Péril au fond des mers : La Xa Flottiglia MAS
10 juin 1940 - 8 septembre 1943
Alexandrie et Gibraltar
La genèse des MAS
Le théâtre d'opération militaire italien durant la première guerre mondiale est principalement alpestre, les côtes de la rive italienne de la mer Adriatique ne disposent pas de ports en eaux profondes et la chaîne du canal d'Otrante empêche le déploiement en Méditerranée de la Kayserlische und Königsliche Kriegsmarine. Ses principaux cuirassés : le Wien, le Budapest, le Szent-Istvan ou le Viribus-Unistis ont pour mission de protéger et appuyer la progression des troupes le long des côtes adriatiques. Ils sont basés dans des ports difficiles d'accès comme Pola (Pula), Trieste ou Dürres en Albanie.
Afin d'empêcher la marine austro-hongroise de menacer les côtes italiennes, l'amiral Thaon di Ravel, chef de la Regia Marina, la marine royale italienne, décide de frapper la flotte KüK dans ses propres ports où elle se croit à l'abri.
Les chantiers navals de Venise SVAN (Societa Veneziana Automobili Navali) fournissent les premières vedettes armées de torpilles ou Motoscafi Armati Silurante dont l'acronyme est MAS.
La technique d'assaut est soigneusement mise au point : un torpilleur remorque une MAS le plus près possible du port en pleine nuit -en priorité l'hiver, lors de la nouvelle Lune-, la vedette s’approche silencieusement franchissant les obstacles entravant l'accès au port, lance ses deux torpilles et rejoint le torpilleur qui l'attend au large.
Deux officiers de marine vont se rendre célèbres pour ces raids audacieux : le capitaine de corvette Luigi Rizzo qui a à son actif la destruction du cuirassé Wien dans le port de Trieste (MAS 9), le 10 décembre 1917 et du cuirassé Szent-Istvan (MAS 21) le 10 juin 1918. L'autre est Costanzo Ciano, le père de Galeazzo, futur gendre de Mussolini, qui participe avec le poète-condottiere d'Annunzio à la beffa di Buccari (la farce de Buccari). Se défiant de la surveillance du port de Buccari (Bakar sur la côte croate), les trois MAS de Luigi Rizzo (MAS 95), de Ciano (MAS 94) et de d'Annuzio (MAS 96) pénètrent dans la rade, lancent les torpilles qui ne fonctionnent pas, repérés ils doivent se replier précipitamment. Dans un geste de défi, l'ennemissime Gabriele d'Annuzio lance 3 bouteilles à la mer décorées de rubans tricolores avec un message pour les Autrichiens qui avaient mis sa tête à prix. Reprenant l'acronyme MAS, le poète en fait sa devise : Memento Audere Semper, souviens-toi toujours d'oser.
Face à l'audace de ces attaques, les Autrichiens réagissent en renforçant les défenses portuaires. Deux officiers de la marine italienne, le capitaine du génie naval Raffaele Rossetti et le lieutenant-médecin Raffaele Paolucci, projettent la création d'une torpille humaine : la mignatta (sangsue). Ils sont les précurseurs des nageurs de combat. La torpille est longue de 8 m, chargée de 175 kg de tolite avec un système d’horlogerie permettant de retarder l'explosion.
Le cuirassé KüK Szent Istvan coulé le 10 juin 1918 par la MAs 21 de Luigi Rizzo
Lors de la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1918, les deux équipiers embarquent sur une MAS avec la mignatta en remorque. Le port de Pola en vue, la torpille est mise en marche, Rossetti et Paolucci se laissant traîner dans l'eau accrochés à la mignatta, franchissent le barrage de protection et fixent l'engin explosif sous la coque du Viribus-Unitis, navire-amiral de la flotte KüK. Repérés, ils sont hissés à bord et longuement interrogés. Juste quelques instants avant l'explosion, ils annoncent au capitaine de vaisseau Vukovic l'imminence de la destruction du navire. Les hommes d'équipage sont évacués à temps quand retentit la déflagration envoyant le Viribus-Unitis par le fond rejoint peu après par le paquebot Wien.
Les concepteurs
Durant l'entre-deux-guerres, la Regia Marina ne juge pas utile de développer les techniques d’assaut mises au point durant la Grande Guerre. L'ennemi héréditaire autrichien n'a plus d'accès à la mer et les deux puissances navales que sont la Royale Navy et la Marine Nationale en Méditerranée ne sont pas des dangers pour l'Italie de Mussolini depuis la conférence de Stresa.
Mais le déclenchement de la guerre d’Éthiopie va bouleverser l'équilibre naval. En septembre 1935, la Home Fleet passe le détroit de Gibraltar, rejoignant la Mediterranean Fleet pour une démonstration de force:une centaine de navires croisent dans le Mare Nostrum. La marine italienne comprend qu'elle ne peut rivaliser avec la flotte britannique et reprend l'idée qu'avant de l'affronter, la destruction d'une partie des navires dans ses ports ramènerait un équilibre des forces.
Deux ingénieurs officiers du génie naval: Elios Toschi et Teseo Tesei reprennent l'idée de la mignatta tout en l'améliorant. La première torpille automotrice pilotée appelée SLC (Siluro a Lenta Corsa) fabriquée avec des moyens de fortune sort des ateliers de l'arsenal San Bartolomeo de la Spezia en octobre 1935. Testée en présence de l'amiral Falangola, inspecteur de l'arme sous-marine,l'essai est concluant, deux SLC sont commandés à l'arsenal puis deux autres encore, légèrement modifiés.
Les engins d'assaut sous-marins
-Le SLC
La torpille automotrice que les nageurs de combat appellent communément maiale (cochon) mesure dans sa version définitive 7,30 m. et est composée de trois parties distinctes :
-à l'avant: la tête de service, de forme arrondie pour faciliter la navigation, contient 260 kg d'explosifs et est détachable à l'aide d'un collier. La mise à feu est déclenchée par une minuterie.
- le corps central, de forme cylindrique comporte le compartiment équipage pour les deux opérateurs assis en tandem sur deux sièges, les pieds posés sur des étriers. Le pilote-un officier- posté à l'avant dirige la torpille avec les organes de commande et les instruments de contrôle phosphorescents (compas magnétique, montre, voltmètre). Derrière, le second est un sous-officier scaphandrier chargé de fixer la torpille grâce aux outils (serre-joints, coupe-filets...) placés dans un coffre métallique à l'arrière. Le corps central contient la batterie d'accumulateurs fournissant 150 ampères/heure.
-la queue : de forme conique,contient le moteur de propulsion et l'armature où se trouvent le gouvernail et les deux hélices coaxiales à rotation inverse. Par la suite, une unique hélice tripale puis quadrupale sera adoptée.
La vitesse maximale de l'engin est de 3 nœuds pour une autonomie de 10 milles à 2,5 nœuds. Le maiale peut descendre jusqu’à 30 mètres.
Le SLC
-le SSB
Le Siluro San Bartolomeo (ou torpille San Bartolomeo), fabriqué dans les chantiers navals éponymes de la Spezia est un maiale amélioré, plus rapide et plus stable. Les essais effectués en 1943 furent concluants mais l'armistice du 8 septembre ne permit pas la mise au point d'opérations de torpillage.
Les engins de surface
-Le MTM ou barchino esplosivo
Le MTM (pour Motoscafo di Turismo Modificato : canot de tourisme modifié), prévu pour être transporté entre les deux flotteurs d'un hydravion Savoia-Marchetti SM 55 est un petit bateau à fond plat, de 6,11 m et pouvant filer à 31 nœuds. A la proue, une charge d'explosive de 300 kg de tritolital est prévue pour se déclencher à l'impact à la profondeur choisie (variant de 3 à 12 m).
Le pilote dirige l'engin lancé à toute allure vers son objectif , s’éjecte du bateau en utilisant le dossier du siège comme radeau de sauvetage.
-Le MTS ou Motoscafo Turismo Silurante
Descendant des MAS qui s'étaient illustrées durant la Première Guerre Mondiale, le MTS est un canot de tourisme lance-torpilles, doté d'un moteur Alfa-Romeo de 90 CV, atteignant 28 nœuds. Long de 7,15 m, le MTS est armé de deux torpilles placées de part et d'autre du moteur.
-Le MTSM ou Motoscafo Turismo Silurante Modificato
Le MTS ayant montré ses limites, une nouvelle version modifiée et améliorée est livrée à la Decima MAS en avril 1942. L'embarcation mesure 8,30 m et est équipée de deux moteurs Alfa-Romeo lui permettant de filer à 34 nœuds avec une autonomie de 200 milles. Armé d'une seule torpille et de deux grenades antinavire de 50 kg chacune, les MTSM sont manœuvrés par un équipage de deux hommes.
Les moyens de transport et d'approche.
