A la
fin du mois de Juillet 1936, le débarquement de plus en plus massif
des troupes d’Afrique (Tercio, Regulares Marocains) permet aux Nationalistes
l’élargissement de la tête de pont qu’ils ont
fixée à Cadix.
Leurs objectifs sont :
- Conquérir intégralement l’Andalousie (Séville,
Grenade et Cordoue tombent mais Malaga résiste).
- Couper les Républicains de la frontière portugaise et
faire la jonction avec le Nord, ce qui est réalisé le 14
juillet avec la prise de Badajoz par la colonne du Lieutenant-colonel
Yagüe après de sanglants combats de rue.
- Prendre Madrid.
La prise de Talavera, dernière ville importante sur la route de
la capitale, le 3 septembre semble mettre à portée de main
des insurgés ce dernier objectif.
Cependant, pendant ces semaines de progression rapide, un évènement
stratégiquement mineur focalise l’attention du monde entier
et retarde la progression de Yagüe vers la capitale espagnole…
Le siège de l'Alcazar
La nouvelle de l’insurrection nationaliste le 18 juillet déclencha
immédiatement l’opposition armée des forces gouvernementales
et des milices républicaines aux troupes du colonel José
Moscardo (1878-1956). Celui-ci devança l’ennemi et s’enferma
le 22 juillet dans l’Alcazar, siège de l’Ecole des
Cadets, forteresse qui domine le Tage.
Il y emmena ses troupes, les notables les plus menacés (la fureur
républicaine du début du conflit entraîna de nombreuses
exécutions de civils) et les familles des gardes civils.
Il n’eut cependant pas le temps d’y faire venir sa femme et
2 de ses fils.
Peu de temps avant l’insurrection Moscardo avait eu l’opportunité
de transférer 1 300 000 cartouches, 1 200 fusils, 38 mitrailleuses
et fusils-mitrailleurs, 1 mortier, du blé et des conserves dans
les réserves de la forteresse.
La prévoyance du vieux colonel explique pour partie la capacité
de résistance des troupes assiégées.
650 gardes civils, 200 cadets et élèves de l’école
de gymnastique, 160 officiers et soldats, 85 phalangistes, 2 médecins
militaires, 1 chirurgien major accompagnés de plus de 600 femmes
et enfants, 200 notables, 3 filles de la Charité infirmières
et leur supérieure (soit environ 2 000 personnes) se trouvèrent
donc face à 10 000 assiégeants puissamment armés.
N’imaginant pas que la résistance de l’Alcazar puisse
durer, les Républicains se contentèrent au début
de quelques tirs de harcèlement et de l’envoi de bombes légères.
Le 23 juillet Moscardo reçut un coup de téléphone
(les lignes n’avaient pas été coupées) du chef
républicain Candido Cabello l’informant que sa femme et ses
2 fils étaient entre leurs mains et que leur survie passait par
la reddition de l’Alcazar. Moscardo refusa de négocier. Son
fils Luis fut fusillé le 25 juillet.
La lutte s’intensifia à compter de cet instant. Le pilonnage
incessant de l’artillerie républicaine ouvrit chaque jour
des brèches de plus en plus larges sur les murs de l’Alcazar.
Celle-ci devint pour le monde entier le symbole de la lutte entre les
2 Espagnes et par-delà entre les 2 Europes.
Malgré une moyenne estimée à 487 obus par jour les
insurgés résistèrent à l’ennemi dans
des conditions de plus en plus précaires.
Après l’empoisonnement des puits par les Républicains
l’eau des citernes fut rationnée à 1 litre par personne
et par jour.
Les écuries furent peu à peu vidées de leurs 210
chevaux et 30 mulets pour servir de viande de boucherie.
Cependant le moral restait bon dans l’ensemble, comme le prouve
la publication du quotidien El Alcazar par Moscardo et ses hommes pour
soutenir le moral des assiégés.
A l’extérieur cette résistance inattendue finit par
grandement inquiéter les assiégeants.
Les nouvelles du front devenaient chaque jour plus alarmantes. Le 18 Août,
victoire nationaliste à Majorque, le 20 les troupes rebellent avancent
vers Irun, le 21 chute de Calzada de Oropesa qui permet à la colonne
Yagüe de prendre Talavera le 3 septembre. Les troupes rebelles étaient
désormais à moins de 30 km de Tolède.
Franco, interpellé par le retentissement international du siège
de l’Ecole des Cadets avait en effet décidé de reporter
l’offensive contre Madrid pour la diriger vers Tolède.
Cette décision a probablement permis aux Républicains de
renforcer les maigres défenses de la capitale à cette époque,
provoquant par-là même l’allongement de la durée
du conflit.
Le 11 septembre Don Enrique Vasquez Camarasa, chanoine de la cathédrale
de Madrid fut envoyé à l’Alcazar pour tenter de négocier
la reddition ou au moins une évacuation partielle que les assiégeants
eurent pu présenter comme une semi victoire. La proposition fut
transmise par Moscardo aux femmes qui refusèrent de quitter la
caserne sans leurs maris.
Les jours suivants des pionniers asturiens commencèrent à
creuser le sol pour miner les fondations de l’Alcazar.
Le 18 septembre, à 7h du matin, la tour Sud-Ouest vola en éclats,
accompagnée de la façade Ouest et des dépendances.
Les Républicains partirent à l’assaut de la brèche
mais contre toute attente les assiégés les repoussèrent
violemment.
Tolède désormais sous le feu de l’armée franquiste
et menacée d’encerclement, les Républicains commencèrent
à se replier vers le Nord pour assurer la défense de Madrid.
Des tirs d’artillerie sporadiques furent entendus le 26 septembre.
A 19h, le 27 les premiers éclaireurs de la colonne Yagüe pénétraient
dans Tolède.
A l’aube du 28, Moscardo fit son rapport au général
Varela venu l’accueillir : "En el Alcazar sin novedad, mi general"
(A l’Alcazar, rien de nouveau mon général), "
sin novedad" étant le mot code qui devait déclencher
l’insurrection le 17 juillet.
82 morts au combat, 430 blessés, 2 morts naturelles, 3 suicides,
quelques disparitions et 2 naissances (!) fut le bilan effectif des 68
jours de siège de l’Alcazar.
Moscardo fut nommé général de l’Armée
d’Aragon (1936-39) puis attaché militaire de Franco après
la guerre, Capitaine Général de Catalogne (1943-45) et Comte
de l’Alcazar en 1948.
Il fut enterré près de son fils Luis en 1956.