1-
Les prémices d’une nouvelle forme de guerre
Au cours de l’année 1949 le conflit indochinois s’intègre
de plus en plus dans un contexte de guerre froide.
La victoire communiste en Chine ouvre au Viet Minh de nouveaux sanctuaires
pour développer ses forces ainsi que de nouvelles sources d’approvisionnement
en armes, vivres et munitions nécessaires à la conduite
d’opérations de grande envergure.
Le déclenchement de la guerre de Corée en juin 1950 achève
d’impliquer la France, partie pour une campagne de reconquête
coloniale, dans un contexte global de lutte contre le communisme où
ses "alliés", Etats-Unis en tête, ne partagent
pas les mêmes desseins.
Les postes qui parsèment les 116 Km de la Route Coloniale N°
4 (RC4) sont isolés et vulnérables comme l’a montrée
l’attaque de Phu Tong Hoa sur la RC3 en juillet de l’année
précédente.
Les convois de ravitaillement du Train y paient un lourd tribut à
coup de pièges et d’embuscades surtout dans les derniers
Km de route encaissée entre des massifs calcaires recouverts
de jungle qui mène jusqu’à Cao Bang. Pour l’heure
la forteresse bétonnée protégée par la Légion
semble imprenable pour le Viet Minh.
Le 30 juin 1949, après le départ du général
Revers, le nouveau commandant en chef, le général Blaizot
décide que Cao Bang et Dong Khé devront être évacuées
avant le 10 octobre.
Son successeur, le général Carpentier, arrivé en
septembre, maintient au contraire les garnisons, poussé en cela
par le général Alessandri.
Les mois qui suivent sont plutôt calmes (l’ennemi prépare
ses grandes unités), le corps expéditionnaire voit ses
effectifs augmenter et les premiers matériels américains
débarquent. L’état-major s‘enferme dans une
comparaison de "statistiques" (pertes ennemies, tonnages d’armement
saisi/détruit) quand Giap tire les leçons pratiques de
ce qu’il a appris sur le terrain.
Le 25 mai 1950, contre toute attente, le Viet Minh s’empare de
Dong Khé que Carpentier fait immédiatement reprendre par
le 3ème BCCP (Bataillon Colonial de Commandos Parachutistes).
Giap a cependant prouvé la capacité de son armée
à s’emparer des postes de la RC4.
L’évacuation de Cao Bang est décidée fin
août après de nombreuses tergiversations pour ménager
les susceptibilités, dont celle d’Alessandri qui s’oppose
farouchement au projet, perdant ainsi un temps précieux.
Mais par un hasard du calendrier l’ennemi prend les Français
de vitesse en s’attaquant à nouveau au poste de Dong Khé.
2- La chute de Dong Khé
Depuis juillet, Dong Khé est coupée du monde, ravitaillée
par avion comme Cao Bang.
La RC4, "la route de la mort", est devenue par trop dangereuse.
Le 12 septembre, 2 compagnies à effectif réduit, les 5
et 6ème du 2/3 REI (Régiment Etranger d’Infanterie)
relèvent le 8ème RTM (Régiment de Tirailleurs Marocains)
en poste jusque là.
Le 16 septembre, les 200 légionnaires, soutenus par un canon
de 57 et un de 105 sont attaqués par plusieurs bataillons d’infanterie
Viets, soutenus par des armes lourdes.
Malgré les tentatives d’écrasement de l’artillerie
ennemie par le passage de King Cobras de l’Armée de l’Air,
les fortifications sont durement touchées. Un premier poste avancé
est pris en fin de matinée. Toute la journée le 105 pilonne
les bo doïs mais à la nuit tombée les munitions commencent
à manquer. Les obus ennemis, eux, matraquent la place jusqu’à
4h du matin, avant que les fantassins ne montent à l’assaut.
Vague après vague ils déferlent sur les légionnaires
qui les repoussent à la grenade, au corps à corps.
Les blockhaus changent plusieurs fois de main pendant la nuit.
Au matin du 17 un message radio apprend que la garnison a 40 tués,
80 blessés.
A 9h le 105 ne tire plus, faute de servants.
Une contre-attaque des légionnaires cause des pertes terribles
à l’ennemi mais n’aboutit pas à une percée.
Le poste Sud est pris.
La citadelle est prise d’assaut par les Viets qui sont refoulés.
A partir de 18h30, cinq pièces d’artillerie prennent la
citadelle sous leur feu pour une nouvelle nuit de cauchemar. Les munitions
s’épuisent.
