Armée Rouge contre Chemises Noires
La 63ème Legione CC.NN. d’Assalto Tagliamento

Par Alexandre Sanguedolce

Colonel Ermacore Zuliani (1897-1958)

La création du CSIR

Les déboires du Regio Esercito, l’armée de terre italienne, en Grèce et en Libye (opération Compass) mettent fin aux espoirs du Duce d’une « guerre parallèle ». Mussolini décide de participer à « la croisade contre le bolchevisme » pour des motifs idéologiques. L’Italie fasciste avait été néanmoins un des premiers pays à reconnaître l’Union Soviétique. Le Duce ordonne à Ugo Cavallero, chef d’état-major du Regio Esercito de mettre sur pied le Corpo di Spedizione Italiano in Russia ou CSIR, sous les ordres du général de Corpo d’Armata Francesco Zingales.

Composition du CSIR

3ème divisione Celere Principe Amedeo Duca d’Aosta (PADA) commandée par le général Mario Marazzani ; 3ème Regt. Bersaglieri (colonel Caretto) ; Rgt Savoia Cavalleria (colonel Weiss Poccetti) ; Rgt Lancieri di Novara (colonel Giusana) ; 3ème Rgt Artiglieria a cavallo (colonel Colombo) ; Gruppo Carri Veloce San Giorgio ; 9ème Division « autotrasportabile » Pasubio commandée par le général Giovanelli ;
79ème Rgt inf. Roma (colonel Blasioli) ; 80ème Rgt inf. Roma (colonel Chiaramonti) ; 8ème Rgt Art. Mot. (colonel Reginella) ;
2ème Division « autotrasportabile » Torino commandée par le général Manzi; 81ème Rgt inf. Torino (colonel Piccini) ; 82ème Rgt inf. Torino (colonel Fioravanti) ; 52ème Rgt Art. Mot. (colonel Ghiringhelli).
Afin de donner un caractère idéologique à cette croisade, une Légion de Chemises Noires est intégrée au CSIR : la 63ème Légion CC.NN. d’assaut
« Tagliamento ». Le transfert des unités du CSIR débute le 10 juillet 1941.
En cours de route, le général Zingales tombe malade et est remplacé par le général Giovanni Messe. Si ces unités appelées « autotrasportabile » sont dotées de moyens de transport supérieurs à la moyenne des divisions italiennes, il n’y en aura pas suffisamment, et pour beaucoup d’hommes, c’est à pied que s’effectuera le trajet jusqu’au front.

 

La 63ème Legione CC.NN. d’AssaltoTagliamento

Elle a son centre de mobilisation à Udine, les recrues des bataillons CC.NN. provenant de la même région.

Son commandant est le Console Niccolo Nicchiarelli.

Elle est constituée du : - LXIII Bat. CC.NN. « Udine », commandé par le Primo Seniore Ermacore Zuliani ;

- LXXIX Bat. CC.NN. « Regio Emilia », commandé par le Primo Seniore Alberto Patroncini ;
- 103ème Comp. CC.NN. Mitrailleuses lourdes ;
- 183ème Comp. CC.NN. Mitrailleuses lourdes ;
- 1ère compagnie de commandement ;
- 4 Carabinieri ;

- 66 véhicules de transport provenant du 4ème Reg. Train Verona et 133 conducteurs ;
- LXIII bataillon Armi d’Accompagnamento, lieutenantcolonel Vittorio de Franco ;
-171ème Reg. Fanteria de la Brigada Sassari (Regio Esercito) qui sera inclus ultérieurement dans la légion.

(afin de faciliter la lecture, les bataillons CC.NN. sont numérotés en chiffres arabes, ceux du Regio Esercito demeurant en chiffres romains).

En tout, 1 191 Chemises Noires et 284 militaires de l’armée régulière.

Le départ

La 63ème Legione CC.NN. d’Assalto Tagliamento quitte l’Italie le 12 août 1941 par chemin de fer, en 6 convois. Après la traversée de l’Autriche et de la Hongrie, elle est débarquée à Turasti en Roumanie où elle est rassemblée. Le départ pour le front s’effectue par camions, le 21 août, traversant les routes poussiéreuses d’Ukraine, en direction du Dniestr, qui est franchi à Jampol. Le 26, c’est au tour du Bug (méridional) en direction de Pervoymarsk. Depuis son départ de Roumanie, la légion a parcouru 750 km sans avoir tiré un coup de feu.
Le 28 août, Mussolini et Hitler en personne, passent en revue les unités italiennes, devant le général Messe.
Le lendemain, c’est à pied que les légionnaires doivent reprendre la route, à la dépendance de la division Principe Amedeo Duca d’Aosta, les véhicules devant servir à transporter la division Torino.