Durant la Première Guerre les mignatte, ces premières torpilles autopropulsées, étaient transportées par des contre-torpilleurs ou par des MAS avant d'être mises à l'eau. Mais ce moyen est facilement repérable et s'avère dangereux. L'état-major de la marine retient comme idée l'emploi de sous-marins transporteurs. Arrimer les SLC sur le pont compromet la stabilité en navigation du submersible et entraîne la dégradation des maiale, le génie naval conçoit alors des cylindres étanches (appelés aussi valises) pouvant en contenir un chacun. Trois cylindres sont disposés sur le pont: deux en poupe, un en proue. Le choix se porte sur deux sous-marins de la classe Adua : le Gondar et le Scirè. Afin d'aménager les « valises », le canon de 100/47 est débarqué ainsi que ses munitions. Dix sous-marins vont être modifiés, outre le Scirè et le Gondar , seuls l'Iride et l'Ambra seront opérationnels.
L'entrée en guerre
De 1936 à 1938, la Regia Marina ne prévoit rien pour organiser et structurer la division navale des moyens d'assaut spéciaux. Avec la création de la 1a Flottiglia MAS en 1938, une nouvelle impulsion est donnée grâce aux talents d'organisateur de son chef, le capitaine de frégate Paolo Aloisi. Faisant appel au volontariat et après une sélection très stricte, les équipes d'assaut sont formées et entraînées à La Spezia pour les MTM et à Bocca del Secchio pour les SLC avec comme objectif l'obtention du brevet de sommozzatore (homme-grenouille) après une formation des plus rigoureuses.
L'équipement personnel pour les nageurs de combat n'est pas laissé au hasard: la firme de pneumatiques Pirelli fournit l'appareillage respiratoire ARO (AutoRespiratore ad Ossigeno)m.49/bis , à oxygène pur recyclé dans un filtre à chaux qui le purifie et le renvoie dans le circuit fermé pour éviter les bulles d'air à la surface de l'eau. Le masque de plongée est à deux vitres.
La montre de plongée est la Radiomir fabriquée par Panarei, le cadran phosphorescent contient du radium, remplacé par la suite par du tritium, appelée Luminor.
Lors de l'entrée en guerre de l'Italie, le 10 juin 1940, la 1ere flottille MAS passe sous le commandement du capitaine de frégate Mario Giorgini, succédant à Paolo Aloisi. Il entreprend l'étude de projets d'attaques des bases navales anglaises en Méditerranée.
L'attaque d'Alexandrie
Le 10 août 1940, l'amiral Cavagni, chef d'état-major de la marine italienne ordonne l'attaque du port d'Alexandrie: la mission GA.
GA 1: le 22 août 1940
Le 12 août 1940, le sous-marin Iride appareille de La Spezia, avec à son bord, outre l'équipage aux ordres du lieutenant de vaisseau Francesco Brunetti, les membres de l'opération GA 1. Le submersible se dirige vers le golfe de la Bomba en Cyrénaique où l'attend le torpilleur Calipso chargé de lui remettre les SLC, en compagnie du mouilleur de mines Monte Gargano. Le 21 août, vers 9h00, le sous-marin se met à couple avec le torpilleur lorsque de bombardiers de la RAF de retour d'un raid remarquent la présence insolite des navires italiens.
Le lendemain matin, à 7h00, un avion de reconnaissance survole la flottille alors que l'Iride est en train de prendre en charge les SLC. Peu après trois Swordfish provenant du porte-avion Eagle larguent leurs torpilles. L'Iride coule instantanément, coupé en deux. Le Monte Gargano le rejoint juste après. Douze membres d'équipage rejoignent à la nage le Calipso mais deux d'entre eux se font mitrailler. Parmi les rescapés il y l'équipe des opérateurs dont Luigi Durand de la Penne, Elios Toschi et Teseo Tesei. Ils plongent en apnée à 18 m de profondeur et rentrent en contact avec les survivants de l'Iride. Les neuf hommes sont bloqués à l'arrière, dans le compartiment torpilles. En fin d'après-midi, les plongeurs perçoivent les appareils respiratoires et se mettent au travail pour dégager les malheureux prisonniers de l'épave. Les secours sont interrompus par la nuit, dans la carcasse du submersible les deux officiers tentent de forcer la porte étanche. Ils seront retrouvés morts noyés le lendemain matin après que les équipes de secours aient pu forcer le sabord. Les sept survivants sont ramenés à l'air libre mais deux d'entre eux périront d'embolie.
Cette échec ne remet pas en cause la décision de renouveler une opération de sabotage.
GA 2 : le 30 septembre 1940
C'est le commandant de la 1ere Flottille MAS, le capitaine de frégate Mario Giorgini qui se charge en personne des opérations. Le sous-marin choisi pour cette nouvelle action sur Alexandrie est le Gondar , modifié pour pouvoir transporter les SLC. Son commandant est le lieutenant de vaisseau Brunetti qui dirigeait auparavant l'Iride.
Le 21 septembre 1940, le Gondar quitte la Spezia, et se rend à Messine afin de prendre à son bord le capitaine Giorgini et six opérateurs dont Elios Toschi. Appareillant le 24 septembre, le submersible se dirige sur Alexandrie lorsque ses hydrophones détectent dans la nuit su 28 au 29 septembre la présence de trois navires. Supermarina avise Brunetti de rejoindre Tobrouk car l'escadre d'Alexandrie a pris la mer pour un transport sur Malte. Le contre-torpilleur australien Stuart repère le Gondar qui plonge à 80m. Un cinquante de grenades sous-marines sont lâchées ayant pour effet d'endommager le submersible. Le Stuart reçoit le soutien d'une corvette anglaise et du contre-torpilleur Diamond et d'un Short Sunderland. Le lendemain matin, Brunetti décide de remonter à la surface pour sauver l'équipage et émerge à 8h30 avant de saborder son navire.
L’échec est d'autant plus cuisant que c'est une équipe d'opérateurs expérimentée avec notamment Elios Toschi à être capturée. Encore plus grave, le Sunderland a pris des clichés du Gondar et de ses cylindres, attirant l'attention des services secrets britanniques.
Le capitaine de frégate Vittorio Moccagatti est désigné pour succéder à Giorgini et change le nom de l'unité en Decima Flottiglia MAS ou Xa MAS, référence à la Xe Légion de César. Moccagatti trouvera la mort lors de l'assaut sur Malte le 26 juillet 1941 ainsi que Teseo Tesei . Le capitaine de frégate Junio Valerio Borghese prend le commandement par intérim de la Xa MAS.
Après l'attaque du port de Tarente le 11 novembre 1940 et la victoire du cap Matapan, le 28 mars 1941, l'équilibre des forces navales en Méditerranée penche en faveur de la Royal Navy. Cependant, au cours de l'année 1941, la flotte britannique commence à essuyer des pertes importantes : le HMS Nelson est endommagé par les avions-torpilleurs SM-84 du 36e Gruppo, le HMS Ark Royal est coulé le 13 novembre 1941 par l'U-81 du lieutenant de vaisseau Gugenberg et le HMS Barham connaît le même sort, torpillé par l'U-331 du lieutenant de vaisseau von Tiesenhausen.
Le scirè
Les deux derniers cuirassés de la Mediterranean Fleet : le HMS Valiant et le HMS Queen Elizabeth
ont pour consigne de ne pas quitter la rade d'Alexandrie.
GA3: le 19 décembre 1941, la grande victoire
Après l'intérim de Borghese, un nouveau commandant est à la tête de la Xa MAS : le capitaine de frégate Ernesto Forza. Un plan minutieux est mis au point par les deux hommes pour forcer le port égyptien.
Trois équipes d'opérateurs sont mises sur pied, des équipages expérimentés et bien entraînés, avec un équipement de plongé méticuleusement préparé. Il s'agit des SLC suivantes :
221 : lieutenant de vaisseau Luigi Durand de la Penne / chef scaphandrier Emilio Bianchi ;
222 : capitaine des armes navales Vincenzo Martelotta / chef scaphandrier Mario Marino ;
223 : capitaine du génie naval Antonio Marceglia / sous-chef scaphandrier Spartaco Schergat.
Deux équipes de réserve sont prévues en cas de défaillance.
Le sous-marin choisi pour cette mission est le Scirè commandé par Borghese. Il quitte la rade de la Spezia le 3 décembre 1941. Durant la nuit, un chaland s'arrime au submersible pour transborder les trois SLC ainsi que les opérateurs. Le 9 décembre, le Scirè accoste sur l’île de Léros, dans une crique discrète, à l’abri des regards afin d'effectuer les dernières mises au point.
Le 13 décembre, le sous-marin repart direction Alexandrie. Dans la nuit du 18 au 19, les trois SLC avec leur équipage respectif quittent le submersible : l'opération de sabotage peut commencer.
Les maiale profitent de l'opportunité de l'ouverture du barrage protégeant l'accès à la rade pour s'engouffrer dans le sillage de trois destroyers britanniques rentrant au port.
