La bataille de Normandie évoque 
          pour beaucoup d'entre nous le débarquement du 6 juin 1944, la 
          percée d'Avranches, les combats pour Cherbourg, les parachutistes 
          à St-Mère-Eglise etc... mais nous oublions trop souvent 
          que les combats ont duré prés de deux mois. En effet, 
          cette bataille ne s'est terminée que lorsque les derniers soldats 
          allemands en retraite auront traversé la Seine aux environs du 
          22 ou 23 août 1944, c’est à dire quinze jours seulement 
          avant la libération de Bruxelles. Le récit de la Bataille 
          de la Poche de Falaise que je vous livre ci-dessous, vous fera connaître 
          un épisode curieusement assez méconnu de cette bataille.
        Pourtant 
          des lieux comme, Chambois, Moissy, Trun, Mont-Ormel, Coudehard, Boisjos 
          sont des villages qui ont connus des combats sanglants et sans merci. 
          Les Allemands eux-mêmes ont appelé leur chemin de retraite 
          : 
          "Le Couloir de la Mort". Lorsque le voyageur venant de Paris 
          et se dirigeant sur Granville arrive aux abords immédiats du 
          Bourg Saint-Léonard, s'il jette un regard sur sa droite, il découvrira 
          une large et profonde vallée limitée à l'horizon 
          par de hautes collines escarpées. L'une d'elles est dominante, 
          c'est la cote 262, à l'assaut de laquelle serpente la départementale 
          N° 16 En sortant de l'agglomération ses regards seront limités 
          à une luxuriante frondaison qui, après Silly, s'étendra 
          vers le sud, jusqu'aux abords de Sai. C'est la forêt de Gouffern. 
          
          Au sortir de la forêt qu'il verra s'estomper vers le nord-ouest 
          derrière Crennes, il débouche dans la riche plaine d'Argentan, 
          qui n'est qu'une périphérique des plaines de Caen -Falaise. 
          La forêt de Gouffern couronne la ligne de démarcation des 
          bassins de « l'Orne » et de « la Dives ». Dans 
          sa partie nord, longeant la large vallée entrevue au Bourg Saint-Léonard, 
          une brusque dénivellation vient s'éteindre dans la vallée. 
          C'est dans cette forêt et cette vallée que la 7ème 
          armée allemande connut sa défaite totale.
        La 
          vallée, ou plutôt un plateau d'une élévation 
          moyenne de 110 mètres, large de 7 à 8 kilomètres, 
          est ceinturée au sud, à l'est et au nord par une ligne 
          de collines continues ne présentant que de rares trouées. 
          
          Seule, la vallée de « la Dives » forme goulot à 
          cette espèce de nasse.Dans l'espace compris entre Le Bourg-Saint-Léonard 
          - Exmes - Saint-Pierre-la-Rivière et Chambois, c'est une riche 
          et fertile plaine où sont cultivées céréales 
          et légumineuses. Au nord de cette plaine, au¬ delà 
          de la rivière que longe la départementale N°13, s'instaure 
          un bocage dont les herbages de petites dimensions sont clos par des 
          haies vives, jalonnées d'arbres de haut jet et de grandes souches 
          portant leurs rameaux ; beaucoup de ces herbages sont plantés 
          de pommiers, offrant ainsi l'aspect d'une petite futaie. Là nous 
          sommes en Pays d'Auge.Après Chambois, vers le nord -ouest, comme 
          si elle voulait tout à coup se libérer des entraves de 
          la forêt et de la rivière, la plaine saute « la Dives 
          », traverse la départementale et s'enfonce vers le nord 
          pour former cet ensemble dit « Plaine de Trun » 
         Cette 
          plaine ne présente que quelques ondulations de terrain peu importantes, 
          entre Exmes et Trun elle est parsemée de petits boqueteaux de 
          sapins et de fractions de haies sans solution de continuité. 
          « La Dives » qui, au centre de la vallée, étire 
          ses méandres, proche de sa source, n'a qu'un faible tirant d'eau 
          sa largeur n'est que d'une dizaine de mètres, mais elle s'est 
          creusée sur tout son cours, un lit profond entre des berges à 
          la verticale, de plusieurs mètres de hauteur.
Cette 
          plaine ne présente que quelques ondulations de terrain peu importantes, 
          entre Exmes et Trun elle est parsemée de petits boqueteaux de 
          sapins et de fractions de haies sans solution de continuité. 
          « La Dives » qui, au centre de la vallée, étire 
          ses méandres, proche de sa source, n'a qu'un faible tirant d'eau 
          sa largeur n'est que d'une dizaine de mètres, mais elle s'est 
          creusée sur tout son cours, un lit profond entre des berges à 
          la verticale, de plusieurs mètres de hauteur. 
          C'est un fossé anti-chars que la nature a réalisé. 
          
          Pour la clarté des ultimes combats, je vais essayer de décrire 
          ce chemin, que les Allemands appelleront « Le Couloir de la Mort 
          » et la colline de « Boisjos ». Lorsque l'on va de 
          Chambois à Trun, après avoir traversé la petite 
          plaine en bordure du cimetière, on rencontre un hameau d'une 
          douzaine de maisons, c'est le village de Moissy. 
          De ce point, orienté au sud, un chemin de terre descend vers 
          « la Dives », qu'il traverse à gué, au lavoir 
          de Moissy. Une planche. jetée sur la rivière, permet au 
          piéton de continuer sa route, Le chemin rectiligne continue sa 
          course en longeant, d'un côté, une propriété, 
          clôturée de haies vives qu'ombragent quelques grands arbres, 
          et franchit la route qui relie Fel à Tournay. C'est à 
          ce point de jonction que commence le « Couloir de la Mort ». 
          A droite, se dirigeant vers le nord, une route vicinale s'engage dans 
          le village qu'elle traverse pour aller gagner la ferme de Hennecourt, 
          au-delà de laquelle, un chemin de terre non carrossable, peu 
          fréquenté, et qu'encombre une abondante végétation 
          la prolongera pour aller rejoindre auprès de la cour du Bosc, 
          le chemin vicinal, dit de Chambois à Neauphes. 
          Cette section de route et chemin, sur la plus grande partie de son itinéraire, 
          est encaissée par les herbages en surélévation 
          bordés de haies vives et d'arbres, constituant ainsi un défilé 
          à l'abri des regards indiscrets.
