I)
HISTORIQUE
L’utilisation
du terme "guerre des mines" fait référence à
une guerre de positions et/ou de siège.
Les premières traces remontent à l’antiquité
où cette technique était utilisée pour faire exploser
les murailles des places fortes afin de pouvoir les occuper après
un assaut de l’infanterie. Cependant la guerre des mines obtient
vraiment son nom avec l’utilisation pour la 1ère fois de
la poudre en 1503 lors du siège de Naples contre les Français.
De tout temps, aux mines offensives
se sont opposées les mines défensives chargées
de faire échouer l’attaque ennemie. D’après
Jules César, les Gaulois, du fait de leur expérience dans
les mines de fer, étaient très compétents dans
cette technique.
Ce type de combat permettait souvent aux assiégés de résister
une longue période, voire de chasser l’assiégeant
qui, après de nombreuses tentatives, n’avait essuyé
que des échecs.
A partir de Vauban, qui étudia la question de la guerre des mines
et des moyens de défenses, toutes les places fortes étaient
entourées de murailles défensives résistantes à
l’artillerie (fort peu puissante à l’époque)
et d’un réseau souterrain de galeries.
A la Révolution la guerre de mouvements redevient la norme et
il faudra attendre Napoléon et ses campagnes pour la voir réutilisée.
Citons comme autres exemples la bataille de Sébastopol (1855)
et la prise de Port Arthur par les japonais en 1905.
A la déclaration de guerre en 1914 et jusqu’au début
de 1915, la majeure partie des combats fait partie de la guerre "de
mouvements". Ce type de combats va progressivement être remplacé
par une guerre "de positions" féroce où les
gains de terrain sont souvent insignifiants pour des pertes élevées.
La guerre des mines reprend donc ses droits au départ entre Berry-au-Bac
et Bois-le- Prêtre en passant par la zone de Verdun et la célèbre
butte de Vauquois. Ces zones ne concernent que les Français et
les Allemands mais les Britanniques et les Canadiens ne furent pas en
reste dans leur secteur du nord de la France entre St Eloi près
d’Ypres et Carnois près d’Amiens. Certains lieux
ont étés secoués pendant 4 longues années
et certains villages se sont retrouvés définitivement
rayés de la carte et reconstruits plus tard ailleurs….La
guerre de mouvements reprenant, celle des mines cessa en laissant des
marques béantes dans le paysage avec des traces parfois encore
visibles de nos jours…
II)
TECHNIQUES DE LA GUERRE DES MINES
La guerre des mines peut-être qualifiée de science à
part entière. A partir de la fin du 19ème siècle,
elle est codifiée par le "Manuel pour les dispositifs de
mines" de 1880 en passant par les manuels d’Ecole de sape
en 1896 et d’Ecole des mines de 1908 et 1914.
Si une telle importance est consacrée à la réglementation,
c’est qu’elle est considérée comme un atout
majeur dans la rupture de la ligne de front.
Dès octobre 1914, les sapeurs français et les pionniers
allemands vont s’affronter dans une course de vitesse où
le premier qui détruira la ligne adverse obtiendra un plus ou
moins gros avantage en fonction les dégâts occasionnés.
Pour placer le fourneau de mine qui contient la charge explosive, les
sapeurs creusent une demie-galerie à partir de leur 1ère
ligne, ou un peu en retrait, puis, arrivés à quelques
mètres de la tranchée ennemie, la prolongent par un rameau
de combat plus petit où seule une progression accroupie ou couchée
est possible. (Rameau russe non boisé : 1.2*0.8m, hollandais
: 0.65*0.8m, français : 0.65*0.8m, allemand : 1.2*0.8m). Suivant
le type de terrain, les galeries et autres rameaux sont étançonnés
par une armature en bois plus ou moins importante.
Les traditionnelles pelles, pioches et barres à mines sont utilisées
pour les opérations de creusement et la terre est extraite assez
loin de la sortie à dos d’hommes, en brouette ou par chariot
sur rails pour des réseaux de galeries plus complexes. Les galeries
ne dépassent généralement pas 40-45 mètres
à causes des problèmes de ventilation. Cependant dans
certains cas, les galeries pouvaient s’étirer jusqu'à
150 mètres et nécessitaient l’emploi d’une
ventilation artificielle. Les Français utilisaient des appareils
de ventilation bruyants parfois actionnés par des hommes alors
que les Allemands possédaient déjà des appareils
électriques ou à vapeur beaucoup plus silencieux. Les
Allemands étaient d’ailleurs très en avance sur
le matériel utilisé. Ils employaient notamment des lampes
électriques et parfois aussi des appareils de forage électrique
alors que côté français l’utilisation de la
lampe à acétylène restait souveraine.
Tous ces travaux de terrassement rendent les galeries aisément
repérables par l’ennemi qui engage aussitôt une contre
mine ou plus simplement un camouflet suivant le temps disponible. Le
camouflet est destiné à écraser la galerie adverse
et agit très près de celle-ci. Il peut lui-même
faire l’objet d’une galerie mais plus couramment d’un
simple forage à la barre à mine. Sa charge explosive était
dans un premier temps de la poudre noire, poudre qui fut par la suite
remplacée par de faibles quantités d’explosifs brisants
(150 kg dans certains cas). L’explosion de cette charge faisait,
sauf accident, s’effondrer la galerie de l’ennemi qui devait
alors recommencer son travail de sape.
Des soldats nommés « écouteurs » seront spécialement
formés pour détecter les travaux adverses d’abord
avec des moyens rudimentaires comme des planches en bois puis avec des
stéthoscopes… Il faut noter que les accidents sont nombreux
et que les conditions de travail sont très dures du fait de la
nature du terrain, des conditions climatiques et de l’omniprésence
des belligérants aux alentours, ce qui entraîne d’ailleurs
des rencontres souterraines qui se terminent par des combats au pistolet,
à la pioche ou avec toute arme à disposition.