A 5h45 une nouvelle offensive des bo doïs fait tomber le bloc Sud-Est
qui est repris dans la foulée puis perdu de nouveau. Les 20 derniers
officiers et légionnaires valides se répartissent les
300 cartouches restantes…
A 6h30 le 18 septembre Dong Khé cesse d’être française.
Elle ne le sera jamais plus.
Seuls 9 légionnaires parviendront à rejoindre That Khé
5 jours plus tard, suivis quelques temps après par un sergent
et 2 caporaux évadés.
3- Les colonnes Charton et Lepage
Malgré la chute de Dong Khé, Alessandri fait part à
un lieutenant-colonel Charton furieux, car il n’en voit pas la
nécessité, du maintien de l’opération de
dégagement de Cao Bang.
Charton est le " patron" de la forteresse, une légende
vivante de la Légion.
La garnison se compose du 3/3 REI (600 hommes) du commandant Forget,
de 600 goumiers du 3ème Tabor, d’une section du génie,
d’une section d’artillerie et d’un bataillon de partisans.
Ce sont donc 1 600 hommes, ralentis par leurs véhicules peu adaptés
à l’état exécrable de la RC4 et 600 civils
inquiets de l’arrivée du Viet Minh qui quittent Cao Bang
dans la nuit du 2 au 3 octobre, après avoir détruit 150
tonnes de munitions et les fortifications de la place.
La jonction avec la colonne de soutien doit se faire au Km 22, à
Nam Nang.
La colonne de soutien est désignée "Groupement Bayard
", commandé par le lieutenant-colonel Lepage.
Il est artilleur, donc pas nécessairement le choix le plus évident
pour une opération de ce type.
Pour commencer l’état-major ne confie pas à Lepage
la totalité de ses objectifs.
Pour l’heure il doit reprendre Dong Khé en partant de That
Khé avec à sa disposition les 1er et 11ème Tabors
et un bataillon
de marche du 8ème RTM.
La colonne quitte Langson le 16 septembre, rejointe par le 1er BEP du
capitaine Segrétain parachuté les 17 et 18 septembre à
That Khé.
L’ignorance dans laquelle est tenue Lepage quant à l’objectif
final de sa mission ne va pas le pousser à utiliser au mieux
les moyens opérationnels dont il dispose et conduire le groupement
Bayard vers un désastre.
4-Echec devant Dong Khé
Le 1er octobre le groupement approche de la cuvette et s’empare
de la plaine de Na Pa.
Le peloton d’élèves gradés du BEP, mené
par le lieutenant Faulques, part en reconnaissance et est accueilli
par un tir nourri de mitrailleuses et de mortiers.
Bien que surpris le peloton se ressaisit rapidement.
Segrétain pense pouvoir l’emporter rapidement mais Lepage
décide de jouer la prudence et repousse l’assaut au lendemain
après avoir demandé des renforts en aviation et en artillerie.
Faulques a déjà perdu 30 hommes.
Le lendemain à l’aube, les différents éléments
du groupement Bayard tentent une attaque en tenaille pour prendre les
hauteurs.
Malgré quelques progrès coûteux l’opération
se révèle être un échec.
De plus, si la chasse a dû interrompre ses interventions du fait
de la couverture nuageuse les avions d’observation ont quant à
eux repéré des colonnes de renfort ennemi en provenance
de l’Est et du Sud.
Décontenancé par la tournure qu’ont pris les évènements
Lepage est enfin mis au courant de la finalité de sa mission
(rejoindre Charton à Nam Nang) par un message parachuté
daté du 29 septembre.
La résistance de Dong Khé la rend alors parfaitement inapplicable.
Lepage décide alors de contourner la ville par l’Ouest
en empruntant l’ancienne piste de Quang Liet, une vague trouée
difficilement identifiable dans la jungle.
Il laisse le 1er BEP et le 11ème Tabor au sud de Dong Khé
pour fixer l’ennemi.
Bien que d’une logique imparable ce plan est dès sa conception
voué à l’échec du fait de l’incroyable
supériorité numérique dont disposent les régiments
de Giap.
Les 20 000 bo doïs, répartis dans les régiments 36,
88, 99, 165, 174, 175, 209, 246 et au sein de la fameuse brigade d’élite
308, disposent pour la 1ère fois de moyens radios et de bataillons
complets d’arme lourde, alliés à la connaissance
et à la maîtrise du terrain.
C’est une gigantesque embuscade qu’ils préparent
aux 3 500 hommes du groupement Bayard dont les hésitations et
la dispersion ne vont faire qu’aggraver les conditions du piège.
