Nous
remercions Madame Annie Lacroix-Riz de nous avoir autorisés à
mettre en ligne cet article ou elle entreprend avec son ardeur coutumière
d’analyser l’attitude du PCF de la signature du Pacte de
non-agression germano-soviétique au lancement de Barbarossa.
Fieffés Staliniens ? Collabos ? Saboteurs ? Traîtres ?
Brûlantes questions ! Cet article risquant fort de déclencher
une polémique sur le forum, nous tenons à préciser
que ce qui suit est l’opinion de l’auteur. HistoQuiz ne
partage absolument pas cette opinion mais nous tenons à la ligne
« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je
me battrais pour que vous puissiez le dire ».
Bonne lecture !
Daniel Laurent
Annie
Lacroix-Riz, professeur d’histoire contemporaine, université
Paris 7
Sur la pleine
« Page trois » du Monde des 10-11 décembre
2006, intitulée « Quand le PCF négociait avec les
nazis », le journaliste Michel Lefebvre s’appuie sur «
les travaux des historiens » pour stigmatiser les errements relatifs
à la demande de reparution de L’Humanité
de juin 1940 et réviser à la baisse « le rôle
du PCF dans la Résistance ». L’une et l’autre
questions méritent une analyse plus approfondie que la citation
d’un texte à la « syntaxe approximative » ou
la référence à une sélection arbitraire
de « fusillés ». Elles nécessiteraient un
recours large aux « travaux des historiens ».
Sont ici seuls
retenus ici les auteurs de deux ouvrages récents - Jean-Pierre
Besse et Claude Pennetier (Juin 40, la négociation secrète.
Les communistes français et les autorités allemandes)
et Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty (Les fusillés, répression
et exécutions pendant l’Occupation 1940-1944) -, et
Roger Bourderon, pour un livre plus ancien (La négociation, été
1940, 2001) : naguère absent des colonnes du Monde consacrées
aux
« travaux des historiens », ainsi quand il écrivait
aux côtés de l’historien canadien Yvan Avakoumovitch
Détruire le PCF. 40-44 Archives de
l’État français et de l’occupant hitlérien
1 – ouvrage auquel les découvertes
présentées ajoutent le texte de Maurice Tréand
-, cet historien français y a désormais (modeste) droit
de cité. La méthode et les choix historiographiques retenus
par Michel Lefebvre posent de façon plus générale
la question du « rôle du [Monde] dans la » diffusion
de la connaissance de l’histoire contemporaine.
Juin 1940
La faute politique
du rédacteur du texte attribué à Maurice Tréand
et destiné à Otto Abetz, dont on ignore
« la date de rédaction » et « les circonstances
de la prise de notes », est avérée par l’expression
réitérée de « juif Mandel » et autres
flagorneries à l'égard de l’occupant allemand (propositions
d’aide aux masses « avec [sa] collaboration », prétention
à avoir « bien travaillé […] pour vous »,
etc.). Mais le fond du texte, résultant de la
« ligne PC »(élaborée par l’Internationale
communiste et la direction du PCF) qui suivit la signature du pacte
germano-soviétique du 23 août 1939 et qui fut modifiée
dès la défaite officielle de la France, au plus tard au
jour même de la signature de l’armistice franco-allemand,
le 22 juin 1940, requiert examen.
Pacte germano-soviétique
et concept de guerre impérialiste : un sacrilège ?
Qualifier en juin
1940 dans un texte destiné à flatter l’occupant
allemand la politique franco-anglaise
d’« impérialiste » était certes condamnable.
« Les thèses de la guerre impérialiste » 2
marquaient le triomphe d’un retournement public d'autant plus
net que l’URSS et les partis communistes avaient, au nom de la
« sécurité collective » menacée à
l’Ouest et à l’Est de l’Europe par les plans
expansionnistes allemands, souligné depuis 1933-
1935 les intérêts communs des anciens alliés de
la Grande Guerre (l’Entente entre Russie, France et Angleterre).
Cette priorité les avait conduits à délaisser l’analyse
léniniste des guerres impérialistes – à la
négliger, pas à l’abandonner, comme en témoigne
maint honnête avertissement de Litvinov, surtout depuis la guerre
d'Espagne.
Le commissaire
du Peuple aux Affaires étrangères (depuis 1930) considéré
comme le symbole de la « sécurité collective »
soviétique, mit souvent en garde les Franco-Anglais contre les
conséquences de leurs capitulations successives face à
l’Axe Rome-Berlin. Ainsi brandit-il clairement à Genève,
siège de la Société des Nations, en juin 1938 –
époque où les alliés ou amis présumés
de la Tchécoslovaquie préparaient ouvertement sa crucifixion
-, la
menace devant le secrétaire au Foreign Office Lord Halifax, un
des rois de l’Apaisement de l’ère Chamberlain, menace
dont le service de renseignement militaire français fut aussitôt
avisé : « l’URSS demeurait encore attachée
à la politique de sécurité collective, malgré
les déceptions qu’elle y avait trouvées. Mais si,
après le Mandchoukuo, l’Abyssinie, la Chine et l’Autriche,
les Puissances occidentales devaient encore permettre l’étranglement
de la
Tchécoslovaquie, le gouvernement soviétique romprait la
politique collective et se rapprocherait de l’Allemagne à
laquelle il laisserait les mains libres en Europe ». 3
Quelle obligation sacrée contraindrait les historiens à
analyser la Deuxième Guerre mondiale comme un conflit d’essence
spéciale soustrait aux lois régissant le mode de production
capitaliste à l’ère impérialiste ? La recherche
de ces dernières décennies et les « travaux [consécutifs]
des historiens » - d’autres historiens que ceux
sélectionnés par Le Monde - ont révélé
les transformations induites par et à la suite de ce conflit
des rapports de forces entre impérialismes rivaux, américain,
allemand, britannique, japonais, français, etc. Ils n’ont
pas distingué de différence de nature, de ce point de
vue, entre les deux guerres
mondiales.
Pour se limiter
à l’un des objectifs de l’impérialisme franco-anglais
mentionnés ici, il est incontestable que les vainqueurs de 1918
avaient en 1939 pour but immédiat de faire liquider par l’Allemagne,
dans les meilleurs délais, l’URSS privée de l’alliance
de revers que Londres et Paris lui refusaient obstinément depuis
1933. L’armée rouge aurait ainsi subi seule le choc de
la totalité des troupes allemandes, que le Reich avait été
obligé par l’Entente
tripartite, à l’été 1914, de répartir
d'emblée sur deux fronts. Elle aurait également dû
subir, et simultanément, l’assaut japonais, que Moscou
considérait à raison depuis le début des années
trente comme le péril militaire le plus pressant. Disposés
à céder face aux puissances « révisionnistes
» jusque dans leur empire asiatique (Chine incluse), la France
et le Royaume-Uni avaient d'ailleurs appliqué une ligne japonaise
aussi pleutre et capitularde que leur politique allemande et comptaient
sur Tokyo pour abattre l’URSS à l’Est. On lira avec
profit sur cet aspect des choses les travaux de Jonathan Haslam 4
et R.A.C. Parker 5, auxquels Le Monde
n’a pas accordé l’intérêt qu’ils
méritent.
Cette double
menace avait précisément motivé, du côté
soviétique, la volonté de couverture à l’Ouest
que représenta la signature du pacte du 23 août 1939. Curieusement,
Michel Lefebvre ne parle pas de cet événement, qui constitue
pourtant la véritable cible de Juin 40, qu’il
ouvre et clôt. L’exergue lui est exclusivement consacré
avec son double hommage : « Aux militants communistes qui ignorèrent
le cours légaliste de leur direction et
restèrent fidèles aux valeurs de l’antifascisme.
À Jean
Maitron, pionnier de l’histoire ouvrière, traumatisé
par le Pacte germanosoviétique, qui n’eut de cesse de comprendre
comment après avoir vu dans le communisme, l’adversaire
le plus résolu du nazisme, il s’était vu contraint
de s’en éloigner. »
« La période qui s’ouvre avec le Pacte germano-soviétique,
en août 1939, écrivent les auteurs en introduction,
et qui s’achève avec l’attaque allemande contre l’URSS
en juin 1941, constitue un cas limite de distorsion entre les intérêts
du mouvement ouvrier français et ceux de l’État
soviétique. » « La défense du Pacte germano-soviétique
n’a pas grand sens en France et aujourd'hui, concluent-ils.
Le Pacte est l’aboutissement d’une logique politique qui
privilégie les seuls intérêts de l’État
soviétique […]. Ce message historique peut être entendu
aujourd'hui tant les nostalgies sentimentales du stalinisme sont insupportables.
[En…] juin 1940 […] certains ont préféré
la défense du communisme stalinien, coûte que coûte,
au mépris de leurs convictions. Inutile de dire que l’histoire
tranchera.
Elle a mis le temps, mais elle a tranché » 6.
Jean-Pierre Besse
et Claude Pennetier s’alignent donc sur l’ouvrage d’Yves
Santamaria, truffé de sarcasmes sur
« l’“antifascisme” stalinien », «
le choc de deux volontés expansionnistes » et « le
mystère du rapprochement des États totalitaires [qui]
garde toute sa charge révulsive pour les consciences démocratiques
». Dépourvu de tout étai archivistique 7,
confirmant la France en lanterne rouge de la recherche internationale,
ce livre est le seul
traitant du sujet à être cité en bibliographie ou
plutôt à être utilisé 8.
Hargne spectaculaire en moins (l’auteur est un contributeur du
Livre noir du communisme 9), nos auteurs
s’en sont strictement inspirés, réduisant «
le Pacte germano-soviétique » à cette présentation
: « Il est accompagné d’un protocole secret sur le
partage de la Pologne, l’élargissement de la zone d'influence
soviétique à la Finlande, l’Estonie et la Lettonie.
Par cette signature, l’Allemagne bénéfice (sic)
de garanties pour son approvisionnement en blé et en matières
premières, particulièrement en pétrole, pendant
sa phase de guerre vers l’ouest. »
Sur cet événement
dicté par la perspective d’une guerre avec le Reich Geoffrey
Roberts, absent de la bibliographie, a depuis plus de quinze ans renouvelé
l’historiographie, avec trois ouvrages successifs :
The unholy alliance : Stalin’s pact with Hitler, The Soviet Union
and the origins of the Second World War. Russo-German relations and
the road to war, 1933-1941, et le tout récent Stalin’s
Wars: From World War to Cold War, 1939-1953 10.
À ma connaissance, Le Monde n’a pas jugé
bon d’informer ses lecteurs que cet accord, imposé aux
Soviets par les Français et les Anglais, n’avait pas transformé
Staline en allié d’Hitler : il lui préfère
de beaucoup la thèse qui a assuré à Stéphane
Courtois une notoriété journalistique et télévisuelle
exceptionnelle, et à laquelle il a lui-même donné
une publicité considérable, comme à tout ce qui
peut noircir le bilan du communisme 11.
Churchill, un
des ennemis notoires de l’Apaisement de Chamberlain, approuva
publiquement ledit pacte. Il osa en effet, dans son discours radiophonique
du 1er octobre 1939 sur la Pologne récemment vaincue et démembrée,
se réjouir de ce que l’URSS eût fait de la moitié
du pays qu’elle contrôlait désormais « sa ligne
de défense occidentale […] et une limite établie
à l’expansion à l’Est de l’Allemagne
» (G. Roberts) : « la Russie avait poursuivi une froide
politique d’intérêt national. Nous aurions certes
souhaité que les armées russes se tiennent sur leur ligne
actuelle en tant qu’amis et alliés et non envahisseurs
de la Pologne.
Mais le fait que les armées russes se tiennent sur cette ligne
était clairement nécessaire pour la sécurité
de la Russie contre la menace nazie. […] La clé […]
de l’action de la Russie […] est l’intérêt
national russe. Il ne peut être en accord avec les intérêts
la sécurité de la Russie de voir l’Allemagne s’installer
sur les bords de la Mer Noire, submerger les États et soumettre
les peuples slaves de l’Europe du Sud-Est. Ce serait contraire
aux intérêts vitaux historiques de la Russie ». Même
Chamberlain, symbole d’une politique de reculade permanente devant
l’Axe Rome-Berlin et encore Premier ministre du prétendu
« cabinet de guerre », approuva cette position – mais
seulement dans le secret de sa correspondance à sa soeur 12.
Bref, tandis que
Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier estiment que l’infâme
Staline avait crucifié le malheureux « mouvement ouvrier
français », les décideurs d’un des deux États
impérialistes qui avaient créé et dirigé
le « cordon sanitaire » (l’autre était la France),
clamaient (Churchill) ou murmuraient (Chamberlain) que la sécurité
soviétique se confondait avec celle de toutes les cibles
du Reich, Occident compris. Nos historiens français gagneraient
beaucoup à sortir de l’hexagone et à compléter
leur étude des faits et gestes des leaders de « ceux d’en
bas » par l’analyse des pratiques des délégués
de « ceux d’en haut ».
Approuvé
dans son contenu par une Angleterre désormais plus soucieuse
du péril allemand que du soviétique, l’événement
avait en outre été prévu de longue date. Lorsque
Churchill renoua officiellement, après-guerre – en réalité,
ce fut pendant - avec son long passé de héraut de l’antibolchevisme
entamé par l’intervention armée britannique contre
la jeune révolution soviétique, il soutint dans ses mémoires
la thèse du choc devant « la sinistre
nouvelle explosant sur le monde comme une bombe » 13.
Cette thèse du choc occidental devant la traîtrise stalinienne
a triomphé jusqu'à ce jour sous nos cieux et résiste
à tous les « travaux [documentés] des historiens
» étrangers. Elle résulte d’un énorme
mensonge : la signature soviétique avait été annoncée,
dans le cas de figure qui se produisit précisément à
l’été 1939, depuis 1933 par les diplomates et attachés
militaires français et britanniques en poste à Moscou.
Ces
derniers n’avaient cessé depuis lors de répéter
que l’URSS s’engageait dans une voie de stabilisation et
de respect du statu quo hérité de Versailles et de quête
d’alliance défensive, à cet effet, avec la France
et le Royaume-Uni, vainqueurs et bénéficiaires du précédent
conflit. Si ces deux États sollicités par le gouvernement
soviétique de renouveler l’alliance militaire tripartite,
défensive et automatique, de 1914, s’obstinaient à
la lui refuser; s’ils contraignaient par là l’URSS,
cible prioritaire du Reich (avec la France), à se battre seule
contre toutes les forces de la Reichswehr puis Wehrmacht, le demandeur
éconduit serait contraint de passer compromis provisoire
avec le Reich impliquant nouveau « partage de la Pologne ».
Charles Alphand, un des rares ambassadeurs partisans sincères
de l’alliance franco-soviétique, ne cessa, comme ses pairs,
de le dire, ainsi le 18 octobre 1934, peu après l’assassinat
de Barthou qui permit au Reich, son organisateur, de faire remplacer
par son complice Laval ce ministre haï : « C’est pour
des raisons profondes qu[e les Soviets] se sont ralliés au statu
quo. Ils savent que leur territoire constitue un des objectifs
terminaux des tendances expansionnistes allemandes.
Leur intérêt est la meilleure caution de la sincérité
de leur politique actuelle. Il faudrait, pour qu’ils en changeassent,
qu’ils se sentissent privés de tout point d’appui
à l’Ouest, qu’ils en vinssent, par désespoir,
à perdre le sentiment de leurs intérêts. »
14 Ces hauts fonctionnaires civils et militaires
le répétèrent de plus en plus fort et en termes
de plus en plus précis entre 1936 et août 1939.
Et,
on l’a dit, les Soviétiques eux-mêmes annoncèrent
honnêtement que leur patience aurait des limites. Ils l’avaient
fait à l’ère Litvinov et recommencèrent après
que, le 3 mai 1939, Litvinov eut été remercié vu
la vanité et l’échec avéré de la «
sécurité collective ». Sous son successeur Molotov,
le lucide attaché militaire français
(en poste depuis l’automne 1937), Augustin-Antoine Palasse, partisan
aussi obstiné qu’impuissant de l’alliance francosoviétique,
tira la sonnette d’alarme devant la gravité de l’avertissement
public, paru dans La Pravda du 29 juin, sous la plume une personnalité
soviétique d’une « importance » considérable.
Jdanov, député au Conseil suprême de l’URSS,
mais surtout « président du parti communiste de la région
de Leningrad, membre des Conseils importants du Parti et […] ami
personnel de M. Staline », s’en était pris vivement
à ceux qui continuaient à mener les Soviets en bateau
: Français et Anglais voulaient imposer à Moscou «
un accord où l’URSS aurait le rôle de valet de ferme
qui porterait tout le poids des engagements sur ses épaules.
Mais pas un seul pays qui se respecte ne consentirait à un tel
accord s’il ne veut pas être le jouet entre les mains de
gens qui aiment faire tirer les marrons du feu par les autres. Il me
semble que les Anglais et les Français ne veulent pas d’un
accord réel, acceptable pour l’URSS, mais seulement de
conversations au sujet d’un accord afin de spéculer
sur la soi-disant intransigeance de l’URSS vis à vis de
l’opinion publique de leur pays et de préparer le chemin
d’une entente avec l’agresseur.