        Parallèlement, 
          face à l'est et à distance proche, dans une légère 
          dépression du sol, sillonne un espèce d'oued, qui ne coule 
          qu'au moment des pluies, il s'est creusé un lit étroit 
          et profond servant d'abornement pour le partage des terres, il est, 
          sur chaque rive, bordé de haies vives et d'arbres, laissant croire 
          que cette tranchée naturelle n'est qu'une simple haie, A gauche 
          de la route vers l'ouest, et toujours dans la ligne sensiblement parallèle, 
          la crête de la légère ondulation est à limite 
          du bocage et de la plaine, formant par les levées des fossés 
          et le couvert de ses haies; une ligne de défense avec un glacis 
          découvert. 
        
        La 
          route et ses abords sont donc favorables pour la défense dans 
          un combat d'infanterie. 
          Il ne faudra pas s'étonner si les Allemands fournirent là 
          une résistance farouche aux derniers jours de la bataille. 
          Au nord et dans l'axe du « Couloir de la Mort », à 
          environ 2 kilomètres de son débouché, s'élève 
          la côte 262 dite de  « Boisjos », point culminant, 
          surplombant la plaine environnante de ses 150 mètres et dont 
          l'escarpement atteint par endroits plus de cinquante pour cent. Son 
          flanc recèle quelques boqueteaux et des épineux, au milieu 
          desquels apparaissent de maigres pâturages. Une pittoresque et 
          fine silhouette se profile sur son flanc droit. 
          C'est la charmante petite église de Coudehard au-dessus de laquelle 
          le sommet de la colline est agrémenté d'une partie boisée. 
          A l'ouest, un grand herbage s'étend sur le plateau, donnant à 
          cette partie de colline l'aspect d'une pente assez dénudée. 
          Un léger vallonnement abrite un bosquet, ce n'est autre que les 
          arbres qui recouvrent la motte d'une forteresse primitive, derrière 
          laquelle se dissimule le manoir de Boisjos. C'est dans ce décor, 
          digne d'une plus humaine admiration., que la 10ème division polonaise 
          livrera son combat le plus sanglant de la guerre, pour arrêter 
          l'Allemand, qui n'avait plus d'autre issue. Coïncidence, l'ordre 
          de marche des armées alliées progressant au nord et au 
          sud, précise que la 1ère armée canadienne et le 
          15ème C.A. US., doivent opérer leur jonction à 
          ce point. Jonction qui s'opéra dans Chambois même .
        LA 
          BATAILLE
        Le 
          dimanche 13 août, dès le matin, la garnison allemande, 
          qui occupe Le Bourg-Saint-Léonard, se retire, ne laissant que 
          quelques hommes dans un élément de tranchée près 
          de la poste. Elle abandonnait dans le parc du château un dépôt 
          considérable de vivres, que la population, privée de pain 
          depuis plusieurs jours, met immédiatement à profit pour 
          se ravitailler. Toute la matinée, les abords de la forêt 
          sont battus par le feu de l'artillerie alliée. Vers midi, une 
          fusillade éclate, suivie d'une détonation. C'est un « 
          Sherman » qui tire dans la tranchée que les Allemands viennent 
          de quitter pour se réfugier en forêt. Deux autres chars 
          suivent et s'installent au village. C'est la pointe d'avant-garde de 
          la 80ème division américaine d'infanterie qui est stationnée 
          à Almenêches. 
          Dans la nuit du 12 au 13 août la 5ème D. B. U. S. et la 
          79ème D. I. U. S. sont parvenues à Nonant-le-Pin, poussant 
          leur progression jusqu'à « La Castelle », située 
          à l'intersection des routes , N 138 et D. 4, à 6 kilomètres 
          de Gacè, où les Américains s'organisent pour, au 
          matin, avec leur artillerie, ouvrir le feu sur une batterie allemande 
          installée à Bellefontaine. Au début de l'après-midi 
          quelques chars s'avancent en direction de Gacé, mais sont attaqués 
          par les Allemands installés au-dessus du ruisseau du Bouillonnay; 
          l'artillerie et les mortiers américains répondent à 
          l'ennemi. Les chars pousseront jusqu'à l'église de Coulmer, 
          faisant alors demi-tour pour nettoyer le bois du Bouillonnay et les 
          abords du ruisseau du même nom. D'autres chars s'avancèrent 
          sur la route de Vimoutiers pour s'emparer du carrefour de La Boulaie, 
          bloquant, dès leur arrivée, une auto blindée allemande 
          venant de Gacè pour occuper le carrefour. Près d'Argentan, 
          une patrouille venant du sud de Sai, composée de deux chars et 
          de deux mitrailleuses, guidée par un médecin argentanais, 
          parvient sur la 24 bis, à l'auberge Beaugé, faisant prisonnier 
          un Polonais enrôlé dans la Wehrmacht. Sur la route Gacè-Chambois, 
          un groupe de résistants abat, à a mitraillette, un officier 
          et des soldats allemands.
        LUND 
          14 AOUT
        Chambois 
          et Fel subissent leur premier bombardement d'artillerie. En même 
          temps, la route du Bourg¬-Saint-Léonard est balayée 
          par le feu des canons. Vers 13 heures, les Allemands ripostent en bombardant 
          l'agglomération du Bourg-Saint-Léonard, la fromagerie, 
          et, pendant une partie de l'après-midi, la route Le Bourg-Almenêches. 
          Le village de Silly est gratifié d'une rafale d'obus. Vers 9 
          heures, une colonne de chars américains s'avance jusqu'au château 
          d'Urou et fait aussitôt demi-tour. Un blindé allemand, 
          monté par trois hommes, est arrêté et détruit 
          au carrefour de La Boulaie. Les occupants sont tués. Le soir, 
          l'artillerie alliée effectue un barrage sur la ville de Gacé. 
          Les Allemands procèdent à quelques patrouilles dans la 
          région de Gacé. Exmes est occupé par les Américains 
          où, du haut de la bulle célèbre, ils domineront 
          tout le champ de bataille, observant ainsi directement tous les mouvements 
          des Allemands. 
          Au Bourg-Saint-Léonard, l'infanterie américaine, précédée 
          de chars, débouche vers 8 heures, prend position et l'artillerie 
          s'installe aux abords immédiats de la localité. 
          Depuis 2 heures du matin, une batterie américaine tire à 
          intervalles réguliers sur la 24 bis, aux abords d'Urou. 