5- Le 1er BEP dans la tourmente
En fin d’après-midi le gros de la colonne (environ 2 000
hommes) se prépare à traverser les 8 Km de terrain hostile
à tout point de vue qui devraient lui permettre de rejoindre
l’ancienne piste.
A 17h30 la Cie Feuillet du 8ème RTM est purement et simplement
balayée par une attaque en force alors qu’elle s’apprêtait
à quitter la RC4.
A 21h, le 11ème Tabor du commandant Delcros est violemment chassé
de sa position de Na Keo malgré les lourdes pertes qu’il
inflige aux bo doïs. Segrétain comprend que l’ennemi
va se contenter de le fixer à Na Pa et lancer le gros de ses
troupes à l’assaut de Lepage.
Avec ses 500 à 600 bérets verts (sur un effectif initial
de 800) et le renfort d’une compagnie de tabors rescapés
il lance à 22h l’assaut à 1 contre 20 au milieu
des broussailles et des rochers de Na Keo. Les paras et les marocains
parviennent à s’accrocher à mi-pente malgré
des trouées terribles dans leurs rangs sans pouvoir réellement
se fixer. Segrétain parvient à contacter Lepage par radio
et lui annonce qu’il va décrocher à l’aube
ce que Lepage refuse.
Après de longues et houleuses palabres Lepage cède et
finit par autoriser le patron du BEP à le rejoindre. Celui-ci
refuse car il tient à évacuer la centaine de blessés
qui sont avec lui par les goumiers encore valides par le col de Luong
Phaï, plus au sud. La colonne tombe dans une embuscade avant même
d’avoir atteint la route.
Les brancardiers sont abattus avec leurs blessés.
Les survivants refluent sur le BEP qui fonce droite devant lui, laissant
sur place une nouvelle trentaine de blessés.
Le 3 octobre en fin de journée les 400 survivants du BEP et quelques
goumiers, sans vivres, sans eau et sans sommeil depuis 2 jours atteignent
la côte 765 à 2 Km au Sud-Ouest de Dong Khé.
A 17h un nouveau contact radio est établi avec Lepage qui leur
ordonne de les rejoindre à Coc Xa, 2 cavités naturelles
reliées par un étroit tunnel, seul endroit qu’il
estime défendable en attendant l’arrivée de Charton.
Car à cette heure c’est Lepage et sa colonne de secours
qui attendent d’être secourus !
Jusqu’au crépuscule les hommes du BEP cherchent à
tâtons un chemin qui pourrait les mener à Coc Xa. Ils s’arrêtent
au bord d’une falaise abrupte et impraticable au sommet de laquelle
Segrétain a un violent échange radio avec Lepage qui veut
voir les paras dans la cuvette dans la nuit. Segrétain refuse
et coupe le contact.
A l’aube du 4, Faulques trouve une étroite crevasse qui
descend vers la vallée. Deux heures plus tard le restant du BEP
s’installe sur la côte 477 et attend. Les Viet-Minhs aussi
attendent… La colonne Charton.
6- La difficile progression de la colonne Charton
De son côté Charton est parti comme prévu.
La 1ère journée se passe sans incident ; au crépuscule
la colonne a parcouru 16 Km et s’étire sur trois Km.
Personne à l’état-major ne songe à avertir
Charton de la déroute subie par le groupement Bayard et de la
possibilité qu’il a, les renseignements l’affirment,
de prendre de vitesse les Viets qui n’occupent pas encore la portion
de route entre Cao Bang et Dong Khé.
Le 4 au matin le haut-commandement lui donne l’ordre de se porter
à la rencontre de "Bayard" par la piste de Quang Liet.
Charton détruit ses véhicules, ce qui le ralentit d’autant
et met plusieurs heures pour trouver l’entrée de la piste,
depuis longtemps abandonnée.
La progression s’avère par la suite dramatiquement lente
car il faut ouvrir la route au coupe-coupe. Le 3/3 REI est quasiment
immédiatement accroché par l’ennemi et Charton doit
déborder par les crêtes pour pouvoir poursuivre sa marche.
Dans la nuit du 4 au 5 un contact radio direct enfin établi avec
Lepage lui fait prendre conscience de la gravité de la situation.
Rendez-vous est pris à l’aube du 6.
La journée du 5 est plus une lutte contre la nature que contre
l’ennemi.
La colonne ne progresse que de 5 Km.
