Lorsque
le Japon attaque la base de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941,
l’objectif est l’anéantissement pur et simple de
la flotte américaine du Pacifique. L’amiral Yamamoto, chef
incontesté de l’aéronavale nippone sait qu’une
fois la machine de guerre américaine mise en route, la supériorité
japonaise sera mise à rude épreuve.
"Nous pouvons étendre nos conquêtes pendant un an,
après je ne sais pas", déclare-t-il au lendemain
du raid sur Pearl Harbor. Malgré le succès de l’attaque,
Yamamoto n’est pas satisfait : les porte-avions américains
lui ont échappé (Le Lexington transportant des avions
à Midway et l'Enterprise sur la route du retour après
avoir livré des avions à l'île de Wake). Pour lui,
le sort de la guerre dépend de ces navires (Interrogé
quelques années auparavant, il avait fait savoir que celui qui
gagnerait (la guerre) serait celui qui pourrait amener ses avions le
plus loin).
Le bombardement de Tokyo (18 avril 1942) par des bombardiers B-25 Mitchell
ayant décollé de porte-avions américains (Hornet
et Enterprise) puis le revers de l’offensive d’invasion
de la Nouvelle Guinée suite à l’engagement en mer
de Corail (7-8 mai 1942) allaient lui donner raison.
Bien
que ce premier engagement entre porte-avions puisse passer pour une
victoire nippone sur le plan matériel, c’est la première
fois depuis Pearl Harbor que les japonais perdent un navire de guerre
d’un tonnage supérieur à celui d’un cuirassé.
Chaque adversaire a perdu un porte-avions (le Soho, porte-avions léger
côté japonais, le Lexington, porte-avions lourd côté
américain) mais les deux porte-avions d’escadre japonais,
le Shokaku et le Zuikaku, ne pourront prendre part à l’offensive
contre l’atoll de Midway. Le premier a été trop
endommagé alors que le second a perdu tous ses appareils. Apparaît
ici un détail d’importance : les pilotes de ses avions
faisaient partie de ceux qui avaient mené l’attaque sur
Pearl Harbor et étaient des pilotes de premier ordre. La perte
est donc plus qualitative que quantitative. Enfin, les japonais pensent
avoir coulé 2 porte-avions, tant il est vrai que le Yorktown
est fortement endommagé. Ainsi, les américains n’auraient
plus que 2 porte-avions pour défendre Midway…Mais le Yorktown
est encore manœuvrable et, lentement, prend la direction de Pearl
Harbor.
Pendant
ce temps, dans la base américaine, l’amiral Nimitz, qui
a remplacé l’amiral Kimmel à la suite de l’attaque
du 7 décembre, se prépare à contrer une offensive
japonaise dans le centre du Pacifique mais il ignore quel en est exactement
l’objectif désigné par "AF" dans les communications
japonaises. Les services de renseignements américains hésitent
entre Wake et Midway, avec une probabilité pour Midway mais sans
aucune certitude. Ils décident donc de tendre un piège
aux espions japonais : Midway doit signaler que la base manque d’eau.
Le piège fonctionne parfaitement car, peu après, un message
japonais est intercepté. Il signale que "AF" manque
d’eau. L’objectif japonais est donc Midway. Nimitz va tout
mettre en œuvre pour protéger l’atoll. Il envoie sur
place toutes les forces aériennes disponibles : 16 bombardiers
en piqué Daubeuses, 7 chasseurs Wilaya, 30 PBY Catalinita (hydravions
de reconnaissance), 18 B-17 forteresses-volantes et 4 bombardiers B-26
Marauder.
Le
plan japonais est à la fois simple et compliqué :
Yamamoto
a prévu de lancer une attaque sur les îles Aléoutiennes,
forçant ainsi la flotte américaine à sortir de
sa réserve et, une fois suffisamment éloignée de
sa base, la prendre en tenailles avec le gros de sa flotte.
On peut se demander pourquoi l’amiral japonais n’a pas profité
de sa supériorité numérique pour engager la totalité
de sa flotte contre Midway…Alors qu’il dispose de 200 navires
dont 8 porte-avions, seule la première flotte aéronavale
de Nagumo se verra engagée : 20 navires dont 4 porte-avions.
Le plan japonais ne pouvait de toute façon plus fonctionner,
les américains sachant à quoi s’en tenir et compensant
leur déficit matériel par un indéniable avantage
stratégique.
Midway
Le
28 mai 1942, le Yorktown gravement endommagé arrive à
Pearl Harbor, le jour même où le Hornet et l’Enterprise
appareillent pour Midway. L’escadre qui porte le nom de Task Force
16 est placée sous les ordres du contre-amiral Spruance. Elle
devait dans un premier temps être confiée à l’amiral
Halsey mais, cloué au lit, il a lui-même suggéré
son remplaçant. Deux jours plus tard, le Yorktown quitte Pearl
Harbor avec la Task Force 17 sous les ordres de l’amiral Fletcher.
