A
la fin des années 1980, le Kosovo était devenu une terre
d'affrontement, avec du côté serbe, une violence étatique
orchestrée par Belgrade, et du côté albanais, une
violence diffuse commise par des individus isolés qui rendait
impossible la cohabitation entre les deux communautés. Le dirigeant
serbe Slobodan Milosevic, qui souhaitait s'emparer de la direction de
la Ligue communiste de Serbie, profita de cette situation pour parvenir
au sommet du pouvoir.
En
novembre 1988, les autorités serbes destituèrent des dirigeants
communistes kosovars, jugés trop nationalistes. Quelques mois
après, de violents affrontements éclatèrent et
Belgrade proclama l'état d'urgence, envoya l'armée et
supprima l'autonomie de la province en mars 1989. La résistance
albanaise s'organisa et, en décembre 1989, fut créée
une Ligue démocratique du Kosovo (LDR ) regroupant aussi bien
des intellectuels plus ou moins liés à la Ligue des communistes,
comme Ibrahim Rugova, que d'anciens prisonniers politiques Suspendu
en juin 1990 par les autorités de Belgrade, le Parlement du Kosovo,
réuni en secret, proclama le 7 septembre 1990 une "République
du Kosovo", encore dans le cadre de la fédération
yougoslave. Un an plus tard, un référendum clandestin
entérinait l'indépendance de la République ; mais
ce nouvel Etat ne fut reconnu que par l'Albanie. A la suite d'élections
clandestines tenues en mai 1992, Ibrahim Rugova, promoteur d'une stratégie
de résistance pacifiste, fut élu président du Kosovo.
Pour faire face à un régime d'exclusion de toutes les
institutions, de toute vie sociale, de tous les postes de responsabilité
et du travail en général, les Albanais avaient mis en
place, dès 1989, une véritable société parallèle
clandestine échappant totalement au contrôle de Belgrade.
Le mois de mai 1998, vit l'émergence d'une Armée de libération
du Kosovo : l'UCK, créé en 1993 par des militants marxistes-léninistes
en exil. L'UCK multiplia les attentats contre la police serbe et ses
collaborateurs. Depuis de nombreuses années, des milliers d'Albanais,
soupçonnés d'en faire partie, avaient été
arrêtés par la police et torturés. Les autorités
de Belgrade lancèrent en février 1998 une vaste offensive
militaire et policière destinée à "éliminer
les terroristes de l'UCK". Celle-ci débuta dans la vallée
de la Drenica où, le 28 février et le 1er mars, les unités
spéciales de la police serbe, appuyées par des groupes
militaires et paramilitaires, lancèrent des assauts d'une grande
violence sur les villages de Prekaz, Qirez et Likoshane. Le bilan en
fut très lourd : massacres de femmes et d'enfants, tueries de
paysans, mutilations, exactions, exode de milliers de civils . L'UCK
appela les Albanais à former un "front de libération
". L'offensive des forces armées et des milices paramilitaires
serbes poursuivit son œuvre de "nettoyage ethnique" de
la région, détruisant des dizaines de villages, incendiant
les maisons après les avoir pillées, tuant les civils
...
Au
printemps 1998, les troupes serbes s'installèrent le long de
la frontière albanaise afin de couper la route d'approvisionnement
en armes de l'UCK, qui se servait de l'Albanie comme base arrière.
Les combats furent extrêmement intenses dans la région
de Decane. Entre janvier et novembre 1998, plus de 1 700 Albanais furent
tués. 900 personnes disparurent, 1 200 personnes furent emprisonnées
et plus de 500 000 furent déplacées à l'intérieur
du pays. Ces violents combats envoyèrent 100 000 réfugiés
sur les routes. En août 1998, l'OTAN multiplia les ultimatums
à Belgrade pour obtenir un cessez-le-feu. Sur le terrain, les
militaires serbes, appuyés par les unités paramilitaires,
poursuivaient leur "purification ethnique". Devant ce massacre,
les grandes puissances décidèrent finalement d'une intervention
de l'OTAN. Après avoir tenté en vain de négocier
un arrêt des hostilités avec Belgrade, les huit pays impliqués
dans l'opération (Allemagne, Canada, Espagne, Etats-Unis, France,
Royaume-Uni, Italie et Pays-Bas) optèrent pour une offensive
exclusivement aérienne. Celle-ci débuta le 24 mars 1999
par des frappes sur des objectifs serbes au Kosovo et en Serbie, et
aussi au Monténégro.
Les
troupes serbes réagirent aussitôt en expulsant massivement
les Albanais de leur province (environ 900 000 personnes) tandis que
les bombardements de l'OTAN se poursuivaient sur la Serbie ruinant en
grande partie l'infrastructure du pays, et touchant également
les populations civiles. Le 27 mai, le président yougoslave Slobodan
Milosevic, le président de la Serbie, Milutinovic et trois autres
dirigeants serbes étaient inculpés pour "crimes de
guerre et crimes contre l'humanité " par le Tribunal pénal
international. Redoutant d'être engagée dans une intervention
terrestre qui s'annonçait militairement extrêment risquée,
l'OTAN intensifiait ses bombardements et, le 9 juin 1999, après
une ultime intervention de la diplomatie russe, obtenait le retrait
des troupes serbes. La KFOR, force multinationale de paix au Kosovo,
créée sur décision du conseil de sécurité
de l'ONU et placée sous le commandement de l'OTAN, se déployait
aussitôt dans un Kosovo ravagé par la guerre, tandis que
les troupes serbes se retiraient. Les enquêteurs du Tribunal Pénal
Internatinal découvrirent au Kosovo les preuves d'une extermination
massive des Albanais (en particulier de nombreux charniers). Le déploiement
des troupes de la KFOR permit aux réfugiés albanais de
retourner très rapidement chez eux. Mais, à partir du
mois d'août 1999, se produisit un nouvel exode, celui des Serbes,
des Roms, des Monténégrins et des Slaves-musulmans victimes
à leur tour des exactions des Albanais. Le Haut commissariat
des Nations unies aux réfugiés estime leur nombre à
environ 250 000. L'intervention alliée, si elle a effectivement
mis fin à la politique de serbisation forcée du régime
de Belgrade, n'a permis ni le retour au calme, ni le rétablissement
d'un Kosovo multiculturel où pourraient cohabiter en paix les
diverses communautés. Aujourd'hui, des manifestations parfois
violentes éclatent encore entre les diverses communautés.
Enfin, le matériel militaire détenu par l'UCK n'a (à
ce jour) pas été récupéré en totalité
par les soldats de la KFOR.