Le SLC 221 (de la Penne/Bianchi) se faufile parmi les navires de guerre français internés lors de l'armistice de 1940 pour s'approcher de sa cible : le HMS Valiant. Durant de la Penne ayant perdu son second réussit avec beaucoup de peine à placer la charge explosive sous la quille du navire. Remontant à la surface, il est cueilli par une rafale de fusil-mitrailleur et capturé. Il retrouve son équipier, Emilio Bianchi, contraint d'émerger en raison du dysfonctionnement de son appareil respiratoire. Interrogés, ils refusent de dévoiler l'emplacement de la charge et son enfermés à fond de cale. Dix minutes avant le déclenchement de l'explosion, de la Penne demande à parler au commandant du navire, le capitaine de vaisseau Charles Morgan, et lui annonce l'imminence de la déflagration. Il fait évacuer le cuirassé quand vers 6h30 retentit l'explosion, provoquant une déchirure de 25 m sous la coque. Le navire gîte sur bâbord, il restera immobilisé de longs mois.
Pendant ce temps, le SLC 223 de l'équipage Marceglia/Schergat se dirige vers sa cible : le HMS Queen Elizabeth. Les opérateurs fixent la charge sous la quille et remontent à la surface. Ils abandonnent le SLC qu'ils coulent avec leurs appareils respiratoires. Le cuirassé explose à 6H25, il ne pourra plus reprendre la mer. Quant à Marceglia et Schergat, se faisant passer pour des marins français, ils arrivent à rejoindre la Rosette où ils se feront arrêter par la police égyptienne dont l'attention a été attirée par l'argent en possession des opérateurs. Les services secrets italiens (SIM) n'ont pas jugé utile de leur signaler que la livre anglaise n'est plus en circulation en Égypte.
Quant à l'équipage du dernier SLC, le 222 de Martellotta et Marino, après avoir décidé de placer la charge explosive sous un croiseur léger, il décide de la placer sous le pétrolier norvégien Sagona. L'explosion endommage le contre-torpilleur Jervis amarré à couple du pétrolier. Les deux opérateurs sont capturés peu après.
Le Scirè retrouve son port d'attache le 29 décembre 1941.
Six hommes déterminés ont réussit un exploit retentissant en détruisant et immobilisant deux cuirassés, faisant basculer la suprématie navale dans le camp italien. Cependant, Supermarina n'a pas profité de cette occasion pour exploiter son avantage numérique. Tous les opérateurs seront décorés de la Medaglia d'Oro al Valore Militare. C'est Charles Morgan en personne qui accrochera la médaille à Durant de la Penne, libéré après l'armistice du 8 septembre 1943. Il rejoindra Mariassalto, l'unité des nageurs de combat et des moyens d'assaut navals de l'Italie cobelligérante.
GA 4 : 14 mai 1942
Malte étant devenu l'objectif des raids de la Regia Aeronautica et de la Luftwaffe, la Navy décide de transférer plusieurs navires à Alexandrie pour les mettre en sécurité. Supermarina met au point un nouveau plan de sabotage, malgré les précautions prises par les Anglais depuis l'attaque du 18 décembre 1941. Trois équipages de SLC, après une période d’entraînement intensif embarquent le 12 mai, à Leros à bord du sous-marin Ambra commandé par le lieutenant de vaisseau Mario Arillo.
Durant la nuit du 14 mai, les maiali sortent de leurs cylindres mais le courant a faussé la position du submersible qui se retrouve éloigné de l'entrée du port. Ayant perdu leur orientation, les équipages coulent leur SLC puis rejoignent à la nage la côte où ils seront capturés.
Gibraltar : la base secrète de la Xa MAS aux portes du Rocher
A l'instar d'Alexandrie, le port de Gibraltar est un objectif prioritaire pour l'état-major de la Xa MAS qui va y consacrer d'importants moyens. Une attaque simultanée des deux ports est mise au point, dès septembre 1940. Le deuxième assaut sur Alexandrie est un échec retentissant avec la destruction du Gondar et la capture des opérateurs, le 30 septembre 1940. L'autre opération sur Gibraltar BG 1 débute le 24 septembre 1940.
BG 1 : le 29 septembre 1940.
Pour cette première attaque sur Gibraltar, le transport des SLC est effectué par le sous-marin Scirè commandé par le capitaine de corvette Borghese. S'approchant à 50 milles du Rocher, il reçoit l'ordre de Supermarina de faire demi-tour, l'escadre anglaise, la force H, ayant quitté Gibraltar pour un convoyage sur Malte.
BG 2 : le 30 octobre 1940
Le 21 octobre 1940, le Scirè repart de la Spezia avec trois SLC et les mêmes opérateurs de la mission précédente. Ils forment les équipes suivantes :
-SLC 1 : lieutenant de vaisseau Gino Birindelli/chef scaphandrier Damos Paccagnini ;
-SLC 2 : lieutenant de vaisseau Durand de la Penne/scaphandrier Emilio Bianchi ;
-SLC 3 : capitaine du génie naval Teseo Tesei/sergent scaphandrier Alcide Pedretti.
Il y a à bord une équipe de réserve.
Le 29 septembre, le submersible réussit à déjouer la surveillance de deux contre-torpilleurs et passe le détroit de Gibraltar. Le 30 septembre, à 2H20, les trois maiali quittent leurs cylindres pour accomplir la mission de sabotage. Rapidement, le SLC de Tesei connaît des problèmes techniques et son pilote des soucis avec son appareil respiratoire. Le maiale est abandonné, il poursuit sa route et finit par s'échouer sur une plage de la Linea, en territoire neutre. Le SLC de Durant de la Penne connaît lui aussi des problèmes techniques et est coulé. Le dernier SLC de l'équipe Birindelli/Paccagnini a une avarie de moteur à 70 m du cuirassé HMS Barham. Paccagnini est obligé de remonter à la surface, n'ayant plus d'oxygène et Birindelli essaie de relancer le moteur sans succès. Il décide de faire sauter sous l'eau la charge explosive et s'éloigne à la nage. Capturé par la police maritime anglaise avec Paccagnini, il refuse de dévoiler sa mission. Mais pour l'amirauté de Gibraltar, il ne fait aucun doute que la rade n'est plus à l'abri d'un raid italien. Quant aux quatre autres opérateurs, ils réussissent à regagner la mère-patrie avec l'aide d'agents des services secrets italiens (SIM, Servizio Informazione Militare) infiltrés en Espagne.
BG 3 : 25/26 mai 1941
Un nouvelle tentative du forcement du port de Gibraltar est étudiée par l'état-major de la Xa MAS. Même si les deux précédentes s'étaient soldées par un échec, plusieurs leçons en avaient été tirées : les appareils respiratoires ne sont pas au point ainsi que les SLC . Le voyage en sous-marin des équipes d'opérateurs provoquait une fatigue inutile. Un pétrolier, le Fulgor, avait été interné à Cadix, lors du déclenchement des hostilités. Aménagé pour recevoir du matériel et des hommes de la Xa MAS, le navire va servir de relais pour une nouvelle opération. Quatre opérateurs envoyés d'Italie par avion rejoignent le Fulgor le 14 mai 1940, alors que le sous-marin choisi pour cette action , le Scirè du commandant Borghese, appareille de la Spezia le15 mai.
Ayant forcé le détroit, il rentre dans le port de Cadix, remonte le fleuve Guadalete et se met à couple du Fulgor. Après avoir embarqué les opérateurs et l'équipe de réserve, l'opération peut commencer.
Si à ce moment tout se déroulait selon le plan prévu, une série d'imprévus allait faire échouer la mission.
A 23H30, un message de Supermarina prévient l'équipage que le gros des forces navales a quitté Gibraltar, il faudra se contenter de navires de moindre intérêt. Puis le SLC 120 de l'équipage Vesco/Marceglia ne veut pas démarrer dès sa sortie du cylindre et doit être abandonné. Les opérateurs grimpent sur les deux autres maiali comme troisième homme,Vesco sur le SLC 160 de Visentini/ Magro et Marceglia sur le SLC 130 de Cataneo/Giannoni. A nouveau les appareils respiratoires provoquent des malaises, les maiali sont perdus.
A la nage, entraînés par un fort courant, les six hommes réussissent à prendre pied sur une plage espagnole pour pouvoir être exfiltrés.
Il faudra attendre la fin de l'été, quand les jours raccourcissent pour mettre au point une nouvelle opération.
BG 4 : 18 septembre 1941
Cette nouvelle entreprise sur Gibraltar se déroule de la même manière que BG 3. Huit opérateurs s'envolent pour rejoindre Cadix et le Fulgor. Ils forment les équipes suivantes :
-SLC 140 : lieutenant de vaisseau Decio Catalano/sous-chef scaphandrier Giuseppe Giannoni ;
-SLC 210 : lieutenant de vaisseau Amedeo Vesco/sous-chef scaphandrier Antonio Zozzoli ;
-SLC 220 : lieutenant de vaisseau Licio Visentini/sous-chef scaphandrier Giovanni Magro.
