Le Front des Oubliés
Par Daniel Laurent
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Bunker à Lorient

 

Au début du mois d’août 1944, la Bretagne est libérée… enfin, presque.

Les Allemands ont réussi à faire replier des troupes sur Lorient et sur Saint-Nazaire, les 2 plus importants ports bretons après Brest. Prés de 70,000 hommes de la Heer, de la Kriegsmarine et quelques éléments de la Luftwaffe y resteront jusqu’en mai 1945.

Encerclés et gardés de près comme il se doit. Pas par les forces américaines ou très peu. Essentiellement par les ex-Forces Françaises de l’Intérieur, des résistants devenus soldats d’unités de la « régulière ».

Et quelles forces ! L’un d’entre eux dira plus tard : « On peut dire que ces poches allemandes ont été gardées par une armée de jeunes en haillons, crevant de faim et de froid derrière des talus ou dans des marais, mais avec un moral d’acier qui a permis de tenir jusqu’au bout dans un hiver glacial et sans statut militaire, ce qui veut dire que si nous étions pris par les Allemands, nous risquions d'être traités comme terroristes, et donc d'être torturés ou fusillés aussitôt. »


1 - LA FORMATION DES « POCHES » DE LORIENT ET SAINT-NAZAIRE :

Les Forces Américaines, en arrivant en Bretagne durant l’été 1944, se méfient un peu de la Résistance Bretonne, d'autant plus que le C.O.M.A.C.* en a confié le commandement régional à des officiers F.T.P.F.**

* Comité d'Action Militaire, organe créé par le Comité Central des Mouvements de Résistance, le 1er février 1944 pour diriger les Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) ou tous les groupes de résistance se fondaient.

** Franc Tireurs et Partisans Français, réseaux de résistance souvent dirigés par des communistes. Ils combattront en liaison étroite avec les autres groupes mais veilleront à se distinguer des FFI bien qu’en en faisant organiquement partie.

Le général Omar Bradley, qui a remplacé Montgomery le 29 juillet à la direction générale des opérations, craint que les F.T.P.F ne déclenchent une guerre civile, et ne veut pas leur laisser le soin de nettoyer seuls la péninsule.

Au début de juillet, le général Koenig a dû promettre que l'insurrection serait contrôlée, et a, dans ce but, le 4 juillet à Londres, confié au colonel Eon le commandement des FFI des cinq départements bretons (avec la Loire Inférieure) en lui donnant pour adjoint le colonel Passy et en lui remettant un document signé « Bigot ».

Le plan « Bigot » prévoyait l'envoi de neuf nouvelles missions Jedburgh et un très important programme de parachutages d'armes et de munitions avant que le colonel Eon lui-même n’arrive sur place avec son état-major (Mission Aloès).

Le 27 juillet, il a été décidé que toutes les unités françaises de Bretagne, y compris le bataillon de Bourgoin, seraient placées sous les ordres du colonel Eon, et celui-ci obtient le 31 que quatre équipes Jedburgh soient envoyées auprès des quatre commandants départementaux des FFI pour assurer la liaison entre eux et lui.

Le 2 août, la compagnie de choc « Bretagne » du capitaine Dampierre est parachutée à Guern où elle prend immédiatement contact avec le maquis de Déplante.

Dans la nuit du 4 au 5, la mission Aloès est parachutée sur le terrain Bonaparte à 15 km au sud de Guingamp, prés de Kérien. Trente officiers en tout.

Le 5 août, vers 18 h, le major Broussard, de l'état-major de Patton, se présente à Kérien au colonel Eon, et devient auprès de celui-ci l'officier de liaison de l'armée américaine. Rassuré sur l'encadrement et la combativité des résistants, Patton laisse maintenant aux formations des maquis la tâche de nettoyer la Bretagne, avec le soutien de trois divisions de son armée, et il se porte vers l'Est.

Conformément à des instructions antérieures de l’OKW*, les Allemands se replient sur les trois ports de Brest, Lorient et Saint-Nazaire.

* L’Oberkommando der Wehrmacht est le commandement suprême de la Wehrmacht (équivalent à l'État-major des armées).

Le 3 août après midi, commence un mouvement de repli général : Tandis que les troupes de la base aérienne de Meucon, le 708ème bataillon de Osttruppen* stationné à Surzur et le bataillon de parachutistes de Josselin se mettent en route vers Saint-Nazaire, les autres unités du Morbihan ainsi qu'un certain nombre venant des Côtes du Nord, du Sud Finistère et même de Carhaix, essaient de gagner aux abords de la "Forteresse de Lorient", la ligne de sécurité Quimperlé, Arzano, Plouay, Baud.

* Osttruppen, troupes de l’Est, des Russes, Ukrainiens, Polonais et autres Slaves intégrés dans la Wehrmacht, souvent de force.

Du jour au lendemain, les rôles se renversent et les Allemands passent sur la défensive. Le 2 août, alors qu'on se bat aux abords de Rennes, les Allemands qui viennent de rafler la veille plus de soixante containers d'armes, attaquent encore à Moréac la 2ème Compagnie du 4ème bataillon FTPF, mais cette fois les Résistants les obligent à décrocher.

Les Résistants abattent ici et là des arbres en travers des routes, sectionnent des câbles téléphoniques, sabotent des pylônes électriques. A Malansac, l'attaque du dépôt de carburant, dont les quatre gardiens sont tués, permet l'enlèvement de 25 000 litres d'essence. A Pont-Kerlo en Plouay, un groupe de FFI attaque un convoi et tue deux allemands, deux autres périssent dans l'attaque d'un véhicule isolé sur la route de Josselin à Pontivy, deux autres encore sont faits prisonniers à la Trinité-Surzur par la compagnie Ferré du bataillon de Vannes.

L'aviation alliée déploie une intense activité qui surexcite les esprits. A Pontivy elle attaque des camions chargés de munitions et en fait sauter un, mais un avion est abattu et son pilote tué.

« Dans la fébrilité des veilles de combat, plusieurs collaborateurs notoires sont exécutés à Cléguérec, Silfiac, Sérent, Pleucadeuc. Certains nostalgiques, sous couvert d’articles concernant « l’épuration sauvage » cherchent à les ériger en martyrs. Ceux-la ne l’étaient pas. La justice populaire, durant ces événements tragiques, a sans doute été expéditive, probablement illégale, mais n’a pas toujours été injuste » dira plus tard l’un de ces résistants, Roger Lenevette.

Traqués depuis des semaines, les maquisards dont la plupart ne reçoivent pas de solde, qui doivent souvent se contenter d'une maigre nourriture, qui éprouvent de plus en plus de peine à se cacher maintenant que les blés sont coupés et même craignent dans certains secteurs de ne plus pouvoir tenir bien longtemps, contiennent mal leur impatience de se battre.

Ils ne disposent pourtant que d'un armement bien insuffisant, et les parachutages se poursuivent dans la nuit du 2 au 3 août, notamment à la Chapelle-Neuve et à Kergroix en Landévant ou les FFI de Mendon accueillent en outre cinq parachutistes.

Les Allemands, eux aussi, savent que les blindés ne tarderont guère, ils ne croient plus à la victoire, redoutent la vengeance de la Résistance, et se demandent s'ils pourront se rendre aux Américains, pour bénéficier de leur protection.

Le 3 août, les mouvements des troupes déclenchent un peu partout l'action offensive des FFI.

Le même jour, à 18 h, la B.B.C. lance la phrase « Le Chapeau de Napoléon est-il toujours à Perros Guirec ? ».
Le message n'est généralement pas compris. Les parachutistes qui assurent la liaison radio avec Londres pour la plupart des unités en ignorent la signification et attendent vainement une autre phrase : « Le manchot n'est pas mort ».

Cette négligence du haut commandement empêche que soit entreprise la réalisation méthodique du plan de sabotages qui a été préparé et facilite le repli des Allemands, l'opposition que ceux-ci rencontrent n'étant pas coordonnée.

Le colonel « Morice » envoie certes aux douze bataillons de la Résistance Morbihannaise l'ordre de gêner les déplacements des allemands en évitant les accrochages trop importants. Le 1er bataillon reçoit la mission d'encercler Vannes et de s'opposer à toute tentative allemande de destruction. Avant même que ces ordres ne soient lancés, nombre de sections et de compagnies se sont rassemblées un peu partout, pour ainsi dire spontanément, et ont pris position.

Les FFI de Pontivy et une compagnie du 4ème FTPF se portent au devant des convois qui arrivent des Côtes du Nord. A la tête d'une centaine d'hommes, le capitaine Le Berre s'empare de deux camions et de deux voitures du côté de Mür de Bretagne.
A Saint-Caradec, la destruction d'une automobile blindée cause la mort de quatre Allemands. Les combats du Pont-Rouge en Saint-Gonnery et de Saint-Maudan, l'attaque d'un camion ennemi aux environs de Marronnière en Crédin, témoignent de la pugnacité des Résistants de la région Pontivyenne.

Les 50 Allemands qui minaient le Pont-Rouge ripostent avec énergie à leurs assaillants et malgré leurs pertes tiennent bon jusqu'à ce que l'arrivée de renforts leur permette de rester maîtres du terrain. Par contre, près de Noyal-Pontivy, une section de la compagnie Bacon tue un officier et fait trente trois prisonniers. A 150 Allemands qui viennent d'évacuer Guémené, une section de « La Marseillaise », pendant trois heures de fusillade, barre la route de Lorient à Kerliono en Lignol. Non loin de là à Poulprio en Persquen, c'est la section locale des FFI qui arrête un convoi, s'empare d'une camionnette et de plusieurs armes automatiques.

Dans la région de Lorient les accrochages se multiplient sur les routes qui convergent vers la ville. A trois km de Plouay, sur la route de Caudan, un camion est mis hors de service et ses trois occupants tués. Prés de Pont-Scorff, un détachement de Résistants attaque une colonne de trois cent hommes et ne se retire qu'après une vingtaine de minutes de combat.

Entre Landévant et Brandérion, au lieu-dit « Fouille-Poche », c'est un convoi de charrettes réquisitionnées que les FFI bousculent. Le capitaine Jacques de Beaufort veut intercepter dans la nuit du 3 au 4 août, des convois qui venant de Bubry se dirigent soit vers Hennebont soit vers Lorient.

La section de Bubry qu'il avait l'intention de poster en embuscade prés de Poul et Groëz, sur la route de Plouay, ne peut aller chercher ses armes dans leur cachette en raison de la surveillance qu'exercent les Allemands. Il décide donc de recruter quelques hommes et d'aller lui-même avec eux à l'endroit prévu. Un groupe de cyclistes allemands passe à proximité, se dirigeant vers Plouay. Bubry est debout dans la clarté de la pleine lune. Une grenade l'abat, ses compagnons s'enfuient.
Un convoi survenant, les Allemands le chargent sur un camion et s'acharnent sur lui. On retrouvera le lendemain matin, son cadavre affreusement ensanglanté à Kerchopine sur la route de Plouay à Lorient.

Le Nord-Est du Morbihan vit déjà les heures à la foi sanglantes et exaltantes de la Libération. Vers 13 h une colonne américaine se présente à l'entrée du bourg de Mauron sur la route de Gaël. Le feu violent qui l'accueille tue trois soldats et un jeune Parisien de dix sept ans grimpés sur un char par enthousiasme. Les Allemands ne décrochent que trois heures et demie plus tard, après avoir eu 11 tués.

Au cours de la soirée, les FFI qui les poursuivent dans leur retraite, capturent trente trois prisonniers. A Concoret, les Américains occupent le château de Comper, évacué le matin. Plus à l'Est, la compagnie locale du capitaine Le Tallec, forte de cent quatre vingt hommes qui se sont groupés au village de Pengrain, libère, au prix d'un tué et six blessés, le secteur de Coëtquidan et occupe le camp, causant aux allemands des pertes sérieuses et faisant six cents prisonniers. Un commandant est notamment arrêté alors qu'il s'apprêtait à mettre le feu au magasin de literie. Les Américains arrivés vers 18 h, laissent les Résistants nettoyer les environs et poursuivent leur avance, dépassant Guer puis Carentoir en direction de Redon.

A la veille de leur départ, le 3 août, les Allemands perpétuent de nouvelles exécutions : Le FTPF Henri Jegat, de Bignan, est extrait de la prison de Locminé et fusillé à Trébimoël en Colpo. Avant de quitter Josselin, les Allemands abattent dans la cour de la clinique Saint-Martin les sept prisonniers qu’ils leur restaient. A Peillac, un Français, en tentant de s'emparer d'une motocyclette, rend furieux des soldats qui s'en vont. Ils tirent et abattent cinq personnes, dont un cantonnier qui fauchait l'herbe sur le bord de la route. A Quily, vers 23 h, les allemands surprennent deux résistants, Antoine Guillard et Théophile Geffroy qui partent armés de fusils, pour se rendre à un parachutage. Ils les abattent sur place et en arrêtent deux autres qui ne portent pas d'armes. Ceux-ci conduits le lendemain sur la Lande de Meslan, y sont contraints de creuser leur tombe avec trois autres Résistants. Un bombardement aérien leur sauvera la vie en leur permettant de fuir.