          Un peu avant midi, une colonne de tanks et de camions arrive à 
          Urou. Un tank allemand qui, le jour, se réfugie dans les jardins 
          à Cayenne, pose, la nuit, des mines sur la route nationale, au 
          delà de la route Urou-Crennes.
        Dans 
          Argentan, quelques tanks, camouflés sous un amas de matelas, 
          de couvertures et de volets, se déplacent sans cesse et tirent 
          au hasard, Après chaque salve, les équipages se réfugient 
          dans les égouts. L'artillerie alliée bombarde tous les 
          carrefours de la zone de retraite. Trun, copieusement arrosé, 
          subit de graves dommages. 
          Malgré l'allure exagérée avec laquelle passent 
          les convois allemands ceux-ci subissent de grands ravages dans leurs 
          colonnes.Le commandement allemand s'efforce de procéder à 
          de nombreux regroupements pour former des unités retardatrices. 
          Les Américains invitent la population du Bourg-Saint-Léonard 
          a chercher refuge dans les autres localités déjà 
          libérées.Dans le couloir Tournai-Chambois, la population 
          des centres cherche abri dans les fermes isolées, les bergeries 
          ou dans des tranchées aménagées par elle.
        MARDI 
          15 AOUT
        Pendant 
          la matinée, les batteries alliées, installées entre 
          Croisilles et Saint-Germain-de-Clairefeuille, tirent sur les positions 
          allemandes de Saint-Evroult-de-Montfort, La Tninité~des-Laitiers, 
          Cisay et Orgères, hauteurs dominant Gacè et la vallée 
          de la Touques. A l'autre extrémité de la poche, en fin 
          d'après-midi, les troupes allemandes, qui refluent de Falaise, 
          viennent se joindre à celles de Mortain - Flers. Ces masses confuses 
          arrivent par toutes les routes, les chemins ou à travers la plaine, 
          dans la région de Bailleul et Tournay. L'étroit passage 
          de retraite, compris entre Trun et la forêt, n'a plus maintenant 
          que trois ou quatre kilomètres de largeur. Sauf dans quelques 
          unités, la cohésion et la discipline n'existent plus. 
          Chacun cherche à s'enfuir au plus vite; des disputes éclatent 
          pour la priorité de circulation. Des Français astucieux 
          déplacent les fléchages de direction à deux carrefours, 
          provoquant ainsi un sens giratoire, qui ne fait qu'augmenter l'embouteillage 
          et la confusion. Cependant, l'artillerie allemande, en position, riposte 
          violemment au bombardement allié. De 23 heures à 5 heures, 
          il fut pointé, à Tournay, sept obus pour un reçu. 
          Depuis la veille, la départementale 16, qui va de Chambois à 
          Vimoutiers, est rendue inutilisable sous le bombardement d'artillerie 
          et d'aviation. Mais même sans cela, elle ne permettrait pas un 
          écoulement assez rapide de cette masse d'hommes et de matériel. 
          Les Allemands décident de la doubler par le chemin Moissy-Hennecourt, 
          partant du Bas-Aubry, ils s'engouffrent dans le « Couloir de la 
          Mort ». 
        Si 
          cette voie offre l'avantage d'un couvert dissimulant les convois à 
          l'observation des Alliés, et d'un encaissement protégeant 
          un peu des coups directs, il a, par contre, le désavantage, si 
          la couverture des flancs de colonne n'est pas sérieusement assurée, 
          de se prêter aux surprises. C'est ainsi que, vers 15 heures, un 
          petit groupe de chars polonais s'avance à la faveur des haies 
          qui bordent les enclos, et vient reconnaître les lieux à 
          quelque cent mètres des Allemands, pour se replier ensuite sur 
          un petit bois de sapins proche, d'où ils sortiront la nuit du 
          19 au 20, pour anéantir un convoi entier, rendant impraticable 
          la section de route entre Moissy et Hennecourt.
        
        MERCREDI 
          16 AOUT
        Au 
          matin, un groupe d'officiers allemands venant de Gacé, se rend 
          à Croisilles pour y chercher des objets oubliés dans leur 
          précédant cantonnement. Les Américains, qui sont 
          en pleine relève, préfèrent laisser repartir la 
          voiture et ses occupants, afin de ne pas attirer l'attention sur eux. 
          Vers 5 heures, les Allemands tirent sur Le Bourg-Saint-Léonard 
          et la ferme du château. Après une accalmie, le bombardement 
          reprend vers 10 heures, et, en fin de matinée, l'infanterie attaque. 
          A 15 heures 30, les Allemands sont maîtres du bourg, combattant 
          à la grenade et au fusil contre les Américains, qui se 
          trouvent aux abords du « Chemin des Vignes ». 
          A 18 heures, les Américains débouchant de l'est, par La 
          Houellerie, contre-attaquent. Les Allemands, ayant monté une 
          deuxième vague d'assaut partant de Fougy, sont repérés 
          aux abords nord du village par l'aviation alliée. 
          Un violent barrage d'artillerie a lieu sur le Haut de Fougy et la route 
          de Sainte Eugénie, mais les Allemands ont déjà 
          dépassé cette ligne et continuent leur progression vers 
          le Bourg.Dans l'après-midi, les Américains, qui étaient 
          en position à « Courmaceul », se replient sur les 
          hauteurs des Vaux.Après cette première journée 
          de combat, le Bourg, dans sa presque totalité, est aux mains 
          des Allemands, un détachement venu d'Urou occupe un petit bois 
          proche de La Houelierie où il passera la nuit. Une patrouille 
          allemande, venue occuper le presbytère d'Urou, d'où un 
          sous-officier observe à la jumelle la plaine d'Aunou, est attaquée 
          au canon et au fusil par les Américains. 
          La patrouille riposte par une courte fusillade et s'enfuit par les jardins 
          vers Argentan. Les Allemands ayant eu connaissance qu'un poste de commandement 
          allié est installé entre le pont d'Aunou et Tercé, 
          préparent à Chambois, un détachement de Panzers 
          pour s'en emparer. Ce coup de main n'aura pas lieu. Trun, déserté 
          par ses habitants, est la proie des flammes Les troupes en retraite 
          se livrent à un pillage éhonté. Les Canadiens ne 
          sont plus qu’à faible distance de ce nœud routier. 