L'équipe de réserve est composée du capitaine du génie naval Antonio Marceglia et du sous-chef scaphandrier Spartaco Schergat.
Le Scirè chargéde ses SLC part de la Spezia le 10 septembre 1940. une fois passé le détroit de Gibraltar, il fait route vers Cadix pour rejoindre le Fulgor, le 18 septembre. Les opérateurs embarquent le 20 septembre,et à 1 heure du matin, quittent le Scirè à bord des SLC. L'équipage du SLC 140 remarque un navire dans la rade, accroche la tête explosive quand Catalano se rend compte qu'il s'agit d'un navire italien interné. La charge est démonté et replacée sous un navire voisin, le Durham. Les deux hommes coulent le maiale et rejoignent à la nage la côte espagnole. Le navire armé Durham explose à 9H16. Pour les opérateurs du SLC 210, Vesco et Zozzoli, leur proie est le pétrolier Fiona Shell. Ils placent la charge, coulent le SLC et rejoignent eux aussi la côte ibérique. Arrêtés par la police espagnole, ils sont relâchés peu après. Quant aux dernier équipage, le SLC 220 (Visentini/Magro), il a pour mission de saboter le porte-avions Ark-Royal. Après avoir perdu du temps à échapper aux patrouilles du port, il n'a plus d'autre choix que de changer de cible. Le pétrolier Denbydale fera l'affaire, et à 8H43, une explosion l'envoie par le fond. L'opération cette fois-ci a réussi et est un véritable succès. Les opérateurs rejoignent l'Italie, accueillis en héros et décorés de la Medaglia d'Argento al Valore Militare.
La Decima MAS
10 juin 1940 - 8 septembre 1943
La Sude, Malte, Gibraltar, les nageurs de combat et les MAS en URSS
RAPPEL
Vittorio Moccagatti, le tout nouveau chef de la 1a Flottiglia MAS transforme le nom de l'unité en Decima Mas (Xa MAS) le 15 mars 1941. Les précédentes tentatives d'intrusion des ports d'Alexandrie et de Gibraltar n'ont pas abouti, les S.L.C. (les torpilles automotrices appelées maiali) ont montré certains dysfonctionnements et doivent faire l'objet d'une mise au point.
En attendant, alors que les ports qui ont été visés font l'objet d'une surveillance accrue par la Royal Navy, un nouveau plan d'attaque est mis au point sur d'autres objectifs: Malte et les îles grecques de la mer Egée, avec l'aide des MTM ( Motoscafo di Turismo Modificato) ou barchini esplosivi,canots à moteur contenant une charge explosive.
26 mars 1941: le raid sur la Sude
L'Italie a attaqué la Grèce le 28 octobre 1940 et la situation des troupes italiennes est critique.
La Grande-Bretagne a aussitôt dépêché des hommes, du matériel et des navires pour venir à l'aide au royaume hellénique. Les mouillages en eaux profondes en Crète permettent à la Royal Navy de menacer les possessions italiennes du Dédocanèse. Ainsi, le 25 février 1941, les Anglais entreprennent la conquête de l’île de Castellorizo (ou Castelrosso), tremplin pour une future conquête de Rhodes. Partie de la Sude, en Crète (opération Abstention), la flottille anglaise échouera en raison de la contre-attaque italienne inattendue.
L’île de Leros a été choisie pour devenir la base d’entraînement des MTM sous l'égide du tenente di vascello Luigi Faggioni. Une action ne peut être envisagée que si les conditions météorologiques sont favorables, les barchini ne pouvant pas opérer par mer agitée. Le 23 mars, une reconnaissance aérienne au-dessus de la Sude a repéré une concentration de navires de guerre. Les MTM sont transportés par six, trois de chaque bord sur les contre-torpilleurs Crispi et Sella qui avaient participé à la reconquête de Castelrosso. Équipés de grues électriques pour la mise à l'eau des MTM, les navires peuvent arriver près des côtes crétoises en six heures. Ils appareillent de l'île de Stampalia dans l'après-midi du 25 mars, avec à leurs bords huit MTM ainsi que les pilotes. Seuls six barchini seront utilisés pour le raid avec les équipages suivant : le tenente di vascello Faggioni, le sottotenente di vascello Angelo Cabrini, le capo meccanico di seconda classe Alessio de Vito, le capo meccanico di terza classe Tullio Tedeschi, le secondo capo meccanico Lino Beccati et le sergente cannoniere Emilio Barberi.
A 23 h 41, les MTM sont à flot et se dirigent vers la côte. En file indienne, moteur au ralenti afin d'éviter de se faire repérer, les six canots franchissent la première barrière de protection, sur la seconde, Barberi s'empêtre mais le franchissement est effectué vers 2h45, le troisième vers 4h30 en contournant l'île de la Sude par une brèche entre une bouée et la côte. A 5h00 du matin, alors que l'aube commence à poindre, les objectifs sont assignés: le croiseur HMS York pour Cabrini et Tedeschi, le pétrolier Pericles pour Beccati. Le York touché, Faggioni décide de l'achever mais en voyant le croiseur Coventry, il dirige son MTM sur le navire qui est en train de filer. Faggioni rate sa cible, le canot n'étant pas prévu pour attaquer une cible en mouvement.
Tous les pilotes sont miraculeusement en vie, les MTM de Barberi et de Vito n'ont pas explosé. Un canot est récupéré et les anglais tentent de le désamorcer mais la charge explose, blessant grièvement le démineur.
Le York est irrémédiablement perdu, le Péricles sera coulé alors qu'il se dirigeait vers Alexandrie pour être réparé.
Les six membres de l'expédition finiront la guerre dans les geôles de sa gracieuse Majesté.
Malte : missions impossibles
Le raid Malta 2
Le succès de la Sude a montré que les MTM peuvent surprendre à tout moment les navires de la Royal Navy en mouillage et leur infliger de graves dommages. Le capitaine de corvette Moccagatta présente à Supermarina un plan ambitieux d'attaque du port de La Vallette: c'est l'opération Malta 1.
La mission prévoit l’utilisation des MTM remorqués par deux vedettes : les MAS 451 et 452. Celles-ci sont envoyées en reconnaissance le 26 mai, en prévision du forcement du port le 28 mai. Finalement l'opération est annulée en raison du mauvais temps. Une nouvelle tentative est prévue le 30 juin, une armada composée des deux MAS remorquant deux MTM quitte le port sicilien d'Augusta. En cours de route, un barchino commence à prendre de l'eau, un autre est perdu. L'opération a pris un retard important et une arrivée à Malte à l'aube annule les espoirs de succès. Il n'y a pas d'autre solution que de retourner à la base.
Très vite, une nouvelle tentative est mise au point par Vittorio Moccagatta: l'ordine di operazione n°5/A.
Les participants à l'opération Malta 2, ainsi que leurs objectifs sont :
-l'aviso Regia Nave Diana commandé par le capitano di corvetta Mario di Muro avec à bord l'équipe d'opérateurs, neuf MTM, un MTS et un MTL en remorque:
-MTM 1: s/tv Carlo Bosio qui doit conduire l'assaut ;
-MTM 2: s/tv Roberto Frassetto, avec pour objectif le pont-tournant de Sant'Elmo en cas d'échec du SLC n°1 ;
-MTM 3 : s/tn armi navali Arsitide Carabelli , même objectif que le MTM 2 en cas d'échec
-MTM 4 : capo signalatore Vittorio Marchisio : objectif un navire au mouillage
-MTM 5 : 2° capo cannoniere Vincenzo Montanari : objectif identique
-MTM 6 : 2° capo meccanico Alessandro Follieri, idem
-MTM 7 : 2° capo IEF Enrico Pedrini, idem
-MTM 8 : capo Pietro Zaniboni, idem
-MTM 9 : capo Meccanico Fiorenzo Capriotti,en couverture si présence d'un navire ennemi.
-un MTL du tv Franco Costa remorqué par l'aviso Diana avec à bord deux SLC, largués au point A :
-SLC 1: équipage tv Teseo Tesei/capo palombaro Alcide Pedretti chargé de détruire les obstacles barrant l'accès sous le pont-tournant Saint'Elmo à 04h30 ;
-SLC 2: équipage s/tv Francesco Costa/capo palombaro Luigi Barla chargé de détruire un sous-marin au mouillage dans la rade de Marsa Muscetto.
-un MTS commandé par le capitano di corvetta Giobbe qui doit guider les MTM sur leur objectif et récupérer les pilotes après leur éjection .
-MAS 451 du st/v Giorgio Sciolette avec douze hommes d'équipage.
Il doit remorquer le MTL du point C au point B.