Le 4 août, les mouvements de troupes s'amplifient. Pontivy est évacué. Vers trois ou quatre heures du matin, les portes sont ouvertes aux détenus de l'Ecole Supérieure. Toute la matinée, on entend des explosions. Celles de la poudrière de Kerjalotte allument d'immenses brasiers. Les quatre ponts du Blavet sautent ainsi que celui du chemin de fer.

Dans l’après-midi, les FTPF du capitaine « Alexandre » arrivant par la route de Malguénac, occupent la butte de Kerjalotte et déclenchent une vive fusillade pour réduire les éléments retranchés dans le faubourg de Verdun et route du Sourn. Les alliés envoient des avions qui, en plusieurs piqués, nettoient rapidement les nids de résistance allemands.
La 18ème compagnie des FFI (capitaine Bacon) entre alors dans la ville, précédant de peu les blindés de l'armée américaine. L'intense activité de guérilla se traduit par de très nombreux accrochages. On s'empare d'un camion allemand sur la route Gourin en Plouray.

Les sections de FFI de Lignol et Guémené bloquent un convoi à Ploërdut, s'emparent de deux camions et d'un canon antichar. Dans l'après-midi, prés de Pont-Tanguy en Meslan, les FFI du Faouët attaquent un convoi d'une cinquantaine de véhicules.
Les Allemands tirent de tous côtés, et après dix minutes de combat, les Résistants, qui ont détruit deux camions, se replient, tandis que leurs adversaires mettent le feu à une maison avant de reprendre la route.

Plusieurs sections du 7ème bataillon attaquent des colonnes qui descendent sur Lorient et font quelques prisonniers.
Dans la région de Pontivy, les FFI du capitaine Le Berre livrent de brefs combats à Kerbigot en Saint-Connec (Côtes du Nord) et au Poteau en Kergrist pour s'emparer de véhicules allemands et d'armes.

Au Roduel en Neulliac, la même compagnie attaque et disperse un autre convoi. Une section de la compagnie de Locminé, postée au carrefour de Sainte-Brigitte en Naizin échange des coups de feu avec une colonne hippomobile de l'importance d'une compagnie qui se replie de Rohan sur Lorient. Des éléments de la 2ème compagnie du 4ème FTPF détruisent des camions sur la route de Pontivy à Josselin et capturent plusieurs allemands.

Prés de l'étang de Kervinien en Rubry, un groupe du 1er FTPF attaque une voiture allemande et tue trois de ses occupants.

D'autres convois sont également attaqués dans la région de Questembert, sur la route de Vannes à Redon, et sur les petites routes adjacentes. La compagnie de Guer harcèle les Allemands qui se retirent vers Marzan et les accrochera le 5 à Péaule. De nombreux avions mitraillent en outre les troupes ennemies qui, de diverses provenances se dirigent vers la Roche Bernard, donc vers la future « Poche de Saint-Nazaire ».

Les Allemands ont reçu l'ordre de procéder à des destructions étendues. Ceux de Josselin mettent le feu aux réserves de munitions, incendient un de leur cantonnements et font sauter une arche du pont de Sainte-Croix. Dans la soirée une escadrille intervient sur les landes de Meslan et transforme leur retraite en déroute. A Rohan, ils mettent le feu à la féculerie.
A Peillac, ils détruisent le pont métallique sur l'Oust et tous les ponts à Malestroit. Dans la presqu'île de Ruys, ils font sauter tous les forts de la côte et incendient l'école de Penvins. A Elven, ils mettent le feu à un de leurs camions-citernes, tombé en panne, incendiant ainsi deux immeubles.

Parfois, comme à Locminé ou au Faouët, ils n'ont pas le temps de détruire quoi que ce soit. Quelques petites unités décident de mettre bas les armes. Les 200 Géorgiens laissés en arrière garde dans la presqu'île de Ruys tuent leurs gradés allemands pour se rendre. A la Gacilly, un officier capitule avec ses hommes sans combat et livre à la compagnie du capitaine Montfort un important matériel intact.
Le 3 août, les Allemands brûlent leurs archives et commencent à évacuer Vannes vers 20 heures pour se diriger vers La Roche-Bernard avec un cortège invraisemblable de véhicules les plus divers (dont une roulotte de nomade).

Le 4 août, à 3 h du matin, le Feldkommandant quitte Vannes. A l'aube les dernières troupes allemandes incendient divers immeubles, les casernes, l'arsenal, l'usine Douaud et un peu plus tard les baraquements du parc du château de Meudon ainsi que le grand séminaire. A 10 heures, l'évacuation est terminée.

Ce même 4 août, le commandant Hervé a reçu l'ordre de Bourgoin, qui dirige les opérations militaires du Morbihan de « marcher sur Vannes ». Comme son bataillon n'est soutenu, ni sur sa gauche, où, militairement parlant, c'est le vide, ni sur la droite où le bataillon d'Auray n'est pas encore armé convenablement ni entièrement rassemblé, Hervé décide de rentrer en ville et de se battre sur les lisières extérieures. Ses ordres sont diffusés vers 15 h.

La compagnie de commandement du capitaine Le Frapper, venant de Locmiquel s'avancera par la route de Plescop; le capitaine Gougaud qui tient la région d'Elven avec la 1ère compagnie arrivera par la route de Rennes et la 2ème compagnie du capitaine Ferré, concentrée prés de Kerbiquet, à 2 km au sud de la Trinité-Surzur, gagnera le chef-lieu par la R.N. 165. Quant à la 3ème compagnie, que commande le capitaine L'Hermier, aux alentours de Pluvigner, elle devra, en couverture, prendre position à l'ouest de Grand-Champ.

Une colonne allemande, forte d'environ cent cinquante hommes, venant de Monterblanc et se dirigeant vers Redon tente de forcer le passage d'Elven alors même que la section locale s'y rassemble. Après quatre heures de combats, les Allemands sont dispersés par le feu de deux avions alliés et refluent sur le bois voisin de Kerlo en emportant une dizaine de morts.

Au début de la nuit, deux autres colonnes allemandes groupants cette fois 1 100 hommes, tentent à leur tour de traverser Elven. Une section de la 1ère compagnie les harcèle mais ne peut les arrêter. Elles passent et se dirigent vers Redon, non sans avoir tué deux civils.

Pendant ce temps la 3ème compagnie prend position, la 2ème se regroupe vers le château de Meudon, non loin de Bohalgo. Son mouvement est terminé le 5 vers 7 h.

A 8 h le commandant Hervé place deux groupes de combat sur les routes d'Auray et de Saint-Anne, puis entre dans la ville à la tête de son état-major et de la compagnie de commandement, drapeau déployé, puis se rend prés du nouveau préfet, Onfroy. Il a donné rendez-vous à 10 h aux deux autres compagnies au Collège Jules Simon, mais il apprend qu'elles sont engagées vers Saint-Avé et le Polygone et qu'une forte colonne de camions allemands descend de Plescop sur Vannes. La compagnie de commandement va prendre position à la sortie de la ville pour barrer les routes de Sainte-Anne et d'Auray.

A Saint-Avé, la 1ère compagnie a attaqué vers 8 h des détachements motorisés qui voulaient rejoindre la route de Redon (La Poche de Saint-Nazaire) sans passer par Vannes. Elle les arrête pendant trois quarts d'heure au prix d'un seul blessé. Elle met une dizaine d'hommes hors de combat et s'empare d'un camion. Les derniers allemands qui traversent le bourg abattent au passage trois civils. Déjà la 1ère compagnie se porte vers le Polygone où elle disperse une colonne légère, et la 2ème compagnie accourt à la rescousse, tuant cinq allemands et en capturant quelques autres. Les Allemands essaient de déborder vers Le Bondon. Des civils se présentent pour prêter main forte. On en arme une trentaine avec des fusils fournis par la gendarmerie, et ils vont sur la route de Sainte Anne renforcer la compagnie de commandement qui se bat maintenant au pont de Kerluherne et au Bondon.

Les 5 ou 6 000 allemands qui ont rôdé toute la matinée autour de Vannes, cherchant à reprendre la ville pour rétablir la liaison entre les troupes de la région de Saint-Nazaire et celles de la région Lorientaise, diminuent leur pression en début d'après midi, mais tout danger n'est pas écarté.

« Hervé » répartit son bataillon aux diverses portes de la ville. Vers 19 h, alors que se termine la première séance du Comité Départemental de Libération, une douzaine de chars Shermann font leur apparition dans Vannes en liesse, puis se replient à mi-chemin d'Elven. Cependant des Américains patrouilleront en ville avec des FFI jusqu'au matin. Une mission de liaison interalliée constituée quelques jours plus tôt prend contact à la préfecture et étudie la situation locale. Un fort détachement allemand pourvu d'artillerie a été signalé à l'est d'Auray.

Le 6 août au matin, à 6 h, les allemands attaque à nouveau la compagnie de commandement. Le colonel allemand Borst a reçu l'ordre de reprendre Vannes. Il dispose de deux bataillons. Cette fois les Allemands mettent des canons de campagne et des canons antichars en position à l'angle des routes d'Auray et d'Arradon et tentent de déborder les FFI vers le sud.
A 8 h « Hervé » demande le secours des blindés américains.

Ceux-ci, 17 Shermans, entrent en action vers midi sur la route d'Auray tandis que dix-sept autres vont surveiller la route de Meucon où une autre formation ennemie a été signalée.

A 15 h 30, le combat s'achève : 75 camions, autocars, et autres véhicules allemands ainsi que de nombreux canons ont été détruits. Selon les rapports de la Wehrmacht, l'un des deux bataillons allemands a été pratiquement anéanti. Seulement quatre officiers et une trentaine d'hommes auraient réussi à rejoindre Lorient. L'autre bataillon a perdu 4 officiers, un médecin et environ 350 sous officiers et hommes de troupes. D'autres rescapés se cacheront dans les bois et se rendront dans les jours suivants aux patrouilles FFI.

Pour assurer à Vannes une double protection en cas de nouvelle menace, le général US Wood placera des blindés dés le lendemain sur une ligne Baden-Plescop-Meucon, tandis que le 1er bataillon s'installera tout autour de la ville.
L'Est sera couvert par la 5ème compagnie qui tient la presqu'île de Ruys, la section de Muzillac et la section d'Arradon.

A 20 h, le général Wood fait appeler « Hervé » à la préfecture. Il lui demande un guide pour marcher sur Lorient le lendemain matin. « Hervé » se propose lui-même, dans l'espoir d'être le premier FFI à y entrer.

Les villes de l'Est du Département connaissent en même temps que Vannes les joies et les craintes d'une Libération qu'endeuillent ici et là les crimes d’unités allemandes ou d’Osttruppen. Plusieurs points de passage des unités qui se replient vers les futures « Poches » sont le théâtre d'événements sanglants. La volonté allemande de tenter le rétablissement d'une liaison permanente entre Lorient et Saint-Nazaire les conduits à maintenir ouverte la traversée d'Auray.

Le 4 août, des Allemands mettent un canon en batterie sur la Place de la République. A 14 h 30 les habitants d'Auray, constatant que les Allemands ont disparu, pavoisent et manifestent leur joie. Vers 22 h, deux colonnes fortes de 30 à 40 camions chacune y arrivent avec canons antichars, mitrailleuses, grenades. Tout autour, dans la région, ce ne sera que viols, pillages, crimes, incendies, prises d'otages, tels les sanglants événements de Sainte-Anne-d'Auray. De nombreux accrochages avec les FFI auront lieu, jusqu'au passage de la colonne US qui se dirige vers Lorient et que guide « Hervé » le 7 août 1944. La colonne est bloquée à Hennebont par des ponts détruits et un tir de barrage d'artillerie ennemi.

C'est à l'automne 1942 que les Allemands ont commencé la construction d'une ligne de fortifications autour de Lorient sur une longueur de 24 km. Sur 600 ouvrages projetés, 400 étaient achevés (auxquels il faut ajouter une centaine de petits ouvrages pour canons et armes de toutes sortes) lorsqu'ils cessèrent les travaux en mai 1944.

Les éléments allemands qui se replient éprouvent beaucoup de difficultés a atteindre la forteresse, lorsqu'ils sont trop peu nombreux pour résister aux attaques surprises des FFI. Tandis que diverses unités se replient vers Lorient, le commandement allemand redistribue les troupes sur les positions qu'il se propose de tenir.