Les prochains jours doivent montrer si c’est ainsi ou non. »
15 Les semaines suivants montrèrent en
effet que c’était « ainsi ».
Le
projet d’assaut contre l’URSS par Reich interposé
qu’un rédacteur communiste prêtait en juin 1940 aux
dirigeants franco-anglais ne relève donc pas de la seule complaisance
tactique à l’égard de l’ennemi. Le contenu
des confidences de Staline au chef de l’Internationale communiste
Dimitrov à l’automne 1939 sur les objectifs impérialistes
français et britanniques fut confirmé par l’union
sacrée contre l’URSS qui s’établit entre impérialismes
rivaux à l’occasion de la « guerre d’hiver
» finno-soviétique (décembre 1939-mars 1940) 16.
Les jugements féroces énoncés en termes marxistes-léninistes
brutaux n’empêchèrent d’ailleurs Staline pas
de continuer à rechercher après le 23 août 1939
l’alliance tripartite tant souhaitée depuis 1933 17,
comme le surent parfaitement et l’écrivirent à
l’époque les Anglais et les Français (on y
reviendra). Et la situation qu’ils exposent a été
avérée par l’examen des archives diplomatiques et
militaires auquel se sont livrés nombre d’historiens auxquels
Le Monde n’a consacré ni sa « Page trois
» ni même une ligne.
Ce
journal s’est-il émerveillé devant les travaux d’Alvin
Finkel et Clement Leibovitz qui, dans The Chamberlain-Hitler Collusion
18, décrivent un Chamberlain obsédé,
comme son prédécesseur Baldwin, par l’idée
que le Reich règle dans les meilleurs délais leur compte
aux Soviets ? Les lecteurs du Monde savent-ils que la quasi-totalité
des classes dirigeantes britanniques croquées par Richard Griffiths
(Fellow travellers of the right. British enthusiasts for Nazi Germany,
1933-9 19 affluaient à Berlin, se
pressaient aux mondanités de l’Anglo-German Fellowship
– l’équivalent du Comité France-Allemagne
– qui, avec la fine fleur de l’industrie et de la City,
regroupait les hérauts de l’Apaisement économique
dont le Times se faisait l’écho quotidien? Le Monde
leur a-t-il appris qu’il était de bon ton, ici et au Foreign
Office, de prôner la ligne des « mains libres à l’Est
» pour le Reich, à l’instar des Channons en 1936?:
« nous [les Britanniques] devrions laisser la vaillante petite
Allemagne se repaître des rouges à l’Est et laisser
tranquille pendant ce temps la France décadente » 20.
Les mêmes lecteurs ont-ils lu une « Page trois » sur
l’ouvrage de Scott Newton Profits of peace :
the political economy of Anglo-German Appeasement 21
?: Newton a montré que Londres, y compris certains membres éminents
du « cabinet de guerre » de Winston Churchill, déjà
ministres de premier plan du cabinet Chamberlain (maintenu entre septembre
1939 et le 10 mai 1940 mais baptisé « de guerre »),
avait discuté intérêts communs avec le Reich au-delà
de 1941.
D’autres
historiens ont établi que les milieux dirigeants britanniques
recommencèrent de plus belle après Stalingrad, Churchill
compris cette fois, qui avait délégué depuis le
début de la Deuxième Guerre mondiale l’ancien secrétaire
au Foreign Office, Lord Halifax, déjà présenté,
comme ambassadeur à Washington. La victoire de Stalingrad (c’est
à dire la défaite du Reich définitivement) acquise,
Churchill se retrancha désormais derrière Roosevelt et
le Département d’État pour reconstituer le «
cordon sanitaire » que Londres n’aurait plus la force de
diriger après le conflit en cours : il faut lire, entre autres,
Gabriel Kolko 22, Lynn E. Davis 23
ou Lloyd C. Gardner 24.
L’historien
canadien Michael Jabara Carley, dans son ouvrage 1939, aujourd’hui
traduit en français (1939, l’alliance de la dernière
chance. Une réinterprétation des origines de la Seconde
Guerre mondiale) 25, a de façon convaincante
démontré que l’anticommunisme des classes dirigeantes
internationales – France et Grande-Bretagne au premier chef -
avait constitué « une cause importante de la seconde guerre
mondiale ».
Mes propres recherches, consignées dans Le Choix de la défaite
26, ont abouti à des conclusions semblables.
Qu’y a-t-il donc d’épouvantable sur le fond
à ce que les bolcheviques français aient continué
à voir des incarnations de l’impérialisme en Paris
et Londres, qui avaient refusé à l’URSS toute défense
commune contre l’Allemagne et comptaient sur la seconde pour tailler
en pièces la première, - analyse qui, à commencer
par Lénine, les avait caractérisés dès avant
1914 ? Et au nom de quel angélisme ?
C’est
ce fond marxiste ou marxiste-léniniste, calmement analysé
par G. Roberts, que gommerait à nouveau bientôt dans le
discours communiste l’ère de la Grande Alliance, laquelle
fut amorcée en même temps que les négociations parisiennes
avec Otto Abetz. Le retour, sous Molotov, aux analyses de l’ère
Litvinov de la « sécurité collective » servirait
la lutte de chaque parti communiste en vue de bouter l’occupant
hors du territoire national. Mais il n’est pas interdit aux historiens
de constater que ces priorités politiques, si légitimes
qu’elles aient été au service de la libération
nationale, sacrifièrent l’analyse théorique et les
réalités historiques. Les pénitents du marxisme
dirigeant le PCF n’en finissent pas pour leur part de se repentir
urbi et orbi de ce que leurs prédécesseurs aient repris
des analyses banales (ou renoué avec la dialectique). Les adversaires
traditionnels du marxisme et du PCF - camp auquel a appartenu dès
son origine Le Monde comme son prédécesseur direct
Le Temps, organe du Comité des Forges – exploitent
logiquement ces excellentes dispositions pour conduire les repentants
à des excuses toujours renouvelées et à l’objet
sans cesse élargi (on y reviendra).
«
L’histoire […] a tranché » sur le pacte germano-soviétique
et ses lendemains, mais pas dans le sens où le croit le duo catégorique.
Que les historiens français l’étudient aussi froidement
que beaucoup de leurs collègues étrangers : la connaissance
historique y gagnera, qui n’a rien à voir avec l’administration
de leçons politiques fondées sur l’ignorance. Après
quoi les historiens et leurs lecteurs, mieux documentés, pourront
librement tirer les conclusions politiques de leur culture nouvelle.
Et éventuellement juger, comme Churchill dès l’automne
1939, que les « intérêts nationaux » stricts
des Soviétiques coïncidaient avec la survie nationale des
États déjà ou bientôt occupés par
le Reich expansionniste. À cette date, les Anglais hésitaient
d’ailleurs encore entre les dividendes à tirer du déchaînement
antisoviétique né de la « guerre d’hiver »
et l’aveu que dans la Baltique le péril allemand, qu’ils
avaient eux-mêmes généré et nourri 27,
les menaçait bien plus que le « péril soviétique
» allégué.
Le
vrai péril s’étant considérablement aggravé,
Londres se résigna à déléguer en juin 1940
comme ambassadeur à Moscou Stafford Cripps, personnalité
la plus soviétophile de l’establishment, partisan
ouvert de la reconnaissance de l’annexion soviétique des
États baltes, qui avait suivi la Défaite de la France
et été motivée par elle : la lecture des travaux
de Gabriel Gorodetsky 28, comme celle des autres
historiens déjà cités, aurait réduit l’assurance
de Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier sur le sens dans lequel «
l’histoire […] a tranché ».
Les
dirigeants économiques et politiques de la France avaient pour
leur part définitivement opté pour un compromis avec le
Reich consistant à lui ouvrir leurs frontières. Ainsi
purent en toute quiétude se poursuivre dans l’hexagone
les vociférations des « bistros snobs de Paris »
contre les rouges intérieurs et les Soviets que Michel Carley
a si bien décrites pour l’époque de la guerre finno-soviétique
(hurlements qui renouaient avec l’atmosphère d’«
octobre 1918, époque où l’État-major général
français planifiait secrètement l’invasion de la
Russie méridionale pour chasser les bolcheviques » et qui
sonnaient l’heure de la revanche des échecs de 1918-1919
29) :
« Nul n’était arrêté pour rodomontades
contre l’Union Soviétique. La Finlande était
la cause sacrée; avec un bon cigare et un Pernod, il
était glorieux de fantasmer en braillant sur l’écrasement
des rouges affaiblis » 30. Tapage organisé
par les conjurés contre la République pour masquer leur
« vaste entreprise de trahison » (Marc Bloch), examinée
plus loin.
Du
PCF, faux saboteur de la défense nationale, aux vrais saboteurs
Le
papier de Tréand, accusant le « “Juif Mandel [d’avoir…]
fusillé des ouvriers qui sabotaient la défense
nationale” », « rare exemple de reconnaissance des
consignes de sabotage données par le parti, 1939-1940, aux militants
communistes travaillant dans les usines d’armement », fournirait
la preuve que le PCF avait oeuvré contre la défense nationale
entre la déclaration de guerre et l’offensive allemande.
Cette « reconnaissance » ne prouve rien du tout. Jean-Pierre
Besse et Claude Pennetier l’admettent d’ailleurs, à
la suite de Philippe Buton, qui n’a naguère trouvé
aucune trace de consigne de sabotage du PCF aux « communistes
travaillant pour la défense nationale en 1939-1940 », mais
seulement constaté que s’abattait un rouleau compresseur
sur un parti exsangue, désorganisé et paralysé
31. Bref, on lança un éléphant
à l’assaut d’une fourmi.
Les lecteurs se reporteront sur ce point à l’ouvrage de
Talbot Imlay, Facing the Second World War: Strategy, Politics, and
Economics in Britain and France 1938-1940 32.
Après avoir consulté bien autre chose que « la liasse
de notes saisies sur […] Denise Ginollin […] le 20 juin
1940 », cet historien canadien n’a pas trouvé la
moindre trace de ce prétendu sabotage perpétré
par un parti interdit depuis fin septembre, coupé des masses
et réduit à la clandestinité et à un isolement
complets. Il trouve curieux - ignorant les projets funestes au régime
républicain de l’appareil d’État - que celui-ci,
Raoul Dautry, ministre de l’Armement nommé par Daladier
en septembre 1939, en tête, se soit tant acharné à
réprimer un parti sur les activités duquel les renseignements
policiers et militaires montraient tant de sérénité.
Ayant travaillé sur d’autres sources, je n’ai pas
découvert davantage de « preuves » de cette haute
trahison perpétrée par « le parti » dans la
France menacée puis attaquée par l’ennemi extérieur
33 : les « policiers » (les rapports
des RG) et le renseignement militaire ont établi entre septembre
1939 et mai-juin 1940, par des rapports nombreux et formels, à
la fois l’absence de sabotage communiste et la fébrilité
dans la répression anticommuniste de l’État français,
au motif officiel dudit sabotage. La note 3227 du Grand Quartier général
« pour le Commandement sur la propagande révolutionnaire
aux Armées » résuma tout en admettant avec simplicité,
le 1er juin 1940 : « l’opinion » - autrement dit la
grande presse qui, comme aujourd’hui, la forgeait – «
a exagéré l’importance de cette propagande […]
à la surveillance et à la répression [de laquelle…]
le Commandement a[vait], dès le début de la Guerre, accordé
une importance particulière » ; son rédacteur conclut
sept pages au contenu tortillé mais assez clair par la phrase
suivante : « Ce serait trahir le Pays et l’histoire que
de chercher à masquer, grâce à l’alibi de
la propagande communiste, les causes véritables de cette défaite.
» 34
Le sabotage ou la propagande défaitiste du PCF dont le document
Tréand fournirait une preuve n’avait pas non plus frappé
le Reich.
En préparant l’invasion, c’est à dire dans
les mois où se serait déployé le défaitisme
des communistes français, il ne modifia en rien la priorité
absolue - anticommuniste - qu’il avait pratiquée à
l’intérieur depuis le 30 janvier 1933. En tant que puissance
occupante, il publia au jour même de l’invasion de la France
les « bases réglementaires [suivantes] de la lutte contre
l’activité communiste » : « le paragraphe 3
de l’ordonnance du 10 mai 1940 interdisant toute activité
antiallemande du commandant de l’armée relatif aux droits
de répression de l’Allemagne en zone occupée »
35. Les communistes, chefs ou non, ne s’étaient
donc pas montrés particulièrement germanophiles depuis
le 23 août 1939.
Dans les très nombreux fonds que j’ai dépouillés,
j’ai découvert, à défaut des responsabilités
communistes dans la Défaite, celles des classes dirigeantes françaises
et de leurs obligés politiques. Les premières et les seconds
l’avaient activement préparée dans toute la décennie,
s’y affairaient avec une intensité accrue depuis le tournant
de 1933, et, depuis la déclaration de guerre, ils portèrent
ce plan - « Daladier, Reynaud » compris – au niveau
de l’« intelligence avec l’ennemi ». Ainsi,
entre autres, les élites économiques laissèrent-elles
négocier leurs délégués ou négocièrent-elles
personnellement, quotidiennement, au su et au vu des «
policiers » (des RG), dans le cadre de leurs relations mondaines,
avec les représentants des États italien, franquiste et
allemand pour se ménager une
« paix » acceptable.
La maestria avec laquelle ces complices avaient réduit à
l’impuissance, à l’intérieur le PCF, à
l’extérieur, l’URSS, leur permit, à partir
du 23 août 1939, de faire peser la responsabilité du naufrage
sur les rouges vernaculaires et extérieurs, qui s’étaient
depuis 1933-1935 débattus comme de beaux diables mais en vain
pour l’éviter. Tout se passa exactement comme l’avait
prévu « le maréchal de l’Air Burnett, en bon
Écossais », au soir du 25 août, pendant le voyage
de retour de Moscou de la « mission militaire » franco-anglaise
factice qu’on y avait déléguée pour faire
endosser aux Soviets le fiasco de la farce : à son entourage
de militaires convaincus de la catastrophe à laquelle leur État
respectif les avait associés et plutôt marris (ou dépités
que Moscou eût rejeté le fardeau de subir seule l’invasion
allemande immédiate), il déclara « que notre déconvenue
était une “grande victoire”. Cette collusion stupéfiante
d’Hitler avec Staline permettrait à nos gouvernements de
ne plus
ménager le communisme. » 36
Le sabotage final dut en réalité beaucoup à l’État
et à son appareil, à « Daladier, Reynaud »
- et à bien d’autres, parmi lesquels Raoul Dautry mérite
une mention particulière. Le faux « Carnot » de la
thèse, lyrique mais erronée, de Jean-Louis Crémieux-Brilhac
37, que Le Monde et la grande presse
en général apprécient beaucoup 38,
organisa le sabotage de la défense nationale, dans les usines
d’aviation et ailleurs. Ce grand synarque, qui avait participé
à tous les plans fascistes depuis les années vingt (sous
la houlette de Lyautey et du roi de l’électricité
Ernest Mercier) et avait truffé son cabinet de synarques et de
cagoulards, ses intimes de longue date, oeuvrait de la sorte à
la mort programmée de longue date de la République française.
Il tapait simultanément à bras raccourcis sur les faux
coupables, rouges, sous prétexte d’empêcher ces «
saboteurs » de s’opposer à sa grandiose « politique
industrielle » inspirée de l’an II.
La correspondance étatique française et étrangère
(allemande notamment) confirme les accusations graves qui, depuis des
décennies, ont été portées contre les dirigeants
de la France par des noms prestigieux. À commencer par Marc Bloch
qui, dans son dernier article, paru dans une revue clandestine en avril
1944 (entre sa torture, le 8 mars et son assassinat, le 16 juin, par
la Gestapo de Lyon), soupçonna des faits accablants pour les
élites de la France - d’une autre portée que les
brefs errements du communisme national et international : « le
jour viendra », annonça-t-il, « et peut-être
bientôt où il sera possible de faire la lumière
sur les intrigues menées chez nous de 1933 à 1939 en faveur
de l’Axe Rome-Berlin pour lui livrer la domination de l’Europe
en détruisant de nos propres mains tout l’édifice
de nos alliances et de nos amitiés. Les responsabilités
des militaires français ne peuvent se séparer sur ce point
de celles des politiciens comme Laval, des journalistes comme Brinon,
des hommes d’affaires comme ceux du Creusot, des hommes de main
comme les agitateurs du 6 février, mais si elles ne sont pas
les seules elles n’en apparaissent que comme plus dangereuses
et plus coupables pour s’être laissé entraîner
dans ce vaste ensemble. » Le grand médiéviste 39
péchait par optimisme.