-MAS 452 du tv Gian Battista Parodi avec à bord le chef de l'expédition le capitano di fregata Vittorio Moccagatti et le capitaine médecin Bruno Folcamata. Il est chargé de guider la formation du point C au point B et prendre en remorque le MTS un fois l'opération terminée.
Les MTM sont programmés pour exploser sous la surface de l'eau à – 5 mètres.
Supermarina demande le concours de Superaereo pour effectuer trois bombardements de diversion sur Malte et d'assurer la couverture aérienne de la flottille lors du retour, une fois la mission terminée.
L'opération débute le 25 juillet 1941, les conditions climatiques sont favorables pour une action sur Malte. L'aviso Diana avec son chargement quitte la base sicilienne d'Augusta à 20h00.
A 22h43, au point C, le Diana largue le MTL en remorque mais le câble s'accroche à l'hélice du MAS 451et commence une série d'ennuis provoquant un retard fatal à l'opération. Les neuf MTM sont mis à l'eau et se mettent en formation derrière le MTS de Giobbe. Le MAS 452 ouvre la route jusqu'au point B.
01h35, un projecteur de la Valette s'allume puis s'éteint.
01h40, le même projecteur se rallume et s'éteint à nouveau.
02h00, les neuf barchini esplosivi se dirigent sous la conduite du MTS du point B au point A à 1000 mètres du pont-tournant de Sant'Elmo.
03h00, les deux SLC sont mis à l'eau du MTS pour se diriger vers le pont-tournant, le maiale de Costa a une avarie sur la pompe d'assiette. Teseo Tesei vient à l'aide pour faire le démarrer.
03h45, le SLC 1 part vers son objectif mais a pris du retard en raison de la réparation effectuée sur l'autre torpille autopropulsée.
04h30, à l'heure à laquelle Tesei aurait du faire sauter sa charge explosive, une explosion retentit attribuée à tort au SLC 1.
04h45, Teseo Tesei et son second Alcide Pedretti se font sauter sur le filet de protection du pont-tournant pour ne pas retarder le cours de la mission.
Les MTM démarrent, Bosio en tête. Le MTM 2 de Frassetto se lance sur les obstructions causées par l'affaissement du pont mais n'explose pas. Le MTM 3 de Carabelli s'élance à son tour, le pilote-kamikaze ne s'éjecte pas et l'impact du barchino fait affaisser la travée supérieure du pont, obstruant complètement le passage aux autres MTM.
MAS 451, attaqué par les Hurricane. La mitrailleuse de bord en abattra un avant de prendre feu.
Dès cet instant, les batteries des forts de Sant'Elmo, Ricagni et Tigne ouvrent le feu, quadrillant systématiquement la zone éclairée par de puissants projecteurs. Les MTM 4 et 6 sont touchés et coulent, les 7 et 8 sont sabordés par leurs pilotes. Le chef de groupe Bosio est mortellement atteint par l'explosion de son MTM, Capriotti (MTM 9) , blessé, saute à l'eau et est secouru par son camarade Marchisio qui l'aide à nager jusqu'à la terre ferme. Le SLC 2 de Costa/Barla, avarié est coulé et l'équipage capturé.
Le capitaine Giobbe à bord du MTS assiste impuissant à la destruction des barchini esplosivi, sans pouvoir porter assistance aux malheureux opérateurs et rejoint le MAS 452. Le MTS est attelé en remorque au MAS et l'équipage monte à bord, attendu par le capitaine Moccagatta.
A 06h20, alors que l'aube commence à poindre, une trentaine de Hurricane des 126. Squ. et 185. Squ. ont décollé des aérodromes de Hal Far et Luqa. Ils mitraillent le MAS 452, tuant Moccagatta, le capitaine-médecin Falcomatà, le capitaine Giobbe et une partie de l'équipage. Les rescapés montent à bord du MTS pour rejoindre l'aviso Diana.
Une dizaine de Macchi MC-200 du 54° Stormo, basé à Comiso en Sicile sont chargés d'assurer la sécurité de la flottille sur le chemin du retour. Ils affrontent les avions britanniques, les Italiens revendiquent trois victoires et deux pertes alors que l'ennemi affirme avoir abattu trois appareils pour une seule perte.
C'est au tour du MAS 451 d'être la cible des Hurricane, la mitrailleuse de bord réussit à en descendre un, mais la vedette prend feu et l'équipage saute à l'eau. Il sera récupéré à bord d'un navire anglais.
Cette expédition est un fiasco: deux MAS, huit MTM et un MTL de perdus et surtout un désastre au plan humain: 18 Italiens capturés, 15 morts dont le chef de la Xa MAS Vittorio Moccagatta ou Teseo Tesei, le concepteur des SLC.
L'explication de cette échec ne sera connu qu'après la guerre, un radar avait repéré l'armada depuis 22h30.
Junio Borghese prend le commandement de la Decima Mas, gardant le contrôle du département sous-marin.
Le capitano di corvetta Salvatore Todaro est nommé au département des unités de surface. Todaro avait commandé le sous-marin Cappellini , basé à Betasom (la base des sous-marins italiens de l'Atlantique, à Bordeaux). Il avait arraisonné des cargos comme le au canons et embarqué les équipages capturés avant de les déposer dans des ports neutres.
Tentatives d'infiltration
La Regia Marina ayant besoin de détails précis en prévision de l'assaut sur Malte (opération E.C3 ou Herkules pour les Allemands) demande à GeneralMas, l'inspection générale des MAS, de mener une mission de reconnaissance (EM 110) et une autre pour déposer un agent sur l’île (EM 111).
Le 17 mai 1942, le torpilleur Abba avec les MAS 214 et 218 doivent accompagner le MTSM 218 qui a à son bord le sotto capo Giuseppe Guglielmo. Sa tâche est de débarquer à Marsa Scala durant la nuit, de prendre des notes sur les fortifications et de retourner à la nage au MTSM. A l'aube, après avoir effectué les croquis de la côte, il nage en vain pour retrouver le canot. Épuisé, il met pied à terre et est capturé par une patrouille britannique.
L'autre opérateur est à bord du MTSM 214. Ses papiers sont au nom du sous-lieutenant Caio Borghi. Il a pour mission, une fois débarqué, de transmettre des informations grâce à un émetteur. Il accoste sur l’île qu'il connaît bien. Sa véritable identité est Carmelo Borg Pisani, un irrédentiste maltais. Il escalade une paroi rocheuse et trouve refuge dans une grotte. Les vagues lui arrachent son équipement, il perd son arme. Repéré par les Anglais, reconnu il sera condamné à la pendaison pour espionnage le 28 novembre 1942.
Les nageurs de combat GAMMA
Les précurseurs: les Caïmans du Piave
Durant la Grande Guerre, une unité spéciale d'Arditi, les troupes de choc italiennes, est créée afin de mener des actions de sabotage ou de reconnaissance derrière les lignes ennemies. La rivière Piave étant la ligne de front depuis la défaite de Caporetto, il faut donc trouver des nageurs expérimentés, qui seront entraînés aux combats à main nue ou à l'arme blanche. Cette unité prend le nom de Caïmans du Piave. En maillot de bain, le corps enduit de graisse pour les protéger du froid, barbouillés de noir et armés d'un poignard, ils opèrent de nuit. Ils préfigurent les premiers nageurs de combat.
L'école de plongeurs de San Leopoldo
L’État-major de la Regia Marina décide de constituer une section «armes spéciales» à l'Académie Navale de Livourne. Son siège est dans le lazaret de San Leopoldo. L'école de plongeurs est dirigée par le capitano di fregata Ernesto Forza. La section expérimentale chargée de l'étude et de la mise au point des tenues et appareils de plongée est sous l'autorité du tenente di vascello Angelo Belloni, concepteur d'une tenue novatrice, adaptée pour le libre mouvement des plongeurs, qui porte son nom. C'est un personnage singulier, durant la Première Guerre Mondiale, commandant d'un sous-marin, il déroute le sien pour attaquer des navires de la marine austro-hongroise alors que l'Italie n'est pas encore entrée en guerre. Il se présente aux autorités françaises d'Ajaccio pour se mettre à la disposition de la Marine Nationale. Le submersible est renvoyé en Italie et Belloni doit passer devant le conseil de guerre mais le début des hostilités annule le procès.
Les volontaires triés sur le volet apprennent l'usage de l'autorespiratore ARO mis au point par la firme Pirelli ainsi qu'une technique surprenante d'approche: la marche sur le fond marin au moyen de chaussures lestées de plomb. Un jeune officier, le tenente di vascello Eugenio Wolk est chargé d’entraîner ces «marcheurs des fonds marins». Ce fils d'immigrés russes, arrivés en Italie après la révolution bolchevique, est un nageur de compétition. Après un passage dans l'arme sous-marine, il obtient tout naturellement sa mutation dans cette section spéciale.