Le 6 août, la « Poche de Lorient » reste encore assez mal délimitée. Ce dimanche 6 août, le commandant Mailloux tente d'obtenir de l'amiral Matthiac la reddition de Lorient. A 11 h il obtient comme réponse que c'est le général Fahrmbacher qui commande désormais à Lorient. Il en informe immédiatement le général Wood qui intervient aussitôt en rédigeant une lettre reprenant les mêmes arguments mais sous une forme plus sèche. Réponse des Allemands :
« Nous avons reçu l'ordre de résister ».

A 19 h 50, vingt-cinq « Liberators » attaquent la base de Kéroman sur laquelle ils lâchent des bombes de six tonnes.

Le 7 août, la colonne américaine apprenant à Hennebont par les FFI que les Allemands viennent de faire sauter les ponts qui sont devant eux, il est décidé de passer par Lochrist. Deux adolescents se proposent pour montrer la route. Un civil indique les emplacements de six canons allemands que le colonel américain veut aussitôt détruire.
A ce moment, il est à peu prés 10 h, tombent sur la place de l'église les premiers obus tirés de Lorient et par les 203 de Groix. Brusquement s'abat sur le centre de la ville une pluie d'obus percutants, fusants et incendiaires qui ne cessera qu'après 16 h. Une vingtaine d'habitants tués, 180 blessés. Les sinistrés se réfugieront dans les communes voisines.

Quand à 16 h  « Hervé » dit adieu au colonel américain pour rentrer à Vannes, Hennebont est en flammes. En outre plus d'une centaine de projectiles ont fait 5 morts et 15 blessés sur Languidic, 6 morts sur Branderion.

De Lochrist le "Combat Command A » du colonel Bruce C. Clarke se dirige d'abord vers Hennebont rive droite où l'artillerie l'empêche de s'établir, puis vers Caudan qu'il traverse à 18 h 30 se dirigeant vers Lanester. Il sera bloqué par un intense tir de barrage qui va se prolonger toute la nuit et frapper également la population, rassemblée après avoir fêté les Américains.

Le « Combat Command B" venu de Ploërmel par Baud et Languidic arrive à Pont-Scorff au matin du 7 août et s'engage sur la route de Lorient. Des FFI de la compagnie locale oeuvrant sous la couverture de deux chars vont ouvrir le feu sur certaines maisons, d'où s'échappent des allemands ? Quelques-uns uns sont tués à coup de fusils, une trentaine sont fait prisonniers. Les FFI du capitaine Reglain (3ème compagnie, 7ème bataillon) fouillent les bois de la rive droite du Scorff.

Vers midi deux volontaires se présentent pour conduire des américains en reconnaissance sur la route d'Hennebont. Louis Rémond conduit la voiture et l'Espagnol Garcia, portière ouverte est prêt à sauter en cas d'alerte. Les Américains suivent à quelque distance. En face de l'étang de Kersalo, un Allemand lève les bras.

La voiture s'arrête, Garcia descend et le désarme. A ce moment surgissent environ 200 allemands qui criblent la voiture de balles. Rémond est tué. Garcia plonge dans l'étang, passe sous le pont pour échapper aux balles et reste deux heures caché sans que les allemands qui ont jeté des grenades au jugé dans l'étang l'ai repéré. Ensuite les Allemands font sauter leur dépôt de munitions de Kersalo et se replient sur Lorient. Garcia peut alors sortir et rentrer à Pont-Scorff à pied.

Les véhicules du « Combat Command B » viennent d'entrer dans deux champs à droite de la route, prés de l'endroit où le petit train traverse celle-ci, lorsque les premiers obus sifflent.

Pendant deux heures, l'état major et l'infanterie du 51ème R.I. sont cloués sur place par le tir très précis d'une batterie allemande en position à Loustoir-Plam, prés de Lann-Bihoué. Le tir est réglé par un officier et un sergent du haut d'un observatoire installé au château de Bivière qu'on finit par découvrir, et ils sont tués prés de leur téléphone.

Vingt hommes de la 4ème D.B. sont morts et 85 sont blessés. 5 half-tracks, 6 Jeeps, 2 camions et 2 voitures blindées sont détruits. La voiture radio ayant été mise hors d'usage, la liaison avec le général Patton (alors à Rennes) est coupée pour deux jours. Impossible d'obtenir l'aide de l'aviation.

Pour le capitaine Kenneth Koyen de la 4ème D.B US : « La preuve était faite que Lorient était bien défendue et bien garnie d'hommes. L'armée allemande et les forces navales étaient supérieures en nombre aux hommes des blindés dans la proportion de 5 à 1. Des fossés antichars, des champs de mines, la Flak, les défenses côtières, les pièces de marine protégeaient la ville d'un cercle d'acier. On estimait que 500 pièces de campagne garnissaient la base de sous-marins, et d'énormes réserves de munitions leur permettaient de résister pendant des mois ».

Quelques chars cependant ont traversé Quéven et s'avancent vers Lorient. Vers 17 h 30 ils sont à Beg-Runio en Quéven, à 200 mètres de la voie ferrée lorsque survient un train. Un obus bloque la locomotive, des balles incendiaires mettent le feu à un wagon. Or dans ce wagon sont enfermés 33 otages arrêtés lors de l'attaque de la Kommandantur de Rosporden. Avec beaucoup de difficultés ils arrivent à faire sauter le cadenas et s'enfuient. Les Allemands du train tirent sur les fuyards et sur les Américains. 9 otages sont tués et sept blessés, les 17 autres ont gagné la liberté.

Les chars reprennent leur marche et approche du « Perroquet Vert ». Devant Kerlétu, le feu d'une unité de D.C.A. les arrête et détruit trois chars dont les carcasses rouilleront sur place pendant plusieurs années.

Les autres font demi-tour. Impressionné par une puissance de feu qui s'est manifestée avec une efficacité redoutable, le général Draggers évacue Quéven et se replie sur une ligne solide, le ruisseau de Kerrusseaux.

Le lendemain matin 8 août des blindés du « Combat Command A » guidés par des FFI paraissent tenter une progression vers Lanester. Venant des abords de Caudan, ils se dirigent vers le Scorff et anéantissent à Manéhullec la batterie de DCA
« Hambourg » de 128 mm, une des plus puissantes de la forteresse de Lorient. Mais bientôt ils essuient un tir d'artillerie qui met un char hors d'usage. Ils restent sur place.

Le 9 ils se retireront après un bref combat et à 18 h, un officier américain informe le commandant Mailloux que les troupes alliées se replient au nord de Caudan.

Après l'avance rapide et déployée en éventail de la 4ème D.B., le général Wood ne souhaite pas immobiliser ou même perdre devant Lorient les précieux chars qui doivent lui permettre de reprendre sans tarder l'offensive vers le Centre de la France. Dés le 10 août, ayant reçu du carburant, il ne garde que le C.C. B sur le front de la « Poche » et envoie le C.C. A sur Nantes.

Le 12, interrogé par Branges de Civria, il déclare qu'il ne dispose que d'engins blindés, et que les chars ne sont pas faits pour prendre les villes. Le 14 il quitte Vannes pour installer son PC en Anjou à une douzaine de km de Pouancé.
Il a définitivement confié aux FFI le soin de contenir les Allemands dans les poches de Lorient et de Saint-Nazaire.

Au cours des journées des 7 et 8 août, la population d'Hennebont a manifesté son enthousiasme et sa joie à l'arrivée des Américains, et leur a volontiers apporté son aide. Furieux les Allemands recourent une fois de plus aux exactions et laissent des soldats ivres piller, incendier, massacrer des civils sans défense. La partie d'Hennebont non libérée vit des heures affreuses. Durant trois jours (les 7, 8 et 9), des éléments de la Wehrmacht tuent des civils. La plupart des soldats portent des lunettes noires et sont armés de mitraillettes. Ils arrêtent les habitants, les font mettre en rang, et les abattent. Ils jettent des grenades dans les abris. Ils mettent le feu aux récoltes. Ils iront même jusqu'à détrousser leurs victimes.

31 civils seront assassinés dans la partie d'Hennebont restée aux mains des Allemands sans compter les autres meurtres parmi les habitants de Lanester, Caudan, Quéven et Guidel. A ceux-la, s'ajoutent de nombreux autres commis sans témoins.

A l'autre bout du département, à Marzan, les troupes qui se replient sur ce qui va devenir la « Poche de Saint-Nazaire » se livrent à de pareilles exactions. Ils assassinent, pillent et incendient sans explications.

Le 6 août, les éléments avancés franco-américains, venant de Muzillac ont atteint la contrée avoisinant la Vilaine, mais n'étant pas en nombre suffisant, ces éléments se sont retirés à une dizaine de km.

Constatant ce fait, les Allemands établissent une solide tête de pont, sur la rive droite de la rivière, au pont même de la Roche-Bernard : Occupation de fortins ainsi que de nombreuses tranchées et installation de mitrailleuses.

Le lendemain matin, Américains et Allemands se battent aux abords du bourg de Marzan. Les Allemands se précipitent dans les villages et tirent sur toutes personnes qui bougent sans motif. Après avoir évacué Pénestin, les Allemands y sont revenus le 5 et ils tiennent toute la rive gauche de la Vilaine. Dans la nuit du 11 au 12, une de leurs patrouilles pénètre dans Muzillac jusqu'à la Place de la Mairie.

Pendant une semaine, ils pillent et saccagent tout dans la région. Dans la matinée du 15 août, au cours d'un violent orage, la foudre met à feu les mines du pont de la Roche-Bernard. Celui-ci s'effondre.

Après la destruction du pont de la Roche-Bernard, le détachement Allemand qui tenait la tête de pont de Marzan et d'Arzal se retire sur la rive gauche. Désormais limitée au Nord par la Vilaine, la « Poche de Saint-Nazaire » s'étend sur prés de 2 000 km2. Solidement établis d'un côté de la Loire, les Allemands interdisent aux alliés l'usage du port libéré de Nantes comme du port de Saint-Nazaire resté entre leurs mains.

A partir du 3 août, un certain nombre d'unités allemandes en retraite convergent vers Saint-Nazaire. Parmi elles figurent un bataillon de parachutistes stationné à Josselin, des unités de DCA de Rennes et de Vannes, la garnison de Rennes, un bataillon de Géorgiens et l'état-major de la 265 ID.

Le 5 août, ce regroupement est achevé. Les Allemands s'organisent de manière à empêcher aux alliés, l'usage de l'estuaire de la Loire et des ports de Nantes et de Saint-Nazaire.

Le 10 août, le général Wood lance son CCA vers Nantes. Les chars parcourent sans encombre les 155 km séparant Hennebont de Nantes, se contentant de longer le canal de Nantes à Brest sans se préoccuper de la côte.

Le 11 août, les chars arrivent dans la banlieue de Nantes, où ils relèvent un bataillon de la 5ème D.I. US. Puis le 12 août, la ville, en partie occupée par les FFI tombe sans combat. Comme dans les environs de Lorient, la progression est ensuite stoppée.

Les Allemands tiennent une zone limitée au nord par la Vilaine jusqu'à Rieux, à l'ouest par le canal de Brest à Nantes puis par une ligne Bouvron-Marville-Cordemais, rive droite de la Loire et sur la rive gauche de la Loire par une ligne Frossay-Chaivé-Le Clion-Pornic.
Tout autour de cette poche contre laquelle les forces américaines ne tentent rien, des bataillons de F.F.I. prennent place. Ce sont eux qui vont mener un siège qui, comme à Lorient durera neuf mois…

Si les Américains réussissent le tour de force de conquérir la Bretagne en une dizaine de jours (contre les 25 prévus dans les plans initiaux), les Allemands de leur côté remplissent les objectifs qu'ils s'étaient fixés.

Les unités du XXV. AK, hormis la 266 ID pratiquement entièrement capturée, sont parvenus à se retirer vers les forteresses en bon ordre et en évitant toujours le contact avec les avant-gardes américaines.

Mettant à profit les hésitations du commandement américain, et le retard pris par le général Wood avec ses troupes de la 4ème DB, les chefs allemands ont réussi à créer dans la péninsule bretonne 2 abcès de fixation : Lorient et Saint-Nazaire.

En effet, contrairement aux instructions qui lui ordonnaient de faire route vers le sud-ouest, avec pour objectif Quiberon, le général Wood donne l'ordre à ses deux Combats Commands de contourner Rennes par l'ouest, afin de positionner sa division au sud de Rennes de manière à ce qu'elle puisse s'élancer vers l'est en direction de Châteaubriant, Angers, Chartres, c'est à dire à l'opposé des plans prévus.

Le 3 août, dans la soirée, le C.C. A est à Bain de Bretagne (32 km au sud de Rennes) et le C.C. B est à Derval (53 km au sud de Rennes). Dans la soirée, le général Wood qui ne doute de rien, demande qu'on lui donne comme objectif Angers !

