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Dossier
Spécial Guerre de Corée Par Frédéric Ortolland |
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III- Le périmètre de Pusan (4ème partie) : Combats à l'Est 1-
Le corridor de Kyongju Les caractéristiques
du terrain de la zone de P'ohang-Dong jouèrent un rôle considérable
sur les combats qui s’y déroulèrent et sur la tactique
de défense de Walker à cet endroit. Un couloir naturel en
partait et menait en effet droit à Pusan. Depuis Taegu une route
latérale doublée d’une voie de chemin de fer partait
vers l’Est et P'ohang-Dong, à 80km à vol d’oiseau.
Cette route est la première à se diriger vers la côte
Est après celle de Seoul-Ch’orwon-Pyonggang-Wonsan, à
360km plus au Nord. A environ mi-chemin de Taegu et P'ohang-Dong se trouve
la ville de Yongch’on. Là, la seule route axée Nord-Sud
de quelque importance entre Taegu et la côte Est traverse la ville
via Andong et Uisong, à travers les montagnes. De cette route jusqu’à
la côte s’étendent 65km de zone montagneuse totalement
dépourvus de route digne de ce nom. La portion Est du périmètre n’était pas aussi sérieusement défendue que d’autres points du front. Walker n’avait ni les hommes ni l’équipement lourd nécessaire à la défense du périmètre sur toute sa longueur. A certains endroits il se trouvait contraint de prendre le risque d’une percée ennemie. Sachant les montagnes situées au nord de P'ohang-Dong virtuellement sans pistes il prit le pari que les Nord-Coréens ne pourraient y amener l’équipement et le ravitaillement nécessaires à une pénétration de sa ligne de front qui pût les conduire jusqu’à Pusan. En opposition
au terrain montagneux et au maigre réseau de voies de communications
terrestres qui définissait la zone de l’APC Walker bénéficiait
d’un réseau routier et ferroviaire considérablement
plus confortable, qui pouvait lui permettre d’envoyer des renforts
dans les plus brefs délais. Il considérait aussi l’aérodrome
de Yonil, à 6km au sud de P'ohang-Dong et à 5mn de vol des
éventuelles zones critiques comme un élément important
de son système défensif. 2- Premiers
mouvements / La Task Force P'ohang La
première des 3 divisions, la 8ème
, ne parvint pas à
prendre la route Taegu-P'ohang. Le 9 août, près d’Uisong,
la 8ème
DI sud-coréenne prit par surprise une partie de ses forces et anéantit
son 3e régiment, causant plus de 700 pertes. Le 2ème
régiment tenta de
se porter à son secours et subit lui aussi de nombreuses pertes,
bien qu’il parvint à reprendre le terrain perdu au profit
de l’ARC un peu plus tôt. Plus
à l’est la 12ème
DI, désormais appelée
la division d’Andong, traversa le Naktong supérieur à
Andong et s’enfonça à travers les montagnes dans le
but de prendre P'ohang-Dong. Elle était cependant diminuée,
le 2ème
bataillon de son régiment d’artillerie ayant renvoyé
toutes ses pièces à Tanyang pour cause de manque de munitions.
3- Les Nord-Coréens atteignent P'ohang-Dong Afin de bien
comprendre ce qui se passa autour de Kigye et dans les montagnes situées
à l’ouest de P'ohang-Dong, il est nécessaire de mettre
en avant d’autres évènements ayant lieu sur la côte
est au même moment. Dans un chapitre précédent (Retraite
vers le Naktong-3ème
partie) nous avons vu la série
de sanglantes batailles opposant la 5e DI de l’APC à la 3e
DI de l’ARC sur la route côtière durant les premiers
jours de juillet 1950. La ligne de front évolua en dents de scie
autour de Yongdok pendant 2 semaines pour se terminer par la prise de
la ville par l’ARC. A l’annonce de cette
nouvelle Walker demanda à rencontrer Emmerich sur l’aérodrome
de Yonil, en présence du général Partridge (5ème
USAF) et du bridadier-general Farrell,
chef du KMAG. Walker donna à Emmerich pour instructions de regrouper
la 3ème
DI autour de Changsa-Dong et d’empêcher la 5ème
DI de l’APC de déplacer
ses blindés et son artillerie le long de la route côtière
afin d’empêcher la position de l’aérodrome de
Yonil de devenir intenable. Emmerich répercuta les ordres au brigadier
general Kim Suk Won. La 3ème
DI étendit ses positions
entre 6,5km au nord et 11km au sud de la ville. A 16km de Kyongju et à
environ 1,5 km de à l’est d’An’gang-Ni la route
tourne brusquement à droite dans la vallée de Hyongsan-Gang
vers P'ohang-Dong. De là, la route contourne un sommet abrupt et
longe une rivière aux environs du village de Tongnam-Ni. C’est
à cet endroit que la Cie K. et 4 véhicules de la batterie
C du 15ème
d’AdC furent pris en embuscade à 1h20 le 11 août. Des
tirs soudains d’armes automatiques tuèrent le chauffeur du
véhicule de tête qui fit un écart et bloqua la route.