          Artillerie et aviation écrasent les hordes fuyantes sous leurs 
          feux. La 1ère armée canadienne détache, à 
          sa gauche, la 1ère division blindée polonaise « 
          Général Maczeck », qui axe sa progression sur Montreuil-les-Ligneries 
          - Champosoult.
        JEUDI 
          17 AOUT
        Un 
          groupe d'artillerie américain prend position sur la route « 
          La Castelle-Croisilles », à 500 mètres de 
          « La Boulaie », Gacé devant être attaqué 
          dans la nuit, mais les troupes chargées de cet assaut sont dirigées 
          sur le Bourg. 
          L'attaque n'a pas lieu. La véritable bataille pour la prise définitive 
          du Bourg - Saint - ¬Léonard s'engage. Dès avant le 
          jour, l'artillerie tonne sans arrêt; à l'aube les combats 
          d'infanterie et de chars sont très violents et prendront une 
          telle âpreté qu'il est impossible de décrire la 
          lutte. On se bat partout, les belligérants employant toutes les 
          armes dont ils disposent. 
        Le 
          combat paraît cependant revêtir une plus extrême violence 
          entre la rivière « l'Ure » et la sortie du Bourg-Saint-Léonard 
          vers « Le Vieux Pin », ainsi qu'à proximité 
          de « La Pommeraie ». De 14 à 16 heures, dans l'agglomération 
          même, une douzaine de chars se poursuivent, en se tirant dessus 
          à courte distance. Le hameau de « Courmaceul » fut 
          pris et repris plusieurs fois. Vers 19 heures, les Allemands rompent 
          le combat sur l'ensemble de la ligne, sauf à Fougy et à 
          proximité du château où il ne cessera qu'à 
          la nuit. Les Allemands se retirent sur une ligne approximative Fougy-Rabotte-Bas 
          du Chemin des Vignes -Bercherie. Les derniers îlots de résistance 
          encerclés cherchent a s'enfuir ou se rendent. Les pertes sont 
          sévères des deux côtés. Dans le secteur d'Urou, 
          les Allemands occupent toujours les abords de la nationale 24 bis, leur 
          artillerie et leurs tanks sont sous les couverts de la forêt de 
          Gouffern. 
          De 7 à 10 heures, il y a recrudescence des bombardements par 
          l'artillerie alliée sur Trun. De ce lieu, on perçoit les 
          feux de mousqueterie les Alliés se rapprochent de la ville. Les 
          Allemands détruisent leur dépôt de munitions. Cependant, 
          l'incendie s'étend de plus en plus. La route départementale 
          N 16, de Chambois à Vimoutiers, offre un spectacle effarant.
        Les 
          convois sont bombardés à la fois par l'artillerie et l'aviation 
          qui, dans des piqués impressionnants, défiant le tir de 
          la D. C. A., lâche ses bombes et mitraille tanks, voitures, blindés. 
          camions, qui sont paralysés par la destruction et incendiés. 
          Les munitions explosent. Ce chaos stoppe la circulation que les Allemands 
          cherchent à rétablir en empruntant les chemins de terre 
          et même les herbages, où les sapeurs abattent les clôtures 
          et nivellent les fossés.Des hommes haves, aux yeux enfiévrés, 
          se terrent dans les fossés ou se dissimulent dans les ruines 
          des habitations détruites. Certains sont tapis derrière 
          les moindres levées de terre. C'est un avant-goût de l'immense 
          carnage qui, bientôt, anéantira cette armée de cent 
          mille hommes. 
        VENDREDI 
          18 AOUT
        Au 
          Bourg-Saint-Lêonard, les Américains craignant un retour 
          offensif des troupes allemandes refluant d'Argentan, ont, pendant la 
          nuit, organisé le terrain face a l'ouest, Au lever du jour, les 
          combats de chars reprennent, sur la route de Fougy - Exmes. Après 
          différentes manœuvres, les Américains franchissent, 
          au nord et au nord-ouest du hameau de Fougy, la ligne occupée 
          la veille par les Allemands et déferlent dans la vallée 
          en direction de Chambois, que les batteries d'artillerie, en position 
          près du Bourg, arrosent copieusement. A 15 heures. le Bourg est 
          complètement dégagé. 
        A 
          l'aube, à Urou, une colonne d'infanterie, partie de Tercé, 
          s'avance silencieusement ( les hommes sont chaussés de caoutchouc 
          } prendre position au sud de cette localité. A 7 h 30, le combat 
          s'engage. Dès le début il s'avère très dur, 
          malgré la régularité des relèves, toutes 
          les deux heures. Les Allemands tiennent tête. Les pertes américaines 
          sont élevées. Seule, l'aile droite, qui longe la petite 
          route de l'église, avance assez rapidement, mais, a proximité 
          de la route nationale, elle se heurte à un tank et à des 
          mitrailleurs retranchés dans un café, qui leur tuent plusieurs 
          hommes.
          Vers 10 heures, cinq chars américains passent à l'action. 
          Mais dès le début de l'attaque ils seront pris sous un 
          feu si précis que presque simultanément quatre sont détruits. 
          Le cinquième fait demi-tour et va s'enliser dans le marais au 
          sud de « l'Ure ». A 11 heures, le combat connaît une 
          accalmie pour reprendre dans la soirée, mais les Américains 
          ne peuvent franchir en force la 24 bis.
        De 
          Trun, on continue à entendre le bruit caractéristique 
          des mitrailleuses qui se rapprochent de plus en plus. 
          Vers 6 ou 7 heures des tanks canadiens, venant de Louvières, 
          surgissent au lieu dit « La Pointe de Chemise », ouvrent 
          le feu sur quatre chars allemands qui défendent la position. 
          Trois sont immédiatement détruits. 
          Le quatrième, qui cherche à s'enfuir, ne tarde pas a subir 
          le même sort. D'autres chars, en position au « Mont de Coulonces 
          », sont liquidés dans les mêmes conditions. L'attaque 
          canadienne comprend plus d'une centaine de chars, chaque colonne est 
          d'un effectif de trente à quarante unités. Les fantassins 
          canadiens et polonais arrivent si nombreux par les routes et les herbages 
          qu'un témoin écrit « Nous aurions cru qu’ils 
          surgissaient de terre ». 
          Des pièces d'artillerie et des tanks se déploient autour 
          de la côte 118. A 14 heures, les Alliés pénètrent 
          dans la localité par les accès particuliers évitant 
          les rues, qui pourraient être défendues solidement. Chenillettes 
          et légers en avant, précèdent l'infanterie qui, 
          mitraillette au poing, procède au nettoyage des immeubles. Un 
          tank allemand est en position a la sortie S.-O. de la ville. Son équipage 
          se rend sans résistance après l'avoir incendié. 