Le Monde a transformé Marc Bloch en icône, mais
n’informe pas ses lecteurs sur les recherches « des
historiens » qui, dans la droite ligne des convictions finales
de son idole officielle, révèlent l’identité
des vrais responsables français (et anglais) de la Défaite
de mai 1940. Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier, si sentencieux sur
les mauvais bergers staliniens de la direction du PCF, posent, eux,
des questions sur les vrais coupables : « cette répression
[anticommuniste…] apparaît démesurée et pour
le moins surprenante dans un pays démocratique » - qualificatif
que la France ne justifiait plus depuis avril 1938 au moins, l’équipe
Daladier-Reynaud traitant le Parlement à peu près comme
Hindenburg et Brüning le Reichstag et s’en rengorgeant sans
répit auprès des Allemands ou de l’ambassade américaine
à Paris 40. « Pour lutter contre
la menace allemande la meilleure façon de construire l’unité
nationale était-elle de mettre en dehors de la communauté
nationale une partie non négligeable de la population française
? De plus n’est-ce pas aussi la meilleure façon de regrouper
autour de ses dirigeants et du Parti, frappés par la répression
tous ceux qui, floués par le Pacte germano-soviétique,
ont paru un moment désarçonnés ? N’est pas
(sic) a contrario, donner raison à la propagande
communiste qui présentait cette guerre comme une guerre impérialiste
dans laquelle le parti de la classe ouvrière et le seul État
prolétarien étaient
les véritables cibles ? » 41
Mais les auteurs n’ont posé ces questions décisives
que par pure rhétorique, sans avoir cherché à y
répondre – ce que leur eût permis de faire la lecture
de nombre de travaux cités ci -dessus. Car approfondir le dossier
eût sapé les fondements mêmes de l’ouvrage,
la condamnation de la ligne criminelle de l’URSS qui aurait «
floué » le PCF et ses militants aveugles. Plus de soixante
ans après, les historiens français se préoccupent
en général peu « de faire la lumière sur
les intrigues » que stigmatisait Marc Bloch. Réservant
leur sévérité aux manquements des rouges intérieurs
et extérieurs, consécutivement indifférents aux
pratiques des ascendants de ceux qui dirigent toujours la France, ils
ressemblent à « l’opinion française dindonnée
par les campagnes “idéologiques” » de 1938
et portée, « dans son ignorance », à croire
n’importe quoi 42. Il serait temps qu’ils
renoncent à administrer des leçons de conduite politico-patriotique
a posteriori aux inconditionnels présumés «
du communisme stalinien », qu’ils cessent de postuler que
« l’histoire a tranché » en faveur de leur
thèse quand elle a tranché contre et qu’ils se dégagent
de la pression des « bistros snobs de Paris » de 1939 –
et des récentes décennies.
Tréand avait certes commis des erreurs factuelles : Georges Mandel
n’appartenait pas à la catégorie de ces «
saboteurs » - ce qui lui coûta la vie en 1944 -, mais, ministre
de l’intérieur (depuis le 18 mai) ou affecté à
un autre poste (auparavant), il n’avait pas démissionné
des gouvernements « Daladier, Reynaud » qui avaient mijoté
puis obtenu la catastrophe, acquise à la mi-mai, cinq jours après
l’assaut allemand du 10. Et, comme ses prédécesseurs,
Mandel montrait plus de zèle ou d’efficacité contre
les rouges que contre la « Cinquième Colonne ». Reynaud
avait bien été naguère « défenseur
des intérêts capitalistes anglais » et anglophile
spectaculaire (comme Flandin, devenu lui pur et simple agent du Reich).
Mais il avait en juin 1940 cessé de l’être et depuis
un moment : il s’était rallié aux combinaisons «
continentales » (allemandes) de ses tuteurs synarques tout en
s’efforçant de se préserver un avenir américain
(qu’il s’assura en effet) 43.
On doit donc reprocher à Tréand ses allusions antisémites
et lui imputer une erreur sur les sympathies étrangères
de Reynaud. Mais, dans l’isolement où il se trouvait, il
n’avait aucun moyen de savoir que Mandel, impuissant contre les
futurs putschistes (Laval, Pétain et consorts) et leurs complices
au sein des derniers gouvernements de la 3e République, se comportait
plus dignement que « Daladier, Reynaud ». Artisans effectifs
à la fois de la Défaite et de la mort des institutions
républicaines, ces derniers s’étaient de fait conduits
« comme Laval », octroyant à ce parangon de la corruption
politique totale liberté de nuire, en compagnie des putschistes
Pétain et Weygand que Reynaud appela au sommet de l’État
un mois avant de le leur livrer totalement.
Pourquoi Le Monde qui, via ses nombreux services intéressés
à l’histoire (« Page trois », Société,
Livres, Politique, intérieure et extérieure, etc.), désigne
à ses lecteurs toujours les mêmes cibles, les rouges vernaculaires
et Moscou, ne leur révèle-t-il pas l’identité
des vrais responsables français de la Défaite de mai 1940
? Pourquoi en revanche le mauvais « texte [de Tréand] mérite[-t-il]
d’être cité assez longuement » ? Pour deux
raisons, qui se fondent en une : il accable le PCF et il autorise à
brocarder la « syntaxe approximative » d’un rédacteur
posé en quasi analphabète. Outre le caractère méprisable
qu’a ce ricanement sur la non-maîtrise de la langue écrite
par un militant ouvrier de 1939 vraisemblablement pourvu du seul certificat
d’études, Michel Lefebvre eût pu montrer moins de
verve, vu le respect que voue actuellement l’organe qui l’emploie
à l’intégrité de ladite langue.
Une négociation du PCF jusqu’en
août 1940 ?
« L’initiative » de Tréand, autour du 20 juin
1940, résulte évidemment de l’idée de l’Internationale
communiste et de la direction du PCF qu’un espace de légalité
demeurait accessible au début de l’Occupation. Il y eut
là incontestable illusion du « centre », doublée
d’une illusion sur la capacité des communistes à
inspirer aux « soldats allemands » occupant la France des
positions de classe. Mais certains éléments dont Michel
Lefebvre n’a rien dit à
ses lecteurs en bornent la durée et excluent que le texte de
Tréand ait été rédigé sous la dictée
de Moscou (État soviétique et Internationale communiste)
et de Thorez, qui s’y trouvait. Ils ont fait l’objet de
l’ouvrage de Bernhard H. Bayerlein, Mikhaïl Narinski, Brigitte
Studer,
Serge Wolikow, Moscou-Paris-Berlin. Télégrammes chiffrés
du Komintern (1939-1941) 44.
Or, ce livre, exclu par Michel Lefebvre des « travaux des historiens
», décrit par le menu la « ligne PC » –
de sa direction, alors, en la personne de son secrétaire général,
à Moscou –, base minimale sur laquelle on pouvait affirmer
que « le PCF négociait avec les nazis » ou le contester.
On
se demande en effet bien pourquoi Michel Lefebvre, qui assimile «
la négociation secrète » de Tréand à
celle « du PCF » et des « dirigeants communistes
», a montré si peu d’intérêt pour la
position du « centre » réel - ce qui eût respecté
pourtant la vérité d’évangile de son journal,
à savoir que le PCF et Moscou ne firent jamais qu’un. Pourquoi,
alors que le « texte [de Tréand] mérite d’être
cité assez longuement », a-t-il cité si peu du télégramme
que Paul (Dimitrov) et Stern (Thorez) adressèrent le 22 juin
1940 à Bruxelles notamment, d’où Fried était
supposé assurer la liaison avec les dirigeants communistes clandestins
en France? Si l’on trouve dans ce texte « d’une exceptionnelle
importance » la consigne de parution légale, c’est
avec un luxe de détails éloignés des errements
du texte de Tréand et déterminant une ligne à la
fois antiallemande et antigouvernementale : « il traduit une position
quasi schizophrénique », relèvent les auteurs de
l’ouvrage cité ci-dessus, qui ajoutent : « Pour autant,
si travail légal il y a, il ne doit signifier aucune compromission
avec l’occupant ».
On
en jugera par la citation que je borne aux consignes concernant la ligne
extérieure (on en lira l’intégralité et on
confrontera le jugement, factuel, du PCF sur « la banqueroute
bourgeoise et socialiste » et sur « trahison bourgeoisie,
ses partis, politiciens » aux faits établis par Le
Choix de la défaite) : « Désastres militaires
subis et occupation France provoquent souffrances et indignations illimitées
[des] masses. La banqueroute bourgeoise et socialiste est totale. Indispensable
expliquer peuple cette banqueroute, démasquer trahison bourgeoisie,
ses partis, politiciens, démasquer leurs responsabilités
pour guerre, désastres militaires, occupation France, afin détruire
chez peuple derniers restes de confiance envers eux.
Indispensable
expliquer et démontrer par les faits que seulement classe ouvrière
dirigée par parti communiste est capable réaliser unité
de la nation en puissant front défense [de] ses intérêts
vitaux et de lutte contre le joug étranger pour une France indépendante
et réellement libre. […] Déjouant les provocations
et évitant actions prématurées, néanmoins
indispensable soutenir et organiser résistance masses contre
mesures violence, spoliations, arbitraire envers peuple de la part de
envahisseurs. Soulevez haine des masses contre Chiappe et tous les autres
agents des envahisseurs.
Indispensable organiser travail correspondant parmi armée [d’]occupation
et utiliser tout contact population civile avec soldats allemands pour
les inciter renoncer commettre actes violence et leur faire comprendre
que assujettissement peuple français est contraire [aux] véritables
intérêts peuple allemand. […]
Utilisez
moindre possibilité favorable pour faire sortir journaux syndicaux,
locaux, éventuellement Humanité, en veillant
[à ce] que ces journaux restent sur ligne défense intérêts
sociaux et nationaux peuple et ne donnent aucune impression solidarité
avec envahisseurs ou leur approbation. […]
Au
cas où membres du Parti, conseillers municipaux ou responsables
syndicaux ou des comités d’aide, travailleraient légalement
ou semi-légalement, éviter tout ce qui pourrait donner
impression solidarité avec envahisseurs » - passage explicite
sur l’ampleur des divagations de Tréand dans l’interprétation
des consignes de légalité.
«
Dans toutes les conditions, les communistes doivent rester avec peuple
et marcher toujours aux premiers rangs dans sa lutte libératrice.
» 45
Ayant
réduit à quasi rien ce télégramme du 22
juin du PCF et ayant omis de préciser que « Dimitrov et
Thorez » n’avaient « été mis au courant
[que] depuis le 9 juillet des négociations entre Maurice Tréand
et Otto Abetz », Michel Lefebvre peut écrire qu’«
il faudra un mois », et le télégramme du 20 juillet
1940 des deux mêmes dirigeants sis à Moscou au «
destinataire : Paris-Bruxelles » 46, «
pour que le processus soit enrayé ». Plus grave pour un
amateur de longues citations non tronquées, il a borné
ce texte du PCF du 20 juillet à ce court extrait : «
[…] Considérons juste ligne générale. Indispensable
redoubler vigilance contre manoeuvres des occupants. Était juste
entreprendre démarches pour obtenir presse légale, mais
entrevue avec Abetz [est une] [entre crochets ajout des rédacteurs
de l’ouvrage] faute, car danger compromettre parti et militants.
»
Une
citation plus longue (que je limite à nouveau aux aspects extérieurs
de « la ligne », à l’exception du dernier paragraphe,
net sur la méfiance à l’égard des faiblesses,
avérées depuis l’automne 1939, de l’appareil
légal face à la violence de l’assaut adverse) aurait
permis aux lecteurs de juger qu’on n’en était plus
le 20 juillet à « enray[er…] le processus ».
On discernait alors une ligne de résistance du PCF,
tendant à faire à nouveau de l’impérialiste
Angleterre l’alliée que l’URSS avait vainement tenté
de se ménager entre 1933 et août 1939, et de de Gaulle
un allié plus que potentiel. Seule demeurait du flottement légaliste
initial l’idée de possible conviction des
« soldats allemands », que balaieraient sans réserves
les consignes d’action armée de l’été
1941, assorties de l’arrêt des tentatives des fraternisation
qui culminerait dans le mot d’ordre d’avant Libération
« à chacun son Boche » (mot d’ordre taxé
d’ultranationalisme et de chauvinisme par des universitaires,
respectivement trotskistes et sociaux-démocrates, représentatifs
de milieux qui ne furent jamais, entre 1940 et 1944, concernés
par « l’entrée massive […] dans l’action
armée » : le lecteur curieux proposera la formule «
à chacun son Boche » aux moteurs de recherche Internet)
:
«
Au moyen méthodes strictement clandestines, sans propagande ouverte,
sans engager le parti et en observant loyauté apparente, nécessaire
susciter résistance passive des larges masses et sous toutes
formes contre envahisseurs. Évitant toute action prématurée
qui ferait jeu occupants, nécessaire encourager manifestations
ouvertes du mécontentement populaire à condition préparation
soignée, orientation convenable et participation larges masses,
les femmes avant tout. Organisation conversations amicales population
civile, particulièrement femmes bien préparées,
avec soldats occupation représente tâche capitale. Nécessaire
corriger formule sur maintien armistice qui peut laisser croire que
vous en approuvez les conditions. Préférable garder silence
sur de Gaulle et ne pas mettre accent contre Angleterre afin de ne pas
faciliter politique Pétain et ses protecteurs. Juste proposer
entente avec URSS, mais sans la présenter comme un complément
pacte germano-soviétique et sans parler de pacification Europe.
[…]
Nécessaire déclencher campagne de masse contre utilisation
territoire et ressources pays comme bases pour continuation guerre,
pour retour prisonniers de guerre dans leurs foyers, pour retour des
réfugiés au frais de l’État et libre circulation
entre zone occupée et non occupée. Toutes les ressources
du pays pour soulager misère du peuple et non pour servir à
la guerre des occupants. […]
Juste
utiliser toutes possibilités légales, mais en renforçant
organisations illégales. Pour activité publique parti
et organisation diverses mettre en avant une partie seulement anciens
cadres, élu set syndicaux. Pousser dans ce travail cadres nouveaux
peu connus. Mais assurer dans illégalité absolue l’activité
la plupart cadres éprouvés et avant tout direction. […]
» 47.
Ce
qui précède, comme la correspondance qui suit le télégramme
parti de Moscou le 20 juillet 1940, interdit d’imputer au
PCF « les contacts avec Abetz [qui] continu[èr]ent »,
d’après Michel Lefebvre, jusqu’à la fin août
1940. C’est inexact. Entre 1980 et 1993, Stéphane Courtois,
à l’époque où il n’orchestrait pas
encore à l’échelle nationale (et internationale)
la terreur du monstre soviétique 48, fixait
au 13 juillet la dernière des trois réunions entre Abetz,
Tréand et Catelas, après quoi les tractations se réduisirent
à rien. C’est la borne à laquelle se sont tenus,
sur la base des archives allemandes, Roger Bourderon et Yvan Avakoumovitch
en 1988 49. Philippe Burrin en 1995 50
et Barbara Lambauer en 2001 sont restés fidèles aux vieilles
analyses de Courtois 51.
Promptement
finis, ces trois entretiens s’étaient déroulés
sans que « le PCF » de Moscou pût donner
des
consignes : Fried consacra une part notable de sa correspondance de
juillet avec ce dernier à déplorer, comme le 12, que «
du côté de Paris rien fait, malgré promesse, pour
établir contact avec Belgique » 52
(lui-même).
Les négociations parisiennes de juillet-août furent donc
menées du côté français en esquivant tout
contact avec « le PCF » ou, dans le meilleur des cas, dans
l’impossibilité de tout contact. Quoiqu’il en soit,
dans un télégramme du 7 août à Fried, Dimitrov
et Thorez dénoncèrent Robert Foissin, qui avait servi
d’« intermédiaire dans les négociations de
Catelas et de Tréand avec Abetz en juillet-août 1940 »
53 : « Attitude avocat Foissin révèle
être agent occupants. » Ce texte dénonçait
aussi nettement les « manoeuvres […d’]Abetz et ses
agents » et fixait une « règle de conduite »
antiallemande en 8 points, dont le premier stipulait de : « Repousser
catégoriquement et condamner comme trahison toute manifestation
solidarité avec occupants. Éviter articles pourparlers
qui auraient signifié solidarité avec occupants, approbation
ou justification de leurs actes » 54.
Tel
document, auquel « les historiens » ont accordé
moins d’éclat, suggère que la consigne légaliste,
pour n’être pas abandonnée début août,
n’impliquait ni coquetteries antisémites ni mise en valeur
d’agissements germanophiles. Aubert, ex-secrétaire de la
fédération parisienne des Amis de l’Union soviétique
(une des organisations interdites depuis août-septembre 1939)
demanda le 7 « à Monsieur le gouverneur militaire »
allemand la réouverture de ses locaux, en termes sobres malgré
l’adjectif de la formule de politesse :
« L’association française des Amis de l’Union
soviétique fut dissoute, ses biens mis sous séquestre,
sa revue “Russie aujourd’hui” interdite pour avoir
émis une opinion favorable au pacte germano soviétique.