Le lendemain, dans une pagaille de plus en plus indescriptible elle
n’en parcourt que 6, le REI n’atteignant la côte 590
qu’au prix de durs combats d’arrière-garde.
Lepage prend le commandement des 2 colonnes dans l’après-midi
du 6 et ordonne à Charton de l’attendre alors même
que celui-ci pense pouvoir faire la jonction avec les nouveaux renforts
en provenance de That Khé.
Quinze bataillons (entre 20 et 30 000 hommes) encerclent alors les 2
groupements.
.
7- Sortie de Coc Xa : Le sacrifice du 1er BEP
Dans la nuit de 4 au 5 Lepage ordonne à Segrétain de quitter
la côte 477 pour le rejoindre dans la vallée. Les légionnaires
doivent descendre une pente abrupte déjà périlleuse
de jour. Dans l’obscurité, une dizaine d’entre eux
se tuent en tombant dans le vide. A l’aube, lorsque le BEP rejoint
Lepage, il lui reste un peu plus de 300 survivants.
La journée du 5 est passée à la vaine recherche
de la situation de l’ennemi et du débouché qui pourrait
permettre une sortie en force pour faire la jonction avec Charton. Idem
le lendemain. Lepage voudrait attendre le 7 pour pouvoir tenter une
sortie en profitant d’une couverture aérienne mais à
22h45 il reçoit de Langson un message lapidaire : "Décrochez
cette nuit ou jamais".
Une nouvelle fois le chef du groupement Bayard place tous ses espoirs
dans le BEP en lui demandant d’ouvrir la voie.
A 3h du matin c’est contre un mur de feu que s’élancent
les paras, pour une mission suicide. Chaque pierre, chaque arbre, chaque
trou semble cacher un bo doï. A court de munitions les bérets
verts lancent leurs dernières grenades, chargent à la
baïonnette, au couteau. "Chaque mètre nous coûta
un homme" dira plus tard le capitaine Jeanpierre. Quatre fois touché
le lieutenant Faulques s’écroule.
Laissé pour mort il recevra les premiers soins par l’ennemi
qui le rendra une dizaine de jour plus tard. Au bout de quelques minutes
il ne reste qu’une centaine de paras encore debout. Terrorisés,
les goumiers s’élancent à leur tour et finissent
par percer.
La cuvette de Coc Xa se vide sans la moindre cohésion.
Il ne reste au groupement Bayard que 560 hommes.
8- La fin des colonnes Charton et Lepage
Sur les crêtes, Charton comprend que la tentative de décrochage
se passe mal. C’est à 6h que l’attaque à laquelle
il s’attend débute par un pilonnage au mortier.
Autour de la côte 477 le 3ème Tabor est violemment pris
à partie et chassé de ses positions vers 7h malgré
une résistance acharnée.
Le 3ème REI contre-attaque immédiatement et reprend un
des pitons avant de rester accroché devant un second sans cesse
renforcé par de nouvelles troupes ennemies.
En pointe avec ses hommes le commandant Forget est touché à
la cuisse, au bassin, à la poitrine et à la tête.
Ses derniers mots avant de mourir seront " Je meurs fier de mon
bataillon".
Après 2 tentatives de percée infructueuses par l’Ouest
la colonne Charton entre en contact avec les rescapés du groupement
Bayard provoquant un désordre général. La mêlée
est indescriptible.
Lepage et les officiers survivants tentent de reprendre le contrôle
de leurs hommes quand la côte 477 est finalement prise. Ne supportant
plus l’inactivité née du chaos ambiant Charton entraîne
avec lui une poignée d’hommes et d’officiers pour
la reprendre. Blessé à plusieurs reprises il est capturé
par l’ennemi.
Pour le reste des 2 colonnes toute résistance organisée
est désormais impossible. Lepage et ses officiers optent pour
une percée par petits groupes.
A 19h le BEP tente sa chance. Il est pris en embuscade vers 4h du matin.
Grièvement blessé, Segrétain ordonne à ses
hommes de l’abandonner. Il mourra peu après.
A 8h du matin Lepage est à son tour pris en embuscade et capturé.
Les lieutenants-colonels Charton et Lepage partent en captivité.
Ils seront libérés en septembre 1954.
9- Panique à That Khé
Ce même jour avant l’aube le groupement Cazaux du nom du
capitaine commandant le 3e BCCP renforcé par la compagnie de
marche du 1er BEP du lieutenant Loth décolle de Bach Maï
pour être largué à That Khé. L’état-major
s’est enfin décidé à envoyer des renforts.