Rapidement, il se rend compte que la technique de marche sous l'eau est inefficace. En allégeant la tenue de plongée et équipant le nageur de palmes innovantes, il invente le concept d'homme-grenouille. C'est ainsi qu'est créée l’unité Gamma (G pour guastatore, sapeur). Les opérateurs disposent de charges explosives appelées cimice (punaises) et mignatte (sangsues) d'un poids variant de 2 kg à 3 kg, adhérant à la coque par coussin d'air. Les bauletti esplosivi (mallettes explosives) sont plus lourdes : 4,5 kg et disposent d'une minuterie déclenchée lorsque le navire atteint une vitesse programmée.
Les bases secrètes de Gibraltar
Opérations GG 1 et GG 2
Depuis le succès du 18 septembre 1941 (opération BG4), le Rocher n'avait plus subi d'attaques de la Decima MAS, la surveillance renforcée du port interdit toute nouvelle incursion des SLC. Mais Gibraltar reste la cible privilégiée de la Decima. Un technicien est envoyé en Espagne: Antonio Ramognino, son épouse Conchita est espagnole et sous ce couvert, il loue une villa près de la Punta Maiorca: la villa Carmela. Cette habitation va devenir un excellent point d'observation secret de la Decima MAS. Située à 4 km du Rocher, cette distance à la nage n'est pas un obstacle pour les nageurs Gamma.
Le bateau-citerne Olterra, repéré par Ramognino, est un navire interné à la déclaration de guerre qui avait été sabordé puis remorqué et renfloué dans le port d'Algésiras. L'équipage est remplacé au fur et à mesure par des hommes de la Decima. Le tv Lucio Visentini, qui avait mené l'opération BG 4 ( voir Histomag 44 n° 77), conçoit une véritable base secrète, avec un atelier de montage des SLC qui arrivent d'Italie en pièces détachées, une piscine pour les essais et une ouverture discrète pour la mise à l'eau. C'est un véritable «cheval de Troie» pour Gibraltar.
La première action (GG 1) des Gamma se déroule durant la nuit du 13 au 14 juillet 1942, douze nageurs (dont Alessandro Bianchini) commandés par le tenente di vascello Straulino quittent discrètement la villa Carmela, en tenue de plongée pour rejoindre à la nage la rade. Ils choisissent chacun un navire mais seules quatre cimice explosent, car le système de mise à feu n'est pas encore au point. Quatre navires sont coulés: le Meta (1575 tx), le Shuma (1484 tx), l'Empire Snipe (2497tx) et le Baron Douglas (3899 tx). Sept Gamma manquent à l'appel, capturés par les carabiniers espagnols et internés dans un hôtel de Cadix, et libérés par les soins du consulat italien d'Algésiras. Les autres retournent sains et saufs à la Villa Carmela, Bianchini se faisant passer pour un marin civil après avoir marché pendant 16 km, alors que le tv Straulino a été blessé par le heurt de l'hélice d'une vedette anglaise et un autre Gamma victime d'une commotion cérébrale due à l'explosion d'une grenade sous-marine.
Un seconde opération est menée le 14 septembre 1942 -GG 2-, le mode opératoire est identique que le précédent: trois Gamma quittent la villa Carmela, nagent jusqu'à la rade et coulent le Ravens Point (1787 tx).
L'escadrille de la Grande Ourse et les dernières attaques sur Gibraltar
Le tv Licio Visentini aime à rappeler à ses hommes que c'est la Grande Ourse qui montre le chemin du retour du Rocher, après la guerre, on donnera le nom «d'escadrille de la Grande Ourse» à son groupe. Le 6 décembre 1942, de son poste d'observation de l'Olterra, Visentini voit arriver dans le port de Gibraltar les navires HMS Nelson, HMS Formidable et HMS Furious. L'opération BG 5 est aussitôt mise en place: trois SLC quitteront l'Olterra dès le lendemain soir pour un nouvel assaut. Il s'agit des SLC conduits par les équipages Visentini-Magro (le même binôme lors de BG 4, le 18 septembre 1941), Manisco-Varini et Cella-Leone. Les Anglais, redoutant une nouvelle incursion procèdent régulièrement à des largages de grenades sous-marines. Une d'elles déchiquette Visentini et Magro. Le deuxième équipage Manisco-Varini est capturé et le troisième décide de retourner à l'Olterra. Durant le trajet, Leone disparaît et Cella est l'unique survivant. Malgré cet échec, le secret de l'Olterra n'est pas percé, la Navy annonce dans un bulletin de guerre que les SLC provenaient du sous-marin Ambra. Les corps de Visentini et Magro seront retrouvés plus tard par les Anglais qui leur rendront les honneurs des armes.
Après cet échec, une nouvelle équipe prend le relais, dirigée par le capitano di corvetta Ernesto Notari. Vittorio Cella, le rescapé du groupe Vicentini, se joint à elle. Désormais, il n'est plus question d'attaquer les navires dans le port, mais ceux ancrés dans la rade, encombrée de Liberty Ships.
Un nouveau raid est prévu dans la nuit du 7 au 8 mai 1943, l'opération BG 6.
Le premier SLC à sortir du sas de l'Olterra est celui de l'équipage Notari/Lazzari, puis suivent Tadini/Mattera et enfin Cella/Montalenti. Les opérateurs repèrent leurs cibles, fixent la tête explosive et retournent à l'Olterra. A 06h15, les navires Pat Harrison (7000 tx), Mashud (7500 tx) et Camerata ((4875 tx) se retrouvent au fond des eaux.
Le 3 août 1943, la même équipe (sauf Ario Lazzari remplacé par Andrea Giannoli) effectuent l'ultime opération appelée BG 7. Elle se conclue par la destruction du pétrolier Thorshov (10000 tx), et des navires Stanridge (6000 tx) et Harrison Gray Otis (7000 tx). Il est à noter qu'à cette date, Pietro Badoglio est le nouveau président du Conseil italien après la destitution de Mussolini, le 25 juillet 1943.
Les raids solitaires de Luigi Ferraro: opération Stella
Luigi Ferraro est né à Gènes, le 3 novembre 1914, mais c'est en Libye que part s'installer sa famille. Professeur d'éducation physique, il est très tôt attiré par les profondeurs de la Grande Bleue. Après un passage à la Milmart (milice artillerie maritime, branche de la MVSN), il est admis à l'école des plongeurs de Livourne où il est breveté nageur Gamma. Il réussit à persuader Junio Borghese à recruter son épouse Orietta, enseignante en éducation physique et en faire la première femme nageuse de combat brevetée.
Il est envoyé en Turquie, officiellement comme employé au consulat italien d'Alexandrette. Le consul, le marquis di San Felice ne connaît rien de la mission de Luigi Ferraro. Le contenu de sa valise diplomatique ne correspond pas à ce que l'on pourrait s'attendre d'un fonctionnaire des plus banals: il y a sa combinaison Belloni du nom de son concepteur Angelo Belloni, les palmes, l'appareil respiratoire ARO et des engins explosifs.
Dans la nuit du 29 au 30 juin 1943, il se jette à l'eau, en combinaison et chaussant des palmes, il nage sur le dos, les bras le long des flancs pour maintenir les charges explosives (baulette esplosive) et arrive à la hauteur de son objectif, le navire grec Orion, transportant une cargaison de chrome. Les deux charges sont placées sous la coques, programmées pour exploser lorsque le navire aura rejoint les eaux internationales, laissant croire qu'il s'agit de l’œuvre d'un sous-marin. Ferraro rejoint la terre ferme à 3 heures du matin. Il apprendra le lendemain la nouvelle du naufrage de l'Orion (7000 tx).
La seconde action a lieu le 9 juillet, au large de Mersin, où il s'y rend avec le secrétaire du Consul, Giovanni Roccardi, qui est en fait un agent du SIS (Servizio Informazione e Sicurezza , les services secrets de la marine italienne). Après avoir repéré le Kaituna, un navire néo-zélandais, il renouvelle l'opération en déposant deux baulette, L'explosion d'une des charges obligera l'équipage à faire échouer le navire à Chypre mais l'autre bauletto est découvert et son mécanisme scrupuleusement étudié. Le 30 juillet, Ferraro renouvelle le sabotage d'un navire au large, le Sicilian Prince, mais le navire est inspecté comme tous les autres depuis la découverte de la charge explosive du Kaituna et échappe ainsi au sort qui lui avait été réservé. Ce ne sera pas le cas du Fernplant ((7000 tx) navire norvégien chargé d'une cargaison de chrome, qui clôt le tableau de chasse de Ferraro le 1er août 1943. En effet, faute de munitions, Luigi retourne en Italie, prétextant un accès de malaria.
Il poursuivra sa carrière au sein de la Decima Mas dans la République Sociale Italienne. Après la guerre, il sera le co-fondateur de la marque d'appareils pour la plongée Cresci-Sub, bien connue des amateurs des profondeurs, puis il créera sa propre entreprise, Technisub.