Voulant croire, Monsieur le Gouverneur militaire, que vous ne verrez
aucun empêchement à la réoccupation des locaux sis,
20 rue du Mail, Paris 2è et que vous voudrez bien donner avis
favorable à la reparution de la revue “Russie d’aujourd’hui”,
vous vous prions d’accepter l’assurance de notre profonde
considération »; « la revue belge, correspondant
à notre revue “Russie aujourd’hui”, “Monde
nouveau”, paraît librement en Belgique », se contenta-t-il
d’arguer 55.
Fin
août 1940, selon un renseignement policier français classé
« de bonne source », le contact avait été
rétabli avec Moscou, dans le sens de la fermeté nationale
décrit plus haut. « Une réunion des chefs les plus
importants » du PCF aurait eu lieu fin août ou début
septembre à Marseille, avec « un émissaire du Komintern
» et débouché sur les instructions suivantes 56
: « Dès maintenant le Parti doit se réorganiser
pour être prêt à l’heure critique.
La propagande en zone libre doit être relativement limitée.
Parmi les militants les plus sûrs, on doit former les cadres des
troupes de choc. Au contraire, en zone occupée, on doit exploiter
le mécontentement contre l’envahisseur et par la création
d’une formation du genre Front populaire, organiser la résistance
passive. Des postes émetteurs doivent propager les slogans patriotiques.
Mus par le mot d’ordre “Chassons l’envahisseur”
dans chaque bloc d’immeubles, doivent se former des groupements
bien encadrés par des militants du PC » et accordant toute
l’importance requise aux « réfugiés politiques
de toutes tendances […].
Pour rassembler ces éléments épars : patriotes
voulant chasser l’Allemand, anciens communistes ou sympathisants,
réfugiés, il faut créer des organismes de secours
apolitiques dirigés par des hommes qui, en apparence, ne sont
pas particulièrement favorables au PC. Cette nouvelle organisation
aura également l’excellent effet de permettre de reprendre
en mains les jeunes militants qui ne comprennent plus la politique de
l’URSS et craignent par-dessus tout un successeur au Maréchal
Pétain qui, au lieu de satisfaire strictement aux demandes allemandes,
irait au-devant de ces desiderata livrant pratiquement la France au
Reich. » Suivaient une série d’informations concrètes
sur les contacts pris, notamment avec l’avec l’ex-député
radical Guy Menant 57.
Quel parti ou
mouvement français en était parvenu à ce stade
de « résistance » à la fin
de l’été ou à l’automne 1940 ?
Du mea culpa aux
approximations sur les « libérations »
Les
communistes furent depuis septembre 1939 l’objet d’une répression
impitoyable et quotidienne, cautionnée par tous les partis politiques,
SFIO comprise, qui laissa à l’un de ses responsables, le
ministre de la Justice Albert Sérol, la responsabilité
de donner son nom au décret « assimil[ant] l’activité
communiste à une activité de trahison passible de la peine
de mort » 58.
Et ce alors que nombre de ses chefs, et pas seulement les pires, pas
seulement les fauristes, prônaient « dans les couloirs de
la Chambre » de pactiser avec l’ennemi : pendant le débat
« sur la déchéance des élus communistes,
M. Dormoy disait que tout cela n’était que comédie.
“On parle […] de propagande et de trahison. Mais où
commence et où finit la trahison quand on exprime la pensée?
La guerre? Ou, pour qui, pour quoi? La paix même honteuse vaudrait
peut-être mieux”. Il approuvait M. Daladier d’avoir
envisagé une conversation à deux avec Hitler pour trouver
un terrain de conciliation » 59.
Isolés des masses ouvrières et de la direction exilée
du PCF, d’éminents militants transigèrent à
l’été 1940 sur certains principes. Ce fut objectivement
moins grave pour l’avenir de la lutte nationale contre l’occupant
que l’abdication générale des milieux dirigeants
ou le fléchissement d’autres responsables communistes,
élus singulièrement, qui avaient renié le communisme
en août-septembre 1939 au motif de condamner le pacte germano-soviétique
(ou cédé sous ce prétexte, face à la répression
?) : car on ne vit dans l’ensemble pas ceux-là lutter contre
l’envahisseur, ni fin 1940 ni en juin 1941 ni au-delà.
En juin-juillet 1940, il y eut bien une « négociation de
trop », et fâcheuse. Elle ne mérite pourtant, de
même que Duclos et les deux militants qui y furent affectés
et s’y fourvoyèrent (Catelas et Tréand), ni l’insigne
mauvaise foi de l’article de Michel Lefebvre dans Le Monde
; ni l’emphatique condamnation de Roger Bourderon contre «
l’avancée extrême de la ligne de “guerre impérialiste”,
l’abandon de toutes les valeurs affirmées durant les années
trente, une ignoble pointe d’antisémitisme et une dérisoire
affirmation de puissance, véritable auto-intoxication alors que
le Parti est au fond du gouffre » 60 ; ni
enfin les mea culpa auxquels se livre une fois de plus (et depuis une
dizaine d’années) le PCF, écrasé par le remords
du long passé de honte marxiste-léniniste au cours duquel
il a appelé le capitalisme capitalisme, l’impérialisme
impérialisme, osé soutenir la propriété
collective des moyens de production ou défendu comme inévitable
le pacte germano-soviétique. Ces palinodies larmoyantes de ton
ou d’apparence le mènent à chaque étape plus
loin de ses origines et visent à effacer l’histoire de
son soutien à la révolution bolchevique comme Lady Macbeth
voulait se débarrasser de la tache de sang sur sa main.
Dans l’obsession antisoviétique qui, imposée
de l’extérieur et au mépris de toute analyse historique
sérieuse, est devenue la sienne, ce parti impute à
« la pression de l’Internationale » de Moscou une
orientation sur laquelle, après en avoir tôt perçu
les graves dangers dans la France vaincue, revinrent les porte-parole
les plus qualifiés de l’IC pour ce pays – Dimitrov
et Thorez –, et ce pendant les semaines où les tractations
sur la légalisation se poursuivirent à Paris : ces errements,
déclare-t-il, caractérisaient une « stratégie
injustifiable, qui était aussi le fruit d’une analyse partagée
par l’ensemble des cadres dirigeants de l’URSS et de l’Internationale
communiste », laquelle impliquait que fussent tenus des «
propos antisémites tout à fait odieux ».
Ce seraient donc les judéo-bolcheviques de Moscou – argument
universel de l’entredeux-guerres où Staline n’était
pas posé en antisémite mais en pantin des juifs 61
- qui auraient forcé Tréand à qualifier le ministre
de l’intérieur de « juif Mandel » ?
La lettre d’Aubert, citée ci-dessus, suggère que
Tréand ne reçut pas de Moscou consigne de caresser l’occupant
dans le sens du poil antisémite ou germanophile. Mais, selon
« le PCF » de 2006, « le chemin de l’honneur
» ne pouvait avoir été emprunté « sous
la pression de » la diabolique capitale du communisme moscovite.
Il devrait tout à l’initiative « de ces femmes et
hommes membres du PCF, qui, en cette période trouble, ont su
prendre le chemin de l’honneur », « militants »,
vrais « communistes » français ayant seuls lutté
contre la méthode « des tractations puis des règlements
de comptes » dictée par l’appareil moscoutaire.
L’Humanité insiste, sous couvert d’oeuvrer
à la science historique, en commentant une interview de Claude
Pennetier et Jean-Pierre Besse : « Les auteurs de la Négociation
secrète expliquent comment une partie de la direction clandestine
du PCF fut désorientée par la stratégie développée
par Staline durant cette période ».
Jean-Pierre Besse affirme que « les errements du légalisme
se paieront très cher en termes d’arrestations, de désorganisation
» 62. Malheureusement, Juin 40, dans les
chapitres qui devraient le démontrer, ne fournit à l’appui
de cette déploration aucune source directe (de même que
Jean-Marc Berlière, qui décrète que les militants
communistes furent libérés par centaines par les Allemands
à l’été 1940 63). «
Ces libérations ne sont pas faciles à suivre »,
admet l’ouvrage, avant d’envisager « trois cas de
figure », qui confirment en effet la difficulté de la tâche
: premier « cas de figure », « la libération
par les Allemands » : une seule est mentionnée,
celle de Codomié, sur la base d’« un rapport de police
» dont la source manque, avec cet extraordinaire commentaire :
« il y a bien eu des communistes libérés, mais moins
nombreux que la direction l’escomptait dans le cadre de ses négociations
avec l’occupant », généralité toujours
dépourvue de référence; deuxième et troisième
« cas de figure » respectifs, les évasions (dont
l’une, enfin, comporte référence à un volume
BA des archives de la Préfecture de police) et le maintien en
prison.
Comment peut-on conclure de ce néant sur « les
libérations » que « cette politique de présence
au grand jour des militants a coûté cher en cadres au Parti
communiste lorsque dès l’automne les répressions
vichyste et allemande se sont accentuées. Des militants étaient
déjà repérés. » 64
Quelque jugement qu’on porte sur « les errements du légalisme
», une telle affirmation requérait démonstration
archivistique : dans la bibliographie figurent en première place
les « archives de la Préfecture de police », mais
elles sont absentes des notes infrapaginales. Un travail non focalisé
sur les sources ou témoignages de militants eût permis
aux auteurs de « trancher » sérieusement sur leur
hypothèse, si tentante pour charger la barque, mais fausse. L’appareil
d’État policier français chasseur de rouges avérés
ou présumés avait en effet « déjà
repéré », sur leur lieu de travail et dans leur
logis, les militants depuis l’origine de leurs activités
militantes (avant 1920 éventuellement) : c’était,
à lire la série F 7 des Archives nationales et les fonds
des RG de la Préfecture de police, son activité principale,
conduite en liaison permanente avec le patronat. La souricière
avait acquis ses contours définitifs bien avant les agissements
communistes de juin-juillet 1940.
Il était impossible d’échapper à cette connaissance
policière parfaite des militants et des lieux où ils évoluaient,
et on ne voit pas à cet égard, en l’absence de sources,
ce que ces quelques semaines auraient pu changer.
Les chutes furent évidemment accentuées par les maladresses
inévitables de militants habitués à vivre au milieu
du monde. Mais, de ce point de vue, les militants commirent plus d’imprudence
que les cadres, selon le rapport de la Préfecture de police envoyé
le 16 juin 1941, au lendemain de « chutes » décisives,
à l’administration militaire allemande (Militärbefehlshaber
in Frankreich) : les chefs communistes « pensent, releva-t-il
sans les démentir, que l’arrestation de certains dirigeants
importants comme les ex-députés Gabriel Péri et
Catelas et la découverte d’importants “centres clandestins”
doivent être attribuées à un ensemble de fautes
et d’indiscrétions commises à tous les échelons,
mais surtout à la base » (ils sont donc résolus
aux « modifications nécessaires pour aboutir à une
décentralisation qui séparera davantage les groupes de
base des échelons supérieurs et les isolera plus complètement
entre eux ») 65
La promotion par le PCF de découvertes somme toute fort modestes
ne relève pas du souci de vérité scientifique délesté
de l’infâme « esprit de parti ». Elle est liée
au besoin de légitimer une « ligne » de rupture avec
le Congrès de Tours – et les « 21 conditions »
de l’Internationale de Moscou transformées pour les besoins
de la cause en sinistre Diktat étranger - et de retour consécutif
du fils prodigue, penaud et confus, dans « la vieille maison »
de Léon Blum. « L’esprit de parti » frappe
encore, mais ce n’est pas celui du même parti, assurément,
que « le PCF » qui aborda la Deuxième Guerre mondiale
et agit dans le cadre difficile où les élites françaises
- pas les Soviets - avaient placé leur pays.
Quand
le PCF résista-t-il ?
De l’accablement
de Michel Lefebvre au témoignage gaulliste sur la résistance
communiste avant juin 1941
Autre
découverte frappant Michel Lefebvre, « l’appel du
10 juillet » 1940 de Thorez et Duclos est « un document
accablant […] un faux, fabriqué dans les années
1950 » 66. Étranglé d’indignation,
il en oublie d’évoquer le long « texte complet »
dudit appel, qui a bien existé. Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier,
qui le datent « plutôt [de] la deuxième quinzaine
de juillet », lui consacrent largement leur chapitre 6 («
Histoire et mémoire ») 67. Certes
la direction du PCF a « fabriqué » un résumé
sélectif valorisant l’appel à la résistance
nationale et gommant les analyses de l’impérialisme de
l’été 1940, qui cadraient mal avec celle de la Grande
Alliance unissant les États coalisés contre le Reich,
thème qui résista, du côté soviétique
et communiste, aux rigueurs de la Guerre froide. On peut certes lui
reprocher d’avoir forgé un faux après coup, mais
cette initiative pose la question de ses choix des années cinquante
plus que celle de son action de 1940, qui nous occupe ici.
Car, outre que la justification du pacte germano-soviétique et
l’argumentation sur la guerre impérialiste français
et britannique caractérisant le texte original n’ont, on
l’a dit, rien d’horrifiant, rien ne justifie la thèse
que le bref document apocryphe ait visé à « accréditer
une orientation politique qui, en fait, ne fut adoptée qu’au
printemps 1941 ». L’évolution du PCF est bien antérieure.
Le long texte original ne contredit pas la « ligne » du
télégramme Dimitrov-Thorez du 20 juillet prescrivant de
« susciter résistance passive des larges masses et sous
toutes formes contre envahisseurs ». Le renseignement cité
plus haut sur la réunion communiste de la fin août 1940
à Marseille avec « un émissaire du Komintern »
coïncide avec les informations collectées depuis l’automne
1940 par le renseignement gaulliste sur la ressemblance grandissante
des thèmes de la « propagande gaulliste » et de la
« propagande communiste », de plus en plus anglophile et
de moins en moins hostile à de Gaulle 68.
Les gaullistes, dont la terrible concurrence avec le PCF fut pourtant
précoce, posaient bien avant juin 1941 un regard moins sévère
que Michel Lefebvre ou le PCF de 2006 sur le seul parti politique français
qui eût précocement clamé son opposition à
Vichy et à l’occupant. Ils perçurent bien les mutations
de la fin de l’été 1940, tel le Dr Frantisek Cerny,
dont le long rapport (20 pages) sur « huit mois en France occupée
» adressé à Londres en février 1941, est
le plus documenté sur l’« état d’esprit
des mouvements ouvriers » de ceux que j’ai consultés.
Sa précision factuelle – incluant la tentative, datée
de « juillet [1940…,] de négocier avec les Allemands
pour obtenir l’autorisation de reprendre la publication de “Ce
Soir” » - et sa date de rédaction excluent la volonté
d’embellir a posteriori le bilan du PCF. « Vers
le début de septembre [1940, celui-ci] adopta une attitude d’opposition
plus nette vis à vis du régime d’occupation, déclarant
que les militants ouvriers étaient aussi bien persécutés
en zone libre qu’en zone occupée et que le gouvernement
de Vichy collaborait avec les envahisseurs contre la classe ouvrière
comme autrefois les Versaillais avec les Prussiens durant la Commune.
Désormais les journaux et les tracts communistes adoptèrent
une attitude plus nette envers les occupants.
Depuis septembre l’Huma (sic) et autres publications
communistes sont beaucoup mieux rédigées et leur présentation
typographique s’est grandement améliorée. Elles
sont répandues en grande quantité dans tous les quartiers
et dans tous les milieux malgré les arrestations de plus en plus
fréquentes. En dehors de l’Huma paraissent les organes
des Fédérations syndicales un journal des étudiants
communistes et même la revue “Les Cahiers du Bolchevisme”.
La ligne politique du parti se précise peu à peu. Les
Cahiers du Bolchevisme publièrent un article sur la politique
étrangère de l’URSS, déclarant que la guerre
actuelle était une guerre entre deux impérialismes pour
le partage du monde. Il n’y était plus question de la fameuse
thèse de Molotov d’après laquelle la nation de l’agresseur
avait complètement changé depuis le pacte germano-soviétique.
D’autre part cet article accusait les gouvernements Daladier Chamberlain
d’avoir fait échouer l’alliance avec la Russie et
de n’avoir jamais voulu une intervention efficace de la Russie
contre l’Allemagne. Le gouvernement de Vichy était accusé
de vouloir entraîner la France dans l’orbite de l’Allemagne,
tandis que de Gaulle voudrait l’entraîner dans une guerre
pour soutenir l’impérialisme anglais. Le journal communiste
concluait que la seule politique pour la France était de rester
neutre, de s’allier à la Russie des Soviets et se donner
un gouvernement populaire-communiste.
Il faut dire que depuis le mois de novembre la presse communiste clandestine
appuyait de plus en plus sur le problème national tout en déclarant
que l’indépendance nationale de la France et la fin de
ses humiliations ne pourraient être obtenues que par une révolution
sociale et l’avènement d’un “gouvernement populaire”.