          
          Mais les Canadiens sont arrêtés devant Magny, que les Allemands 
          ont solidement organisé pour former un centre de résistance.
        La 
          1ère D. B. polonaise continue à faire progresser le gros 
          de ses forces plus au nord et atteint Champeaux. 
          A partir de la nuit du 17 au 18, le champ de bataille sera l'objet d'une 
          observation constante diurne et nocturne de la part de l'aviation alliée. 
          La nuit, des fusées éclairantes illuminent sans cesse 
          la plaine de Bailieul à Chambois. 
          Tous les rassemblements et convois repérés sont immédiatement 
          bombardés ou pris sous le feu des batteries alliées, souvent 
          par les deux.
          Dans l'après-midi des chars appartenant au groupe tactique Langlade 
          ( 2ème D.B. française ) viennent prendre position au carrefour 
          « Boulaie », près de Gacé. Leur mission serait 
          d'attaquer cette ville mais peu après leur arrivée ils 
          reçoivent l'ordre de retourner à Exmes et au Bourg-Saint-Léonard 
          où les Allemands résistent. 
        SAMEDI 
          19 AOUT
        Toute 
          la nuit, dans la poche et bien au-delà, les routes ont subi un 
          bombardement intensif d'aviation et d'artillerie. La route Vimoutiers-Bernay-Rouen 
          est l'objet d'une surveillance toute particulière. Sur son itinéraire, 
          les fusées surgissent à chaque instant, pour permettre 
          à l'aviation de déceler les convois en fuite, qui sont 
          aussitôt attaqués à la bombe.
          Dans la nuit les quelques Allemands, isolés aux abords nord de 
          Fougy, incendient leur matériel. Un audacieux coup de main des 
          Canadiens est exécuté au cours de la nuit, à Magny. 
          Informés et guidés par des jeunes gens du pays, une dizaine 
          d'hommes se faufilent au travers des lignes allemandes jusqu'à 
          la ferme Gallet, où ils firent prisonniers trois officiers supérieurs 
          allemands, dont un général et une vingtaine d'hommes, 
          qui dormaient dans une grange. 
          Un groupe d'Allemands, encerclé à Coulonces, ne s'est 
          pas encore rendu. Les Canadiens, pour éviter une surprise de 
          ce côté, font sauter les ponts. Dans l'après-midi, 
          les Trunois se réjouissent du spectacle de plusieurs colonnes 
          formées de prisonniers allemands qui, mains derrière la 
          nuque, défilent, encadrés de Canadiens montés sur 
          auto-mitrailleuses. A l'aube, un régiment de cavalerie blindée 
          polonaise, partant de Champeaux, attaque le coteau de « Boisjos 
          » et s'en empare après avoir anéanti la compagnie 
          allemande qui l'occupe, et refuse de se rendre. 
          Les Allemands, nombreux à la Cour du Bosc et dans les bois environnants, 
          contre-attaquent vigoureusement et parviennent a encercler la position. 
          Un combat sauvage s'engage. Les Canadiens, qui veulent se porter au 
          secours des Polonais, sont stoppés par les Allemands à 
          une assez grande distance. Les Allemands lancent plusieurs attaques 
          blindées sur la colline. Elles échouent, stoppées 
          par l'artillerie, et dans la nuit, l'infanterie en viendra au corps 
          à corps.
        Dans 
          la nuit, le 10ème Dragons polonais, progressant vers l'est, réussît 
          à atteindre la cote 137, près de Mont-Ormel, mais les 
          Allemands se présentèrent si nombreux sur ses arrières, 
          que l'approvisionnement ne put rejoindre que le matin, Plusieurs unités 
          étant venues renforcer le régiment, les Polonais poursuivent 
          la progression jusqu'à la cote 113, à douze cents mètres 
          de Chambois, où leur parvient l’ordre de s'emparer de cette 
          ville et de s'y consolider. Prenant une formation d'assaut divisée 
          en trois colonnes, ils attaquèrent le long de la route départementale 
          Chambois-Vimoutiers 
          Les combats furent courts mais très violents. En atteignant le 
          centre de Chambois, les Polonais eurent surprise et la joie d'y rencontrer 
          la 6ème compagnie du 395ème régiment d'infanterie 
          américaine qui, elle aussi, venait d'y parvenir en passant par 
          Le Bas-Aubry et Fel. Le verrou est tiré. Les Polonais venant 
          du nord se joignaient au 15ème Corps d'armée américain 
          venant du sud. Désormais les Allemands n'ont plus d'autre solution 
          que se rendre ou mourir. 
          Vers 20 heures, les Allemands contre-attaquent sur Chambois, mais sont 
          repoussés par les Polono-Américains.
        Dans 
          la matinée, des tanks légers canadiens, venant de l'ouest, 
          cherchant sans doute à établir la liaison à l'est 
          avec les Polonais, traversent les lignes allemandes à Hennecourt 
          même, puis s'en furent prendre position au milieu des Allemands, 
          près du cimetière de Chambois, d'où ils arrosèrent 
          copieusement l'ennemi de salves meurtrières.
          La veille, les Allemands avaient formé une concentration d'une 
          centaine de canons et d'un nombre indéterminé de tanks 
          et de D. C. A., dans Tournay et ses environs immédiats. Ils gardaient 
          l'expectative quant à l'opportunité de l'emploi de cette 
          masse de feu. Mais les Alliés, sans doute informés de 
          la présence de cette artillerie, ouvrirent le feu sur ce point 
          stratégique à 9 heures 30. Ce fut un beau tintamarre qui 
          se déclencha départs et arrivées se confondent. 
          Les Allemands tirent à une cadence accélérée. 
          Deux cents pièces alliées de tous calibres concentrent 
          leurs feux sur ce petit village, écrasant méthodiquement 
          le matériel allemand. Les routes sont crevées sous les 
          obus, encombrées de chevaux éventrés, de soldats 
          tués, de véhicules détruits, toutes les maisons 
          ou communs qui ne sont pas détruits ou la proie des flammes, 
          sont transformés en hôpitaux où l'on opère 
          sans arrêt. Les cadavres des morts sont rejetés en tas. 