Les américains viennent de réussir un exploit : remettre
le porte-avions en état de combattre en 48 heures ! Pour parvenir
à ce résultat, 1 400 hommes ont travaillé jour
et nuit. A titre de comparaison, le Shokaku, également gravement
endommagé comme nous l’avons vu, sera immobilisé
9 mois.
On
s’aperçoit ici des lacunes de l’attaque de Pearl
Harbor qui avait laissé les infrastructures de la base intactes.
En
appareillant à ces dates, les escadres américaines mettent
en échec les cordons de sous-marins que les japonais ont décidé
de placer au nord-ouest des îles Hawaï le 1er juin.
Le
2 juin, Fletcher et Spruance se rencontrent pour la première
et dernière fois de l’engagement au "Point chance",
situé à environ 325 miles au nord-est de Midway.
Le
3 juin, conformément au plan, les avions de l’amiral Kakuta
attaquent Dutch Harbor dans les îles Aléoutiennes mais
l’impact n’est pas celui espéré. Bien plus
au sud, les pilotes de Midway décollent pour effectuer un vol
de reconnaissance à la recherche de la flotte japonaise. Un PBY
aperçoit les navires de l’amiral Tanaka vers 9 heures.
Son message amène un raid de B-17 qui font demi-tour sans avoir
marqué le moindre coup au but.
Néanmoins, les porte-avions américains, qui ont été
informés des derniers évènements, savent maintenant
que la bataille approche. Fletcher, dont la position est plus au sud
que celle de Spruance et donc plus près de Midway, prépare
le Yorktown au combat.
4
juin
La
première flotte aéronavale de l’amiral Nagumo, le
vainqueur de Pearl Harbor, a 2 objectifs : raser les défenses
de Midway et anéantir la flotte américaine si elle se
présente.
La
première vague de bombardement contre Midway décolle à
4h30 : 108 appareils en provenance des 4 porte-avions. La deuxième
vague d’assaut est préparée avec des bombes pour
les appareils de l’Hiryu et du Soryu, avec de torpilles pour les
appareils du Kaga et de l’Akagi.
Dans
le même temps, les appareils de reconnaissance décollent
des navires japonais mais en nombre bien trop faible : 7 appareils seulement.
En réalité 6 car une catapulte du croiseur lourd Tone
ne peut lancer son hydravion. En contre partie, les PBY Catalina américains
(à long rayon d’action) décollent en nombre à
la recherche des porte-avions japonais.
On
peut ici s’interroger sur le nombre d’appareils de reconnaissance
: Nagumo agit comme s’il était en infériorité
numérique et n’optimise donc pas ses chances de trouver
la flotte américaine.
Comme les avions japonais sont signalés en approche de Midway,
tous les appareils américains prennent l’air :
26 chasseurs vont aller intercepter la formation ennemie pendant que
11 bombardiers en piqué Vindicator, 16 bombardiers en piqué
Dauntless, 6 avions torpilleurs Avenger, 4 B-26 Maraudeurs armés
de torpilles, 19 bombardiers lourds B-17 prennent la direction de la
flotte japonaise.
Les
chasseurs, à 2 contre 1, ne peuvent efficacement contrer l’offensive
japonaise qui laisse les installations en flammes mais intacte la piste
d’atterrissage. Le lieutenant Tomonaga signale donc aux porte-avions
japonais qu’une deuxième vague est nécessaire.
Interrogeons-nous
une nouvelle fois : pourquoi Nagumo a-t-il envoyé des pilotes
débutants contre Midway alors que des pilotes chevronnés
auraient définitivement réglé le problème
de la base américaine, lui laissant ainsi les mains libres pour
combattre la flotte américaine.
Pendant
que l’aviation japonaise décime la chasse et la base américaines,
un PBY repère l’escadre de Nagumo :
"2 porte-avions et des cuirassés. Distance 180 miles, route
au 135, vitesse 25".
Ces
informations sont cruciales car elles permettent à Fletcher de
connaître la position exacte de l’adversaire alors que ce
dernier est dans l’ignorance. 60 bombardiers en piqué,
29 avions torpilleurs et 20chasseurs décollent du Hornet et de
l’Enterprise.
Les
sirènes retentissent sur l’Akagi : les Avenger et les Maraudeurs
de Midway sont en approche.Les chasseurs Zéro et l’artillerie
anti-aérienne en abattent 6 mais 3 parviennent à lâcher
leurs torpilles. Aucune n’atteint son but mais Nagumo réalise
que les appareils de Midway représentent une menace. En conséquence,
les torpilles de la deuxième vague sont remplacées par
des bombes.
L'Akagi
Alors
que ces opérations de réarmement sont en cours, un message
arrive d’un avion de reconnaissance :
"10 navires, 240 miles de Midway, route au 150, vitesse 20 noeuds".
Nagumo
fait aussitôt arrêter le réarmement (les torpilles
sont plus efficaces contres des navires) et demande de quel type de
navire il est question.
16
bombardiers de Midway arrivent au dessus de l’Hiryu : 8 sont abattus,
les autres manquent l’objectif.