Cette initiative est peu goûtée à l'état-major de la 3ème armée qui le rappelle à l'ordre le 4 août par un télégramme incisif signé du général Gaffey, chef d'état major de Patton. Il lui est ordonné de faire demi-tour immédiatement et de reprendre ses objectifs initiaux.

La division, à court d'essence ne peut repartir aussitôt.
Le 5 août, le C.C. A finit par quitter Bain de Bretagne vers 14 h pour arriver à 21 h à Vannes en partie libérée par les FFI, Elle doit faire face en soirée à une contre-offensive allemande dont l'objectif est la reprise de Vannes. Après l'échec de son ultimatum à l'amiral Matthiae demandant la reddition de Lorient, Wood reprend sa progression, s'empare d'Auray, puis se dirige vers Hennebont où il est bloqué par les défenseurs de Lorient.

Pendant ce temps, le C.C. B quitte Châteaubriant où il est arrivé le 4 août, et reprend sa marche en faisant un large crochet au nord ouest de Redon suivant un axe Ploërmel-Baud via Malestroit. Le 7 août au matin, les éléments de tête de la C.C. B arrivent aux lisières de la forteresse de Lorient. A 19 h 30 ses chars sont à Pont-Scorff et à Caudan où ils sont immédiatement pris à partie par les canons de Lorient.

Plus de 24 heures ont donc été perdues. Pendant ce temps, profitant de cette aubaine, les unités allemandes ont pu se replier sur Saint-Nazaire et sur Lorient et organiser rapidement la défense de ces deux forteresses, dont ils resteront maîtres pendant encore neuf mois.

Au 1er octobre 1944, subsistent donc derrière les grandes unités en marche vers les Pays Bas et l'Allemagne, des réduits négligés par le SHAEF*.

*Supreme Headquarter of the Allied Expeditionnary Forces, Grand Quartier Général des Forces Expéditionnaires Alliées.

Ce sont six forteresses dans lesquelles les Allemands solidement retranchés sont bien décidés "à tenir jusqu'au bout". Tels sont, du reste, les termes de la directive de Hitler du 17 août 1944, qui ordonne après la retraite de l'été, que les secteurs de défense des côtes ouest et sud de la France soient tenus jusqu'au dernier homme. En effet, d’autres poches sont formées hors de la Bretagne : Dunkerque, la Pointe de Grave, La Rochelle et Royan.

L'état-major considère qu'il est inutile de distraire quelques divisions engagées dans l'assaut final pour s'emparer d'installations portuaires hors d'usage ou inutiles.

La prise d'Anvers intacte place Dunkerque, Lorient, Saint-Nazaire, La Pallice et Royan au rang d'échardes (le mot est du général Montgomery). En revanche, comment expliquer la tactique allemande ?

Pourquoi se sont-ils enfermés dans ces poches côtières ? Pour Lorient et Saint-Nazaire, la réponse paraît évidente. Le général Fahrmbacher et l'amiral Matthiae à Lorient, le général Junck et l'amiral Mirow pour Saint-Nazaire n'avaient plus que deux solutions : La résistance sur place ou la reddition depuis que la prise de Nantes le 12 août 1944 leur a coupé toute possibilité de repli.

Pour les Allemands, la première solution a le mérite d'obéir à l'ordre du Führer parvenu le 17 août au moment ou Paris et Marseille vont être libérés : « Les forteresses et les secteurs de défense des côtes Ouest et Sud de la France seront défendues jusqu'au dernier homme »
En réalité, à l'exception de Royan, point d'appui du « Mur de l'Atlantique », la défense des autres forteresses relève de l'improvisation.

Lâchée par la Heer qui jouait une partie décisive, la Kriegsmarine, coupée de la mer, ne peut songer à une retraite de vive force au travers du maquis français. Ce serait du suicide. Pour les Allemands, il est donc logique de faire front en position de force aux « Terroristes ».

D'abord, la survivance des poches pourrait se révéler payante si la situation se redressait, ensuite, elles restent un refuge pour les sous-marins.

Ce fut le cas pour un U-Boot en provenance d'Allemagne qui réussit à effectuer une liaison à la fin du mois de novembre et apporta des munitions et du courrier. Un autre arriva d'Extrême Orient le 24 avril 1945.

Il faut attendre le 29 octobre 1944 pour que le quotidien « Ouest-France » fasse une discrète mention au secteur
« Loire Inférieure » FFI et emploie le mot « Poche » le 6 novembre.

2 - LA POCHE DE LORIENT :

Durant les 277 jours que dure la « Poche de Lorient », environ 70.000 combattants allemands, Américains et Français se firent face.

Pour les forces américaines, les effectifs étaient très réduits dans la mesure où seule la 94eme Division d’Infanterie US reste en Bretagne, partagée entre Lorient et Saint Nazaire, toutes les autres unités américaines ayant fait demi-tour et s’étant ruées vers l’Est. Environ 4000 hommes de la 94e étaient à Lorient, les forces d’encerclement étant essentiellement composées des ex-FFI/FTPF de la 19eme Division d’Infanterie.

De part et d'autre, le bilan fut lourd, les pertes et les dommages importants.

Mais dés 1943, Lorient avait connu de dures épreuves au moment des bombardements qui détruisirent la ville aux trois quarts et contraignirent la population à l'exode. Des milliers de réfugiés durent attendre la fin des hostilités loin de leurs maisons, de leurs bureaux ou de leurs usines, et dont ils ne retrouvèrent à leur retour que des ruines.

Et c'est aussi dés 1943, que l'on songea à reconstruire la cité. Quelques architectes imaginèrent avec audace de reconstruire une ville nouvelle sur le front de mer, vers Larmor et Lorient-Plage. Ils ne furent pas écoutés.
La reconstruction, plus ou moins réussie, prit du temps. En attendant, des cités entières de baraques, le plus souvent américaines, surgirent de terre intra-muros et à la périphérie. Il fallut plus de vingt ans pour les remplacer.

La 19eme Division d’infanterie :
Tout d'abord sa composition divisionnaire :
QG : Général Borgnis-Desbordes
- 41e RI (Lt col Duranthon puis Le Bideau)
- 71e RI (Lt col Languillaire)
- 118e RI (Lt col Faucher puis Jouteau)
- 10e RAD (Lt col Vermeil de Conchard)
- 119e groupe de FTA (Chef esc. Cassagnou puis Thébault)
- 19e Dragons (Col Adol puis Lt col d'Ornant)
- 81e Bataillon du génie (chef Bn Pagès)
- 81e Cie mixte de transmissions (Cap Joubaud)
- Train divisionnaire : 89e Cie de QG, Cies de transport 189 et 289, groupe de transport 551 (devenu 619) (chef esc. Bossard)
- 19e bataillon médical (Médecin Cdt Maheo puis Lacombe)
- 119e Cie de réparations divisionnaire (Cap Renous puis Lt Manach)
- 19e groupe d'exploitation (S-lt Dufour)

En septembre 1944, à Rennes, le général Borgnis-Desbordes commence à rassembler les formations qui entreront dans cette division. Les unités FFI alors en plein combat dans la poche de Lorient sont successivement regroupées pour former, dans l'ordre temporel, les 71e RI, 118e RI, 19e Dragons, 41e RI, 10e RAD et 81e BG.

En dehors des unités FFI composantes que nous verrons ci-dessous, il est à noter que d'autres vinrent renforcer la division par la suite, comme le corps franc de l'air Valin de la Vaissiere (ex 1e Rgt. aéroporté du Loir et Cher) et le 4e régiment de fusiliers marins.

Unités FFI ont l'origine de la division :
Cotes du Nord :
1e, 2e, 3e, 4e, 6e, 7e, 89e, 9e, 13e, 15e, 16e bataillons FFI
Finistère :
1e rangers FFI, 1e, 17e bataillons FFI, batterie FFI du Finistère
Ille et vilaine :
1er Bn FTP, 2e et 3e Bataillons FFI
Morbihan :
1e, 3e, 8e, 9e, 10e, 11e, 12e bataillons FFI, 5e, 11e Bn FTP, 2e batterie FFI du Morbihan, Cie de génie - transmissions FFI du Morbihan.

Mais, vu le manque d’armes, de matériel et de formation, ces hommes n’eurent bien souvent que leur courage a opposer aux forces allemandes.

Maurice Uzel :
Ajusteur à l'arsenal de Lorient, après un passage en Allemagne pour le compte du STO*, s'engage dans la Résistance, et participe à la libération de sa ville en mai 1945.

* Le 16 février 1943 une loi impose le Service du Travail Obligatoire (STO). Tous les jeunes gens âgés de 20 à 22 ans peuvent être envoyés de force en Allemagne. Cette loi fut une grande pourvoyeuse de renfort pour la Resistance)

Octobre 1942, le Service du Travail Obligatoire (STO) est institué en France occupée. A l'arsenal de Lorient, la pression sur les familles des ouvriers est pesante. Devant la menace Maurice Uzel cède et se retrouve à Wesermünde, dans un arsenal allemand, affecté à la construction de machines à vapeur. « Les conditions de travail n'étaient pas mauvaises, précise-t-il. Le chef d'atelier était même assez sympathique, et dans l'ensemble, je n'avais pas de problèmes avec les civils allemands. De là à travailler pour leur industrie de guerre, il y a un pas »

Maurice Uzel envisage très vite de s'échapper. Les lourds bombardements de Lorient en 1943, lui en donne l'occasion.

« Un ami dont les parents ont disparu sous les bombes, s'est vu accorder une permission. J'ai donc profité de l'occasion, pour faire " disparaître " mes parents par l'intermédiaire d'un courrier m'annonçant la triste nouvelle.
J'ai obtenu mon passeport et 10 jours de permission. Dans mon esprit, il était hors de question de revenir »


En rentrant, il change plusieurs fois de train pour que l'on perde sa trace. Arrivé à Lorient mi-mars, il lui faut changer d'identité.

« Je suis allé à la mairie de Languidic, j'ai dit que j'avais perdu mes papiers, et ils m'en ont refait sous le nom de Roland Maurice en me vieillissant suffisamment pour échapper au STO » Ses parents deviennent alors officiellement son oncle et sa tante.

C'est à cette époque qu'il prend contact avec des Résistants à Lochrist. Il n'aura pourtant pas le temps d'intégrer le réseau. Un milicien qui travaillait avec lui à l'arsenal le reconnaît et l'appelle en public par son vrai nom. Sans être vraiment inquiété, il prend peur et fuit le Morbihan pour rejoindre sa fiancée en Touraine.

« Je me suis fait embaucher à la ferme du cirque Pinder, en sympathisant avec le fils. Un jour, les gendarmes sont venus m'arrêter, et m'ont ramené sur Lorient. Là, j'ai décidé de reprendre contact avec la Résistance. Je fais la connaissance du 7ème bataillon FFI du maquis de Kéralan, dans lequel j'étais prêt à m'engager, quand ma fiancée m'a appris qu'elle était enceinte. Je me suis marié sous mon vrai nom, mais dans la plus grande discrétion »


Quand les troupes américaines arrivent sur Lorient, Maurice Uzel croit comme beaucoup que la guerre est finie, mais les Allemands s'enferment dans la "Poche de Lorient" et la guerre s'éternise.

« Un matin, je décide de partir à pied vers Hennebont pour m'engager dans les FFI. Simple soldat au 7ème bataillon, notre mission est de faire des rondes et des patrouilles afin d'empêcher les Allemands de partir. A côté des Américains, nous faisions pâle figure. Nous n'avions pas d'uniformes dignes de ce nom. Les Américains ne nous aimaient pas beaucoup. Ils nous appelaient "Les Mexicains". Ce qui pour eux signifiait : Voyous, horde sauvage, pouilleux… Je dois même dire que les relations n'étaient pas toujours très bonnes ».

Un rapport du Colonel Courtois, suite a l’inspection de quatre bataillons FFI autour de Lorient en octobre 1944, explique ce
« mépris » des GI’s :

« Des hommes de ce secteur ont reçu quelques capotes allemandes qui n’ont été ni lavées ni désinfectées […]
Au niveau des chaussures, il y a une nette amélioration dans ce secteur : La plupart des hommes sont chaussés. Par contre, il n’y a pas de linge de rechange, pas de fil, pas de clous. Il n’y a pas de graisse pour les armes et chaussures, pas assez de matériel de génie (Pelles, pioches, haches, harpons, scies). Il n’y a pas de pièces de rechange pour les armes, il n’y a pas de casques, il n’y a pas de savon et le manque de ce produit détermine une montée en flèche d’épidémies de gale ».


Le Colonel Courtois s’étend ensuite sur le manque cruel d’artillerie, de mitrailleuses et autres armes lourdes.

