Depuis
plusieurs années, le Sri Lanka est aux prises avec un conflit
sanglant opposant le gouvernement de la majorité cinghalaise
bouddhiste, environ 70% de la population, et la minorité tamoule
hindoue qui regroupe environ 15% de la population de l’île.
Ce conflit oppose l’armée à une guérilla
nommée LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam). Cette dernière,
a comme objectif premier l’indépendance nationale des Tamouls
dans la création d’un état indépendant dans
la partie nord-est du Sri Lanka.
Ce conflit, qui repose sur des bases nationalistes, une idéologie
commune à plusieurs guérilla du XXème siècle,
perdure depuis déjà 22 ans. En effet, depuis leurs premières
actions contre la police et l’armée, le LTTE est devenu
une organisation puissante qui a toujours tenu le gouvernement de l’île
sur leurs talons et même a créé un contre-état
fantôme dans le nord-est de l’île. Aussi le LTTE n’est
pas une guérilla comme les autres elle a une forme un peu différente
des guérillas classiques.
Sri Lanka véritable mosaïque culturelle :
Premièrement, le Sri Lanka est une véritable mosaïque
ethnique et religieuse. Lorsque les Portugais arrivent en 1505, ils
introduisent avec eux le catholicisme dans l’île qu’ils
nomment Ceylan.
En 1538 les Hollandais s’emparent de l’île et y introduisent
le calvinisme et ensuite les Anglais s’en emparent à leur
tour en 1797, Ceylan devenant officiellement une colonie anglaise en
1802.
En plus des 73% de Cinghalais en majorité bouddhiste et des 18%
de Tamouls en majorité hindous, il y a 5% de Cinghalais et de
Tamouls qui sont de confession chrétienne. Vient se rajouter
à cela 7% de Moors, descendants de marins musulmans arabes arrivés
entre le VIIIème et le Xème siècle et de Tamouls
islamisés. Cette minorité parle un tamoul arabisé.
Finalement il y 1% de la population qui fait partie de la minorité
Burghers, métis descendants des européens et les Veddas,
aborigènes du Sri Lanka.
Les origines du conflit :
Tout d’abord, Ceylan devient indépendante en 1948, après
150 ans de présence britannique qui laisse à Ceylan un
régime parlementaire laïque dominé par deux partis,
l’UNP et le SLFP composés en majorité de Cinghalais.
Les Cinghalais bouddhistes, se sentent minoritaires car ils sont entourés
d’hindous d’abord, les Tamouls du Sri Lanka, et ils s’inquiètent
de la proximité de l’Inde qui n’est séparée
que par la trentaine de kilomètres du détroit de Palk.
Les Cinghalais prennent donc des mesures chauvines et votent au parlement
dès 1948 une première constitution qui fait du cinghalais
la langue officielle du pays. Au fil des ans les Cinghalais opèrent
une "détamoulisation" de la fonction publique qui par
exemple, fait passer le pourcentage de Tamouls dans l’armée
de 40% en 1956 à 1% en 1970. En même temps les Cinghalais
s’approprient les postes importants de la société.
En 1972 une nouvelle constitution fait de l’État le promoteur
et le protecteur du bouddhisme. L’État maintient les zones
tamoules dans le sous-développement économique et va même
jusqu’à implanter des colons en zones traditionnellement
tamoules.
L’apparition des Tigres :
Nécessairement, les mesures adoptées par les Cinghalais
bouddhistes aux dépens de la minorité tamoule a entraîné
une radicalisation de celle-ci et dès le début des années
70 certains représentants et intellectuels commencèrent
à promouvoir des idées indépendantistes et rapidement
les vieux partis autonomistes plus modérés disparurent
pour faire place aux partis plus radicaux. Toutefois, très rapidement,
d’autres organisations apparurent avec l’idée d’une
indépendance faite par les armes. C’est ainsi qu’apparut
en 1972 une organisation connue sous le nom de TNT (Tamil New Tigers)
fondée par un jeune fils de pêcheur âgé de
18 ans nommé Velupillai Prabhakaran.
Ce dernier deviendra en 1983 chef suprême du LTTE ou Tigres Libérateurs
de l’Eelam Tamoul, nouvelle appellation du TNT depuis 1976. Cette
organisation qui, à la base suivait la doctrine marxiste, a rapidement
changé pour adopter une idéologie beaucoup plus nationaliste
et a comme principal objectif la formation d’un état indépendant
Tamoul dans la parti nord-est de l’île.
Prabhkaran est un leader qui a instauré une structure rigide
et totalitaire au mouvement "selon le schéma marxiste-léniniste
classique avec au sommet un comité central et un "politburo"
et à la base des comités populaires encadrés par
des commissaires politiques chargés de la propagande”.