          
          Cette tuerie ne s'arrêtera que le lundi 21 dans l'après-midi. 
          Devant ce déluge de feu, les Allemands se précipitent 
          de plus en plus nombreux vers la seule voie qu'ils croient être 
          celle du salut. 
          Mais ils ne sont pas encore décidés a abandonner leur 
          matériel, tanks, artillerie tractée et hippomobile, camions, 
          voitures légères. Ils s'engouffrent dans le « Couloir 
          de la Mort » , dans cet étroit chemin, presque un sentier 
          on se bouscule, on s'injurie. L'artillerie et l'aviation alliées 
          pilonnent sans arrêt cette masse semi-paralysée les hommes, 
          à pied, empruntent les herbages pour éviter l'écrasement
          Quel espoir peuvent encore avoir ces hommes, sinon celui d'échapper 
          à l'anéantissement? Ce ne peut être que l'instinct 
          de conservation qui les fait encore se mouvoir, dans cette tentative 
          de fuite inutile. 
        
        DIMANCHE 
          20 AOUT
        Les 
          Alliés s'emparent de Gacé, qui a subi de graves dégâts 
          dus aux incendies provoqués par les tirs de. barrage et de préparation 
          d'attaque. Les. Américains attaquent en force sur Crennes qui, 
          la veille, a subi un violent bombardement. Partis d'Urou et de Sai, 
          ils parviennent à l'agglomération du bourg, où 
          ils font jonction avec une vague d'assaut venue d'Argentan. Les deux 
          vagues, de concert, poursuivent leur progression au travers de la forêt 
          et. débouchent a Bailleul, à 18 heures. Les batteries 
          alliées, installées aux environs de Trun, exécutent 
          toute la journée un tir continu sur Tournay et les abords de 
          la forêt. Trun reçoit la riposte allemande, mais elle ne 
          parvient pas à ralentir les convois de troupe et de matériel 
          qui se rendent au combat. Déjà, les bulldozers procèdent 
          au déblaiement des rues. Les Canadiens, qui continuent leur progression 
          en direction de Chambois, le long de la route et de la rivière, 
          parviennent au Moulin de Saint-Lambert, où un groupe important 
          de S. S. simule l'intention de se rendre en arborant un drapeau blanc. 
          Les Canadiens s'approchent, confiants, et lorsqu'il n'y a plus que la 
          largeur de la rivière qui les sépare, les Allemands jettent 
          leur pavillon et ouvrent le feu. Ce fait déclenchera des représailles, 
          consistant à intensifier encore le tir des batteries alliées 
          sur Tournay. On estime qu'à partir de ce moment cinq à 
          six cent pièces concentrent leurs feux sur ce lieu.
          Sur le sommet de « Boisjos », toute la nuit, le combat a 
          continué de part et d'autre La position dominante des Polonais 
          rend toute surprise impossible, mais les Allemands, qui attaquent sans 
          relâche et de tous côtés, obligent les Polonais à 
          tirer sans arrêt. Ceux-ci ont subi des pertes considérables 
          au cours de la nuit, surtout au pied de la côte de Coudehard, 
          où eurent lieu de sanglants corps à corps. Les rations 
          des Polonais sont épuisées. 
        Il 
          reste à peine une demi gourde d'eau par homme. Les munitions 
          commencent à se faire rares. Le médecin a été 
          tué par un obus, qui a détruit également tout son 
          matériel. Dès les premières heures de la matinée, 
          une colonne de 16 chars « Tigre » monte à l'assaut 
          de « Boisjos ». Les Polonais décident de les contre-attaquer 
          avec 12 chars. 
          En quelques minutes, les Allemands en mettent six hors de combat, alors 
          qu'eux-mêmes ne subissent qu'une perte. Ils vont s'emparer de 
          la position... quand un tir d'artillerie d'une miraculeuse précision 
          stoppe leur élan en incendiant cinq de leurs chars. Les Polonais 
          galvanisés par ce spectacle, partent à la poursuite des 
          dix chars allemands en retraite et parviennent à en détruire 
          trois autres. Bientôt l'attaque recommence, Les Allemands montent 
          à l'assaut au chant de « Deutschland über aIles ». 
          Les Polonais les laissent approcher à cinquante pas et fauchent 
          leurs rangs. Huit fois, au cours de la journée, les Allemands 
          renouvelèrent leurs attaques. A partir du cinquième assaut, 
          les Polonais, pour économiser leurs munitions, les repousseront 
          à la baïonnette. Parmi les blessés relevés 
          sur le terrain, on peut lire sur le carnet de solde de l'un d'eux : 
          « Né en 1931 ». C'est un enfant de 13 ans. 
        Des 
          soldats de la Wehrmacht ont été faits prisonniers. Parmi 
          eux il en est qui sont d'origine polonaise; ceux qui consentent à 
          reprendre le combat aux côtés de leurs compatriotes seront 
          équipés avec l'uniforme et le fusil d'un mort, précieuses 
          recrues pour renforcer l'effectif qui s'amenuise de plus en plus. Quant 
          aux S. S. et ceux dont le livret de solde indique qu'ils ont participé 
          à l'invasion de la Pologne, pas de quartier... Lorsque, à 
          18 heures, le combat cessa, les flancs de la colline étaient 
          couverts de cadavres. Les Polonais, sous la pression des Allemands et 
          en considération de la réduction de leurs effectifs, sont 
          dans l'obligation de se retirer dans le bois, au sommet de la côte 
          262, autour duquel les tranchées sont creu¬sées. Ils 
          n'ont plus que 4 officiers et 110 hommes valides. 
          Les rations sont épuisées, plus de médicaments, 
          sauf un peu d'iode pour soigner les blessés qu'on a installés 
          au milieu du bois. L'approvisionnement en munitions est de cinq obus 
          par canon et cinquante cartouches par homme. 
          Le commandant, blessé à la poitrine par un éclat 
          d'obus, passe son commandement au capitaine canadien Sevigny, qui accompagne 
          le régiment en qualité d'observateur d'artillerie, lui 
          recommandant de continuer la lutte jusqu'au dernier homme, car, dit-il, 
          ils n'ont aucune pitié à attendre des S. S.