Le CC du PC publia à cette époque une protestation solennelle
contre l’annexion de l’Alsace-Lorraine accusant en même
temps le gouvernement de Vichy d’avoir accepté sans objections
cette annexion avant même la signature de la paix. […] Déat
et Doriot accusèrent à plusieurs reprises les communistes
de connivence avec les Anglais et de Gaulle. Je n’ai rien trouvé
dans leur presse qui peut justifier une telle accusation; mais il est
évident que leurs allusions à l’Angleterre se bornent
à des affirmations doctrinaires sur le caractère de cette
guerre et il est exact que la masse ouvrière, dans sa majorité
prêtant une oreille attentive, à la propagande communiste,
seule active, il faut le reconnaître, à défendre
leurs (sic) intérêts, les socialistes étant
complètement disparus de la circulation, ne cache pas ses sympathies
pour le peuple anglais. Si elle est dans une certaine mesure communiste
son communisme est anglophile. Cet état d’esprit influe
sur les chefs qui doivent tenir compte du sentiment populaire au moins
dans la même mesure que des intérêts de la diplomatie
soviétique qui probablement leur demande de ne pas trop gêner
ses relations avec l’Allemagne » 69.
Tout le renseignement gaulliste du tournant de 1940 rend le même
son, supputant « que les communistes gagnent du terrain en zone
occupée par suite de leur attitude
antiallemande » 70. En octobre 1940, l’Abwehr
signala la distribution de « tracts communistes […] de caractère
très anglophile » par deux communistes de Forges-les-Bains
: ils sont probablement, commenta-t-elle, « payés par les
Anglais, qui font distribuer leur matériel de propagande par
les communistes » 71.
La presse collaborationniste dénonçait régulièrement,
telle L’Oeuvre du 28 décembre 1940, la communauté
de vues croissante entre
« gaullistes anglophiles » et communistes 72.
L’avance communiste en la matière inquiéta d’ailleurs
précocement (et durablement), Henry Hauck, le conseiller du Travail
de De Gaulle, socialiste champion des cégétistes confédérés
qui rêvait de donner à celui-ci une assise à la
fois populaire (qui lui manquait) et anticommuniste (objectif évidemment
plus aisé) 73. « Les communistes
», rapporta-t-il en avril 1941, « luttent de leur côté
contre les Allemands et contre Vichy, et des arrestations nombreuses
ont été opérées dans leurs rangs, soit en
zone occupée, soit en zone non occupée. Le problème
semble être pour nous d’éviter que leur influence,
médiocre pour l’instant, ne s’accroisse. »
74
La répression
policière, critère majeur de la « résistance
» : qui réprima qui, quand et pourquoi ?
Les
communistes, qui n’auraient pas changé de ligne avant le
« printemps 1941 », n’auraient pas résisté,
puisque, selon Michel Lefebvre, « la majorité des historiens
estime qu[e…] l’entrée massive des communistes dans
l’action armée […] intervint à l’été
1941 ». Cette restriction nouvelle soulève deux questions
: 1° de principe, la définition de la résistance;
2° historique et pratique, celle des cibles de la répression
française et allemande, française ou allemande, franco-allemande
et depuis quand.
1° La résistance et « l’action armée »
seraient une seule et même chose, glissement sémantique
irrecevable sauf à confondre résistance tout court et
résistance communiste. Pour quel mouvement de résistance
français autre que le PCF peut-on postuler pareille équation?
Tous les mouvements et partis qui ne s’engagèrent pas «
dans l’action armée » ne résistèrent
donc pas? Ou bien (mais on parle d’autre chose), Michel Lefebvre
affirme qu’il n’y eut pas de résistance communiste
avant « l’action armée », dont le caractère
systématique ou massif attendit en effet « l’été
1941 ». Songerait-il à interdire aux autres partis le qualificatif
de « résistants » au motif qu’ils ne s’engagèrent
pas dans « l’action armée »? Ou pratique-t-il
le deux poids, deux mesures : pour les non-communistes, octroi du brevet
de résistance sans conditions, pour les communistes, seulement
le revolver à la main? La résistance fut définie
simplement par l’occupant et par l’appareil d’État
avant - comme après - l’assaut allemand contre l’URSS
: « propagande communiste et gaulliste », formule qui a
donné leur titre à un dossier du volume 876 et à
tout le volume 882 de la série AJ 40. On exigerait des communistes,
pour leur décerner un brevet de résistance, la seule «
action armée »? Sur la base d’un tel critère,
les « gaullistes » résistèrent peu de 1940
à 1944.
2° Quelles catégories visa la répression d’avant
« l’été 1941 » ? Si l’on applique
aux communistes, comme le firent les forces de répression, tant
allemandes que françaises, l’aune commune des critères
de résistance – 1° opposition active contre l’occupation
et l’occupant, sous forme de propagande clandestine, 2° entraînant
répression -, « le PCF » la domina d’emblée,
comme l’affirmèrent Roger Bourderon et Yvan Avakoumovitch
dans leur ouvrage de 1988 qui ne retint pas l’attention du Monde.
L’examen de cette répression, séparée ou
unifiée, met en cause les césures de l’histoire
du PCF que distinguent et déplorent « les historiens »
cités par Le Monde et par L’Humanité.
Car la traque française dont les communistes firent (comme auparavant)
l’objet depuis l’été de l’occupation
de Paris eut d’emblée pour cadre une collaboration
avec l’occupant assumée immédiatement et pleinement
par le préfet de police « républicain » Roger
Langeron, successeur de Chiappe en février 1934 – rôle
qui a totalement échappé aux auteurs de Juin 40. Comme
il s’agissait de retrouvailles, on doit se pencher sur l’avant-guerre,
éclairé notamment par deux dossiers français pourtant
très épurés 75 consacrés
à Carl Boemelburg, nommé et envoyé dès l’installation
des Allemands à Paris comme chef de la section IV, Gestapo 76.
De l’avant-guerre à l’été
1940
L’aplatissement de l’équipe Daladier-Bonnet-Reynaud
devant l’expansion territoriale du Reich avait eu pour parallèle
un effort d’alignement sur son modèle intérieur.
L’Humanité, dans ses articles les plus sévères
contre
le « Munich intérieur », n’exagérait
pas ce que le grand journaliste britannique Alexander Werth, installé
en France, surnomma (à propos de la presse) Gleichshaltung
(adaptation, ici nazification) 77. La police subit
le sort commun et c’est à l’été 1938
que Carl (ou Karl) Boemelburg, âgé de 53 ans 78,
commissaire à la direction de la Police criminelle de Berlin,
spécialiste à la Gestapo de « la lutte contre le
communisme » 79 et contre l’URSS 80,
entama à Paris une carrière que l’Occupation porta
aux cimes 81. « Envoyé en mission
dans notre pays en juin et juillet 1938, à l’occasion du
voyage des souverains britanniques », Boemelburg revint à
Paris « en décembre de la même année »
pour le voyage de von Ribbentrop 82. C’est
pendant ses fébriles préparatifs français et pour
accueillir Ribbentrop dans les meilleures conditions espérées
83 que Langeron vint en personne le 24 novembre
diriger aux côtés de François Lehideux l’évacuation
« militaire », à la grenade lacrymogène et
à la matraque, des grévistes de Renault-Billancourt 84.
Arrivé à Paris le 3 décembre 1938, « faisant
partie de la suite de M. von Ribbentrop », Boemelburg négligea
bientôt, au su et au vu de tous les services compétents
(Sûreté nationale, Police criminelle, RG, etc.) le prétexte
officiel de « s’[y] occuper, en collaboration avec la Police
française, du meurtre de von Rath. » Il y demeura ensuite
comme prétendu « attaché à l’Ambassade
d’Allemagne » 85, « donn[ant]
l’impression, commenta tardivement un rédacteur des
RG, qu’il cherchait à s’installer à Paris
afin de se livrer à des vérifications, surveillances,
enquêtes et exercer un contrôle sur les ressortissants et
émigrés allemands de la capitale et qu’il serait
rejoint, par la suite, par d’autres fonctionnaires de la Police
allemande. Il aurait, en somme, créé en France un centre
officieux de la Gestapo. » 86
Cette sérénité face à la présence
de la Gestapo en France n’avait pas attendu juin ou décembre
1938. L’État français avait depuis l’avènement
des hitlériens au pouvoir donné aux agents du Reich, policiers
ou non, la liberté de traquer sur place les réfugiés
juifs et antifascistes allemands en France 87.
L’excellente historienne Vicky Caron, qui a étudié
le (seul) cas des juifs allemands réfugiés depuis 1933,
a ignoré que ce permis de chasse avait été octroyé
de longue date aux hitlériens 88. Roger
Bourderon et Yvan Avakoumovitch ont entrevu le phénomène,
mais ont cru que la demande, adressée « aux autorités
françaises » par Heydrich, mentor de Boemelburg, d’autoriser
« son protégé [à…] rester officiellement
à Paris dans le but de surveiller les agissements des communistes
allemands réfugiés en France après le retraite
des Brigades internationales » avait été repoussée
et que « Boemelburg [avait dû] quitter la France »
avec Ribbentrop 89. Octroyée, cette liberté,
qui figure en bonne place sur la longue liste des « origines républicaines
de Vichy » où l’anticommunisme occupait une part
centrale 90, flétrit précocement
l’honneur de l’État héraut proclamé
des droits de l’Homme. Mais dans sa phase munichoise, la Troisième
République de « Daladier, Reynaud » et Bonnet avait
déjà dépassé le stade de la collaboration
passive contre les victimes allemandes du IIIème Reich.
Reçu le 25 janvier 1939 par un haut fonctionnaire de la Sûreté
nationale, « en présence de M. Belin, commissaire divisionnaire
», Boemelburg, toujours parisien, évoqua les « conversations
qu’il aurait eues à Paris, en décembre 1938 […]
à la suite [desquelles …] ses chefs l’avaient désigné
pour représenter dans notre capitale la Police allemande et assurer
une liaison permanente plus étroite avec la Police française
». « Liaison permanente plus étroite » établie
en vue de quoi, s’il avait vraiment été prévu
« qu’à titre de réciprocité un Commissaire
de police français se rendrait à Berlin » ? 91
Malgré la servilité sur l’affaire Grynzspan-von
Rath puis sur la Nuit de Cristal du gouvernement français, qui
Bonnet en tête, battit à plate couture les autres grands
Apaiseurs (américain et britannique) 92,
il est improbable que l’enquête commune sur le « meurtre
de von Rath » ait épuisé cette collaboration. Les
activités anticommunistes et antisoviétiques notoires
à Paris de Boemelburg suivi attentivement par les services
93, n’étaient pas d’objet strictement allemand
(il organisa par exemple la fouille des trains de la SNCF « venant
de Russie » pour transmettre à Berlin de la documentation
sur la propagande soviétique en direction du mouvement ouvrier
occidental 94).
Bref, « les historiens » devront dans les années
à venir, se montrer plus curieux sur l’objet de cette «
liaison permanente plus étroite » qui saute aux yeux à
l’été 1940. Car, quand bien même elle aurait
été interrompue par l’assaut militaire allemand,
elle fut renouée avec une ardeur intacte ou accrue.
Elle est longuement décrite par une note de décembre 1943
d’un haut fonctionnaire gaulliste sur « le haut personnel
de la préfecture de Police à Paris » où coexistaient
toujours « l’équipe Langeron et l’équipe
Chiappe » (largement maintenue après février 1934)
qui, hantées « depuis les dernières offensives russes
[par] de sombres pressentiments », préparaient alors une
reconversion gaulliste dans le cadre de la Pax Americana attendue.
Je me bornerai ici à la première catégorie, vu
les illusions de Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier sur Roger Langeron.
On reprit langue sous l’égide du préfet «
républicain » allégué qui, entre juillet
1940 (après une brève période d’inquiétude
sur sa carrière) et janvier 1941 (phase de difficultés
administratives avec les Allemands qu’il ne méritait pas),
posa les bases d’une collaboration totale. La réalité
dément cruellement le portrait que dressent les deux historiens
du résistant qui, « suspendu par les autorités d’occupation
le 23 juin, assigné à résidence, […] revient
à la préfecture le 16 juillet, mais est arrêté
par les Allemands le 24 janvier 1941, emprisonné un temps puis
mis à la retraite » 95.
Ce manque de curiosité sur ce que Roger Langeron fit en revenant
« à la préfecture » de juillet 1940 à
janvier 1941 (comme certains de ses collaborateurs directs, aussi fallacieusement
« résistants ») – contrastant si vivement avec
l’attention portée aux semaines d’errements communistes
- oblige à citer les archives originales, françaises
et allemandes. « M. Langeron […] se donne pour un dur de
la résistance. Il se répand en démarches et multiplie
les déjeuners de propagande. À ceux-ci, bien entendu,
les uniformes verts ne figurent plus. Pourtant, c’est bien M.
Langeron qui a ouvert le premier la préfecture aux Allemands.
C’est lui qui, le premier, a prodigué à ses services
les consignes de docilité et les encouragements au zèle.
Il a mis en oeuvre, parmi les premiers, et avant même que l’expression
n’ait circulé, la politique de collaboration.
M. Langeron, au lendemain de l’occupation de Paris, ne s’est
point contenté, purement et simplement, de rester à son
poste. Suspendu par ordre de l’envahisseur et consigné
dans son logis, il a mis aussitôt en mouvement toutes les influences
dont il savait pouvoir jouir dans les milieux du défaitisme -
soumis, la veille encore, à sa surveillance - afin d’être
réinstallé dans ses fonctions. Il n’a pas hésité,
pour le faire, à recourir à d’authentiques suppôts
de la 5è colonne, comme le fameux Boitel, indicateur, agent double
et repris de justice, titulaire de six condamnations, qui apparut, tant
que M. Langeron resta en place, comme une sorte de préfet adjoint.
C’est ce Boitel qui transmit aux Allemands les protestations de
soumission de son patron, et qui leur servit auprès d’eux
d’honnête caution. M. Langeron lui devait beaucoup. Il le
payait donc largement, et selon des modes inattendus: ordre avait été
donné par exemple, de remettre audit Boitel toutes les voitures
abandonnées sur la voie publique pendant l’exode, et qu’il
lui plairait de choisir pour les revendre à sa guise et à
son profit. La préfecture, pour lui, se faisait recéleuse
et complice de vol d’autos.
M. Langeron a présidé à la création du service
juif. Il a mis à la disposition des occupants, pour organiser
la persécution, ses bureaux et son personnel. Il a recruté
pour le faciliter et l’accélérer, des centaines
d’auxiliaires. Des services politiques de la préfecture,
il a fait, purement et simplement, une annexe de la Gestapo. Il a promu,
par des avancements fulgurants, toutes les créatures de l’ennemi.
Et, tout cela, sans élever une protestation ni formuler une réserve.
M. Langeron, pourtant, a un titre, pendant deux mois il a été
incarcéré au Cherche-Midi. Pour un acte de résistance?
Non pas. Lui-même n’ose pas le prétendre »
96.
Ce texte impitoyable est confirmé par les fonds policiers allemands
AJ 40 de 1940-1941, qui prouvent 1° sa flagornerie générale,
attestée notamment, à la suite d’une série
de réunions tenues à la Kommandantur à la mi-août
1940 97, par sa longue lettre du 19 au chef de
l’administration militaire de Paris : elle l’assurait, détails
à l’appui, de la sévérité de sa répression
« au cours du dernier mois » contre tous les manquements
au salut militaire aux officiers allemands dont s’étaient
rendus coupables « les agents de la police française »
98 ; 2° son élan antisémite
immédiat et spectaculaire, révélé par ses
offres au KVR Dr Kiessel au cours de leur entretien du 13 septembre
1940 entièrement consacré aux juifs 99.
Mais cet enthousiasme collaborationniste porta aussi d’emblée
sur la lutte anticommuniste qui ne changea jamais de nature ni pour
les dirigeants français ni pour leurs homologues allemands.
Même Jean-Marc Berlière, dans Les policiers français
sous l’Occupation, ouvrage universitaire sans doute un des
plus virulents de la série de ceux qui ont traité du rôle
du parti communiste sous l’Occupation, admet (tardivement, à
partir du chapitre 5) que la croisade policière qu’avait
glorifiée le radical Albert Sarraut 19 avril 1927
(« Le communisme, voilà l’ennemi! ») «
remont[ait] aux années 20 » (le courant bolchevique supplantant
alors diverses catégories antérieures de rouges); que,
après une brève « pause » - imaginaire, vu
le maintien en place de l’appareil policier - observée
sous le Front populaire, tout était revenu à la normale
avec les événements Clichy de mars 1937 et la grève
générale de novembre 1938, autrement dit « avant
le pacte Molotov-Ribbentrop » ; et que la croisade permanente
avait emprunté les formes successives conformes à la conjoncture
(présumée)
« patriotique » de Daladier (et Reynaud) puis collaborationniste
de Vichy. « Surprenantes continuités entre la 3e République
et Vichy », relève M. Berlière 100,
comme Michel Lefebvre, qui s’en arrêtent à ce constat,
sans préciser ce qui rend oiseux le débat sur la date
de l’entrée en résistance du PCF.
D’août 1940 à
juin 1941
Un
passage du premier article de Michel Lefebvre suggère que l’appareil
d’État français travailla d’abord séparément
de l’occupant allemand : « Depuis l’interdiction de
la presse communiste en août 1939, puis la dissolution du parti
lui-même, en septembre, la police traque les dirigeants et les
militants soupçonnés de reconstituer leur organisation
dans la clandestinité. La défaite et l’Occupation
n’ont pas interrompu le travail des policiers » français.