Le LTTE fut la première organisation à dénoncer
les partis politiques tamouls modérés et à revendiquer
l’action radicale armée dans le but d’obtenir l’indépendance
mais elle fut rapidement suivie par d’autres organisations comme
le TELO, le PLOTE, l’EPRLF et l’EROS pour la plupart tous
des mouvements marxistes et souvent fondés par des anciens Tigres
ayant quitté le mouvement en désaccord avec les politiques
appliquées.
Le LTTE fait son premier gros coup en 1983 en tuant une douzaine de
soldats de l’armée lors d’une embuscade et c’est
à partir de ce moment là que la guerre civile éclata
pour de bon dans l’île. Rapidement, les Tigres vont gagner
une réputation d’invincibilité militaire et réussiront
à contrôler tout le nord-est de l’île. Grâce
à leur armement puissant il mène deux guerres. La première
dans le nord où la population est à 95% tamoule, est une
véritable guerre de position classique avec artillerie, blindés
et même des combats en mer, car les Tigres disposent d’une
flotte importante d’embarcations rapides. La deuxième guerre,
est menée dans la jungle de l’est où ils mènent
une guerre de guérilla classique de harcèlement et de
“coup de main”.
Le LTTE a pu maintenir sa puissance militaire pendant toutes ces années
grâce à des alliés pro-révolutionnaire comme
la Libye, la Corée du Nord et aussi l’aide des Palestiniens.
Aussi grâce à la proximité de l’Inde, plus
particulièrement l’État de Tamil Nadu où
ils peuvent se replier en cas de besoin et obtenir de l’aide des
autorités locales et enfin le LTTE comme les autres guérillas
tamouls ont pu se financer par des activités criminelles comme
le trafic de drogue.
Déclin du LTTE :
Après s’être gagnés la réputation d’invincibilité
pendant les années 80, les Tigres réussissant à
détruire les guérillas concurrentes et à repousser
l’Armée Indienne de maintien de la paix (IPKF) de 1987
à 1990 suite à un accord Indo-Sri-Lankais, le LTTE a commencé
à perdre de son prestige au début des années 90,
les dissidences dans le mouvement commençant à se faire
sentir et la perte de l’appui du Tamil Nadu après l’accord
Indo-Sri-Lankais, ainsi qu’une meilleure stratégie de l’armée
Sri-Lankaise ont été des coups dur pour les Tigres.
Aussi, le LTTE a perdu l’opinion internationale qui lui était
favorable à la suite d’un début de nettoyage ethnique.
Aussi, les attentats suicides commis par les Black Tigers, constitués
en majorité de jeunes filles pour des raisons de détection,
et l’utilisation d’escadrons d’enfants pour lutter
contre l’armée n’ont pas aidé la cause des
Tigres.
Il y a eu aussi plusieurs purges effectués à l’intérieur
du LTTE.
En conclusion, les Tigres Tamouls malgré leurs excès ne
sont pas très différents des autres guérillas du
XXème siècle.
En effet, comme pour Cuba, les Tigres se battent pour leur indépendance
nationale, pour leur culture, et par leur idéologie marxisante,
pour une société égalitaire, et il semble, grâce
à leur réseau international de financement, qu’ils
réussiront peut-être un jour à atteindre leurs objectifs.
C’est certainement à espérer qu’au moins la
situation finisse par se régler car tant du côté
Cinghalais que du côté Tamoul cette guerre a fait des milliers
de victimes.
Olivier Saindon : Le passé composé
Selon les statistiques officielles du gouvernement sri-lankais, quelques
20 000 rebelles tamouls auraient été tués en 15
ans de conflit (depuis 1985) entre la guérilla des Tigres de
libération de l’Eelam tamoul (LTTE) et les troupes gouvernementales;
pour leur part, les rebelles ont fait état de 16 000 morts.
Depuis 1995, plus d’un demi-million de Tamouls de Jaffna (ville
du Nord) sont sur les routes de l’exode: habitations détruites
à 80 % dans la ville même de Jaffna, pénuries de
vivres, d’électricité et de médicaments,
massacres, viols, enlèvements, torture, destructions, etc.
Certains parlent de "génocide" et d’"épuration
ethnique" menés par les forces cinghalaises à l’encontre
du peuple tamoul. La région demeure complètement fermée
au reste du monde.
En décembre 2000, la présidente du Sri Lanka (Chandrika
Kumaratunga) déclarait :
"Je n’arrive toujours pas à comprendre comment une
société civilisée comme la nôtre a pu devenir
si animale, si bestiale".