Au
début de 1944, il apparaissait clairement que l'Abwehr ("Amt
Ausland Nachrichten und Abwehr" - Service de Renseignements extérieur
et de Défense - ) prêtait son concours aux conjurés*
et opposants antinazis réfugiés en Suisse.
Himmler avait ainsi un bon prétexte pour se débarasser
de l'amiral Canaris.
Himmler obtint enfin d'Hitler une mesure qu'il réclamait depuis
longtemps. Le 14 février 1944, un décret prononçait
la dissolution de l'Abwehr.
Ainsi, l'Abwehr, service concurrent du RSHA à l'étranger
disparaissait. Les conjurés et opposants se trouvaient privés
de refuge.
La source qui leur avait fourni faux papiers ou explosifs se retrouvait
tarie.
Ce coup porté aux conjurés aurait pu être fatal
si une recrue n'y avait fait son apparition peu de temps avant la dissolution
de l'Abwehr :
le lieutenant-colonel comte Claus Schenk von Stauffenberg**.
Officier d'état-major, puis chef de l'armée de réserve
(il perdit un oeil et la main droite en Tunisie).
Nazi convaincu dans les premières heures, il comprit rapidement
que la guerre était perdue et que Hitler entraînait l'Allemagne
à sa perte. Il rejoignit alors la conspiration menée par
le général Beck et le docteur Goerdeler (l'ex-maire de
Leipzig).
Trois policiers importants, nazis repentis rejoignirent cette conjuration
: Nebe, chef de la Kripo, qui avait commandé un Einsatzgruppe
en Russie, le comte Helldorf, préfet de police à Berlin
ainsi que le comte von der Schulenburg son adjoint.
Plusieurs chefs militaires apportèrent également leur
soutien. von Stülpnagel, gouverneur militaire de la France, von
Falkenhausen, gouverneur militaire de la Belgique, le maréchal
Rommel ainsi que son adjoint, le général Speidel.
La conspiration reposait toutefois sur un malentendu.
Les conjurés étaient convaincus que la mort de Hitler
leur permettrait de traiter avec les Occidentaux.
Les conjurés souhaitaient un armistice immédiat mais refusaient
une reddition inconditionnelle.
Cette paix séparée ne s'accompagnerait pas d'un arrêt
des combats à l'Est. Les conjurés pensaient que les Anglais
et les Américains s'uniraient à eux pour vaincre les Russes.
Hélas, les conjurés ignoraient les accords de Casablanca
ou les Alliés se mirent d'accord sur le fait que l'Allemagne,
le
Japon et l'Italie devraient signer une capitulation inconditionnelle.
Si la conjuration avait été un succès, il est probable
que le nouveau grouvernement aux mains des militaires aurait été
contraint de poursuivre la guerre.
C'est sur ces bases que Stauffenberg mit au point le plan "Walkyrie".
Dès la mort d'Hitler, un gouvernement militaire devait s'installer
à Berlin qui devait neutraliser les SS, la Gestapo et le SD...
Stauffenberg, promu colonel fin juin fut nommé chef-d'état-major
de l'armée de l'intérieur.
Ce poste lui donnait accès aux conférences d'Hitler.
Une conférence importante avait été fixée
à Rastenburg le 20 juillet 1944 pour conférer de la constitution
de l'armée de l'intérieur (qui devint le volksturm). Mussolini,
réfugié en Allemagne devait y retrouver Hitler à
14h30.
Ce fut la date choisie pour commettre l'attentat.
Stauffenberg et Keitel pénétrèrent A 12h30 dans
un baraquement du "Wolfsschanze" ("Tanière du
loup") de Rastenburg qui servait de salle de conférence.
La conférence avait débuté et l'explosion de la
bombe à exogène dissimulée dans sa serviette devait
se produire à 12h40.
A 12h36, Stauffenberg posa sa serviette avec la bombe contre l'un des
pieds de la table.
La bombe se trouvait à moins de deux mètres d'Hitler.
Prétextant un appel urgent à donner, Stauffenberg s'éclipsa
de la salle. A cette distance, Hitler ne pouvait pas survivre à
l'explosion.
Un événemement bénin allait tout changer : le colonel
Brandt, faisant un exposé fut gêné par la serviette
de Stauffenberg et la déplaça de l'autre côté
du pied de la table qui se trouva ainsi entre la bombe et Hitler.