Des va-nu-pieds crasseux et galeux presque sans armes se battant face à la Wehrmacht…

Lorient n'existe plus :

Le 10 mai 1945, l'état-major américain décide d'attaquer Lorient. « En fait, il n'y a pas eu de véritable attaque.
La guerre étant officiellement finie depuis deux jours. Nous sommes entrés dans Lorient par Pont-Scorff, Kevin, Carado, puis la Rue de Belgique et le Cours Chazel. Nous étions une douzaine. Des civils qui n'avaient pas été évacués nous ont offert des fleurs.
Nous étions si méfiants que nous les avons refusées ».


Lorient, comme Brest un an plus tôt, est en ruine, anéantie par les bombardements. « Les troupes allemandes attendent depuis le matin, sous un soleil de plomb. Ils sont des milliers assis par terre, sur le champ de manœuvres, les armes déposées »

Les FFI restent un mois dans Lorient avant qu'elle ne soit déclarée « ville ouverte ». Il a fallu déminer et déblayer ce champ de ruines avant de songer à reconstruire.

La ville bombardée pour rien :

C'est pour la base de Keroman que les Allemands se sont autant investis à Lorient. Keroman, mais aussi l'Arsenal. 492 U-Boot seront carénés sous béton, tandis que 500 navires de surface viendront se faire réparer, et 148 bénéficieront de travaux dans les bassins de radoub.

Lorient est le port-base des 2ème et 10ème flottilles de U-Boot de 750 tonnes. De gros sous-marins Japonais, jaugeant 2 500 tonnes y feront aussi escale.

Au printemps 1943, Keroman accueille jusqu'à 28 submersibles. En 1944, ils vont bénéficier sur place à Lorient de l'installation du fameux Schnorchel qui leur permet de respirer sans devoir remonter en surface.

Cette base va justifier les importants bombardements menés en novembre et décembre 1942, en janvier et mai 1945.
La Flak Allemande, forte de 7 000 Hommes, parviendra à abattre de nombreux Avions (9 et 11 appareils les 7 et 13 janvier 1943).

A en croire les Allemands, ces opérations de frappe aérienne n'ont eu que peu d'effets sur les objectifs visés.
« Trois carénages sont retardés de trois jours, deux autres de 24 heures » Le général Fahrmbacher note même que :
« Le seul incident important fut la mise hors service de la grande cuisine qu'avait livrée la maison Kuppersbusch-Gelselkischen »

La base construite à partir de 1941, composée de trois énormes bunkers, avait nécessité la mobilisation de 15.000 ouvriers réquisitionnés par l'organisation Todt. 10.000 autres travailleurs seront affectés à l'aménagement de la base de Kerlin-Bastard (Lann-Bihoué). Coût estimé à l'époque : 400 millions de marks.

Les bombardements sur Keroman, s'ils n'empêchent pas la construction d'une caserne bétonnée avec air conditionné, interdiront en revanche la réalisation d'une 4ème tranche de travaux.

Bombardements inopérants donc, et si on en croit le général Fahrmbacher : « Toutes ces installations ont été rendues aux Français le 10 mai 1945, parfaitement intactes, en parfait état de marche, et dans un état impeccable de propreté »

La ville, elle, sera détruite et les Lorientais connaîtront l'exode.

On les forçait à partir :

Elle avait une vingtaine d'années. Fille aînée d'une famille de dix enfants, elle était employée au service social de la ville, chargée entre autres des sinistrés. Pleine d'allant, courageuse, intrépide sans doute, elle est restée le plus longtemps sous les bombes détruisant la ville.

Jeannine Cheval, aujourd’hui épouse Le Levé et retirée dans le pays d'Auray se souvient : « Il a même fallu forcer des Lorientais à partir »

« On commençait à être habitué aux bombardements. Au début, c'était surtout le quartier de la gare qui était visé…

Avec mes parents, on avait fortifié la cave de la maison de la rue Berthelot, prés de la rue de Larmor. Mon père et moi ne voulions pas rester dans la cave. On montait à l'étage pour voir. Un peu fou. Les tirs de DCA éclairaient le ciel, c'était un sacré spectacle »


Spectacle étonnant, sans doute, mais dans la nuit du 14 au 15 janvier 1943, c'est autre chose. Les bombardements ont gravi un échelon dans la violence. Vingt minutes après les premières sirènes, les fusées éclairantes inondent le ciel et une pluie de fer s'abat sur la ville. Dix vagues de vingt appareils lancent en une heure et demie 10.000 bombes incendiaires et une vingtaine de bombes explosives.

Le lendemain, nouvelle opération : 200 avions dans le ciel, des milliers de bombes. La ville est un immense brasier. Plus de soixante Lorientais sont tués. Plus de 1.500 maisons détruites. Un mois après, la ville est considérée comme rasée.

« Le 15 janvier, ce fut un choc pour nous, explique Jeannine Cheval. Le 16 au soir, on a eu très peur. On s'est rendu dans les salons Nedellec, à l'angle de la rue de Larmor. Il y avait un abri à proximité. Notre maison avait reçu des bombes incendiaires. Mon père et mes frères sont parvenus à la sauver. La moitié de la toiture avait brûlé, et il a fallu trouver une bâche dans la campagne pour protéger le reste. La famille a dû se résoudre à partir »


Rapidement, on fait les valises. On rassemble le plus de vêtements, et tout le monde se dirige vers la gare : Direction Nantes où des amis sont prêts à les héberger. Quant au mobilier, il attendra jusqu'au jour où…

C'était le 7 février, Jeannine Cheval se trouvait alors à Quimper. Elle a vu le ciel s'embraser au Sud Est comme jamais encore. C'était Lorient qui brûlait à nouveau. De ce soir là, certains disent qu'il s'agissait du plus violent des bombardements subis par la ville.

A son retour à Lorient, au petit matin, alors qu'elle s'approche de sa rue, un voisin l'invite à ne pas poursuivre son chemin : La maison de la famille Cheval n'existe plus. Le déménagement était prévu le 9 février.

Au service des sinistrés, ou Jeanine travaille, la misère des Lorientais défilait à longueur de journée. Certains n'avaient rien pu sauver du brasier : « Un jour, j'ai vu venir une Lorientaise à mon bureau. Elle n'avait rien d'autre qu'un mouchoir à la main, c'est tout ce qui lui restait ».

Pendant une alerte de jour, il a fallu faire évacuer le bureau et trouver un abri : « Je n'avais pas le choix. J'ai conduit les gens à l'abri allemand tout proche. Ils ne voulaient pas nous laisser entrer. Je les ai convaincus. Quelques minutes plus tard, une bombe explosive éclatait sur la place Ploemeur ».

Sans logis, sa famille étant à Nantes, Jeannine Cheval avait trouvé refuge à Caudan, du côté de Kérandouaré. Les Lorientais ont quitté la ville progressivement, en car, en train, vers Nantes ou Rennes, mais également avec le petit train du Faouët dont la gare se trouve rue Blanqui. Des agriculteurs des environs ont aidé à évacuer le plus urgent.
« Rarement ces agriculteurs partageaient leur logement. Ils proposaient plutôt l'étable ou l'écurie »
.

Pour ceux qui ne savaient où aller, les services de la ville s'étaient évertués à trouver des refuges en Mayenne :
« On les forçait presque à partir. Il fallait leur faire les ballots. De jeunes scouts nous ont aidé, avec des charrettes à bras. On mettait les familles dans le train »
.

Après un séjour à Caudan, Jeannine Cheval s'est retrouvée avec son service à Brandérion puis Carnac.

« On sillonnait les routes à bicyclette. J'allais faire mes permanences dans le secteur de Plouay. Je rendais visite aux Lorientais pour évaluer ce dont ils manquaient, mais aussi pour les aider à remplir leurs dossiers de sinistrés.

Il reste que la ville, ou du moins ce qu'il en restait, a tenté les pillards. Allemands, personnels de l'Organisation Todt, mais également Français, se sont parfois servis dans les maisons abandonnées.

Alors qu'ils voyaient la base des sous-marins de Kéroman se construire, les Lorientais n'ont jamais compris pourquoi les bombardements n'ont pas eu lieu plus tôt et sur cet objectif. regrette Jeannine Cheval, en désorganisant le chantier, on aurait peut être sauvé la ville ».

Combats allemands pour des pommes de terre :

Le général Fahrmbacher, commandant la Poche de Lorient, a écrit ses mémoires et retrace dans un langage très militaire
le « Cher souvenir d'une époque qui fut rude mais belle » Le récit est partisan. Il occulte notamment les atrocités commises à Penthièvre et Port-Louis. Mais il donne un éclairage intéressant sur la vie quotidienne des Allemands dans la poche.

Un journal sert à maintenir le moral des troupes allemandes dans la poche. Toutes les trois semaines, de nuit, un bateau arrive de Saint-Nazaire et apporte du courrier et des vivres.

En décembre 1944, un sous-marin ravitailleur touche Saint-Nazaire, et Lorient bénéficie de cette escale audacieuse : 20 tonnes de graisse, deux millions de cigarettes (rationnées jusque là à deux par semaine), 100 paires de chaussures et des bazookas.

Pour Noël, chorales et théâtre, concours de dessin tentent de divertir les occupants. Une distillerie leur offrira à l'occasion de l'eau de vie. Un insigne en cuivre est façonné et remis à chaque combattant. Il montre un jeune homme à cheval sur un bunker de Kéroman.

En dépit de troupeaux de bovins ou de porcs que l'occupant entretient pour sa substance, la nourriture est maigre. Aussi l'état-major allemand décide-t-il de mener une action pour étendre la poche vers Sainte-Hélène et ses champs de pommes de terre.

En octobre 1944, l'opération tourne à la catastrophe. Une embuscade décime les soldats allemands, mais une contre-attaque lancée le lendemain alors que la Résistance s'est prudemment dispersée permet de gagner ces fameux champs. Le général Fahrmbacher ne pourra rien contre la propagande qui en Allemagne présente la prise de Sainte-Hélène (modeste bourgade) comme un fait d'armes.

Charles Carnac :

Agé de 18 ans quand les Allemands rentrent dans Lorient, Charles Carnac travaille à l'arsenal. En 1942, il a 20 ans et à ce titre, il est directement visé par le S.T.O., comme tous les jeunes de la classe 42. Esprit rebelle, il a aussi la fibre patriotique. Pas question d'aller en Allemagne. Il s’enfuit.

Profitant du bombardement de Priziac, en février 43, il entre dans la clandestinité, seule échappatoire à l'exil outre-Rhin. Pendant sept mois, il se cache, et trouve la trace des réseaux de Résistance FTP. Il s'engage par goût de l'action.

Fin 1943, les maquis sont formés. Basés sur Pontivy, Pluméliau, Le Faouët, ils ne procèdent qu'à des actions ponctuelles. C'est le débarquement des forces alliées en Normandie qui met le feu aux poudres. A cette époque, de sérieux accrochages ont lieu avec des cavaliers Osttruppen.

Charles Carnac passe au 10ème bataillon FFI dont la mission est de bloquer les Allemands dans la poche.

Combats autour de la « Poche de Lorient » :

Nostang, Sainte-Hélène, Etel : Toute cette partie du front de la poche est l'objet d'incessants combats. Un jeune officier FFI y a tenu un " journal de guerre".

L'aspirant Lefort, des Ylousses, devenu plus tard colonel (il est en retraite en Ille et Vilaine) appartenait au 10ème bataillon des FFI du Morbihan. Il était aux ordres du chef de bataillon Le Coutaller qui commandait le sous-secteur centre et dont le PC était installé à Landévant.

Le jeune officier sera particulièrement présent dans la région de Nostang Sainte-Hélène au moment des vifs combats à la fin du mois d'octobre 1944. En réalité, c'est le 17 septembre que les Allemands tentèrent de s'emparer de Sainte-Hélène. Ils furent repoussés. Ils tentèrent une nouvelle fois le 20 octobre et de nouveau furent mis en échec. Huit jours plus tard, après une intense préparation d'artillerie, les Allemands s'emparèrent de Sainte-Hélène.

Le 28 octobre, à 14 heures, l'aspirant Lefort est chargé d'étudier la situation sur cette ligne de front :

Samedi 28 octobre :
De nombreuses maisons de Nostang sont en flammes. Le pont de Nostang est sous le feu d'une batterie. Salve de quatre fusants toutes les minutes. Tirs continus d'armes automatiques sur la tête du pont.

Dimanche 29 octobre :
Au matin, violents bombardements par fusants sur la 2ème ligne. Le 5ème bataillon se replie au nord du pont. Dans l'après midi, les Russes (Il y en avait dans les deux camps) quittent la 1ère ligne, se replient et passent le pont en chantant des airs nostalgiques (…), le capitaine Laurent Le Berre s'efforce de convaincre ses hommes de remonter en lignes. Il en décide la valeur d'une section.