        A 
          Chambois-Fel, les Allemands, avec un effectif d'environ un bataillon 
          de Panzers Grenadiers et une dizaine de chars, attaquent à 7 
          heures, l'agglomération. Malgré de grosses pertes, ils 
          réussissent à
          percer les lignes alliées au nord et au sud de ces localités, 
          coupant ainsi les voies de ravitaillement des Polono-Américains, 
          qui occupent ce centre. Dans l'après-midi, les Américains 
          parviendront à rétablir leur liaison et recevront en renfort 
          les autres bataillons du 395ème d'infanterie, ainsi qu'une compagnie 
          du 24ème régiment de cavalerie polonaise. Les combats 
          ne cesseront pas de la journée. Les Allemands veulent à 
          tout prix dégager le « Couloir de la Mort ». L'ardeur 
          et la fureur des combats atteignent des degrés indescriptibles. 
          Les Polonais, qui ne peuvent rétablir la liaison avec leur ravitaillement 
          seront pourvus en vivres et essence par les Américains, mais 
          le calibre de leurs armes étant différent des armes américaines, 
          ils se serviront des armes et cartouches allemandes en leur possession. 
          Tous les hommes sont sur la ligne de feu, personnel de bureau, des ateliers 
          de réparation, téléphonistes, etc... L'aumônier, 
          lui-même. fera cinquante prisonniers, parmi lesquels se trouve 
          un prêtre. Les Allemands, dont le moral baisse, se rendent, parfois, 
          par unités entières, mais aussitôt de nouvelles 
          vagues surgissent et la lutte reprend, opiniâtre.
          Au cours de la nuit, le commandement polonais tentera un ravitaillement 
          par avions des troupes de Chambois. Malgré le balisage d'un terrain, 
          les containers iront atterrir chez l'ennemi. Le groupe tactique Langlade 
          ( 20ème D.B. française ) débouchant d'Exmes, repousse 
          devant lui les Allemands qui, le matin, ont brisé les lignes 
          polonaises, et parvient à s'établir aux environs d'Omméel. 
          La chaleur active la décomposition des cadavres. et leur nombre 
          est si élevé qu'une puanteur horrible se dégage 
          du champ de bataille. 
        LUNDI 
          21 AOUT
        L'artillerie 
          alliée, de plus en plus nombreuse, n'a pas cessé de pilonner 
          le champ de bataille. L'aviation complète cette œuvre de 
          destruction en mitraillant tout ce qui semble remuer. Cependant les 
          combats ont repris avec violence de toutes parts, mais atteignent leur 
          paroxysme entre Moissy et Hennecourt. Les fantassins allemands, tassés, 
          coude à coude, dans le ruisseau face à Chambois et le 
          long des talus des haies bordant la plaine, arrêtent toute tentative 
          d'assaut de l'infanterie alliée. Ceux qui ne peuvent prendre 
          place sur les lignes de combat sont dissimulés le long des haies 
          du bocage et forment une immense réserve. Le ravitaillement est 
          assuré par le contenu des camions échoués sur la 
          route ou dans les herbages. Ces deux lignes n'ont, entre elles, qu'un 
          mince espace d'un kilomètre environ.
          Si ces hommes sont entassés dans un espace si restreint, c'est 
          que, depuis le matin, « Boisjos » est solidement tenu par 
          les Canadiens qui ont secouru les Polonais, interdisant aux Allemands 
          de s'approcher ainsi de la côte 262. 
          Le bocage présentant un peu de couvert, voit toujours arriver 
          de nouveaux occupants, fuyant la plaine où ils sont tirés 
          comme des lapins. Il n'y a qu'une folie fanatique qui peut donner encore 
          quelque volonté de combattre à cette troupe traquée 
          de toutes parts, et à laquelle il ne reste plus d'espoir de sortir 
          de ces lieux. 
          Quel est donc l'état du « Couloir de la Mort »?
        Dès 
          son entrée au Bas-Aubry, il présente l'aspect d'un coin 
          d'enfer. Il est encombré de canons détruits, de véhicules 
          de toute nature, d'armes brisées ou tordues, de débris 
          d'équipement. de chevaux qui se débattent dans leurs traits, 
          de soldats tués, gisant parmi ce fatras. La plaine qui le longe 
          n'est pas moins semée de ces épaves. 
          Des blindés, comme atteints de paralysie, sont immobiles, les 
          flancs troués de l'impact des obus qui les ont arrêtés 
          dans leur course. Certains autres ont leurs chenilles rompues et les 
          équipages ont préféré fuir que tenter de 
          réparer sous la grêle de balles et d'obus. D'autres encore 
          sont allés s'enliser dans les herbages en bordure de la rivière. 
          C'est aux abords de cette rivière que la bousculade atteint le 
          comble. Le lit de la rivière est très profond, bordé 
          de rives verticales de trois à cinq mètres de hauteur, 
          ce qui exigerait un énorme terrassement pour permettre le passage. 
          
          Le temps presse. Les projectiles viennent du ciel et de la terre. On 
          cherche à gagner le seul et unique passage praticable, le gué 
          du lavoir dit de Moissy. Mais, comme dans toute course, il n'y a qu'un 
          premier, les véhicules s'entassent dans les chemins adjacents, 
          dans les cours, les herbages. La nervosité des fuyards est de 
          plus en plus grande, On essaie de faire passer les engins sur chenilles 
          qui., descendus dans la rivière, ne pourront plus en sortir et 
          seront abandonnés. Ailleurs, en désespoir de cause, on 
          incendie son véhicule. Les hippomobiles abattent leurs chevaux, 
          au revolver, sur le chemin même, ajoutant ainsi un nouvel obstacle. 
          Et tous ces soldats qui., hier encore, se croyaient les maîtres 
          de l'Europe fuient, à pied, rejoindre un peu plus loin, leurs 
          camarades d'infortune. Suivons ces fuyards.
        Au-delà 
          de la route Chambois-Trun, entrons dans le vicinal Moissy-Hennecourt. 
          A Moissy, les maisons ne sont plus que des ruines. Le canon et l'incendie 
          ont fait leur œuvre. Sur la route, si le nombre de véhicules 
          est moins important qu'au gué, le spectacle n'en est pas moins 
          saisissant. Dans le ruisseau qui, pendant plusieurs centaines de mètres 
          longe la vicinale, et sur cette dernière, c'est une véritable 
          superposition de canons renversés avec leur affût, voitures, 
          tanks, autos blindées, camions de munitions éventrés, 
          dont le contenu jonche le sol, cartouches, grenades et obus forment 
          un épais tapis. Aucun espace ne permet à un homme de poser 
          son pied. Dans les cours, les herbages, ce n'est qu'un vaste parc de 
          véhicules et d'engins blindés. Le Boche, dans sa fuite, 
          n'oubliait pas ses larcins. Il abandonna partout des camions remplis 
          de vaisselle, de meubles, et de vêtements civils. Près 
          de la ferme de La Croûte. on peut admirer ce monument, sans doute 
          destiné à commémorer la défaite allemande 
          une voiture de tourisme sert d'assise à une voiture blindée 
          qui. elle-même, sert de socle à un « Panther » 
          en équilibre. 