Ce simple déplacement de la serviette sauva probablement Hitler.
A 12h45, la bombe explosa. La toiture se souleva, des flammes et des
débris jaillissaient des fenêtres.
Stauffenberg n'eut aucun doute : Hitler était mort !***
Il se rua vers le terrain d'aviation et s'envola pour Berlin.
A l'arrivée, il apprit que les conjurés attendaient la
confirmation de la mort d'Hitler pour passer à l'action.
Ils n'avaient pas proclamé la disparition d'Hitler et la constitution
d'un nouveau gouvernement : le général Beck devenant chef
de l'Etat et le Feld-maréchal von Witzleben chef de la Wehrmacht.
Stauffenberg les rassura et décida les conspirateurs à
passer enfin à l'action.
Ce retard fatal, plus que l'échec de l'attentat, allait empêcher
la réussite du putsch.
A Varsovie, Paris, Prague ou Vienne, les membres du complot apprirent
à 16h que l'attentat avait eu lieu.
A 19h30, le général Beck appela le général
von Stülpnagel pour lui confirmer les ordres.
Le maréchal von Kluge, nommé par Hitler, pour remplacer
von Rundstedt au commandement des forces de l'Ouest, promis son aide
en cas de succès de l'opération.
A la même heure, le Feld-maréchal von Witzleben intervint
à la radio et demanda aux militaires d'assurer partout les pouvoirs.
C'était beaucoup trop tard !
Les premiers ordres partaient vers les garnisons lorsque les nouvelles
de l'échec de l'attentat parvinrent à l'oreille des conjurés.
La panique s'empara des moins courageux qui refusèrent de jouer
le rôle qu'ils avaient accepté. A 20h15, l'OKW confirma
à von Kluge l'échec de l'attentat.
Les partisans du complot tentèrent de fuir les conjurés
ou prirent part à la répression - le général
Herfurth, par exemple, fit volte face et participa à la répression
du complot...et fut pendu quelques temps plus tard.
Le général Fromm prit également peur et tenta d'arrêter
les conjurés.
En France, les conjurés étaient décidés
à mener leur action jusqu'au bout, quitte à se déclarer
en dissidence avec le gouvernement du Führer.
A Paris vers 21h, sur ordre du général von Boineburg,
des détachements de la Wehrmacht arrêtèrent tous
les membres du SD ou de la Gestapo présents à Paris.
Alors que les dispositions étaient prises par les conjurés
pour fusiller les chefs de la Gestapo et du SD, von Kluge****, achevant
sa volte face, alerta Berlin, signalant lla trahison de von Stülpnagel.
Les conjurés commirent une ultime erreur en ne tenant pas compte
des forces de la Kriegsmarine stationnées à Paris.
Lorsque l'amiral Krancke, commandant en chef du groupe Ouest de la Kriegsmarine
reçut l'ordre d'intervenir, il alerta toutes ses forces et lança
un ultimatum aux conjurés, leur demandant de libérer dans
l'heure les membres du SD et de la Gestapo.
Les militaires durent relâcher leurs prisonniers. Durant ces événements,
Himmler, nommé commandant en chef de l'armée de l'intérieur
se dirigeait vers Berlin pour diriger la répression avec l'aide
de Skorzeny et de Schellenberg. A une heure du matin, Hitler parlait
à la radio : le putsch était un échec. une terrible
répression allait s'abattre sur les conjurés. Les principaux
chefs de la conspiration étaient assassinés dans la nuit
du 20 au 21 juillet.
Le général Fromm, impliqué dans la conspiration
pensait pouvoir sauver sa vie en faisant arrêter et fusiller Stauffenberg,
Berg, Olbricht... (en fait tout l'état-major du putsch).
Sa lâcheté ne sauva par Fromm car celui-ci fut fusillé
en mars 1945. Quelques instants plus tard, Skorzeny intervint au ministère
et entreprit une vague d'arrestations. A l'heure où Hitler parlait
à la radio, tous les conspirateurs encore vivants étaient
entre les mains de la Gestapo. En quelques heures, les SS venaient de
triompher de l'armée. Les SS prenaient le contôle absolu
et allaient, en fouillant les coffres, régler tous ses vieux
comptes.