Lundi 30 octobre :
Des renforts en armes et en hommes sont amenés. 7 h 30 : Après une préparation d'artillerie effectuée par une batterie américaine, nous commençons notre progression. Une position est reprise. Les tirs augmentent en intensité. Le général Borgnis Desbordes qui commande à l'ensemble de la 19ème division d'infanterie sur le front arrive sur place. Le général veut se rendre compte par lui-même. Le commandant Manceau et moi l'accompagnons. Nous progressons vers Panhoët. Nous essuyons un feu nourri d'armes automatiques. Nous regagnons nos lignes.

Mardi 31 octobre :
Des hommes refusent de partir à l'attaque. 200 pelles et 200 pioches sont distribuées afin d'aménager des protections.

Mercredi 1er novembre :
On tire de part et d'autre. A 23 h une reconnaissance ennemie est repoussée par des fusilliers-marins.

Jeudi 2 novembre :
Même scénario. Dans la journée l'aspirant réintègre son PC.

Toute cette partie du front sera l'objet de pressions allemandes qui entraîneront autant de réactions des Français et des Américains. Ainsi le 6 novembre, le Pont Lorois est détruit à l'explosif par les Allemands. Le 8 décembre, une opération est déclenchée par les Américains sur la rive Est de la rivière d'Etel dont trois blockhaus forment l'ossature de défense.

Successivement l'ouvrage de Terhuen, celui de Kerminihy et celui de la rivière sont réduits au lance-flammes et au bazooka.
A 11 h, toute la rive Est est nettoyée. 59 Allemands dont un officier sont capturés. Les pertes alliées sont légères : Deux Américains tués. 30 Américains et cinq Français sont blessés.

Pertes et désertion :

En dépit de ces opérations de harcèlement, les Allemands ne baissent pas les bras. Il est frappant de constater que durant les neuf mois de la poche, malgré pertes et désertions, ils ne refusent pas le combat.

Exemple : « Le 29 décembre 1944, une patrouille ennemie s'infiltre dans nos lignes au Nord de Quiberon jusqu'à Kergrosse et réussit à faire quatre prisonniers »

Plouharnel, Kerminihy, Nostang, Brandérion, Le Pouldhu sont spécialement pris à partie par les canons allemands.
Les Allemands voient cependant leurs pertes augmenter : Dix soldats tués le 10 janvier à Plouharnel, cinq autres le 20, 10 encore et quatre prisonniers le 24 également à Plouharnel.

Le moral ennemi est ébranlé. Les déserteurs se font plus nombreux. Mais la "Poche" tient. La guerre touche à sa fin. La guerre oui, mais la poche reste toujours le théâtre de combats. Le 8 avril, un audacieux coup de main Allemand au Verdon à Etel conduit à la capture de huit FFI.

La fin des Hostilités :

Le 2 mai 1945, tous les combats ont cessé sur le front Italien et le 4 mai, sur la Lande de Lunebourg, le général Montgomery a reçu la capitulation des forces Allemandes du Nord Ouest.

Les Allemands de Lorient vont-ils tenir plus longtemps que ceux dont la résistance désespérée s'achève dans les ruines de Berlin ?

Le Commandement Américain provoque une entrevue entre parlementaires Alliés et Allemands le vendredi 4 mai 1945 au Magouër en Plouhinec pour déterminer dans la région de Lorient une zone de sécurité pour la population civile en cas de bombardements massifs par l'aviation.

Invité à capituler, le général Fahrmbacher s'y refuse, alors que la mort d’Hitler a été annoncée à la radio le 1er mai à 22 h.

Dans la matinée du 7 mai, le commandant de la Poche se résout enfin à entamer les pourparlers de reddition.

Le 7 mai 1945 à 15 h, au Magouër, au café Le Carour, lieu habituel des rencontres entre officiers alliés et allemands, le colonel Keating, chef d'état major du général Kramer qui commande la 66ème D.I. US et le colonel Joppé, commandant de la 19ème D.I. Française, ont une entrevue avec les parlementaires Allemands conduit par le colonel Borst.

Devant les hésitations des Allemands qui s'estiment invaincus et qui demandent encore 48 heures de réflexions, l'Américain s'impatiente et le somme de signer le soir même à 20 h, le menaçant d'un bombardement aérien qui écraserait tout à Lorient.
Dans l'après midi, le Général Fahrmbacher, à qui le colonel Borst a rendu compte, charge celui ci d'aller à Etel accepter les exigences alliées.

L'acte de reddition est signé par le colonel Borst le soir même à 20 heures.
L'acte de cessez le feu est ordonné pour le 8 à 0 h 1 et la cérémonie de reddition a lieu le 10 à 16 h.

Charles Carnac était sur les lieux :
« Jusqu'au mois de mai 1945, nous stationnons tout autour de Lorient, à Hennebont, Sainte-Hélène, Kervignac.
Le matin du 10, on m'a demandé de rejoindre le PC du bataillon à Branderion, sans que j'en connaisse la raison.
Là bas, on nous enlève les uniformes anglais, que nous portions depuis le début, pour les échanger contre des français. Nous embarquons dans des camions en direction de Caudan. Quand le camion s'arrête au bord d'une prairie, on nous fait mettre en colonne, à côté de troupes Américaines déjà présentes…
Nous commençons à comprendre qu'il se passe quelque chose d'important lorsqu'une voiture allemande s'approche…
Le général Fahrmbacher et des officiers d'état-major en sont descendus, et se sont dirigés vers le général Américain Kramer.Fahrmbacher lui a remis son arme et s'est ensuite dirigé vers le général Borgnis-Desbordes à qui il a remis un papier… Nous étions très émus. Pour moi, personnellement, tout a défilé très vite dans ma tête. Je me suis dit : Ca y est, c'est fini
»

Les Allemands faits prisonniers, Charles Carnac regagne Kervignac, avec l'humble regret de n'être pas rentré dans Lorient en Libérateur. Démobilisé en novembre 1945, il a repris son poste à l'arsenal.

Le 10 mai les Alliés sont dans la poche de Lorient. Ils se saisissent de 130 pièces d'artillerie d'un calibre supérieur ou égal à 75 mm (non compris les pièces de front de mer) et de 24 450 prisonniers. Ces derniers sont dirigés vers les différents camps de la région.

Les généraux Fahrmbacher et Kuse et l'amiral Matthiae sont internés avec les officiers de leur état-major au haras d'Hennebont.

Bunker à Lorient


3 - LA POCHE DE SAINT-NAZAIRE :

Une ville martyre :

Saint-Nazaire, importante base de sous-marins de la Kriegsmarine, a énormément souffert pendant l’occupation.

« Un monceau de ruines offertes à l'errance des lapins et des renards, au pied d'une base sous-marine ironiquement intacte
» écrira Jean Delumeau dans son « Histoire de la Bretagne »

Bilan de 59 mois d'occupation :

350 alertes, 52 bombardements, 475 morts, 580 blessés, 500 immeubles détruits (dont la totalité des monuments publics) sur 8 000 existants en 1939. Le 11 mai 1945, au soir de la libération, 100 maisons seulement auront été épargnées.
A ces morts, il faut ajouter ceux des otages arrêtés et fusillés.

Au mois de mai 1943, Doenitz écrivait : « A Saint-Nazaire, pas un chien, pas un chat, ne peut subsister. Il ne reste que les abris pour les sous-marins »

Parfaitement intacts, car les bombes de six tonnes frappant de plein fouet (ce qui est rare) l'énorme et immense dalle de béton (300 m x 125 m x 7 m d'épaisseur), armée de poutrelles, ne creusent qu'un ridicule petit cratère en surface, et un contre-cratère sur la face inférieure.

Une égratignure qui n'a jamais permis d'endommager un seul sous-marin, ni dans les 14 alvéoles qui peuvent en recevoir au total une vingtaine (avec en partie arrière les ateliers de réparation), ni même au moment où les submersibles se trouvent le plus vulnérables : pour passer de la Loire au bassin, a été construite une écluse couverte, elle aussi à l'abri des plus grosses bombes. Cette écluse fortifiée n'a finalement jamais servi.

Le toit proprement dit des bunkers ne fait «que» 3,5m d'épaisseur. Il est renforcé par endroit par des chambres d'éclatement et des poutres en béton chargées de faire exploser les bombes avant qu'elles n'entrent en contact avec le toit proprement dit.

Il faut aussi savoir que la majorité des bombardements n'avait pas pour objectif de détruire la base (que l'on savait invulnérable aux bombes classiques) mais de détruire la ville. Les Allies faisaient ainsi le même type de bombardement qu'en Allemagne, à savoir bombes explosives + incendiaires de manière à détruire les maisons. Cela ne pouvait évidemment avoir aucun effet sur la base.

Lorsque les Français rentrèrent à Saint-Nazaire en 1945, ils découvrirent deux charniers au milieu des ruines : 33 corps dans une fosse à l'école Ernest Renan, et à l'école Paul Bert, des restes humains dans la chaudière utilisée comme four crématoire.
Pour ces derniers, il n'a pas été possible de savoir s'il s'agissait de résistants ou de déserteurs de la Wehrmacht exécutés durant les mois où la ville en ruine donna son nom à un front alors bien négligé par le pays.

Le front de la « Poche » :

En raison de retards, et, d'incompréhension entre le Commandement Américain et les FFI, la garnison allemande de Rennes a donc réussit à se glisser jusqu'à Saint-Nazaire en quelques étapes.

Le Front s'étend au long de la Vilaine jusqu'à Rieux, suit le canal de Nantes à Brest, passe par Bouvron, Marville, Cordemais, franchit la Loire et rejoint l'Océan au sud-est de Pornic par Frossé, Chauvé et le Clion.

Les forces allemandes :

L'effectif de la « Festung » (Forteresse, mot utilisé par les Allemands pour désigner les Poches) serait de 25 000 hommes selon certaines sources et 33 000 selon d'autres, l’estimation la plus raisonnable utilisée aujourd’hui parle de 28 000.
L'infanterie représente le gros des effectifs en hommes expérimentés, 11.500 hommes comprenant des éléments de la 265.ID : Les Kampfgruppen Mewis (2 bataillons), Bartel (2 Bataillons), Bethge (4 bataillons) Rese, Koenig
(3 bataillons) 894. et 18. Inf. Regiments, éléments du 895. Inf. Regt., 851 GR. Regt., 19e et 20e compagnies de forteresse, 198e Bataillon Géorgien (Désarmé, servant uniquement d’auxiliaire).

Les 7000 artilleurs sont repartis dans 3 groupes de Flak (5e Brigade), 2 d’artillerie navale et 2 de DCA navale. L'artillerie est puissante avec 414 pièces, 78 canons antichars et 169 pièces de DCA.

Se trouvent également dans la poche 2000 marins et 4000 auxiliaires.

Les réserves de munitions sont suffisantes pour tenir un long siège.

Par son étendue, une ligne de défense du contour de la poche de plus de 100 km, par la quantité de son matériel d'artillerie et l'importance des effectifs qu'elle abrite, la poche de Saint-Nazaire est considérée par le Commandement Allié comme la plus puissante des poches de l'Atlantique.

Les Forces d'encerclement :

En octobre 1944, les forces d'encerclement se composent d'une partie de la 94ème D.I. US et des bataillons FFI des Forces françaises de la Loire Inférieure, de bataillons du Morbihan et d'Ille et Vilaine (Ex-FTPF) a partir desquels est reconstituée une 25ème division d'infanterie de 16 500 hommes. A sa tête, est placé le colonel d'active Raymond Chomel alias "Charles Martel" des maquis du Berry avec PC à Nantes. Il remplace le colonel Chombard de Lauwe, alias "Félix".

En avril 1945, la 25e D.I. est composée du 21e Régiment d'Infanterie (bataillons I, II et III), du 32e R.I. (I, II et III), du 1er Régiment de Hussards (4 escadrons), de la 4e demi-brigade de chasseurs (1er, 5e et 17e B.C.P.), du 8e Cuir
(5 escadrons), du 20e R.A.D. (4 groupes), du 91e Génie, du 125e F.T.A. (D.C.A.), du 9e train auto (185e, 285e, 385e et 485e compagnies de transport), de la 125e compagnie de réparation de matériel, du 125e bataillon médical, du 125e groupe d’exploitation (intendance) et de la 80e compagnie mixte de transmissions, soit plus de 16 000 hommes.

Dans le secteur Nord se trouvent 3 bataillons placés le long de la rive droite de la Vilaine (2.500 hommes), puis de Redon à Blain, 7 bataillons (4.050 hommes) et 2 bataillons devant la partie orientale de la poche (de Blain à la Loire).
Le secteur situé au sud de la Loire est gardé par 1.000 hommes devant Frossey, 1.500 sur une ligne Rouans-Chémeré et 1.455 de Chémeré aux Moutiers (sur la Côte).