Le baptême du feu

Le front est atteint finalement le 9 septembre 1941 : la Légion doit tenir un front de 17 km sur la rive droite du Dniepr où elle connaît son baptême du feu lors d’un pilonnage de l’artillerie soviétique des positions italiennes qui voit tomber les premières Chemises Noires. La légion se voit assigner la mission de soutenir le flanc gauche de la division Wiking lors des combats du franchissement du Dniepr, qui est traversé le 21 septembre tandis que l’unité gagne la tête de pont de Dniepropetrovsk pour relever le régiment Westfalia de la division Wiking.

 

 

La manœuvre de Petrikovka

L’état-major du CSIR, qui peut enfin compter sur toutes ses unités en ordre de bataille, élabore un plan visant à encercler d’importantes forces soviétiques à partir de la tête de pont de Dniepropetrovsk et le cours de l’Orel. Le village de Petrikovka est le point de jonction de la division Pasubio au nord-ouest et de la division Torino au sud-est, la division Celere devant franchir le Dniepr pour ratisser et fermer la poche.

Le 28 septembre, la Division Torino se met en marche sur deux colonnes : à droite son 81èmeReg.Fant. avec la Legione Tagliamento, à gauche le 82ème Reg.Fant. Le 2 octobre, la colonne de gauche fait la jonction avec le 79ème Reg. Roma de la Pasubio à Petrikovka, alors que les bersaglieri de la Celere, une fois le Dniepr franchi referment la nasse sur 10 000 soldats soviétiques. Les pertes italiennes sont peu élevées et s’élèvent à 291 hommes dont 87 tués. Avec cette incontestable victoire du CSIR s’achève le premier cycle opérationnel sur le front de l’Est.

La conquête du bassin du Donetz

Après le succès de la bataille de Petrikovka, le CSIR se voit confier la tâche d’occuper le bassin industriel du Donetz, sur l’aile gauche du I.Panzergruppe de von Kleist.

Démarrant l’offensive à partir de la tête de pont Pavlograd conquis le 11 octobre par la Legione Tagliamento et la 198 I.D., la ville industrielle de Stalino est atteinte le 26 octobre, les Italiens occupant l’aérodrome de Stalino, base pour le 22ème gruppo CT., le groupe de l’aviation de chasse, équipé de Macchi 200.

Cependant, les premiers froids se font sentir, surprenant les légionnaires qui n’ont pas reçu l’équipement adapté, et l’éloignement des bases provoque un problème de ravitaillement. Un nouvel effort est demandé au CSIR afin de s’emparer des villes sidérurgiques de Gorlovka et Rykovo. La Legione, appelée à la rescousse du 80ème régiment d’infanterie Roma de la division Pasubio menacé d’encerclement à Gorlovka, parvient à rétablir la situation.

La bataille de Noël

Le 6 décembre, la 63ème Legione est mise à la disposition de la division PADA dans le secteur Krestowka – Malo Orlovka – Novaia Orlovka. L’unité est disposée de la manière suivante : - Poste de commandement de la Légion : Krestovka, avec une compagnie de commandement ; - Malo Orlovka : PC du 63ème Bat avec les compagnies 1/63 et 3/63 ; - Novaia Orlovka : comp. 2/79, 1 peloton d’artillerie (canons 47/32), 1 peloton de mortiers ; - Shevschenko : 2/63 et 1 compagnie de mitrailleuses lourdes ; - Mikhailovka : PC 79 Bat, 1 et 3/79. Les premiers affrontements débutent le 18 décembre avec une attaque repoussée par le 79ème Bat. CCNN à Novaia Orlovka avec l’aide de l’artillerie italienne. Une patrouille russe est capturée et fournit de précieux renseignements notamment sur la présence de blindés permettant de prendre de nouvelles dispositions pour positionner des canons antichars.
Il faut compter aussi sur un froid intense : le thermomètre affiche des températures avoisinant -30° et les légionnaires ont toutes les peines pour construire des abris dans un sol gelé.