Le feu ennemi se déchaîna sur la colonne qui se désintégra.
Environ 120 hommes dont 2 officiers s’enfuirent en direction de
Kyonju. En début d’après-midi le 11 août Walker détacha le 17ème RI de l’ARC de la TF P'ohang ainsi que la Cie blindée du 9ème RI US en renfort à l’aérodrome. Les reconnaissances aériennes
montrèrent que le lieu de l’embuscade de la Cie K étaient
toujours tenue par le 766ème
RI. Le cpt Darrigo, conseiller
KMAG auprès du 17ème
RI se porta volontaire pour mener
une patrouille blindée (5 tanks). Quatre F-51s décollèrent
de Yonil et bombardèrent les lieux juste au moment où la
patrouille arrivait. L’ennemi quitta ses positions juste au bon
moment pour Darrigo et ses hommes. Plusieurs Nord-Coréens furent
tués par les mitrailleuses de bord des blindés. Pendant ce temps la TF P'ohang
se mettait en route au matin du 11 août. Elle fut au contact de
l’ennemi quasiment immédiatement. Deux Cies du 25ème
RI de l’ARC furent tout simplement
annihilées. La TF, tout autant que la Division de la Capitale perdit
du terrain. A la tombée du jour, des patrouilles nord-coréennes
étaient repérées à 5km au sud de P'ohang-Dong.
Le 12 août le colonel Kim Hi Chun agissant sous les ordres directs de Walker, et en une succession d’attaques à partir d’An’gang-Ni, mena le 17ème RI à Yonil, au grand soulagement de tous. Les Nord-Coréens pénétrèrent
pour la première fois dans P'ohang-Dong le 10 ou le 11 août.
Les rapports de l’ARC d’un estimé de 300 soldats du
766ème
régiment indépendant et de la 5ème
DI qui s’étaient infiltrés
et avait pris le contrôle de la gare. Mais ils repartirent au bout
de quelques heures après qu’une série de bombardements
navals et aériens les aient poussés à chercher un
meilleur abri dans les collines environnantes. 4- L’Air Force abandonne Yonil Certains personnels au sol
occupaient Yonil avant que la 40ème
escadrille de chasseurs-intercepteurs
(35ème
groupe) ne s’y installe le 16 juillet en provenance d’Ashiya
(Japon). Le 7 août la 39ème
escadrille la rejoignit. Le lendemain
le 6131ème
groupe de combat était créé. Mais au moment où
l’activité de la base aérienne allait croissant les
évènements se précipitèrent. 5- La 3ème DI de L’ARC évacuée par mer Encerclée depuis le 10 août, la 3ème DI se battait pour éviter sa destruction. Bien consciente de sa position de force, la 5ème DI de l’APC s’engagea à fond dans ce but. Ses attaques incessantes ne cessaient de contraindre la 3ème DI à réduire son périmètre de défense. Le PC divisionnaire recula de 8km, de Changsa-Dong à Toksong-Ni, où les membres du KMAG pensaient que des LSTs pouvaient s’approcher du rivage. Les principaux feux de soutien de la division était celui du croiseur USS Helena et de 3 destroyers au large ainsi que les interventions de la 5ème Air Force, guidés par des observateurs à terre. Deux hélicoptères de l’Helena amenaient le ravitaillement en matériel médical pour les blessés. La dégradation de
la situation poussa la 8ème
Armée à faire évacuer
la division par mer. L’opération débuta dans la nuit
du 16 août pour se terminer à 7h00. Neuf mille soldats, 1
200 policiers rattachés et mille travailleurs, tous avec armes
et bagages parvinrent à s’embarquer sous le couvert de la
nuit et des tirs de l’artillerie navale. Les LSTs furent escortés
jusqu’à Kuryongp’o-Ni où ils arrivèrent
à 10h30. Les hommes débarquèrent immédiatement.