Au total, 20 bataillons sont en ligne et 4 à l'instruction à Nantes.

Elles disposent dans le secteur nord de 2.500 fusils Mauser (Pris aux allemands), 600 fusils divers, un canon de 57 mm, 210 fusils mitrailleurs et 360 mitraillettes. Dans le secteur sud de 1.396 fusils et mousquetons, 507 mitraillettes, 108 F.M., 22 mitrailleuses, 20 bazookas et 4 canons de 20 mm.

Dans la réalité, peu d'engagements pour ces « Va-nu-pieds superbes », mais des escarmouches et des coups de mains de part et d'autre dans lesquels «Quelques centaines de jeunes hommes de 19 à 20 ans vont se faire tuer parce qu'ils n'avaient pas les armes, les munitions, les cadres, que le ministre me refusait » (de Larminat in «Chroniques irrévérencieuses »)

Le général de Larminat, commandant alors le détachement d'armée de l'Atlantique, après avoir réduit la « Poche de Royan », avait bien l'intention de s'attaquer à celle de Saint-Nazaire. Or la population de Loire Atlantique se méfie terriblement des méthodes de Larminat.

Le sous-préfet, Tony Benedetti, prévenu par le général allemand Junck bien décidé à faire sauter toutes les installations portuaires encore utilisables, parvint à dissuader l'état-major Parisien.

Cela permit, au jour de la Libération, de retrouver intacts, les quais et les ouvrages essentiels. Après tant d'années, il est difficile d'imaginer la vie de tous ceux qui furent enfermés dans cette « poche », mais aussi celle de tous ceux qui y maintinrent les Allemands.

La plupart des hommes sont encore en civil et manquent de tout, y compris du rechange et du nécessaire pour se laver.
Quelques initiatives très « système D » amélioreront cependant un peu la situation :

L'escadron autonome Besnier :

Le 4 août 1944 la ville de Châteaubriant a été libérée par les troupes américaines. Le lieutenant de réserve de cavalerie Guy Besnier a formé un groupe F.F.I., le 1er G.M.R. La première mission de l'unité consiste à garder les dépôts abandonnés par les Allemands. Le 12 août un parachutage permet à ces volontaires de s'armer alors que le 14 un dépôt de munitions est découvert pendant le ratissage de la forêt d'Areze. Le groupe armé prend position dans le secteur de Saint-Etienne-de-Montluc.

Le 15 octobre 1944 les Allemands effectuent une offensive pour gagner 35 km² de terrain en établissant leurs lignes sur la route Saint-Père-en-Retz - Frossay. Des accrochages sérieux ont lieu à quelques kilomètres devant Chauvé avec le 1er G.M.R. sur la route de St-Michel-Chef-. Durant ces actions le soldat André Lemesle est tué et le Maître des Logis L. Pierre Jarno blessé.

L'entrée en action des automitrailleuses et des mortiers va permettre de dégager les hommes et surtout les blessés qui vont être soignés à Chauvé par l'abbé Serot. Le lieutenant Besnier est nommé au grade de capitaine.

Le 1er G.M.R. joue un rôle important dans l'attaque allemande du 21 décembre sur l'ensemble du front, heureusement, aucune perte n'est à déplorer dans l'unité. Le Noël 1944 est fêté sur les lignes par une température de -10°C.

Le 27 décembre l'effectif du 1er G.M.R. passe à 183 grâce à la venue de volontaires F.F.I. originaires de Basse-Normandie. Ces derniers en apprenant que le capitaine Besnier était un officier des chars, lui déclarent qu'il reste de nombreux blindés sur les champs de bataille de Normandie. Le capitaine Besnier, très intéressé par cette information, obtient du colonel Chomel l'autorisation de se rendre sur place.

Suite à cette visite, de janvier à mars 1945, une équipe de mécaniciens du 1er G.M.R. travaille en Normandie d'arrache-pied pour remettre en état une quinzaine de blindés. Ce travail doit permettre, de retour sur le front sud de la Poche, de constituer un escadron blindé. Les mécaniciens doivent parfois sortir des cadavres de soldats allemands gelés dans les chars pour aller récupérer des matériels d'optique et les équipements de tir. Pour les autres soldats de l'unité restés au sud-Loire, les patrouilles continuent autour de Chauvé, La Bernerie-en-Retz et La Sicaudais.

Les engins récupérés en Normandie sont les suivants :
- 1 char Tigre I (canon de 88 mm, poids 57 tonnes, équipage 5 hommes)
- 1 char Tigre II (canon de 88 mm, poids 68 tonnes, 5 hommes)
- 1 char Panther (canon de 75 mm, poids 45 tonnes, 5 hommes)
- 11 chars Panzer IV (canon de 75 mm, poids 20 tonnes, 5 hommes)
- 1 semi-chenillé Panzerwerfer 42
- 2 remorques de chars semi-chenillées dont une avec grue
- 1 camion atelier avec tour et groupe électrogène
- 4 camions et 4 camionnettes de pièces de rechange.

Début mars 1945, fort de ses nouveaux matériels blindés, le 1er G.M.R. devient l'Escadron Autonome de Chars Besnier. L'unité se rend en garnison à Machecoul pour former les équipages de chars. Les blindés sont nommés et peints aux couleurs françaises avec des cocardes bleu-blanc-rouge et des croix de Lorraine.

Les évacuations de civils :

Rapidement vont se dessiner, par une sorte d'entente tacite entre les adversaires (Allemands et Français car les Américains ne portent plus aucun intérêt à cette « verrue »), les contours de la « Poche » de 2 000 kilomètres carrés, enfermant cent mille civils à l'intérieur.

Le 20 novembre 1944, « Ouest France » lance un pressant appel pour les habitants de la poche. C'est la ville d'Angers qui parraine Saint-Nazaire.

Le temps passant, le problème des vivres devient de plus en plus crucial, surtout pour les 124.000 civils enfermés dans la poche (39.000 dons la région de Guérande et 85.000 dans le reste de la poche).

Après des négociations à la petite gare de Cordemais (à la limite de la poche) entre Allemands et Alliés, les premières évacuations se déroulent dés le mois d'octobre 1944. Trois trains bourrés de réfugiés quittent la poche les 23, 24 et 28 octobre et sont dirigés vers Nantes. Au début du mois de janvier 1945, trois autres trains quittent la poche via Cordemais. C'est d'ailleurs dans cette gare que se faisaient les échanges de conducteurs de train pendant les évacuations de civils. Une fois le train passé, les rails étaient démontés !

Ces convois sont dirigés vers la gare de Chantenay où des contrôles sont effectués par les FFI. D'autres convois sont effectués en avril 1945.

Au total 40 000 personnes quitteront la poche pendant toute la durée du siège.

Les opérations militaires :

Aucune opération d'envergure n'est tentée, d'un Côté comme de l'autre, pendant toute la durée du siège. Dans un premier temps, comme à Lorient, les Allemands achèvent de donner à la poche son contour définitif et en organisent la défense.

Puis les contours de la poche deviennent le théâtre d'une véritable guérilla, avec sabotages et embuscades, organisés par les Alliés ou par les Allemands.

Après la destruction du Pont de La-Roche-Bernard le 15 août 1944, les Allemands sont solidement établis de part et d'autre de la Loire, et interdisent aux alliés l'usage du port libéré de Nantes, comme du port de Saint-Nazaire.

Sur le front de la Vilaine, qui est défendu par des FFI du Morbihan, les Allemands se bornent à des actions locales, d'abord pour protéger la poche pendant qu'ils s'y organisent, puis pour sonder les défenses alliées ou simplement tenir leurs hommes en haleine.

Au début, la faiblesse des effectifs qui leur sont opposés leur permet de passer la Vilaine comme ils le veulent. Ensuite cela devient plus hasardeux pour eux.

Toutefois, l'armement dont disposent les FFI est très insuffisant et ils n'ont pas d'artillerie. Par contre les Allemands disposent de deux batteries hippomobiles qui se déplacent de Pénestin à La Roche-Bernard et de La Roche-Bernard à Tréhillac qui causent beaucoup de dégâts.

De plus ils disposent de canons sur rails de 240 mm, à l'origine disposées dans deux batteries au Nord et au Sud de la Loire dans le cadre du Mur de l'Atlantique. Ce sont des canons français récupéré en 1940. L'un tirera pendant toute la durée de la Poche sur les lignes US et françaises. Il était abrité dans un tunnel ferroviaire à Pontchâteau entre deux tirs, et sa position de tir était à Savenay.

La 2ème quinzaine d'août est marquée par une série d'incursions en territoire libéré. Des combats ont lieu les 15 et 16 août dans les marais de Rieux.

Le 23 un groupe franchit la Vilaine prés de l'estuaire et prend position sur le plateau de Penlan en Billiers. Après un vif engagement où la compagnie Lhermier a deux tués, il est rejeté à la mer.

Le 27 août, le lieutenant-colonel « Morice » nomme le Commandant « Caro » chef du secteur Vilaine de Redon à l'embouchure, avec mission d'empêcher ces incursions ennemies.

Le 29, les Allemands franchissent à nouveau la Vilaine pour venir au bourg de Rieux pour faire sauter le clocher. Ils finissent par être repoussés, mais la section qui les poursuit dans leur repli, perd un homme sous le feu des mortiers allemands.

Le lendemain au même endroit, une nouvelle patrouille allemande se heurte au feu des fusils mitrailleurs et doit se retirer en laissant un blessé et en abandonnant une mitrailleuse légère et des munitions.

Le 4 septembre, un groupe de la compagnie « Scordia » franchir la Vilaine et attaque un poste allemand avec succès. Néanmoins, l'artillerie ennemie pilonne presque chaque nuit les positions des Français et maintient ceux-ci dans l'ensemble sur la défensive.

Le 14 septembre à 17 h 45, 300 Allemands, soutenus par l'artillerie qui canonne Billiers et Musillac débarquent en deux points éloignés de 4 km, au Moustoir en Billiers et au Brouel en Arzal. Les assaillants s'avancent de 4 à 5 km vers Musillac que ses habitants ont précipitamment évacué, puis se retirent dans la nuit après avoir incendié deux fermes.

Cette opération leur a coûté au moins une quinzaine de tués, et les FFI ont perdu 13 hommes. Il semble que les Allemands aient voulu vérifier la défense française et faire des prisonniers.

A la suite de cette attaque, quatre bataillons de FFI sont fournis au commandant « Caro ». Ce renforcement rend les incursions ennemies plus dangereuses.

Le 21 octobre, dans le secteur de Rieux, un commando ennemi a réussi à franchir la Vilaine, mais doit la repasser une heure plus tard après un bref combat.

Une nouvelle tentative le 20 novembre aux Vieilles–Roches en Arzal se heurte à une compagnie du bataillon de Vannes qui coule deux péniches de débarquement et où une vingtaine d'allemands sont tués ou jetés à l'eau.

Dans la nuit du 21 au 22 novembre, le poste de garde situé au « Rohéllo » en Béganne est surpris par un groupe d'Allemands. Un FFI est tué et son corps emporté à Saint-Dolay quand les Allemands se retirent.

Ce petit succès encourage les Allemands à tenter dans la nuit du 28 au 29 décembre une nouvelle incursion, une dizaine de barques chargées de soldats tentent d'aborder prés de Billiers, mais elles sont repoussées après une lutte sévère.

A la mi-septembre 1944, dans la partie Nord de la poche, le 5ème bataillon de la Loire Inférieure, est obligé de contenir plusieurs attaques allemandes vers Blain et la forêt de Gavre et vers Saint-Etienne-de-Montluc.

A la même époque, au sud de la Loire, les Allemands s'établissent sur une ligne La Tanniais - St-Père-en-Retz – Croix – Le Clion-sur-Mer.

Du 31 décembre 1944 au 2 janvier 1945, les Allemands tentent une attaque contre le Temple de Bretagne (secteur centre) qui échoue.

Le 11 avril, une autre attaque en secteur américain vers Saint-Omer connaît le même sort.

De septembre 1944 à mai 1945, chaque jour sera l'objet d'attaques de part et d'autre dans un secteur ou dans un autre ou dans plusieurs.

La lecture du journal de marche de la 25ème D.I. nous renseigne bien sur la vie du Front de Saint-Nazaire.

Il faut s'imaginer ces hommes, pendant l'hiver 1944-1945 qui fut rude. Leur armement était des plus hétéroclites, sans uniformes, bien souvent sans rechange, des conditions d'hébergement difficiles, et le ravitaillement pas toujours assuré.