Or, on travailla en choeur depuis l’été, ainsi le
30 août 1940, où le duo de septembre de la persécution
policière antisémite se rencontra à 11 heures en
plus large compagnie : le Dr Kiessel, flanqué du Dr Bandorf,
fut reçu par Langeron, entouré des spécialistes
chevronnés et notoires de la chasse aux rouges sous la république
défunte, le directeur général de la Police municipale,
Marchand, le directeur de la police judiciaire, Meyer, et le directeur
des RG, Simon. Les interlocuteurs convinrent que la Préfecture
de police ferait chaque matin à 10 heures un bref rapport à
l’administration militaire allemande à Paris et qu’auraient
lieu en outre des conversations franco-allemandes « au cas par
cas » si « des observations [avaie]nt été
faites sur des tendances ou opinions particulières au sein de
la population française ». Ils convinrent « qu’un
contact personnel continu représent[ait] la meilleure garantie
pour une collaboration loyale entre les deux services », son initiative
pouvant venir des deux parties. La conversation fut tenue, selon les
Allemands, « dans l’esprit d’une collaboration compréhensive
[…] très fructueuse pour les intérêts de l’administration
militaire » 101.
L’identité des interlocuteurs et une mesure prise l’avant-veille
par les Allemands désignent pour cible prioritaire le PCF. Le
dispositif anticommuniste publié le 10 mai venait en effet d’être
complété par « les paragraphes 1, 4 et 9 de l’ordonnance
du 28 août 1940 du chef de l’administration militaire en
France sur les associations, réunions, etc., interdisant celles-ci
» 102 de même que les syndicats, avec
pour « objectif », commenta la Préfecture de police,
« d’établir un calme total » 103.
Le rapport Cerny relève que « vers le début de septembre
[…] eurent lieu des manifestations communistes devant les mairies
de banlieue exigeant le retour des municipalités dissoutes. Ces
manifestations furent réprimées par la garde mobile et
la police françaises avec l’autorisation des Allemands
» 104. Le 26 septembre 1940, le directeur
de la Feldpolizei rappela la réglementation policière
allemande prise depuis mai et aggravée fin août, qui avait
interdit « toute activité des communistes […], même
uniquement dirigée contre le gouvernement français ».
Il renvoya Abetz au néant de sa manoeuvre estivale en requérant
discussions et prise de position des « services compétents
» (Gestapo, MBF, etc.) 105. Il se prononça
le 29 pour un traitement de « la propagande communiste »
sur la base d’un règlement de principe unifié 106,
cinq jours, donc, avant la mise en terre du mort-né par le Militärbefehlshaber
in Frankreich : « L’Ambassade n’a plus d’intérêt
à la collaboration avec les communistes français
» 107.
L’occupant ne s’était pas contenté, comme
l’a cru Philippe Burrin, de « laiss[er] la police française
agir à partir d’octobre 1940 » 108.
Le directeur de la Feldpolizei dressa fin septembre le bilan des contacts
franco-allemands quotidiens, le constat commun d’un renforcement
continu de la « propagande communiste, par tracts, étiquettes
collées et propagande orale » : aux attaques contre le
gouvernement de Vichy « et les couches dirigeantes ploutocratiques
de la France » s’était ajouté « un tract
» (le seul trouvé « jusqu’ici ») contenant
« des attaques voilées contre le Reich ». La limite
à l’action commune était en partie factuelle : elle
impliquait « un grand engagement de forces de police – dont
on ne dispos[ait] pas actuellement en nombre suffisant - et l’utilisation
des moyens les plus durs contre les communistes » 109.
Le règlement de la question des effectifs, supposant entre autres
des libérations massives de policiers prisonniers de guerre,
serait définitivement acquis à l’ère de l’action
armée, sous Bard (préfet de police depuis mai 1941) et
Pucheu (ministère de l’intérieur depuis juillet)
110. Mais la stratégie anticommuniste fut
définie au tournant de l’an 40, à l’époque
où – ainsi le 4 décembre - Langeron discuta avec
Kiessel, Roller et Bandorf « les derniers détails »
des mesures à prendre pour l’organisation commune d’une
« grande opération d’arrestations […] dans
tout le département de la Seine de 4 000 personnes ». Cette
« mesure militaire en rapport avec la conduite de la guerre »
serait appliquée en complète collaboration entre la Préfecture
de police, la Feldgendarmerie et la Feldpolizei 111.
Le « résistant » Langeron orchestra-t-il ainsi une
rafle franco-allemande de juifs ? Quoiqu’il en soit, la collaboration
visait les communistes aussi. Début 1941, la police, française
et allemande, associait gaullistes et communistes mais jugeait l’action
des communistes plus dangereuse – bien qu’elle ne fût
pas encore « armée » : fin février «
M. Blanc, inspecteur général de la Sûreté,
[fut] nommément convoqué par le chef de la Gestapo à
Paris, M. Boemelburg, pour assister à une réunion qui
[devait] avoir lieu à Paris entre les différents chefs
de la Gestapo en France, d’une part et M. Blanc, Inspecteur général,
le capitaine de frégate de Molric, secrétaire général
de la police à Marseille, et probablement M. Marchand, Préfet
de police intérimaire, d’autre part. Le but de cette convocation
est d’étudier le moyen de réprimer de façon
active la propagande communiste et la propagande de Gaulliste (sic)
en France Libre et en France occupée, et de refreiner l’activité
du parti communiste qui a l’air d’inquiéter sérieusement
les Allemands. » 112
J’ignore depuis quelle date précise la Préfecture
de police fournit aux Allemands, en français et avec traduction
allemande, les rapports hebdomadaires comportant les listes d’arrestations
de communistes (rapports spécifiques) ou surtout de
communistes (rapports sur gaullistes et communistes), «
arrestations » effectuées par ses soins
« depuis juillet 1940 ». Dans les dossiers incomplets, relatifs
à la « propagande communiste et gaulliste » que j’ai
consultés, puisés surtout à deux volumes 113,
le premier des rapports date du 27 octobre 1940, et cette littérature
policière n’est alors précise, voire intarissable,
que sur les communistes. Il est significatif que les Allemands en aient
retenu la formule « rapport hebdomadaire du préfet de police
sur la lutte contre le communisme et la propagande de De Gaulle »
114. Les lecteurs et les historiens se reporteront
aux deux volumes AJ cités ici 115 : ils
y trouveront une autre démonstration formelle que, d’octobre
1940 au 22 juin 1941, les communistes furent plus nombreux et plus précoces
que toute autre catégorie de résidents français
– on leur doit cette précision, vu le nombre d’étrangers
dans leurs rangs - à se dresser contre l’occupant.
L’union des forces franco-allemandes dans la répression,
de même que les rapports gaullistes depuis l’automne 1940,
pulvérisent l’argument de Jean-Marc Berlière que
le PCF n’aurait tourné casaque qu’après le
22 juin 1941 et que « dans le but de soulager l’URSS »,
se lançant d’ailleurs alors dans une folle action terroriste
condamnée par de Gaulle 116. Le dernier
rapport de la Préfecture de police destiné aux Allemands
rédigé avant le lancement de l’opération
Barbarossa, qui se flattait d’avoir procédé «
depuis juillet 1940 » à un total de 2 411 arrestations,
constata : « la propagande communiste attaque de plus en plus
durement les autorités d’occupation et la “collaboration”,
coïncide avec la propagande “gaulliste”, traite le
gouvernement français d’“instrument dans les mains
de l’impérialisme allemand” » et veut «
convaincre la population que cette politique est particulièrement
dirigée contre les travailleurs » 117.
Au jour même de l’attaque allemande, il ne restait donc
presque rien à faire sur l’effectif communiste connu, selon
le commentaire par le commandement du Gross Paris des « mesures
contre les Russes et les communistes » prises « le 22 juin
1941 » : les Allemands avaient « demandé au préfet
de police […] de se saisir des militants communistes restant à
Paris de toutes nationalités. L’arrestation systématique
des communistes actifs connus ayant été réalisée
depuis longtemps (2 400 se trouvent au camp d’Ancourt), l’arrestation
par la Police française du reste connu des militants communistes
à hauteur de 130 personnes doit être effectuée aujourd’hui
entre 4 et 6 heures du matin », avec « remise à la
Geheime Feldpolizei […] vers 10 h 15 » 118.
Cette lettre allemande est confirmée par celle du 23 du préfet
de police [désormais l’amiral Bard] signée Jacques
Simon 119, un des fleurons de « l’équipe
Langeron » – que Boemelburg appelait « le “petit
Juif de Langeron” » et que son limogeage postérieur
ne rabaissa pas au rang des réprouvés. 120
Un parti qui compta
si peu de fusillés ?
Reste
à régler le problème des effectifs des victimes
définitives de la répression franco-allemande. Nul ne
saurait reprocher aux historiens de souhaiter recenser avec exactitude
ceux qui furent fusillés après le verdict de mort des
tribunaux militaires allemands et des tribunaux spéciaux de Vichy.
En revanche, le titre que Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty ont donné
à leur ouvrage - qu’ils en aient eu l’initiative
eux-mêmes ou que cette idée
« vendeuse » ait surgi du cerveau de leur éditeur
- est inacceptable par son caractère général :
Les fusillés, répression et exécutions pendant
l’Occupation 1940-1944.
Les critères choisis surprennent s’il s’agit vraiment
d’évaluer la contribution du PCF au martyrologe de la résistance
française. J’ignore le chiffre exact de fusillés
en France, mais il y eut, selon les chiffres officiels de l’après-Libération,
plus de 300 000 morts civils par répression, allemande et française
:
1° « hors du territoire », 257.000 morts par déportation,
exécution, etc. - dont « 95 000 […] déportés
politiques […] pour les départements français autres
que le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle » ;
2° « sur le territoire », 169.000 morts pour «
faits de guerre » (« bombardements », allemands (1940)
et alliés (1942-1944) - précision d’origine et de
date de mon fait -, « exécutions, etc. » 121.
Le mode de calcul qu’ont retenu Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty
puis à leur suite Michel Lefebvre exclut les effectifs de résidents
français (pas tous français), dont une partie de résistants,
morts « hors du territoire ». Serait-il invraisemblable
que les communistes, qui auraient représenté « 80
à 90% » des 4 520 fusillés des deux catégories
sélectionnées par les auteurs des Fusillés,
aient également compté pour une part notable des 50 000
« déportés politiques » qui ne revinrent pas
de déportation (« ont été rapatriés
en France environ 45 000 déportés politiques »)
?
Les sources directes incitent à penser que ces champions toutes
catégories des résistants actifs groupèrent l’essentiel
de cet effectif, de même que celui des victimes d’«
exécutions, etc. […] sur le territoire ».
Si l’on se fie aux deux premières années de la répression
– le dernier rapport hebdomadaire de la Préfecture de police
des volumes consultés date du 26 mai 1942 122–,
la police parisienne avait « depuis juillet 1940 » arrêté
près de 2 500 militants communistes par an (2 411 avant Barbarossa,
4 461 au tournant d’avril 1942) 123. Chiffres
qui confirment que juin 1941 ne constitue pas une césure aussi
décisive qu’on l’affirme : en tout cas, puisqu’il
est exclu que l’association policière franco-allemande
ait été plus clémente pour les communistes après
le 22 juin 1941, ces chiffres prouvent qu’il n’y eut pas
rupture du point de vue des forces de répression.
Procédons enfin à la comparaison d’origine politique
entre résistants assassinés que Jean-Paul Scot évoque
dans un article de L’Humanité sur « le fusillé,
figure syncrétique de toutes les victimes » pour la balayer
ainsi :
« Qu’importe la concurrence victimaire! » 124.
La formule est curieuse, vu les objectifs de l’ouvrage analysé,
les préoccupations politiques des journaux qui en rendent compte
– et les mea culpa entonnés par un PCF incriminé
et contrit sur juin 1940, l’autre sujet de la mise en cause «
du parti ». Car c’est bien de « concurrence victimaire
» qu’il s’agit, comme Michel Lefebvre l’admet
presque, en observant que « le rôle du PCF dans la Résistance
a longtemps été un enjeu politique » : la teneur
de son article atteste qu’il le demeure. Par ailleurs, un historien
en quête de recensements a pour simple devoir de recenser, et,
lorsqu’il a recensé diverses catégories en vue de
comparaison, devoir de comparer ensuite les effectifs respectifs : si
l’un des éléments de l’échantillon
dépasse de cent coudées les autres, il doit en prendre
acte - il a droit de s’en réjouir ou de le regretter, mais
on entre alors dans un autre domaine que sa sphère spécifique.
Bref, on bat sa coulpe quand on pense qu’il y a lieu, mais on
se dérobe à la comparaison quand le bilan est glorieux
: tout ceci est très politique et très peu historique.
La comparaison que je propose, arrêtée en mai 1942, défavorise
le PCF puisque le déséquilibre chiffré ne cessa,
au fil des ans, de se creuser entre les victimes de la répression
policière franco-allemande au détriment (ou à l’avantage)
des communistes. Entre « juillet 1940 » et la fin de 1941,
les rapports hebdomadaires consacrés aux arrestations pour «
menées communistes » ou « propagande communiste »
emplissent de 9 à 16 p., précises et alertes sur les «
prises ».
Ceux qui recensent les arrestations pour « propagande gaulliste
» (incluant tous les résistants non communistes) occupent
en général 1 p., très rarement 2, une fois seulement
10, le 11 août 1941 125 ; ils relèvent
un nombre modeste d’arrestations, aucune certaines semaines, jamais
plus de 23 - niveau unique et exceptionnel du dernier rapport cité
-, l’éventail s’étirant de 0 à 10 :
en moyenne 45 communistes par semaine « depuis juillet 1940 »,
et sur la base des seuls rapports hebdomadaires - je n’ai pas
trouvé de document sur les arrestations totales de gaullistes
- 2 à 3 pour les gaullistes 126.
Si l’on se fie à la « note sur l’activité
des services de police répressive […] depuis le 22 juin
1941 » que la Préfecture de police adressa au MBF en septembre
suivant, l’hégémonie victimaire, pour reprendre
le néologisme en vogue, demeure communiste. Les arrestations
effectuées par « la Brigade spéciale des Renseignements
généraux, plus spécialement chargée de la
répression de l’action communiste », ne visaient
que cette catégorie
(« 1 064 perquisitions qui ont permis 195 arrestations suivies
d’envoi au dépôt et 638 envois dans un camp d’internement
»). « La police judiciaire a procédé à
401 arrestations, se décomposant comme suit :
juin juillet
août septembre
propagande communiste 54
111 66
49
280
propagande gaulliste
23 39
35
24
126
nombre
total
77
150 110
73
401
«
L’activité de la Police municipale a été
particulièrement importante […] 76 567 personnes ont été
interpellées sur la voie publique, depuis le 7 septembre dernier
[1941], au cours des rondes et battues de nuit, et […] la police
municipale » - sa « Brigade spéciale de répression
contre le de Gaullisme (sic) et le communisme » créée
« dès juin 1940 […] à Paris et en banlieue
». La « collaboration active avec la Feldgendarmerie »
eut pour objet deux cibles exclusives, les juifs et les communistes,
et le bilan suivant : « Opérations d’arrestation
des juifs (Paris et banlieue), les 18, 20, 21, 22 août - arrestations:
3 477.
Opérations de perquisitions dans groupes d’immeubles à
Paris et banlieue, pour recherche de dépôts d’armes,
tracts communistes, etc. Les 26, 28 août, 3, 5, 6, 8, 9, 10, 11,
17, 20 septembre - arrestations : 179.
Ces opérations ont été effectuées en commun
avec les services de Feldgendarmerie auxquels ont été
indiqués les îlots et groupes d’immeubles qui constituent
des foyers communistes. » 127 Dans les premiers
mois de 1942, la littérature policière fut plus précise
sur « la propagande gaulliste », qui occupa dans les rapports
entre 1/5 et 1/3 du volume de ceux consacrés aux communistes,
sans qu’augmente le chiffre des arrestations de gaullistes
128.
Si l’on applique à l’estimation démographique
globale des morts civils résistants, hors du territoire ou sur
le territoire national, le pourcentage respectif des arrestations de
communistes et de gaullistes (regroupant tous les non-communistes),
on atteint ou on dépasse l’énorme pourcentage concédé
aux premiers par le minuscule échantillon de Jean-Pierre Besse
et Thomas Pouty. Reste à établir le rapport entre arrestations
et exécutions.
Ce qu’on sait de la frénésie anticommuniste des
forces de répression – notamment de Bousquet et de Pucheu
- et de leur prudence grandissante à l’égard des
gaullistes alourdirait encore la part des communistes dans « la
concurrence victimaire ». L’un et l’autre, comme tous
leurs pairs ou subordonnés, ne niaient plus, à partir
de 1942, que les gaullistes constitueraient l’État futur
ou l’influenceraient sensiblement 129. Sur
le sort des communistes, le débarquement angloaméricain
en Afrique du Nord puis la victoire soviétique de Stalingrad
demeurèrent sans effet.