Hormis les contre-mines, cette guerre est toujours complémentaire
d’une action de surface de l’infanterie qui doit profiter
des dégâts provoqués sur la ligne de front par les
explosions d’un nombre plus ou moins conséquents de mines…Mais
si les objectifs fixés ne sont pas remplis ou que l’ennemi
attend cette action un peu en retrait, les conséquences peuvent
être désastreuses pour l’assaillant.
III) LA BUTTE DE VAUQUOIS
Située près de Varennes en Argonne, à 35 Km à
l’ouest de Verdun, la butte de Vauquois, dominant la voie sacrée
ainsi que l’unique voie de chemin de fer ravitaillant la cité
militaire a, dès le début de la guerre, suscité
un intérêt stratégique important pour chacun des
belligérants. Dès leur arrivée dans le secteur
fin septembre 1914, les Allemands en prendront possession après
avoir chassé les Français et la transformeront en observatoire
d’artillerie afin de mieux bombarder les positions adverses.
A partir du 28 octobre, les Français vont lancer une série
d’assauts meurtriers pour reprendre et chasser l’ennemi
de la butte, sans aucun résultat concret. Les Allemands se sont
en effet retranchés dans un solide réseau de tranchées
et de barbelés que l’artillerie française ne parvient
pas à désorganiser avant les différents assauts.
Fin décembre, d’autres offensives sont lancées mais
à l’écart de la butte dans des secteurs qui seront
plus propices aux progrès de l’armée française.
17 février 1915, clairons et chefs de corps en tête, musique
jouant "La marseillaise", la 31ème DI monte à
l’assaut et approche les ruines de l’église. Mais,
les autres unités ne progressent pas aussi bien, les forces françaises
sont accrochées à mi-pente et établissent une nouvelle
tranchée.
A compter de mars 1915, les lignes sont tellement proches (< 3 mètres)
que l’artillerie est totalement inutilisable et tout combat se
déroule directement au corps à corps. Dès lors
le général Durail préconise une progression vers
l’ouest du village mais à la sape ce qui est selon lui,
« la négation du progrès ». Fin mars début
avril, la progression est impossible, le Génie ne parvient plus
à enlever les obstacles La guerre des mines va commencer avec
une profondeur et une puissance croissante jusque fin 1917. Il ne va
maintenant être question que de surenchère entre les 2
ennemis. Plus loin, plus profond, plus puissant. Une mine répond
à une mine, une technique à une autre, toujours plus destructrice.
Une nouvelle arme va faire son apparition durant cette période,
l’ancêtre du lance-flammes, en fait l’inflammation
d’un nuage d’hydrocarbure, que les Allemands utiliseront
mais sans grand succès. Les Français auront recours à
une unité spécialisée des Sapeurs Pompiers de Paris
qui utiliseront une technique similaire mais le vent ayant rabattu le
nuage vers les lignes françaises, la majeure partie des victimes
sera dans le camp français.
On compte entre 519 et 538 explosions de mines sur la butte de Vauquois
qui perdra 18 m de haut durant cette période. Ces explosions
étaient censées entamer le dispositif ennemi, le ralentir
et abaisser son moral. Le 3 mars 1916, les allemands font sauter une
mine de 4.7 tonnes d’explosifs qui crée un entonnoir de
20 m de diamètre. En riposte, le Génie français
fait sauter le 23 mars une mine de 12 tonnes qui cause un entonnoir
de 45 m !.L’escalade de la violence continue, avec l’explosion
d’une mine allemande comprise entre 60 et 80 tonnes le 14 mai
avec pour résultat un cratère de 70m de diamètre
et de 25m de profondeur.
Du fait de la nature du terrain (Gaize (1)), les belligérants
utilisent des rameaux de combats non boisés dit
« russes ».
De nombreuses rencontres eurent lieu se terminant inlassablement par
de féroces combats et plus rarement par des fraternisations auxquelles
les officiers mettront rapidement un terme. Les Allemands étant
en perpétuelle avance technologique, ils disposèrent d’un
matériel bien plus évolué que les Français
et ont même aménagé une véritable caserne
souterraine. La butte était devenue un véritable gruyère.
(Voir coupe).
(1) la Gaize est une roche sédimentaire facile à creuser
mais qui, si elle reste humide, n’a pas besoin d’être
soutenue par des madriers ce qui explique que beaucoup de galeries ne
furent pas étançonnées.
Le paroxysme atteint fin 1917 conduit à de nombreux accidents
qui mèneront le Génie français à étudier
la possibilité de raser le sommet de la butte à l’aide
de 500 tonnes d’explosifs. La remise en cause du principe de la
guerre des mines entraîne le repli des unités spécialisées
des deux camps sur leurs lignes arrières. Seul des dispositifs
d’écoute sont maintenus.
Le 24 septembre 1918, la 35ème ID US engage l’offensive
Meuse-Argonne qui comprend le nettoyage de la butte de Vauquois, ce
qu’elle va faire après un pilonnage intensif en un temps
très court. Cette unité, composée de soldats inexpérimentés,
subira de nombreuses pertes au cours de cette offensive.
Plus
de 10 000 combattants laissèrent leur vie en ce lieu.
IV)
CONCLUSION
En 4 ans de guerre, les mines n’ont pas prouvé leur utilité
dans les guerres modernes, d’un côté comme de l’autre.
Dangereuses à manipuler, nécessitant de grandes quantités
de matériaux et n’occasionnant que peu de gains de terrain
pour beaucoup de dégâts de surface et humains, cette technique
de combat est abandonnée à la fin de la 1ère guerre
mondiale.