Extraits du Journal de Marche de la 25° D.I. :

Activité de patrouilles au Nord de la Loire du 19 au 23 décembre 1944 :

20 décembre :
Au Nord de la Loire, activité de patrouille et d'artillerie. Dans le sous-secteur sud de la Loire, les Allemands déclenchent une attaque d'ensemble sur l'ensemble du front. Ils disposent de moyens, en particulier en artillerie, leur permettant une action de force capable d'enfoncer localement la ligne de défense que nous lui opposons. L'action débute par des tirs d'artillerie sur Vue, Chauvé, et la région de la Rigère où trois corvettes allemandes participent au combat. Ces bombardements sont suivis d'action d'infanterie. Dans la région de la Morissais et de la Michelais, cette action prend un caractère d'infiltration, alors qu'entre la Sicaudais et la Prauderie, l'action est une véritable attaque d'infanterie avec appui de feu chaque fois qu'une résistance se révèle… Nos pertes s'élèvent à 18 tués dont un officier, 17 grands blessés et 21 blessés légers. Les Allemands subirent de très fortes pertes, surtout devant la Roulais et Chauvé. Dans la nuit les Allemands resserrent le contact autour de Chauvé. Craignant une attaque au petit jour et un bombardement intensif du village, le commandement fait évacuer Chauvé où ne resteront que des postes de surveillance…

22 décembre :
Dans le sous-secteur de Bourgneuf, les Allemands déclenchent de nouveau au petit jour, un tir de mortier sur tous les emplacements d'armes automatiques autour de Chauvé. Ceux ci sont littéralement écrasés, mais pour la plupart, n'étant pas occupé, nous n'avons aucune perte à déplorer. Deux pelotons du 8.Cuir appuyés par une automitrailleuse nettoient le village de Chauvé où les allemands ont réussi à s'infiltrer, tuant une dizaine d'Allemands et détruisant une mitrailleuse lourde. Le reste de la matinée est calme par suite du brouillard. En fin de matinée, les Allemands déclenchent une action de force entre Le Poirier et la cote 40 appuyée par un violent tir d'artillerie. Il réussit à s'infiltrer dans nos lignes, mais il subit de nombreuses pertes alors que de notre côté, nous n'avons que deux blessés. Sur le reste du front au Nord de la Loire, la journée a été calme.

22 décembre :
Dans les sous-secteurs sud, la matinée s'écoule sans que les Allemands ne fassent montre de dispositions offensives. A 10 h 30 puis à 11 h 30, nous déclenchons deux tirs d'artillerie, l'un sur le moulin de la cote 40, l'autre sur les Landes Fleuries. Les Allemands, surpris, s'enfuient de ces deux points et sont pris à partie dés qu'ils sont découverts, par une violente concentration de feux de nos mitrailleuses. L'artillerie adverse ne réagit pas.

Voici maintenant les comptes rendus des journées du 16 au 21 avril 1945 :

16 avril :
Vive activité d'artillerie au sud de la Loire et de patrouille au Nord. Au Nord de la Loire dans le sous-secteur de Saint-Etienne, plusieurs patrouilles tentent de s'infiltrer dans nos lignes. Elles sont toutes repoussées, notre action défensive étant appuyée par des tirs d'artillerie…

17 avril :
Vive activité de patrouilles et d'artillerie sur l'ensemble du front.

19 avril :
Faible activité de patrouille sur l'ensemble du front. Dans le sous-secteur de Bourgneuf, deux fusiliers marins sont tués au cours d'une ronde…

20 avril :
Activité d'artillerie de part et d'autres. Dans le sous secteur de Plassé, deux compagnies du 6ème R.I. sont soumises à un violent bombardement de mortiers…

21 avril :
Vive activité d'artillerie sur l'ensemble du front. Au cours d'un bombardement ennemi, trois hommes de la 7ème compagnie du II/32° sont tués dans le sous secteur de Saint-Etienne…

Quelques jours avant la reddition, en mai 1945, les tirs d'artillerie et les patrouilles allemandes ne faiblissent pas. Le 1er mai, le journal mentionne une « vive activité d'artillerie de part et d'autre » et « faible activité de patrouille au sud de la Loire ». Le 2 mai : « assez vive activité d'artillerie dans le sous secteur de Saint-Etienne (Nord de la Loire) qui cause la mort d'un soldat et blesse un officier et un soldat ». Le 3 mai : « activité d'artillerie et de patrouilles sur l'ensemble du front ». Le 4 mai : « activité de patrouilles au sud de la Loire ».

Le 5 mai soit deux jours avant la capitulation : Toujours dans le sous secteur de Saint-Etienne, trois soldats qui sortent en avant des lignes vers l'intérieur de la poche sont immédiatement pris à parti par des mitrailleuses légères et des grenades. Un seul revient dans les lignes françaises légèrement blessé, les deux autres ne sont pas retrouvés… Enfin la veille de la reddition, le 6 mai, le journal mentionne simplement, « faible activité d'artillerie sur tout le front ».

Ces quelques exemples puisés au hasard du journal de marche de la 25ème D.I. illustrent l'activité parfois soutenue de ces
« Fronts des oubliés », actions qui, comme nous venons de le voir, se sont poursuivies jusqu'au dernier jour.

La Reddition :

C'est seulement le 7 mai que les Allemands et les Alliés ont pris un premier contact à Cordemais, suivi d'une seconde entrevue le 8 à 10 h.

Ces premières négociations du 8 mai au matin n'aboutiront pas et reprendront l'après-midi.

Alors que la capitulation du IIIème Reich a été signée la veille à Reims au quartier général d'Eisenhower, et que l'Europe entière fête la paix retrouvée, le chef d'état major du général Junck signe enfin à 17 h la reddition de la forteresse qui ordonne le cessez le feu le 9 à 0 h 1, et le 11 mai se déroule à Bouvron une cérémonie analogue à celle de Caudan pour Lorient : Le général Junck, accompagné de l'amiral Mirow, commandant la Kriegsmarine de Saint-Nazaire, remet symboliquement son pistolet au général Kramer accompagne des généraux Chomel (commandant la 25ème D.I.) et Foster (commandant les éléments de la 66ème D.I. US présents devant Saint-Nazaire).

Bunker à Saint-Nazaire


4 - LES OUBLIES :

Lorsqu'on parle ici du « Front des Oubliés », on peut dire que ces hommes ont été les oubliés des autorités militaires, tant en ce qui concerne l'armement, que l'habillement, l'hébergement, le ravitaillement et l'approvisionnement, mais aussi les oubliés de la presse et des historiens. Et pourtant, ils n'avaient pas démérité.

Ecoutons l’un d’entre eux, Roger Lenevette, ancien membre d’un maquis FTPF d’Ille et Vilaine et volontaire pour le 25eme D.I.

« Les marais de Fégréac prés de Redon sont une des pages de la Résistance de la région. J’y ai passé une bonne partie de l’hiver 1944 - 1945. L’objectif était d’empêcher les divisions allemandes de se retirer des Poches de Lorient et de Saint-Nazaire et d’aller rejoindre les forces allemandes. Cet objectif a commencé le 12 août, c'est à dire à partir du moment où les forces Alliées se sont dirigées vers le Centre de la France et où le Général américain Wood a confié cette tâche aux F.F.I.

70 000 allemands étaient restés dans ces poches soit environ 35000 dans chacune d'elles. Ces poches ont été encerclées par des groupes de Résistants des différentes régions de Bretagne aidés en cela par une Compagnie américaine. Nous les avons maintenus sur place jusqu'au 10 mai 1945 pour la poche de Lorient et jusqu'au 12 mai 1945 pour celle de Saint-Nazaire.

On peut d’ailleurs regretter que cette page de la Résistance semble particulièrement ignorée en France. Pour ma part, j’ai passé une bonne partie de l’hiver 1944 - 1945 dans les marais de Fégréac avec René C. en compagnie de bon nombre de camarades anciens résistants ainsi que d'autres nous ayant rejoint à la Libération. Nous n’avions pour vêtements que ceux que nous avions emmenés en quittant nos foyers.

Certains avaient du rechange, d’autres n’en avaient pas. La nourriture n’était pas toujours assurée et nous avons connu des jours sans également. On peut dire que ces poches allemandes ont été gardées par une armée de jeunes en haillons, crevant de faim et de froid derrière des talus ou dans des marais, mais avec un moral d’acier qui a permis de tenir jusqu’au bout dans un hiver glacial et sans statut militaire, ce qui veut dire que si nous étions pris par les Allemands, nous risquions d'être traité comme terroriste, et donc d'être torturé ou fusillé aussitôt.

Cet hiver là, nous l'avons passé dans des marais, en état d'alerte permanent, accroupis derrière des talus, prêts à réagir au moindre bruit, et pourtant attentifs à ne pas commettre d'erreurs, ce qui n'était pas le plus facile parce que les Allemands pouvaient nous arriver de partout. Cela pouvait également être des nôtres partis en incursion chez les Allemands. Cet hiver là, il a fait froid, et nous l'avons vécu dans le brouillard et l'humidité des marais. Notre seul abri était une grande toile de tente, où nous avions un lit de camp. Tous n'en ont pas eu autant.

Il semble que quelques hommes ont reçu des uniformes anglais. Personnellement je dois dire que je n'en ai vu aucun dans le secteur où j'ai été affecté, ni les quelques fois, où avec René C., je suis allé à Redon.

On y avait formé des «Corps Francs ». René s’y étant porté volontaire, je l’y avais donc suivi. "Noblesse oblige".
Il n'avait pas voulu me laisser seul à Combourg, je considérais de mon devoir de lui renvoyer la vapeur. L’objectif : traverser la rivière sur des barques pour aller harceler les forces ennemies de l’autre côté.

Il était important de savoir nager, et de ne pas craindre l'eau froide. Pour cela, mes baignades dans le Couesnon m'avaient bien préparé, et plonger ou nager en eau froide ne me faisait pas peur. En hiver ce n’était pas évident, le retour se faisait parfois sous le feu des allemands et il valait mieux avoir du rechange en cas de besoin, ce dont heureusement maman m’avait pourvu. J’ai même dû un jour, donner un de mes pantalons à un camarade (René D. de Brinbien en Chauvigné) qui avait déchiré le sien en passant par-dessus des barbelés et qui n’avait pas de rechange. Il était beaucoup plus grand que moi et le pantalon lui arrivait à mi-jambe, ce qui n'était pas l'idéal pour passer l'hiver dans le froid.

De temps en temps, nous avions la visite du Capitaine S., de François R. ou de LOULOU. S. était un ancien capitaine des Républicains espagnols qui s’était battu contre Franco et s’était réfugié en France ensuite.

C’est à la caserne St Joseph de Redon que j’ai signé mon engagement le deux octobre 1944 pour la durée de la guerre ou trois ans dans l’armée, mais je n'ai quitté les marais de Fégréac qu'en mars 1945, environ un mois et demi avant la reddition des Allemands dans la Poche de Saint-Nazaire que nous gardions »


Pour conclure, citons quelques vers rédigés par l’un d’entre eux, Emile Lainé, en octobre 1944 :
« La plupart n’opposaient aux Allemands en armes
Qu’un vrai coeur de Français ou s’étouffaient leurs larmes.
Ils étaient venus la d’une belle insouciance
Plus pleins de courage que riches d’expérience »


En sacrifiant ainsi une année, ou presque, de leur jeunesse, ces gamins en haillons ont fait plus que de « garder » les poches. En permettant, dès août 1944, à Patton de faire demi-tour pour se ruer vers l’Est, ils ont aidé à hâter la fin de la guerre.
Il nous semble utile que, enfin, cela soit reconnu.

Sources :
Témoignages de Roger Lenevette, de Maurice Uzel, de Jeannine Cheval et de Charles Carnac, ces trois derniers ayant été communiqués à l’auteur par Roger Lenevette.
« Guide des maquis et hauts lieux de la Résistance en Bretagne », Gérard Le Marec, Presses de la Cité, 1987
« Libération de la Bretagne », Marcel Baudot, Hachette, 1973
« Le Morbihan en Guerre », Roger Leroux, Ero, Editions régionales de l’Ouest, Mayenne, 2000
Archives du quotidien «Ouest-France »
SHAT 10, P.449, Poche de Lorient et 372, Poche de Saint-Nazaire.
Journal de marche de la 25éme D.I.
« L'incroyable histoire de la Poche de Saint-Nazaire », Luc Braeuer, conservateur du «Grand Blockhaus », le Musée de la Poche de Saint-Nazaire, http://www.grand-blockhaus.com/

« Guerre 1939-1945. Les grandes unités françaises : historiques succincts. Tome 6, La participation des forces françaises de l'intérieur aux opérations des fronts de l'Atlantique et des Alpes et à la réorganisation de l'armée (1944-1945) », sous la direction de Roger Michalon. SHAT/Imprimerie nationale, 1980.

Remerciements :

Mes remerciements à Roger Lenevette, qui y était et sans qui cet article n’aurait pas vu le jour, à Aurélien Guénéc, guide du Musée «Le grand blockhaus » et à Alain Adam, webmestre du site ATF40 http://www.atf40.fr/

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