L’offensive débute le jour de Noël 1941, à 6 h 30. L’objectif de la Staka est de s’emparer de la ville stratégique de Stalino en enfonçant les défenses du CSIR à la jonction des divisions Torino et PADA, positions défendues par la 63ème Legione CCNN.
À Ivanovka, les bersaglieri du XVIII Bat. du 3ème Reg. Bersaglieri doivent se replier sur Mikhailovka.
À Novaia Orlovka, le village est investi par la 296ème division d’infanterie et après d’âpres combats, à court de munitions, le 79ème Bat. CCNN se replie sur Mikhailovka, abandonnant ses blessés qui seront tous achevés.
À Malo Orlovka, le 63ème Bat. CCNN réussit à repousser toutes les attaques et peut compter sur des renforts envoyés par la division Torino. En fin d’après-midi, les fantassins du 962ème régiment d’infanterie (296ème division) investissent Krestovka mais sont repoussés par l’artillerie de la Pada. À la tombée de la nuit la situation est la suivante : Malo Orlovka et Mikhailovka sont encerclés, Novaia Orlovka et Ivanovka sont perdus. Le 26 décembre, l’attaque reprend sur Mikhailovka à 9h00. La 2/63 compagnie quitte Schevschenko pour marcher sur Novaia Orlovka, appuyée par le 81ème Reg. Fant. (division Torino). Novaia Orlovka est repris à 11 h 30. L’aviation italienne, qui a réussi à faire décoller quelques avions, mitraille les Russes au sol, permettant de dégager ainsi Krestovka.
Le 27, toutes les positions d’avant l’offensive ont été reconquises. Les pertes sont néanmoins très importantes. Dans l’élan le village kolkhozien de Voroschilo est atteint, mais il ne reste plus au sein de la Légion que 31 officiers et 538 hommes de troupes valides.
En récompense de sa défense, le primo seniore Ermacore Zuliani, chef du 63ème Bat. recevra la Medaglia d’Argento al Valore Militare. Les combats continuent autour du village de Voroschilo et de la côte 331,7 (ou Kourghan Ostrij), où les légionnaires assiégés avec des parachutistes allemands repoussent toutes les attaques durant 23 jours. Épuisés, souffrant de gelures, les légionnaires sont relevés le 20 janvier et le 23, les bersaglieri perdant le village, les positions se retrouvent dans le même état qu’avant l’offensive de Noël. Épilogue Le 25 avril 1942, la 63ème Legione devient le Gruppo Battaglioni CCNN M Tagliamento, l’élite des bataillons des Chemises Noires. Sa mostrine (patte de collet consubstantielle à l’armée italienne) représentant un fascio est remplacée par un M de Mussolini entrelacé avec un fascio.

Épilogue

Le 25 avril 1942, la 63ème Legione devient le Gruppo Battaglioni CCNN M Tagliamento, l’élite des bataillons des Chemises Noires.
Sa mostrine (patte de collet consubstantielle à l’armée italienne) représentant un fascio est remplacée par un M de Mussolini entrelacé avec un fascio.

Avec le Gruppo CCNN Montebello, ils forment le Raggruppamento CCNN 3 Gennaio.



Composition du Gruppo CCNN M Montebello :

- VI Btg CCNN M Vigevano ;
- XXX Btg CCNN M Novara ;
- XII Btg CCNN M Aosta.

Le second raggruppamento fut le Raggruppamento CCNN 23 Marzo, composé des bataillons suivants :

Gruppo di battaglioni CCNN M Leonessa
- 14 Bgt CCNN M Bergamo ;
- 15 Bgt CCNN M Brescia;
- 38 Btg CCNN M Asti ;
Gruppo di battaglioni CCNN M Valle Scrigna
- 5 Btg CCNN M Tortona ;
- 34 Btg CCNN M Savona ;
- 41 Btg CCNN M Trento.

Soit en tout 11 bataillons M sur 22 luttant sur le front de l’Est.

En juin 1942, le console Nicchiarelli est remplacé par le console Domenico Mittica. Le CSIR devient le XXXV Corpo d’Armata et fait partie de l’ARMIR (ARMata Italiana in Russia), la 8ème armée italienne dirigée par le général Italo Gariboldi. L’unité se distingue lors des combats défensifs du Don en août 1942. Lors de l’opération Petite Saturne, elle se replie en luttant aux côtés des Allemands pour extraire les troupes de l’Axe enfermées à Tchertkovo.

Dans son livre "La Plupart ne reviendront pas", Eugenio Corti, lieutenant d’artillerie dans la Division Pasubio raconte :«[…] certaines Chemises Noires avaient même grimpé sur les chars russes pour glisser leurs grenades à main à travers les meurtrières. »

Le retour en Italie et la fin

La Tagliamento est reconstituée après son retour d’URSS et est intégrée à la Divisione Corazzata Legionara M, l’unique division blindée de la Milice. Après l’armistice du 8 septembre 1943, la Légion est reconstituée et intègre la GNR pour participer à la féroce lutte contre les partisans.
Lors de l’effondrement de la République Sociale Italienne, les survivants se rendent, le 28 avril 1945, aux partisans qui fusillent 43 légionnaires à qui on avait promis la vie sauve, parmi eux, Giuseppe Mancini, neveu du Duce et fils d’Edvige Mussolini.

 

 

Sources
Dal Dniepr al Don, la 63ème Legione CC.NN. Tagliamento nella campagnia di Russia, Édition Volpe.
L’Italie en Chemise Noire, Enzo et Laurent Berrafato, Édition L’Homme libre.
La plupart ne reviendront pas, Eugenio Corti, Éditions de Fallois.

Menu