Le lendemain, ils devaient relever certains éléments de
la Division de la Capitale au sud de P'ohang-Dong et participer à
un assaut coordonné vers le nord. 6- L’APC est repoussée
Le 14 août, sur ordre de la 8ème Armée, la Division de la Capitale se déplaça d’environ 40km, des environs d’Andong au secteur d’Angang-Ni/Kigye, où elle se mit en ligne à l’est de la 8ème DI. Le 1er Corps d’Armée de l’ARC établit son PC à Yongchon. Les combats autour de P'ohang-Dong
entre Nord et Sud-Coréens furent d’une incroyable férocité.
Les 2 camps subirent d’énormes pertes. L’ARC repartit
à l’assaut dès le 13 août quand le 17ème
RI, à nouveau sous contrôle
de la Division de la Capitale partit à l’assaut des collines
au nord de la ville, soutenu par l’artillerie US et les blindés
de la TF Bradley. Au soir du 17 août le
766ème
régiment indépendant était menacé d’encerclement
ce qui le poussa à se retirer dans les montagnes au nord de Kigye.
En permanence attaquée par l’ARC et soumise aux tirs intensifs
de l’artillerie navale et de l’Air Force, la 12ème
DI commença à se
retirer des collines du nord de P'ohang-Dong. A 20h00 elle ordonna à
toutes ses unités de se retirer vers Topyong-Ni via Kigye. Cette
retraite lui coûta de nouveau de nombreuses pertes. Le lendemain
elle reçut l’ordre de se rassembler à Pihak-San pour
être réorganisée. Le 19 août, la Division de la Capitale se trouvait à près de 4km au nord de Kigye. La 3ème DI entra dans P'ohang-Dong et la TF Min (en provenance de Masan) se trouvait à 2km au nord de la ville. Le lendemain la 3ème DI se trouvait à 9km au nord pendant que la Division de la Capitale continuait d’avancer au nord de Kigye. Ce jour la 8ème Armée dissolut les TF Bradley et P'ohang. Le 3/9ème RI US, renforcé, prit en charge la sécurité de Yonil. La TF Min fut déplacée à l’ouest, entre la 1ère et la 6ème DI de l’ARC. Un communiqué de l’Armée de la République de Corée daté du 22 août proclama qu’à compter du 17 août 3800 Nord-Coréens avaient été tués et 181 faits prisonniers. Il comptabilisait aussi la capture de 20 pièces d’artillerie, 11 mortiers légers, 21 mortiers de 81mm, 160 mitrailleuses, 557 fusils M1 US et 381 fusils japonais. Depuis la fin juillet, la plus grande partie de la 12ème DI était en effet équipée de fusils et carabines américains. Les munitions étaient disponibles, mais pas toujours sur le front. C’est lorsque ces armes de prises furent considérées comme suffisantes qu’elles remplacèrent les fusils japonais qui équipaient jusqu’alors les soldats. Un des facteurs non négligeables expliquant l’échec de la 12ème DI fut l’état d’épuisement dans lequel elle se trouvait après sa traversée des montagnes au sud d’Andong. Le manque d’artillerie et de ravitaillement en nourriture ne sont pas non plus étrangers à cette défaite. Un officier capturé affirma qu’après le 12 août la division n’avait plus reçu aucune ration de nourriture. Ce n’est que ce que les soldats pouvaient piller la nuit dans les villages qui leur permit de calmer leurs estomacs affamés. Toujours d’après ces officiers, ses hommes étaient tellement épuisés qu’ils n’était plus d’aucune valeur combattante. Selon un sergent du 2ème bataillon, seuls 20 hommes sur les 630 de l’effectif initial du bataillon étaient toujours vivants le 18 août. Plus de munitions n’arrivaient en provenance de l’arrière. Lorsque la 12ème DI atteignit P'ohang-Dong, elle était à l’extrême limite de ses forces. Le système logistique nord-coréen ne pouvait tout simplement plus ravitailler ses troupes dans ce secteur.
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