Les MAS en URSS
L'amiral Raeder, impressionné par les actions audacieuses de la Decima MAS, demande à son vis-à-vis, l'amiral Riccardo, en janvier 1942 d'étudier la possibilité d'envoyer une unité opérationnelle pour soutenir la marine roumaine devant Sebastopol. C'est la seule et unique fois que l'allié allemand demande un soutien militaire à l'Italie. Avec quatre destroyers (NMS Regele Ferdinand, NMS Regina Maria, NMS Maraesti et NMS Marasti), trois corvettes, trois torpilleurs et un sous-marin le NMS Delfinul, la Regele Marina ne fait pas le poids face à la flotte soviétique de la Mer Noire. Elle dispose entre autre d'un cuirassé, le Parizhskaya Kommuna, de deux croiseurs modernes Voroshilov et Molotov (classe Kirov) ou d'un grand contre-torpilleur Tashkent.
Passage délicat d'un convoi sur les routes alpestres.Col de la cisa.
En mer Noire
Le détroit des Dardanelles étant fermé à la circulation navale, les embarcations vont devoir rejoindre les bases opérationnelles de la mer Noire par chemin de fer, voie fluviale et terrestre. Plusieurs unités sont donc détachées et regroupées au sein de la IVa Flottiglia MAS ,sous les ordres du capitano di fregata Francesco Mimbelli. Il s'agit de :
-la 101a squadrilla MAS de la Xa MAS, composée de cinq MTSM (204, 206, 208, 210 et 216) et de cinq MTM sous les ordres du capitano di corvetta Salvatore Todaro. Embarqués à bords de camions, cette imposante colonne est appelée colonna Moccagatti, du nom de l'ancien commandant de la Decima MAS, mort lors de l'attaque du port de la Valette. Elle est composée de 28 camions, 3 tracteurs, 9 autocars, 1 camion citerne et un camion-atelier. L'équipage est formé de six officiers, 18 sous-officiers et 33 marins. Parti de la Spezia, le 6 mai 1942, le convoi est chargé à bord de wagons à Vérone et passe par Vienne, Cracovie, Rostov. A Simferopol, la colonne est débarquée et prend la route pour Foros, en Crimée le 22 mai, pour y établir sa base opérationnelle.
- la 19a squadrilla MAS composée de quatre vedettes MAS (570, 571, 572 et 573) , sous les ordre du capitano di corvetta Castagnacci. Elles quittent Venise le 22 avril 1942, transportées à bords de camions jusqu'à Vienne. Puis embarquées sur des chalands circulant sur le Danube, le convoi atteint le port roumain de Costanza, au bord de la mer Noire, le 2 mai.
-la 1a squ. CB, flottille de six sous-marins de poche CB (CB1, CB 2, CB 3, CB 4, CB 5 et CB 6) commandée par le tv Lesen d'Aston. Partis de la Spezia le 25 avril 1942 par voie ferrée, ils arrivent à Costanza le 2 mai suivant.
Après la révision technique des moyens d'assaut et un cycle d’entraînement, les unités italiennes sont opérationnelles dès le début juin 1942. Lors d'une tournée d'inspection du général von Manstein à bord du MAS 571, la vedette est mitraillée par des avions allemands.
Le 10 juin, le MTSM 216 du stv Massarini réussit à s'approcher du croiseur Tashkent, il connaît bien le navire, fabriqué en Italie, il a participé à son convoyage de Livourne à Odessa. Il réussit à s'en approcher à 100 m, lance une torpille qui n'explose pas. Le MAS doit mettre les gaz, car le bruit de l'impact sur la coque a donné l'alerte.
La première victoire revient au MAS 571 qui torpille le cargo Abkhaziya (5000 tx), achevé par les avions allemands, le 11 juin puis c'est au tour d'un autre cargo de 10000 tx, le Gruziya , par le MTSM 210, le 13 juin.
Il sera achevé par les Stukas.
Les Soviétiques ne tardent pas à réagir face à cette menace et un raid aéronaval sur Yalta, le 13 juin, ne provoque que peu de dégâts sur les bâtiments de surface. Mais le CB 5 est coulé par une vedette lance-torpilles. Le commandement italien décide alors de répartir les unités entre Yalta et Foros. Quant aux sous-marins de poche CB, ils vont connaître leur heure de gloire entre le 15 et le 18 juin. La première victoire est à porter au crédit du CB 3 du s/tv Giovanni Sorrentino qui coule le sous- marin S-32. Trois jours plus tard, c'est au tour du CB 2 du s/tv Attilio Russo d'envoyer par le fond le submersible ShCh-213. Le même jour, deux MAS (570 et 571) repèrent un convoi pour Sébastopol, le MAS 571 réussit à torpiller un navire de transport, mais durant l’action, le tv Bisagno est mortellement blessé. Le lendemain, le 571 coule le sous-marin Shch-214.
L'amiral Schuster, commandant-en-chef du groupe Sud de la Kriegsmarine cite dans un communiqué radio les actions menées par les unités italiennes et envoie un message de félicitations à l'amiral Riccardi. Entre la fin juin et le début juillet 1942, Sébastopol vient à être occupé par les forces germano-roumaines. Quelques bastions continuent la résistance comme au fort Gorki. Le capitano di corvetta Lenzi avec une poignée d'hommes embarqués sur les MTSM prennent pied sur la plage, coupant le retraite des assiégés attaqués du côté terre par les Allemands, capturant 80 soldats soviétiques.
Après la chute de Sébastopol , les MAS et MTSM sont transférées à Feodosia et Ivan Baba.
Quatre autres MAS (566, 567, 568 et 569) de 18a squ. MAS commandée par le tv de Giorgi, arrivent d'Italie, pour renforcer la IVa flottilla MAS en prévision d'un transfert en mer Caspienne.
Dans la nuit du 2 au 3 août 1942, le croiseur lourd Molotov et le contre-torpilleur Kharkov s'approchent de la côte entre Ivan Baba et Feodosia, pour intercepter un convoi de transport allemand. Pour contrer cette menace, les MAS 568 (stv Legnani), 569 (stv Ferrari) et 573 (cc Castagnacci) se lancent contre cette armada menaçante, une première torpille lancée du MAS 573 rate sa cible. Celle larguée par le 568 atteint la poupe du Molotov . La vedette dégage sous le feu des navires soviétiques en larguant des grenades sous-marines programmées pour exploser à faible profondeur. Le Kharkov est touché et doit renoncer à la poursuite.
Le MAS 568, endommagé, peut retourner à Yalta. Il a réussit à mettre en 15 minutes hors service deux bâtiments de la flotte de la mer Noire : le Molotov restera en réparation à Batoumi pendant deux ans, quant au Kharkov, moins sévèrement touché, devra rester en bassin de radoub pendant quelques semaines.
Le 5 septembre, à nouveau le MAS 568 se distingue en torpillant un paquebot au large du cap d'Utrisc.
Le 9 septembre, après une visite de l'amiral Raeder à la base de Yalta, un raid de chasseurs-bombardiers russes coule les MAS 571 et 573, endommageant sérieusement les MAS 567, 569 et 572. Les MAS 574 et 575 arrivent d'Italie pour compenser les pertes.
Le cours des événements durant l'hiver 42/43, le manque de carburant entraînent le retrait de la colonna Moccagatta et après un transfert à Constanza retourne en Italie. Entre janvier et mai 1943, les autres unités participent à la surveillance des convois russes. Le 13 mai, les MAS effectuent une dernière mission au large de Yalta puis sont remises à la Kriegsmarine le 20 mai. Quant aux cinq CB, basés à Sébastopol, ils continuent leur activité jusqu'au 1er août. Leur dernière victoire est un sous-marin coulé par le CB 4 par le tv Armado Sibille. Présents à Costanza lors de l'armistice du 8 septembre 1943, les CB sont livrés à la marine roumaine, les équipages ralliant la Repubblica Sociale Italiana, lors de l'armistice roumain le 23 août 1944.
Le lac Ladoga
En avril 1942, la Kriegsmarine demande à la Regia Marina l'envoi d'embarcations légères pour des opérations de torpillage contre les convois de ravitaillement soviétiques qui approvisionnent la ville de Leningrad.
Quatre vedettes MAS de la série 5 (526, 527, 528 et 529) de la 12a squadrilla MAS sont chargées à bord de camions formant une autocolonna. Cette flottille commandée par le capitano di corvetta Bianchini comprenant 17 officiers, 19 sous-officiers et 63 marins quitte la Spezia le 25 mai 1942 Elle va parcourir 3100 km en 26 jours, par le col du Brenner, Innsbrück, Munich, Stettin où l'autocolonna embarque pour Helsinki à bord du Thielbeck.