A Paris, les conspirateurs étaient arrêtés. Quant
à Stülpnagel, il était convoqué d'urgence
à Berlin. Lors de son voyage, il tenta de se suicider. La balle
qui lui traversa la tête le rendit aveugle.
Il passa malgré tout en jugement avec les autres conjurés
le 29 août devant le "tribunal du peuple" de Friesler.
Ils furent tous pendus - par un raffinement suprême, ils furent
pendus lentement à des crochets de bouchers - La répression
fut terrible et s'étendit aux familles et amis des conspirateurs.
Himmler et Kaltenbrunner se livrèrent à une débauche
de cruauté. Environ 7 000 personnes furent arrêtées
et environ
5 000 personnes furent exécutées.
Canaris, bien qu'il n'ai pris aucune part dans cette conspiration fut
arrêté et pendu le 9 avril 1945.
Falkenhaussen, quant à lui, fut sauvé par les troupes
américaines et fut par la suite condamné comme criminel
de guerre. Beaucoup d'officiers compromis préférèrent
se suicider plutôt que d'être jugés. Rommel fut ainsi
contraint au suicide. La conséquence de l'échec de cet
attentat fut assez étrange : le peuple se souda derrière
son Führer et le drapeau pâlissant du nazisme reprit des
couleurs.
De jeunes garçons des Hitler-jugend furent promus officiers.
Placés dans les unités de combat, ces "commissaires
politiques" s'assuraient de la fidélité des officiers
et des soldats envers Hitler.
Himmler était devenu l'homme le plus puissant du Reich. Il était
ministre de la santé, chef suprême de toutes les polices,
des services de renseignements, des services secrets et d'espionnage,
civils et militaires. Chef suprême des SS, il disposait d'une
armée, forte au printemps 1945, de 38 divisions, 4 brigades,
10 bataillons, 10 kommandos d'état-major et 35 corps de troupes.
Himmler atteignit le sommet de sa carrière avec sa nomination
à la tête du corps d'armée de la vistule en février
1945. La perte de la Poméranie en mars, ses incompétences
militaires puis l'échec de ses divisions en Hongrie en mars 1945
entrainèrent sa disgrâce. La fin était proche...
* Le général von Tresckow (il se suicida le 21 juillet
sur le front Est en apprenant l'échec de l'attentat), chef d'état-major
du groupe d'armées centre sur le front russe, et le général
Olbricht, chef du Bureau général de l'armée, avaient
mis au point l'opération "Flash". Cette opération
consistait à faire exploser en vol l'avion d'Hitler. Le 13 mars
1943, alors que Hitler quittait Smolensk pour rentrer à Berlin,
un officier de l'état-major du général von Treschow,
Fabian von Schlabrendorff, confia à l'un des passagers de l'avion
un paquet contenant deux bouteilles de Cognac et lui demanda de les
remettre à un ami à Berlin.
Ce paquet contenait une bombe...qui n'explosa pas. Les conjurés
purent récupérer le paquet et le complot ne fut pas découvert.
D'autres plans furent étudiés par la suite mais aucun
n'aboutit.
** Stauffenberg avait déjà tenté de mettre fin
aux jours d'Hitler le 26 décembre 1943. Ce jour là, convoqué
au quartier général du Führer à Rastenburg,
il avait emporté une bombe dans sa serviette, mais, Hitler annula
la réunion au dernier moment et Stauffenberg repartit à
Berlin avec sa bombe.
*** Sur les 18 personnes présentent dans la salle de conférence,
11 furent blessées plus ou moins grièvement. Le sténographe,
le Dr Heinrich Berger, exposé de plein fouet, eut les deux jambes
arrachées et mourut dans l'après-midi. Le colonel Heinz
Brandt perdit une jambe et mourut le 21 juillet ainsi que le général
Günther Korten, touché par un éclat de bois qui le
poignarda. L'aide de camp de Hitler, le général Schmundt,
perdit un oeil et fut gravement brûlé au visage et devait
succomber à ses blessures quelques semaines plus tard. Keitel
et Hitler furent les seuls à ne pas avoir été commotionnés
; et Keitel fut le seul a ne pas avoir les tympans déchirés.
**** Destitué pour ne pas avoir révélé plus
tôt le complot, von Kluge se suicida le 19 août lors de
son déplacement vers Berlin car il craignait d'être jugé
et pendu.