Les « sombres pressentiments [qui] hant[ai]ent le haut personnel
de la Préfecture de Police à Paris » fin 1943 avaient
fait « chang[er…] le ton » de presque tous les services.
« Les uns voudraient se faire oublier et supputent qu’il
n’est peut-être pas trop tard pour y parvenir. D’autres
en appellent de leur attitude apparente à la pureté sans
taches de leurs secrètes intentions. D’autres, encore,
gémissant de leur servitude, imputent la responsabilité
de leurs actes à l’amère exigence des disciplines
professionnelles.
Quelques exemples: à la tête de la police municipale, M.
Hennequin [nommé directeur adjoint, en novembre 1940 par Langeron,
puis directeur général en décembre 1942 sous le
second successeur de celui-ci, Bussière 130]
se donnait, hier encore, pour ce qu’il était : un fanatique
de l’ordre nouveau. Quand ses agents appréhendaient ou
abattaient un patriote, des télégrammes intérieurs
rédigés dans la forme sommaire mais triomphale des ordres
du jour du Maréchal Canrobert propageaient aussitôt la
bonne nouvelle. Le style s’en est modifié. Ce ne sont plus
des bulletins de victoire, mais des comptes rendus “à toutes
fins utiles”. Et leur auteur, soudain prudent s’abstient,
désormais, de les signer.
Monsieur François, à la police administrative [son titre,
d’après sa correspondance avec les Allemands,
est « directeur des affaires administratives de police générale
», cf. plusieurs lettres dans F7 15148, in F7 rapports SD Occupation],
a été le premier et le principal organisateur du Service
Juif. Il a dû à son enthousiasme antisémite sa promotion
au grade de directeur. Nommé sur les démarches pressantes
d’un officier allemand, c’est en lui dénonçant
la froideur dont son chef faisait preuve à l’égard
des persécutions qu’il avait pu gagner sa gratitude.
Et son zèle persévéra longtemps. Maintenant il
verse de pieuses larmes sur ses victimes. Il se plaint de la triste
besogne qu’il lui a fallu assumer. Il jure que, lui non plus,
n’avait pas voulu ça. Et M. Tulard, son adjoint, a suivi
la même évolution.
Monsieur Dallier était directeur du personnel en 1938. Nommé
par la faveur de l’amiral Bard directeur général,
et promu, par celle du Maréchal, dans l’ordre de la francisque,
il reste directeur général, mais ne porte plus la francisque.
Ses fils, fonctionnaires au Maroc, et dont, il y a un an, il se plaisait
à dire qu’ils avaient été “pris par
les Américains”, se sont mués, par les miracles
d’une métamorphose, lorsque, à voix basse, il se
confie en intrépides volontaires de la libération. Et
voici, qu’oubliant comment il lui advint naguère de traiter
d’imbécile, en termes vifs et crus, un sous-ordre assez
hardi pour envisager devant lui le retour à la France de l’Alsace
et de la Lorraine, il se remémore en revanche, lèvres
tremblantes et regard humide, ses origines alsaciennes, sûres
cautions de son patriotisme.
Et puis, il y a Monsieur Tanguy. Directeur de la police judiciaire,
par la grâce de la révolution nationale; cet innocent ne
s’embarrasse point, dans sa candeur, de transitions. Il cherche,
purement et simplement, à s’aboucher avec des comités
de résistance. Il voit. Il croit. Il est désabusé...
Depuis quelque mois, par ailleurs, ces Messieurs rivalisent de discrétion
dans l’exercice de leur autorité. L’on écarte
les dossiers; l’on fuit les décisions, l’on se cuirasse
d’incompétence. Un mot d’ordre sévit: surtout
ne rien signer. Les temps sont révolus où les chefs de
service, jaloux de leurs prérogatives, s’efforçaient
de gagner sur celles de leurs voisins. Chacun veut, désormais,
restreindre son ressort. Et le jeu des attributions se joue, maintenant,
à qui perd gagne. »
Un seul service, qui n’avait cessé de mettre les bouchées
doubles, continuait : « Il en est dont la brutalité s’exaspère.
Ce sont les plus marqués, les plus violents, ceux qui, sans doute,
se sentent définitivement discrédités, les plus
redoutables, ceux qui resteront à craindre jusqu’au bout.
Ils sont rares. Si, à la direction des RG, la sauvagerie des
supplices que l’on fait endurer aux inculpés politiques
de tout âge et de tout sexe, atteint un paroxysme, s’il
semble qu’une haine de plus en plus désespérée
y anime un certain nombre de techniciens de la torture et, s’il
est parfaitement exact, enfin, que les commissaires, David, Cougoule
et autres (comme le directeur lui-même, M. Rottée [successeur
de Simon depuis la mi-août 1941]) ne dédaignent point d’y
mettre la main à la pâte, cravache en main, il en va dans
les autres services bien autrement. » 131
Toutes les archives établissent la spécialité anticommuniste
dudit service, « fer de lance de la lutte anticommuniste »,
selon J.-M. Berlière, qui reconnaît l’« enthousiasme
» de ses chefs « contre leurs adversaires de toujours »
(pas seulement animés d’un « enthousiasme »
patriotique d’après 23 août 1939, donc ?) 132
L’échange entre trois dirigeants communistes, dont Fernand
Grenier, et Pucheu, lors du procès de ce dernier à Alger,
en mars 1944, livre l’écho de la documentation directe
de 1941-1942. Le Pucheu, si humble devant ses juges, qui seraient ceux
du futur État gaulliste, retrouva le 7 mars les réflexes
de l’« homme de sang » des années trente 133,
chef des tortionnaires de 1941-1942 – lui qui avait tenu à
assister en personne, à la Préfecture de police, à
la torture du philosophe et dirigeant communiste Georges Politzer 134
: il interrompit souvent Grenier, le député communiste
Mercier et le cheminot Maurice Deloizon qui lui rappelaient ses oeuvres,
effroyables tortures des militants comprises, et ironisa sur les communistes
« renégats [qui…] renseignaient les Allemands ».
« Ce massacre, c’est l’extermination des cadres du
mouvement ouvrier », lança Grenier 135.
La quasi totalité de « ce massacre », dont tous les
types d’archives soulignent en effet le caractère de classe,
ne résulta pas du verdict des tribunaux spéciaux allemands
ou français. Georges Politzer et la plupart des dirigeants et
militants communistes qui avaient empli les rapports de la Préfecture
de police – et sans aucun doute de la police de la France entière
- ne font pas partie des fusillés de l’échantillon
de Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty, qui ne sont donc pas « les
fusillés ».
Qui peut sérieusement réduire la contribution des communistes
à la résistance et leur part dans la liste des morts résistants
de France, tombés sur le territoire ou en dehors, au chiffre
de 4 000 qui plaît tant à ceux qui voudraient toujours
pousser plus loin la révision à la baisse du rôle
du « “parti” [dans] la résistance »?
Maurice Thorez et les siens se seraient trompés ou auraient procédé
à un regroupement de catégories diverses de morts en recensant
« 75 000 fusillés » ? Sans doute, mais combien de
dizaines de milliers de communistes tombèrent entre 1940 et 1944,
morts en déportation après avoir été livrés
à l’occupant par la police française, morts sous
la torture de la police ou de la milice, fusillés ou non ? Cette
histoire – à la différence de celle de « juin
40 » - reste à faire. Les historiens devront pour ce lever
des tabous, de l’étude comparée des classes sociales
sous l’Occupation à « la concurrence victimaire ».
Il conviendrait de s’atteler tranquillement à la tâche,
bien que le fruit d’une telle recherche n’ait aucune chance
de meubler la « Page trois » du Monde ou d’autres
journaux.
1 Paris,
Messidor/Éditions sociales, 1988.
2 Juin 40, p. 18.
3 CRSR, 15 juin 1938, 7 N, vol. 2523, section des armées étrangères,
1938, Service historique de
l'armée de terre (SHAT, Vincennes).
4 The Soviet Union and the Threat from the East, 1933-1941 : Moscow,
Tokyo and the Prelude to the
Pacific War, Londres, Macmillan, 1992.
5 Chamberlain and the Appeasement : British policy and the coming of
the Second World War, Londres,
Macmillan Press Ltd, 1993.
6 Juin 40, exergue, p, 7; p. 11-18 et 184-185.
7 1939, le Pacte germano-soviétique, Bruxelles, Éditions
Complexe, 1998, conclusion et passim. Aussi
violent, dans sa catégorie, que Berlière.
8 Juin 40 cite mon ouvrage de 2006, qui consacre une grande place à
la question du « compromis »
germano-soviétique depuis 1933, mais rien n’en a été
cité ni retenu. La bibliographie étrangère spécifique
(cf. infra) est absente.
9 Pour une contribution sur les « Afrocommunismes : Ethiopie,
Angola, Mozambique » aussi peu
documentée, op. cit., Paris, Robert Laffont (Bouquins), 1998,
p. 818-823.
10 Respectivement, Londres, Tauris, 1989 ; New York, Saint Martin’s
Press, 1995; New Haven &
London, Yale University Press, 2006.
11 Je renonce aux références sur l’écho offert
au Livre noir du communisme et mentionne pour mémoire
le glorieux n° spécial du 26 février 2003 du «
journal de référence » sur « Staline, 50 ans
après : ce qu’il fut, ce qu’il fit et ce qu’il
en reste ». Il ferait bondir n'importe quel historien anglo-saxon
sérieux.
12 Cité par G. Roberts, Stalin’s Wars, p. 38, et lettre
de Chamberlain, n. 18, p. 382.
13 The gathering storm, Boston, Houghton Mifflin Company, 1948, p. 346.
14 Dépêche 379 d’Alphand à Laval, Moscou,
18 octobre 1934, Europe URSS 1918-1940, vol. 988,
relations Allemagne-URSS, novembre 1933-décembre 1939, archives
du ministère des Affaires étrangères
(MAE).
15 Lettre 2309 de Palasse au ministre de la Guerre (Daladier), Moscou,
5 juillet 1939, et citation de la
traduction de l’article, 7 N, vol. 3123, URSS, rapports des attachés
militaires, 1937-1940, SHAT, souligné dans
le texte.
16 Excellente analyse de Roberts, Stalin’s wars, p. 46-55.
17 Banac, éd., The diary of Georgi Dimitrov, 1933-1949, Yale
University Press, 2003, p. 115 sq. (le
Journal a été récemment traduit en français,
Paris, Belin, 2005).
18 Rendlesham, Merlin Press, 1997.
19 Oxford, Oxford University Press, 1983.
20 Harold Nicolson, Diary, 20 septembre 1936, cité par Griffiths,
Fellow, p. 220, formule répétée par
tous les auteurs traitant de l’équipe Chamberlain, sur
« les mains libres à l'Est ».
21 Oxford, Oxford University Press, 1996.
22 The Politics of War. The World and the United States Foreign Policy,
1943-1945, New York,
Random House, 1969.
23 The Cold War begins: Soviet-American conflict over Eastern Europe,
Princeton, Princeton University
Press, 1974.
24 Spheres of influence. The great powers partition Europe, from Munich
to Yalta, 1938-1945, New
York, Ivan R. Dee, Chicago, 1993.
25 The alliance that never was and the coming of World War 2, Chicago,
Ivan R. Dee, 1999, traduction,
Les presses de l’université de Montréal, 2001.
26 Les élites françaises dans les années 1930,
Paris, Armand Colin, 2006, chap. 5 et 8-11
27 Par l’accord naval signé avec le Reich le 18 juin 1935
qui laissa à celui-ci « les mains libres » contre
l’URSS dans la Baltique (Finkel et Leibovitz, Chamberlain-Hitler,
p. 85-86), et Le choix de la défaite, p. 216.
28 Stafford Cripps’ mission to Moscow, 1940-42, Cambridge University
Press, 1984, p. 30-41 et passim.
29 Thème du PhD de Carley, Revolution and Intervention: The French
Government and the Russian
Civil War, 1917-1919, Kingston & Montréal, McGill-Queen's
University Press, 1983.
30 Carley, 1939, 238 (italique dans le texte et, pour « cause
sacrée », français).
31 Juin 40, p. 81-85, sur la base de Philippe Buton, qu’on ne
saurait taxer d’indulgence pour le PCF,
« Les communistes dans les entreprises travaillant pour la défense
nationale », Les communistes français de Munich à
Châteaubriant (1938-1941), Paris, Presses de la FNSP, 1987, p.
119-133.
32 Oxford, Oxford University Press, 2003 (chapitre 5, p. 294-296 surtout).
33 Le choix de la défaite, chap. 11.
34 Note 3227 du GQG, 1er juin 1940, F7, vol. 14999, lutte anticommuniste,
octobre 1939-octobre 1942,
Archives nationales (AN).
35 Lettre 170/40 du directeur de la Feldpolizei, Kommandostab, Militärbefehlshaber
in Frankreich
(MBF), Paris, 26 septembre 1940, AJ 40 (archives du MBF, dites du Majestic),
vol. 882, propagande
communiste et gaulliste, AN.
36 Rapport du général Doumenc – chef de la délégation
française - sur la mission d’août 1939 à Moscou,
7 N 3185, SHAT.
37 Les Français de l’an 40, I, La guerre, oui ou non?,
II, Ouvriers et soldats, Paris, Gallimard, 1990.
38 Revues de presse dithyrambiques sur Google.
39 Bloch, biographie, et Cahiers politiques n° 8, « À
propos d’un livre trop peu connu », L’étrange
défaite, Paris, Gallimard, 1990, p. 8-9 et 253.
40 Le choix, chap. 10-11.
41 Juin 40, p. 80-81.
42 Note État-major, anonyme, sur la Tchécoslovaquie, 15
septembre 1938, N 579, SHAT, et Le choix.
43 Ibid., index.
44 Paris, éditions Tallandier, 2003.
45 Télégramme Paul (Dimitrov) et Stern (Thorez), pour
Bruxelles et Londres, Moscou, 22 juin 1940,
Moscou-Paris-Berlin, p. 240-242, citation, p. 240.
46 Moscou-Paris-Berlin., p. 265.
47 Moscou-Paris-Berlin, p. 265-7, et toute la Troisième Partie
: « Lutter contre l’envahisseur ou
négocier ? (avril-septembre 1940) ».
48 Le PCF dans la guerre, Paris, Ramsay, 1980, p. 136, et « Un
été 1940 […] », Communisme, n° 32-34,
4e trimestre 1992-1er et 2e trimestres 1993, p. 85-128.
49 Détruire, p. 30.
50 La France à l'heure allemande 1940-1944, Paris, Le Seuil,
1995, p. 217-219.
51 Otto Abetz et les Français ou l’envers de la Collaboration,
Paris, Fayard, 2001, p. 143-144.
52 Moscou-Paris-Berlin, p. 259.
53 N. 2, Moscou-Paris-Berlin, p. 281.
54 Moscou-Paris-Berlin, p. 279-281, citation, p. 280.
55 Lettre d’Aubert, Paris, 7 août 1940, AJ 40, vol. 890,
police spéciale, divers, AN, cité pour sa seule
formule de respect, par Burrin, comme un des « deux exemples »
(le second concerne une demande, non citée, des cheminots, fin
juillet) « parmi d’autres » (quels autres ?), La France,
p. 218.
56 La citation qui suit est précédée d’une
glose sur l’intervention de l’URSS prévue «
contre les État
totalitaires au moment où la Grande-Bretagne et l’Allemagne
seraient suffisamment affaiblies pour que les
révolutions puissent réussir » - conforme à
la tradition des années trente – aussi solide qu’infondée
- prêtant à l’URSS et à Staline l’intention
d’allumer l’incendie rouge sur l’Europe (Le choix,
passim). Réf. n. suiv.
57 Renseignement 1173, 26 novembre 1940, source : bonne, 22 novembre
1940, F7, vol. 14998, lutte
anticommuniste, […], dossier 26000 5 F, octobre 1939-octobre 1942,
AN.
58 Juin 40, p. 76.
59 RG, 17 janvier 1940, GA (archives des RG), D 3, Marx Dormoy, archives
de la Préfecture de police
(APP). Sur Marx Dormoy, Le choix, index.
60 Roger Bourderon, L’Humanité, 12 décembre 2006,
p. 16.
61 Sur ce thème, traité par l’Etat-major de l'armée,
Le choix, p. 392.
62 « Une déclaration du PCF » et commentaire cité,
L’Humanité, 12 décembre 2006, p. 16.
63 Les policiers, p. 79-80.
64 Juin 40, p. 111-121, et chapitres 4 (« négocier »)
et 5 (« Les cadres dans la tourmente »).
65 Rapport PP au MBF, 16 juin 1941 en français (et en allemand),
AJ 40, vol. 882.
66 Juin 40, photographie p. 106.
67 Texte cité p. 165-175, commentaire 165, 175.
68 Voir les fonds du Quai d'Orsay (MAE), Londres-Alger, vol. 300, Situation
et opinion en France, juin
1940-juin 1941, cités dans Annie Lacroix-Riz, Industriels et
banquiers français sous l’Occupation : la
collaboration économique avec le Reich et Vichy, Paris, Armand
Colin, 1999, p. 491-492.