A Punkasalmi, les MAS sont chargés à bord d'un train pour Lahdenpohja, au bord du lac Ladoga. Cette base logistique du détachement naval K (Laivasto-osasto K), comprenant des KM (Künstenminenboot) et des vedettes finlandaises Sisu, est dirigée par le colonel E. Järvinnen, chef de la brigade côtière du Ladoga.
MAS 526 en cours de transfert
Le MAS 526 étant en réparation, les trois autres vont mener des opérations d'exploration ou de débarquement d'agents informateurs à partir de leur base opérationnelle de Sortanlahti. Le 15 août, le MAS 527 du tv Renato Becchi croise une formation de trois canonnières russes de la classe Bira, réussissant à en torpiller une.
Dans la nuit du 27 au 28 août, le MAS 528 repère un convoi tracté par deux remorqueurs et lance une torpille, coulant une mahonne transportant des soldats. Le 29 septembre, les deux MAS 527 et 528 tentent de s'en prendre à un convoi mais n'étant pas dans une position de torpillage favorable, manquent leurs cibles.
La dernière opération est menée avant l'arrivée de l'hiver et la glaciation du lac: le 22 octobre, les MAS attaquent trois canonnières russes, sans résultat. Les quatre MAS, le 526 une fois réparé avait rejoint la flottille, sont rapatriés de Lahdenpoja à bord de wagons pour Punkasalmi et prennent la mer pour Helsinki et ensuite Revel. Les équipages rejoignent l'Italie et les vedettes sont vendues aux Finlandais (rebaptisées J1 à J4).
La flottille avait mené 59 missions, coulant une canonnière et une mahonne.
Les opérations en Afrique du Nord et en Méditerranée Orientale.
L'autocolonna Giobbe
En juillet 1942, à Tobrouk, trois MTSM sont déchargés du voilier Costanza et quatre MTM du chalutier Sogliola. La crainte d'une attaque aérienne de la Desert Air Force oblige les Italiens à transférer les embarcations à El-Daba formant une autocolonna prenant le nom du capitaine Giobbe, mort lors du raid sur Malte. Le 26 août au matin, des contre-torpilleurs anglais apparaissent au large et se mettent à tirer vers la côte. Le MTSM 228 du lieutenant Carminati prend la mer et réussit à torpiller l'Eridge. L’aviation allemande intervient, mais s'en prend au MTSM. Finalement, le contre-torpilleur anglais fini par être coulé par les Stuka.
Haïfa et la fin du Scirè
Durant l'été 1942, l'Amirauté décide de mettre en lieu sûr les navires de la Mediterranean Fleet en raison du danger de l'avancée des armées de l'Axe. Haïfa doit recevoir certains de ses vaisseaux. La mission mise au point par GeneralMas consisteà envoyer le sous-marin Scirè avec à bord huit nageurs Gamma pour saboter les navires mouillant au large du port palestinien. Le 6 août 1942, le sous-marin vétéran des campagnes de la Decima MAS appareille de Léros. Il est commandé par le capitano di corvetta Bruno Zelich qui a remplacé Borghese.
Repéré au large d'Haïfa par la corvette Islay le 10 août 1942, le sous-marin est atteint par des grenades sous-marines. Il sombre avec tout son équipage et les opérateurs.
Le convoi transportant le MAS 526
L'attaque d'Alger
Depuis l'opération Torch, le port et la rade d'Alger sont encombrés de toutes sortes de navires alliés. GeneralMas, l'inspection générale des Mas met au point un plan de grande envergure : trois SLC et dix nageurs Gamma sont employés pour cette action.
Ces opérateurs ont été formés pour combler les pertes mais même s'il s'agit de nageurs de haut niveau, ils ne sont pas encore rodés aux missions de sabotage et destruction. Pour augmenter l'efficacité des SLC, ceux-ci sont dotés d'une double tête explosive, permettant ainsi à un équipage de pouvoir saboter deux navires.
Après la perte du sous-marin fétiche de la Decima MAS, le Scirè, il est remplacé par l'Ambra, commandé par le tenente di vascello Arillo.
Le 4 décembre 1942, l'Ambra appareille de la Spezia avec les maiali , les six opérateurs et huit Gamma, avec deux autres laissés en réserve. Le 7 décembre, Alger est en vue, mais la houle empêche l'approche des SLC.
Le 11 décembre, à 22h25, les Gamma quittent le submersible, suivis par les SLC à 23h20. Le retour est prévu pour 03h00 du matin.
Les navires sont à 1500 milles, le premier maiale défectueux doit être coulé. L'équipage Badessi/Pesel rejoint la côte à la nage et est capturé par une patrouille française. L'équipage du second Arena/Cocchi ne peut qu'attaquer qu'un seul navire en raison de l'état de fatigue d'Arena. Les Gamma Luciani et Ghiglione les rejoignent sous l'eau et atteignent la rive où ils se font cueillir.
Objectif Bône
L’île de la Galite au large de la Tunisie devient après l'opération Torch, la nouvelle base de la Decima MAS pour opérer vers les ports algériens. Le chalutier Cefalo, aménagé pour le transport des moyens d'assaut, quitte l’île de Pantelleria avec à bord trois MTSM et arrive à la Galite le 13 décembre 1942. Le chef de l'opération est le capitaine Salvatore Todaro, vétéran de la campagne en mer Noire. Trois nageurs Gamma et quatre MTSM sont prévus pour forcer le port de Bône. La mission est retardée en raison des conditions climatiques et du peu de visibilité. Le matin du 14 décembre, deux chasseurs anglais survolent et mitraillent le Cefalo. Todaro est tué en plein dans son sommeil. L'équipage du chalutier réussit à faire échouer le navire sur un haut-fond en attendant l'arrivée des secours. Les MTSM sont gravement atteints et inutilisables. Une nouvelle tentative du forcement du port de Bône échouera le 6 avril, les MTSM ayant été repéré par l'aviation anglaise.
EPILOGUE : Mariassalto au sud, avec la RSI au nord
L'armistice du 8 septembre 1943 surprend la Decima MAS dans ses projets d'attaque du port de New-York.
Le sous-marin Leonardo da Vinci devait servir à transporter un submersible de poche CA ayant à son bord trois Gamma.
Au sud de l'Italie, contrôlé par les Alliés, les unités de la Decima MAS sont réunies sous le nom de Mariassalto sous les ordres du capitaine Ernesto Forza. La base est à Tarente. Les Alliés vont utiliser le savoir-faire de ces hommes expérimentés pour mener des actions dans les ports du nord. Pour cela, on fait sortir de son camp de prisonniers en Inde, Luigi Durand de la Penne et son équipier Emilio Bianchi, capturés lors du raid victorieux sur Alexandrie le 19 décembre 1941.
Les deux principales opérations menées par Mariassalto en coopération avec des opérateurs Anglais consistent à éviter que les Allemands puissent obstruer l'entrée du port de la Spezia (opération QWZ) le 21 juin 1944 en coulant le croiseur Gorizia. L'autre opération est menée dans le port de Gênes (opération Toast), le 18 avril 1945 avec la tentative de sabotage du porte-avion italien Aquila en construction.
Dans le nord, Borghese, sans ordres précis, négocie avec la Kriegsmarine et décide, après la libération de Mussolini de continuer la lutte au sein de la République Sociale Italienne. Conservant le département naval, un appel au volontariat permet la création d'une unité d'infanterie de marine. L'afflux de volontaires permet la constitution d'une division Decima MAS à deux régiments, le 1er mai 1944. Les Allemands, d'abord réticents à employer une unité italienne contre les forces anglo-américaines, acceptent finalement qu'un bataillon, le Barbarigo, puisse être combattre à Nettunio, le long du canal Mussolini en mars 1944. Les autorités de la RSI apprécient peu l'autonomie de Borghese, ses hommes ne font pas le salut traditionnel au Duce mais lancent un « decima commandante ! » en l'honneur de Borghese. Renato Ricci, chef de la GNR (Garde Nationale Républicaine) ordonne l'arrestation de Borghese, mais la crainte d'une « marche sur Salo » des nageurs-parachutistes de la Xa-MAS contraint Ricci à libérer Borghese.
Un bataillon participera à la défense des confins avec la Yougoslavie pour endiguer les visées annexionnistes des unités titistes sur l'Istrie et la région de Gorizia : le bataillon Fulmine dont une compagnie est composée de volontaires provenant de la région parisienne : les volontari di Francia. Ils repousseront l'offensive du IX Corpus titiste à Tarnova, évitant la prise de Gorizia au prix de lourdes pertes. La division sera engagée dans la lutte impitoyable contre les partisans italiens, impliquant exécutions sommaires et représailles.
Après la guerre et la dissolution des unités de plongeurs de combat, elles renaîtront sous le nom de Comsubin (Commando Subacqueo Incursori).
Hymne des Decima MAS
Sources
La Decima MAS, Enzo et Laurent Berrafato. Histoire et Collections.
Les sites de la Regia Marina, Betasom, la Decima MAS et Basco Grigio Verde.