          Comme ce monument ne saurait à lui seul obstruer complètement 
          le passage, sur le revers du talus, une autre voiture blindée 
          pointe son avant vers le ciel, son arrière prenant assise dans 
          le lit du ruisseau à sec. Cependant, si, devant l'inéluctable, 
          certains ne veulent pas s'incliner, et continuent à se battre 
          avec rage, d'autres, par contre, commencent à faiblir. Les uns 
          se préparent à la mort, qu'ils considèrent comme 
          inévitable, ou songent à la reddition et détruisent 
          tout ce qui leur paraît compromettant. On brûle, on déchire, 
          même les numéraires. On en retrouvera de nombreux morceaux 
          épars. Et au milieu de toutes ces épaves, des milliers 
          de blessés. Des morts gisent dans l'attitude d'un dernier geste 
          de protection. Leurs yeux, révulsés, reflètent 
          la terreur de leur dernière vision. 
          Ils entrent en décomposition et les mouches, pour activer l'œuvre 
          de destruction, déposent leurs larves dans les bouches qui ont 
          voulu jeter un suprême appel à la pitié et qui ne 
          se sont pas refermées.
          Au milieu de ce champ d'horreurs, des hommes, les fanatiques S. S., 
          fous, veulent lutter jusqu'à la mort. 
          S'ils le pouvaient, dans leur délire démoniaque, ils entraîneraient 
          l'univers avec eux dans l'abîme. Le spectacle qu'ils ont de ce 
          carnage ne saurait les faire revenir à un sens plus humain.
        Deux 
          tanks sont en batterie au village même de Moissy. L'un est dans 
          la cour de la ferme, l'autre près d'un bâtiment d'exploitation 
          sur le chemin qui relie le village à la croix de Moissy. Ces 
          deux engins tireront jusqu'à ce que leur parvienne l'ordre de 
          cesser le feu et de reddition. Alors, dans leur folie orgueilleuse, 
          les équipages préféreront se faire sauter avec 
          leur char plutôt que d'exécuter cet ordre, provoquant ainsi 
          l'effondrement des deux bâtiments près desquels ils sont 
          en position, entraînant avec eux dans la mort une vingtaine de 
          leurs camarades qui avaient cherché refuge dans lesdits bâtiments. 
          A « Boisjos », vers 4 heures 30, les Canadiens, venant au 
          secours des Polonais, parviennent aux abords du bois ou se sont retranchés 
          ces derniers, a veille au soir, au sommet de la cote 262. Les Polonais, 
          dans la joie de l'arrivée des secours et leur impatience d'être 
          enfin dégagés, s'élancent à la rencontre 
          des Canadiens dans une charge fantastique à la baïonnette, 
          pour aider ainsi leurs sauveteurs. 
          C'est dans cette charge que tombera le dernier officier polonais valide. 
          Les Polonais avaient perdu à « Boisjos » plus des 
          neuf dixièmes de leurs effectifs. 
        70 
          hommes seulement restent valides sous les ordres du capitaine canadien 
          Sevigny. Les Polonais donneront à la cote 262 le nom de « 
          Maczuga » « masse d'armes ». 
          L'admiration, chez les Alliés, sera si grande, qu'on pourra entendre 
          des unités canadiennes, rencontrant les Polonais, leur jeter 
          au passage la phrase suivante « Bloody Poles. What a job... » 
          « Sanguinaires Polonais. Quel travail ». 
          Le long de la départementale 16, la 2ème D. B. française, 
          partie d’Omméel, rétablit la liaison des unités 
          combattantes polonaises qui sont à Chambois. Dans la matinée, 
          les Allemands ont encore tenté quelques attaques, mais avec des 
          effectifs de plus en plus réduits. Les troupes, unités 
          S. S. à part, ont perdu leur mordant.Les canons, massés 
          à Tournay, ne cessent de tirer dans toutes les directions, attirant 
          les représailles alliées sur ce pays. Le cercle de feu 
          est absolu. Il y a des batteries en position à Crennes, Silly, 
          Le Bourg-Saint-Léonard, Le Haras-du-Pin, LaCochère, Exmes, 
          Villebadin, Louvières, Ecorches, Fontaire, Crocv. C'est une vraie 
          tempête de feu et d'acier qui déferle sur les quelques 
          kilomètres carrés où se débattent les Allemands.
        Quelque 
          temps après, une accalmie semble se produire. Seules, quelques 
          pièces tirent encore. Des déflagrations violentes, ce 
          sont les S. S. qui, ne voulant pas rendre leur matériel, le détruisent, 
          et se détruisent eux-mêmes, des coups de feu isolés, 
          puis, peu à peu, tombe le grand silence. Les engins de destruction 
          se sont tus, On n'entend plus que la sourde rumeur des soixante-dix 
          mille survivants qui, général en tête, se préparent 
          à partir pour la captivité.
          La victoire reste aux Alliés. Le butin est incalculable, tant 
          il est considérable. Dans le département de l'Orne, il 
          a été dénombré plus de six mille chevaux, 
          deux mille tanks ou voitures blindées, et des milliers d'autres 
          véhicules. 
          Cent mille hommes ont été tués ou faits prisonniers. 
          Dans les jours qui suivirent la victoire de Chambois - Fel, les Canadiens 
          et Polonais, chargés de nettoyer le champ de bataille des petits 
          groupes d'Allemands dissimulés dans les bois et les fermes isolées, 
          et qui hésitaient à se rendre, plantèrent sur les 
          flancs de la côte 262 une pancarte où on pouvait lire cette 
          phrase: « A POLISH BATTLE-FIELD » « Un élégant 
          champ de bataille » Jeux de mots : polish en anglais, signifiant 
          aussi bien polonais qu'élégant, brillant ou nettoyé.
         Source : Les combats 
          décisifs de la Bataille de Normandie par A. Boudet et A. Cauquellin