69 Rapport cité, février 1941, Londres-Alger, vol. 300,
MAE.
70 Rapport n° 17 de la section française du comité
consultatif du « Ministry of Information », 1er janvier
1941, Londres-Alger, vol. 300; et tous les vol. de la série depuis
lors (300-304).
71 Lettre du bureau de l’Abwehr France, 6803/40 g III c, Paris,
30 octobre 1940, AJ 40, vol. 883,
répression du communisme, 1940-1942, AN.
72 Extrait du n° transmis à Gaston Palewski, Londres-Alger,
vol. 300, MAE.
73 Note Henry Hauck « sur l’action ouvrière en France
», Londres, 4 septembre 1941, Londres-Alger,
vol. 304, Situation et opinion en France, résistance et propagande
gaulliste, 23 décembre 1940-février 1943,MAE.
74 Note Henry Hauck, sans date, classée entre les 2 et 3 mai
1941, Londres-Alger, vol. 304.
75 Le dossier Carl Boemelburg de F7, vol. 14715, organismes allemands
en France, 1936-1940, AN, est
limité à des courriers de juin 1938 à mai1939 ;
celui de GA, B 8, Carl Boemelburg, minuscule (correspondance
presque exclusive de 1939) a été encore plus visiblement
vidé par l’autorité versante, APP.
76 Interrogatoire de Knochen par le commissaire divisionnaire Marc Bergé,
4 janvier 1947, 3W, vol.
358, interrogatoire d’Allemands, AN.
77 The twilight of France, 1933-1940, New York, Harpers & Brothers
Publishers, 1942.
78 Lettre de l’inspecteur principal de la Sarre au commissaire
divisionnaire de l’inspection générale des
services de Police criminelle (IGSPC), Paris, 16 février 1939,
F7, vol. 14715, AN.
79 Citation, interrogatoire de Knochen, Paris, 4 janvier 1947, 3W, vol.
358, AN.
80 Note de l’IGSPC, Paris, 1er mars 1939, F7, vol. 14715, dossier
cité ; sur ses activités antisoviétiques
en France depuis 1938, infra.
81 Knochen, interrogatoire, 4 janvier 1947, 3W, vol. 358, AN.
82 Note pour le directeur général de la Sûreté
nationale (DGSN), 26 janvier 1939, F7, vol. 14715, AN.
83 Sur « la France aux pieds du Reich » d’octobre-décembre
1938, Le choix, p. 455-462.
84 Guy Bourdé, La défaite du Front Populaire, Paris, Maspéro,
1977, p. 143-149, sur la base,
notamment, du mémoire de maîtrise de Sylvie Schweitzer,
« Partis et syndicats aux usines Renault » (1975), et Emmanuel
Chadeau, Louis Renault, biographie, Paris, Plon, 1998, d'après
le témoignage de 1978 d’un Lehideux dressé en patron
social adorant ses ouailles, p. 144-147.
85 RG, 1er bureau, 27 février 1939, GA, B 8, Boemelburg, APP.
86 RG 5, n° 214, cabinet, 27 avril 1939, GA, B 8, Boemelburg, APP.
87 Lacroix-Riz, Le choix, p. 145-149 (les mêmes douceurs avaient
été consenties à l’OVRA et autres
services fascistes italiens depuis les années vingt).
88 V. Caron dénonce l’indifférence et les carences
de la République, mais ignore que les hitlériens
agirent librement contre eux en France avant l’Occupation, «
Prelude to Vichy : France and the Jewish Refugees in the era of Appeasement”,
Journal of Contemporary History, XX, 1985, p. 157-176, et Uneasy asylum:
France and the Jewish Refugee crisis, 1933-1942, Stanford, Stanford
University Press, 1999.
89 Détruire, p. 38.
90 Gérard Noiriel, Les origines républicaines de Vichy,
Paris, Hachette, 1999.
91 Note pour le DGSN, 26 janvier 1939, F7, vol. 14715, AN. Souligné
par moi.
92 Les archives étrangères sont féroces, Le choix,
p. 460.
93 Je néglige ici l’échange de balles, depuis le
début de 1939, entre le ministère de l'intérieur
et la
Préfecture de police, d'une part, et le Quai d'Orsay, d'autre
part, par lequel ils se renvoyèrent la responsabilité
de la présence active de Boemelburg à Paris tout en le
laissant sur place, dossiers Boemelburg de GA, B 8 et F7, vol. 14715.
94 Note de l’IGSPC, Paris, 1er mars 1939, F7, vol. 14715, AN.
95 Juin 40, n. 2, p. 110.
96 « Selon sa version, il aurait eu le tort de suggérer
au gouvernement que le voyage du chef de l’État à
Paris, quand furent transférées les cendres de l’Aiglon,
allait offrir aux Allemands l’occasion de l’appréhender,
ce qui est une innocente fumisterie. Les Allemands n’avaient qu’à
le vouloir pour s’en saisir, quand et comme cela leur eût
convenu. Et nous avons appris par une déclaration d’Hitler
lui-même, que celui-ci, soucieux de conserver aux Quisling de
Vichy, une apparence d’indépendance, leur avait interdit
de faire de Versailles leur “capitale provisoire”. En fait,
M. Langeron a été victime de la résistance de ses
subordonnés, résistance qu’il eût punie lui-même
s’il en avait eu le loisir. Il a été arrêté
le 25 janvier 1941, en même temps que le Dr Desplat, chirurgien
des gardiens de la paix, et que Mme Rozier, sous-chef de bureau dans
les services administratifs du cabinet. Tous deux furent condamnés
et bien d’autres avec eux compromis dans le même complot.
Le préfet, lui, bénéficia d’un non-lieu.
Et ce fut justice. Mais les Allemands, déjà surpris par
l’affaire d’armes des gardiens de la paix du 17è
arrondissement, n’avaient point voulu croire, d’abord, que
le préfet pouvait être innocent quand
tant de ses subordonnés avaient d'ores et déjà
engagé le combat. Il leur fallut deux mois pour se détromper.
Il est vrai qu’après la mise en liberté du préfet,
remplacé entre temps, Otto Abetz déplorait son départ
en ces termes: “C’est un excès de zèle de
Vichy”.
Le directeur du cabinet de M. Langeron était M. Cheberrey, aujourd'hui
directeur des services
administratifs de la circulation. Il a une ambition: être secrétaire
général. Vichy ne l’a pas nommé. Il est donc
anti-vichyssois. Il pense avoir gain de cause lorsque son patron reviendra.
Pourtant, si la libération, ce qu’à Dieu ne plaise,
refaisait un préfet de M. Langeron, le principal appui sur lequel
se fondait son collaborateur lui ferait cruellement défaut; Herr
Doktor Lehrer ne pourrait plus officiellement comme il l’a déjà
fait par deux fois agir pour lui. » Sur Simon, infra. CFLN, commissariat
à l’Intérieur, information du 10 décembre
1943, F1 a, vol. 3959, Seine, police, presse et radio, AN.
97 Plusieurs PV (dont n. suiv.), AJ 40, vol. 879, débuts de l’occupation,
commandant de la Place de
Paris, « dossier 9, administration militaire et administration
française », AN.
98 Note de Langeron du 20 août à « Monsieur le Conseiller
Rademacher », Paris, « comme suite à notre
entretien d’aujourd'hui » lui adressant une note dictée
le 18 « à la suite de notre conférence au Palais-Bourbon
», AJ 40, vol. 879, dossier 9.
99 PV, note du chef de l’administration militaire (AM) de Paris,
Paris, 15 septembre 1940, AJ 40, vol.879, dossier 9, citée, Lacroix-Riz,
Industriels et banquiers, p. 69.
100 Dans son attaque tous azimuts, cet historien se joue des antagonismes,
nombreux, de l’argumentation et, malgré sa prétention
à présenter au lecteur l’oeuvre de « six années
de travail sur des milliers de dossiers longtemps oubliés dans
les caves du Ministère de l'Intérieur et de la Préfecture
de police de Paris » (p. 13), il néglige les références
archivistiques, Jean-Marc Berlière, avec Chabrun Laurent, Les
policiers français sous l'Occupation, Paris, Perrin, 2001.
101 Note MBF sur la réunion du 30 août 1940, 11 h, à
la PP, AJ 40, vol. 879, dossier 9, AN.
102 Lettre 170/40 du directeur de la Feldpolizei, 26 septembre 1940,
AJ 40, vol. 882.
103 Note PP pour le MBF, Paris, 13 octobre 1940, AJ 40, vol. 879, dossier
9.
104 Rapport Cerny, février 1941, Londres-Alger, vol. 300.
105 La remarque suivante fleure l’ironie : « s’il
n’est envisagé de n’interdire l’activité
communiste que
dans la mesure où elle est dirigée contre le Reich allemand,
il faudrait alors modifier lesdites ordonnances, en limitant l’interdiction
aux seules fabrication et distribution de tracts anti-allemands »
- autrement dit revenir sur les « bases réglementaires
de la lutte contre l’activité communiste », lettre
170/40 du directeur de la Feldpolizei, 26 septembre 1940, souligné
dans le texte, AJ 40, vol. 882.
106 Note du chef de la Feldpolizei de l’Armée, OKH, 29
septembre 40
107 Extrait du rapport du MBF à l’Ambassade d’Allemagne
à Paris, 4 octobre 40, souligné dans le texte,
AJ 40, vol. 882, dossier 1.
108 La France, p. 219.
109 Lettre 170/40 du directeur de la Feldpolizei, 26 septembre 1940,
souligné dans le texte, AJ 40, vol.
882.
110 Correspondance de l’été 1941, AJ 40, vol. 881,
police française, AN.
111 Note pour le Dr Kiessel, Paris, 5 décembre 1940, AJ 40, vol.
890, divers, AN.
112 Renseignement Sûreté nationale (manuscrit 2391), Vichy,
27 février 1941, dossier « Divers », F7,
vol. 14999, AN.
113 AJ 40, vol. 876, notamment sur la manifestation du 11 novembre 1940
et la propagande communiste et gaulliste Dossier Partis, unions, associations,
mouvements politiques,
« octobre 1940-décembre 1941 ».
114 Lettre Pol. 411/417 du Commandant du Gross Paris au Kommandostab
du MBF, au Kommandostab,
section I c, 2 avril 1941, AJ 40, vol. 876.
115 AJ 40, vol. 876 et 882.
116 Les policiers français, p. 128, toujours sans source.
117 Rapport de la Préfecture de police du 23 juin 1941 en allemand
(seulement), AJ 40, vol. 876.
118 Lettre de Rademacher, commandant du Gross Paris au MBF, Paris, 24
juin 1941, AJ 40, vol. 876.
119 « Par ailleurs, une opération sera entreprise demain
matin qui a pour but de procéder à l’arrestation
de 130 militants communistes: ceux-ci devront tous être mis à
la disposition de la Geheimfeldpolizei,
à 10 h. 15. Depuis l’attentat de Pessac (Gironde) les Services
des Renseignements ont été particulièrement alertés.
Le réseau des informations a été renforcé
et les opérations dans les milieux communistes tant français
qu’étrangers ont été multipliées.
Les autorités allemandes ont d'ailleurs été tenues
au courant de ces opérations au fur et à mesure de leur
exécution », lettre au Militärbefehlshaber in Frankreich,
Paris, 23 juin 1941, AJ 40, vol. 876.
120 « M. Langeron avait cependant un bras droit, qui n’était
pas son chef de cabinet, mais le directeur
des RG, M. Simon. Suspect, en raison d’origines raciales indécises,
celui-ci devait tenter le maximum afin de faire revenir ses nouveaux
maîtres sur leurs injustes présomptions. Il les a servis
avec un dévouement anxieux dont n’avaient pas bénéficié,
avant la guerre, ses chefs français. Il a commencé, au
profit de l’envahisseur, “l’épuration de ses
services”. Il a traqué les “Gaullistes”. C’est
lui qui déclarait en septembre 1940 “avant 3 mois, l’Allemagne
sera victorieuse. Il y aura un boom économique et ce sera l’euphorie
générale”. Son optimisme n’a pas rendu. Malgré
toute son application, il n’a jamais cessé d’être
pour le conseiller Boemelburg, dont il parlait en disant: “Mon
ami”..., le “petit Juif de Langeron”. Limogé
finalement [en août 1941], mais dans des conditions confortables,
il est aujourd'hui trésorier payeur général dans
un département où il attend sa revanche de ceux mêmes
qu’il a pourchassés. » Information CFLN, 10 décembre
1943, F1 a, vol. 3959.
121 Henri Bunle, « La population de la France depuis 1939 »,
La France économique de 1939 à 1946,
Paris, recueil Sirey, 1948, p. 38, 39 et 30.
122 Dernier des rapports hebdomadaires, AJ 40, vol. 882.
123 Rapports PP au MBF, 23 juin 1941 et 11 mai 1942, respectivement
AJ 40, vol. 876 et vol. 882.
124 L’Humanité, 12 décembre 2006, p. 17.
125 Rapport en allemand sur « la propagande gaulliste »
de la PP au MBF, 11 août 1941, AJ 40, vol. 882.
126 Rapports hebdomadaires, AJ 40, vol. 876 et 882.
127 Note au MBF (et traduction allemande), sans date mais jointe au
courrier V pol 1/, Paris 23
septembre 1941, AJ 40, vol. 881, dossier « 1. Police française,
généralités, janvier-mai 1942 ».
128 Rapports hebdomadaires, AJ 40, vol. 882, dossier « 2. 4 août
1941-18 mai 1942 » (en fait, 26 mai,
dernier rapport, pas d’arrestation de gaullistes, mais leur propagande
occupe le 1/5 du rapport).
129 Voir Industriels et banquiers, chap. 9-10.
130 Le Matin, 28 novembre 1940 et 28 décembre 1942, et AJ 40,
vol. 879.
131 Information CFLN, 10 décembre 1943, F1 a, vol. 3959, AN.
132 Les policiers, p. 143 sq., mais la biographie de Lucien Rottée,
est riche sur les traîtres communistes
de 1939-41, p. 150-155. La défense et illustration des RG sous
l'Occupation inflige un des moments les plus pénibles de l’ouvrage
(voir notamment, sur Fernand David, p. 155-159).
133 Pertinax, Les fossoyeurs, II, p. 240, et, sur Pucheu tortionnaire,
Industriels et banquiers et Le choix,
index.
134 Politzer fut torturé devant lui sans desserrer les dents,
note 589, « tortures par la police française »,
août-septembre 1943 (note descriptive de 9 p. que j’avoue
n’avoir pas entièrement réussi à lire), F1
a, vol. 3766, Police, maintien de l’ordre, gendarmerie, AN.
135 Note sur le « Procès Pucheu », audiences des
6-12 mars 1944, GA, P 5, Pucheu, APP.
Annie LACROIX-RIZ, ancienne élève de l'école normale
supérieure (Sèvres), agrégée d'histoire,
docteur-ès-Lettres, professeur d'Histoire contemporaine à
l'université Paris VII-Denis Diderot
http://www.historiographie.info/menu.html
Bibliographie :
1°. THÈSE DE DOCTORAT D'ÉTAT
CGT et revendications ouvrières face à l'État,
de la Libération aux débuts du Plan Marshall (septembre
1944-décembre 1947).
2°. LIVRES
1. La CGT de la Libération à la scission (1944-1947),
Paris, Éditions Sociales, 1983, 400 p.
2. Le choix de Marianne: les relations franco-américaines de
1944 à 1948, Paris, Editions Sociales, 1986, 222 p.
2 bis. « Les relations franco-américaines de la Libération
aux débuts du Plan Marshall (1944-1948): la voie de la dépendance
? », .
3. Les Protectorats d’Afrique du Nord entre la France et Washington
du débarquement à l'indépendance 1942-1956, L'Harmattan,
1988, 262 p.
4. L'économie suédoise entre l'Est et l'Ouest 1944-1949:
neutralité et embargo, de la guerre au Pacte Atlantique, L'Harmattan,
1991, 311 p.
5. Le Vatican, l'Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale
à la Guerre froide (1914-1955), Paris, Armand Colin, coll. «
Références » Histoire, 1996, 540 p.
6. Industrialisation et sociétés (1880-1970). L’Allemagne,
Paris, Ellipses, 1997, 128 p.
7. Industriels et banquiers français sous l’Occupation
: la collaboration économique avec le Reich et Vichy, Paris,
Armand Colin, coll. « Références » Histoire,
1999, 661 p.
8. L’histoire contemporaine sous influence, Paris, Le temps des
cerises, 2004, 145 p., 2e édition
(1e, 120 p.)
9. Le Choix de la défaite : les élites françaises
dans les années 1930, Paris, Armand Colin, 2006, 671 p.
10. L’intégration européenne
de la France. La tutelle de l’Allemagne et des États-Unis,
Pantin, Le temps des cerises, 2007, 108 p.
11.
De Munich à Vichy, l’assassinat de la 3e République,
1938-1940, Paris, Armand Colin, août 2008, 408 p.