Entre
temps, les navires sont reconnus comme 5 croiseurs et 5 destroyers.
Les
forteresses volantes de Midway arrivent à leur tour sur l’escadre
mais, si elle encadrent le Hiryu et le Soryu, elle n’obtiennent
pas le moindre coup au but.
L’avion
de reconnaissance japonais apporte un complément : "escadre
suivie par un porte-avions".
Nagumo
sait maintenant à quoi s’en tenir et Midway passe au second
plan. Il doit toutefois récupérer les appareils de la
première vague et réapprovisionner ses chasseurs.
Le
Yorktown fait décoller 12 bombardiers en piqué, 6 chasseurs
et 17 avions torpilleurs alors que Nagumo, qui a terminé de récupérer
ses appareils, vire au nord pour s’éloigner de Midway.
Ce changement de cap fait manquer l’objectif aux bombardiers en
piqué et aux chasseurs du Hornet qui mettent cap au sud. Les
avions torpilleurs arrivent par contre sur l’objectif et passent
aussitôt à l’attaque sans la moindre protection aérienne
: 30 Zéro fondent sur eux et les abattent tous. Le groupe n’aura
qu’un seul survivant (enseigne de vaisseau Gay).
Arrivent
ensuite les 14 torpilleurs de l’Enterprise qui visent le Kaga
mais 10 sont abattus alors que les 4 torpilles sont évitées
par le porte-avions. Viennent enfin les torpilleurs du Yorktown et leur
protection. Les chasseurs sont abattus et le Hiryu évite également
les torpilles.
Toutes
les forces américaines ont échoué ! Il ne reste
plus que les groupe de bombardiers en piqué des porte-avions
mais ceux du Hornet, perdus au sud, sont hors-course, ceux du Yorktown
(capitaine de frégate Leslie) doivent rectifier leur course et
ceux de l’Enterprise (capitaine de frégate Mc Clusky) cherchent
encore l’objectif.
Le
sacrifice des équipages torpilleurs américains n’aura
pas été vain : Nagumo n’a à aucun moment
pu placer ses navires en position pour lancer leurs appareils. A 10h20,
il peut enfin ordonner de se mettre sous le vent, les ponts d’envol
remplis d’appareils prêts à décoller.
Leslie
a fait virer ses appareils vers le nord-ouest et a 2 porte-avions japonais
sous lui : le Soryu et le Kaga. Il lance l'attaque sur le Kaga, bien
plus important. Dans le même temps l'escadrille de Mc Clusky arrive
du sud-ouest et choisit comme cibles l'Akagi et le Soryu.
Le
Kaga est frappé par 4 bombes dans toute sa longueur et en quelques
instants n'est plus qu'un brasier. L'Akagi, également frappé
de plusieurs coups au but brûle de part en part. Le Soryu ne s'en
sort pas mieux : une bombe a traversé le pont et explosé
dans les hangars, 2 autres ayant gravement endommagé le pont.
Le feu atteint rapidement les soutes à munitions.
10h30
: 3 des 4 porte-avions japonais sont la proie des flammes.
En
quelques minutes, l’espoir vient de changer de camp et l’équilibre
des forces dans le Pacifique est rétabli.
Les américains les appellent "Famous Four".
Nagumo
ne possède plus que l’Hiryu sous les ordres de l’amiral
Yamaguchi. 6 Zéro et 18 bombardiers en piqué décollent
pour aller attaquer le Yorktown. Les chasseurs font du bon travail puisque
seulement 8 bombardiers lâchent leur bombe : 3 atteignent le porte-avions
qui prend feu. Arrivent ensuite les avions-torpilleurs de l’Hiryu
escortés de Zéro. Sur les quatre torpilles lancées,
deux atteignent le Yorktown qui prend 17° de gîte.
Alors
que les premiers appareils japonais regagnent leur porte-avions, les
bombardiers en piqué du Hornet, qui n’ont pas abandonné,
attaquen en masse. L’Hiryu est atteint par 4 bombes.
Le Hiryu
En
fin d’après-midi le Soryu chavire et coule tandis que le
Kaga explose et sombre également.
5
juin
L’Akagi
est sabordé par les destroyers alors que l’Hiryu s’enfonce
en brûlant dans les flots.
Le Yorktown, toujours à flot est atteint par deux torpilles d’un
sous-marin japonais. Le vétéran de la mer de Corail ne
chavirera que le lendemain.
Victoire
incontestable de la marine américaine, la bataille de Midway
marque un tournant dans la guerre du Pacifique. Plus que le nombre d’appareils
et de bâtiments perdus, le coup au moral est terrible pour les
japonais, leurs meilleurs pilotes sont presque tous morts et l’industrie
nipponne n’est pas en mesure de fournir rapidement de nouveaux
porte-avions. Mais cette victoire reste avant tout celle des services
de renseignement qui, en étant parvenus à décrypter
les codes japonais, ont permis de connaître les intentions de
Yamamoto et donc de mieux le contrer.
Menu |