces années il a dessiné beaucoup
de portraits de soldats et d’officiers de cette armée dans
leur vie quotidienne. C’est un document historique unique pour
la Pologne. On peut consulter ces dessins à l’Association
YIVO à New York.
DL : Vous êtes retournée en Pologne
avec Meyer Levin en 1947. Y êtes-vous retournée depuis
?
Avez-vous gardé des liens, des attaches avec le pays de vos parents
?
TT : Oui, je suis retournée en Pologne après la guerre.
Une fois pendant le tournage du film « les illégaux»
puis en rapport avec mon livre publié en Pologne Pamientnik na
try glossy. J’avais encore une cousine en Pologne mais elle morte
depuis.
DL : Fille de parents juifs clandestinement convertis
au catholicisme, vous êtes revenue vers le judaïsme.
Les horreurs de la guerre et de la Shoah y sont-elles pour quelque chose
?
TT : Mes parents se sont convertis en secret au Catholicisme en
1919, comme je le raconte dans Le choix et The converts. En secret pour
ne pas faire de peine à leurs familles. Et ils se sont convertis
par conviction religieuse. Ils n’ont jamais cessé de se
considérer juifs mais pas de religion. Je ne suis jamais «
revenue vers le judaïsme ». Comme mes parents, je me sens
appartenir à la nation juive mais pas à sa religion.
Je connais bien Israël ou j’ai parfois habité et ou
l’un de mes fils vit. J’aime Israël mais pas sa politique.
DL : La publication en 1950 de Women's Barracks
qui fut le premier roman parlant de la situation de celles que l’on
appelait encore des « déviantes sexuelles », voire
pire, a jeté un pavé dans la mare. Quel était votre
but en prenant cette initiative ?
TT : Je ne pensais pas du tout en écrivant un roman basé
sur la vie de 5 filles dans l’armée que les expériences
sexuelles de l’une d’entre elles et des descriptions qui
me semblaient très innocentes allaient faire un tel scandale
aux Etats Unis. Mais c’était en 1951 et les choses ont
changé. Je ne pense pas qu’aujourd’hui ce roman soulèverait
tant de polémiques. Je trouve curieux que des féministes
y aient vu autre chose qu’un roman parlant de femmes dans une
armée et de leurs différentes expériences en temps
de guerre.
DL : Ce livre n’a jamais été
publié en France, à votre demande. Pourquoi ?
TT : J’avais tenu un journal pendant la guerre et ce journal
racontait la vérité, pas de la fiction.
Après « Une Française Libre », je trouvais
que c’était diminuer l’impact du journal que de le
faire suivre par la publication d’un roman en France au même
sujet, qui n’ajoutait rien. Au contraire.
DL : Avez-vous eu le temps de visiter notre forum
et notre publication Histomag’44 ? Si oui, que pense le témoin
de la guerre et l’écrivain professionnel que vous êtes
de ces initiatives d’amateurs ? Vos éventuelles remarques
et conseils nous seraient extrêmement précieux.
TT : Oui j’ai regardé Histomag 44 et votre Forum. Je
trouve ce travail remarquable et très important.
Surtout pour atteindre un public jeune qui s’intéresse
davantage à ce qu’il voit sur l’internet que ce qu’il…ne
lit pas dans des livres. Continuez !
Une
Française Libre.
Le livre tiré du Journal de Tereska Torrès raconte au
jour le jour cinq années d'une jeune fille d'abord, d'une femme
ensuite.
Dès les premières pages, le lecteur est séduit.
Ce n'est pas une autobiographie.
C'est le journal d'une écolière qui consigne simplement
tout ce qui lui arrive, tout ce qu'elle voit, tout ce qu'elle entend,
tout ce qu'elle ressent.
« Depuis l'âge de neuf ans, j'écris tous les jours
sur des cahiers d'écolières. Ils se sont accumulés
et je suis dans ses pages le passage des années, j'entends mes
différentes voix d'enfant, de jeune fille, de femme : toute ma
vie est là ».
La partie que publient les éditions Phébus est celle de
la guerre de 1939-1945. « En juin 1939, j'avais passé mon
premier bac. C'est l'été, je suis en vacances au bord
de la mer avec mes parents.
Le 3 septembre, je commence un nouveau cahier.... » (Tereska Torrès)
Le 3 septembre c'est l'invasion de la Pologne par les nazis. Le 18 juin
1940, elle écrit "la France a repris les armes"...
je suis allée passer mon bachot à Bayonne.
"Elle rejoint l'Angleterre. Elle se lance crânement dans
l'action. Autour d'elles, tous les jours, la mort frappe.... à
Londres sous les bombes ou ailleurs, ses amis tués au combat.
Elle s'inscrit dans l'armée féminine de la France libre...
"Auteur et éditeur assurent que ce "Journal" a
été publié tel qu'il fut écrit, sans y apporter
la moindre retouche.
On les croit volontiers et c'est ce qui donne tout son poids à
ce témoignage exceptionnel" (André Lafargue, Le Parisien)