Sur la côte 608, à 10 Km au nord de That Khé le
groupement du capitaine Labeaume (2 compagnies du REI, 2 goums du 2ème
Tabor) attend les survivants.
Après avoir recueilli entre 400 et 500 hommes il reçoit
à sa grande surprise l’ordre de décrocher.
Il ne peut cependant faire la jonction avec Cazaux, accroché
par l’ennemi qui a aussi envahi la vallée. Il passe par
le Sud dont les pitons 330 et 334 sont tenus par un régiment
Viet fraîchement arrivé de Polein.
Cazaux aussi reçoit l’ordre de décrocher.
L’opération de sauvetage est considérée terminée.
Il faut désormais tenir la cuvette de That Khé pour protéger
l’évacuation de la ville.
Le groupement Labeaume rejoint That Khé après avoir été
accroché à Pac Ko le 10 octobre vers 16h, le même
jour que Jeanpierre et les survivants du BEP.
Ils ne sont que 23.
La ville doit être évacuée de nuit, discrètement.
Ce sont par conséquent des tonnes de munitions et des milliers
d’armes, qui tomberont aux mains des Viets.
Labeaume part en tête, vers 21h. L’obstacle principal est
le franchissement du fleuve Song Ky Cong dont la traversée va
s’effectuer dans la plus grande désorganisation. Le groupement
Cazaux, qui est resté en arrière-garde finit la traversée
sous le feu ennemi vers 6h du matin.
10- Le 3ème GCCP n’existe plus
Sur la route qui mène à Langson seuls les légionnaires
gardent un profil de soldats. Les postes secondaires se vident de leurs
garnisons au passage de cette nouvelle colonne, parfois précipitamment
de peur d’être oubliées.
Cette précipitation va, dans le cas des postes 41 et 41 Ouest
être fatale au groupement Cazaux.
Dès l’évacuation des 2 positions l’ennemi
installe ses batteries. Il peut encore couper la colonne en 2. La coupure
se fera au niveau de la compagnie Loth, durement pilonnée. Les
hommes quittent la route et s’enfoncent dans la jungle où
ils tournent en rond, sous le crachin et dans le brouillard, cernés
par l’ennemi.
Ils passeront ainsi 2 jours de cauchemar avant d’être mis
en pièces sous un déluge d’artillerie et d’armes
automatiques dans la soirée du 13. Ce qui reste du GCCP se scinde
en petits groupes qui seront massacrés les uns après les
autres. Cazaux est capturé. Il mourra d’épuisement
au camp de prisonniers N°1 un an plus tard, après une tentative
d’évasion.
Sur les 257 hommes du GCCP, 243 sont portés tués ou disparus.
Sur les 130 du BEP, compagnie Loth, une douzaine seulement en réchappera.
La 2e compagnie du 1/5 REI du capitaine Mattéi tient encore Na
Cham et le minuscule poste de Bo Cuong qui contrôle le col de
Lung Phaï.
Dans la nuit du 6 octobre, assailli et submergé par les Viets,
le lieutenant Jaluzot tente de tenir sa position avec ses 12 légionnaires
et ses 15 partisans.
En désespoir de cause Mattéi fait tirer sur Bo Cuong dont
il croit à la solidité (il a jusque-là résisté
aux mortiers ennemis). Choqués ou légèrement blessés,
tous les hommes de Jaluzot s’en sortiront. Mattéi fait
hisser ses pièces d’artillerie disponibles dans les falaises
et tient Na Cham pendant plusieurs jours (jusqu’au 15), recueillant
les derniers survivants du drame.
Alors qu’aucune menace réelle n’est constatée
Langson est évacuée en catastrophe le 18 octobre, le 2/5
REI en arrière garde. Le 20, sans avoir rencontré le moindre
ennemi, la garnison atteint Phu Lang Thuong, suivie une nouvelle fois
par les postes secondaires.
En quelques jours le corps expéditionnaire a perdu près
de 5 000 hommes, 2 000 blessés, 13 canons, 125 mortiers, 450
véhicules, 940 mitrailleuses, 1200 fusils-mitrailleurs, 8 500
fusils.
A Paris c’est la consternation. La France peut être vaincue.
En quelques jours le haut-commandement français et l’opinion
publique ont appris que c’est une véritable guerre qui
a désormais lieu en Indochine.
C’est par l’arrivée du général de Lattre
de Tassigny le 17 décembre que le corps expéditionnaire
va reprendre confiance en lui et qu’une véritable stratégie
va être mise en place.