1.
Présentation
A.
Rappel de la situation
En
1874 Lord Carnavon, qui avait réussi à mettre en place
l’idée de fédération au Canada, pense qu’il
est possible de réitérer la chose en Afrique du Sud. Sir
Bartle Frere y est alors envoyé en tant que Haut Commissaire
pour assurer cette réalisation. Mais parmi les obstacles à
ce projet se trouvent 2 Etats indépendants : La South African
Republic ou Transvaal Republic et le royaume du Zululand.
Le
roi du Zululand était Cetshwayo, fils de Mpande, lui-même
demi-frère du célèbre Shaka, considéré
comme le père de la nation Zouloue. Ambitieux, il fit croître
son armée et adopta les méthodes de son oncle. Il commença
à équiper ses hommes de fusils. Il chassa les missionnaires
européens de ses terres et on suppose qu’il intrigua auprès
d’autres tribus locales pour les pousser à se rebeller
contre les Boers du Transvaal.
En
1877 Sir Theophilus Shepstone, considéré par Cetshwayo
comme un ami du fait de son soutien lors des innombrables querelles
frontalières avec le Transvaal, finit par annexer ce dernier
et par en devenir administrateur.
Frere
était persuadé qu’il devait réduire les Zoulous
pour accéder au rêve de dominion britannique sur l’Afrique
du Sud.
Le 11 décembre 1878, après plusieurs incidents plus ou
moins provoqués, Frere posa un ultimatum inacceptable à
Cetshwayo : la démobilisation de son armée avant le 31
du même mois. Pas de réponse de la part des Zoulous. Un
délai fut accordé jusqu’au 11 janvier, toujours
sans réponse.
L’Angleterre se considéra alors comme en guerre contre
les Zoulous.
Le
commandant de l’armée britannique dans le secteur, le lieutenant-général
Sir Frederic Thesiger, 2e baron Chelmsford, avait prévu un plan
d’invasion du Zululand dont le but principal était l’occupation
du kraal (camp) royal à Ulundi par 3 axes d’approche. Chelmsford
choisit d’accompagner la colonne centrale qui traversa la rivière
Buffalo, frontière entre le Natal et le Zululand, le 11 janvier
1879 à Rorke’s Drift.
B.
La mission de Rorke’s Drift
Il
n’est pas étonnant qu’un commerçant s’installât
à un endroit aussi bien situé pour faciliter le transport.
C’est ce que fit Jim Rorke. Situé sur une des principales
routes reliant le Natal au Zululand, une bande de grès y garantissait
que le gué soit toujours utilisable, sauf dans le cas des inondations
les plus sévères. Irlandais de naissance, Rorke avait
acheté le terrain dans les années 1840. Il y bâtît
2 bâtiments de pierres au toit de chaume, une maison et un magasin,
ainsi qu’un enclos de pierre ou kraal à environ 800m au
sud-est du gué, côté Natal.
Le
magasin mesurait 6,5 sur 26,5m ; maison 6 sur 20m. Rorke avait apparemment
un sens de l’aménagement particulier, la plupart des pièces
de la maison ouvrant directement sur l’intérieur, sans
portes de communication intérieure, fenêtres ou corridor
central.
Les bâtiments étaient installés sur un plateau d’1,5m
de hauteur, à l’ombre de la colline Shiyane, « le
sourcil » en zoulou dont les pentes commençaient à
350m au sud-est des bâtiments.
Rorke
mourut au début des années 1870 et sa veuve vendit le
domaine à une mission scandinave qui y installa le révérend
Otto Witt, un missionnaire suédois. Witt reconvertit le magasin
en chapelle mais ne fit pas d’autres modifications significatives.
La
distance séparant le mur ouest de la maison au mur est du kraal
était d’une centaine de mètres. Le coin du plateau
où étaient installés les bâtiments tombait
sur un replat rocailleux qui s’étendait sur une dizaine
de mètres en face, soit au nord, et qui courait au-delà
du kraal dont le mur nord était appuyé sur le rebord.
A la base de ce replat se trouvaient de nombreux arbres et broussailles.
La zone comprise entre l’arrière de la mission et la Shiyane
était relativement dégagée, bien qu’on trouvât
une cuisine et quelques fours au sud de la chapelle.
Avant
de traverser la Buffalo, Chelmsford avait fait réquisitionner
la mission et converti la chapelle en entrepôt et la maison en
hôpital de campagne. Il avait aussi fait installer 2 ferries permettant
de traverser la rivière le long de câbles tendus entre
les 2 rives. Il n’avait pas cependant jugé nécessaire
de fortifier l’endroit. Ainsi, aucune tranchée ne fut creusée
et aucun champ de tir dégagé.
C.
La garnison britannique
Le
commandant en chef du poste de Rorke’s Drift était le major
Henry Spalding, un homme du Matériel, qui commandait aussi le
dernier dépôt situé à Helpmakaar, à
13km au sud.
Le
coeur de la garnison était constitué de la Cie B du 2e
bataillon du 24e RI (2e Warwickshires) du lieutenant Gonville Bromhead.
Bromhead était surnommé « Gonny » ou «
Le ballot sourdingue » (en anglais « the deaf duffer »)
par ses hommes qui tendaient à lui reprocher leur situation à
Rorke’s Drift du fait de ses problèmes d’audition.
Le 24e RI étant basé à Brecon, il comportait proportion
de Gallois très importante dans ses rangs. Néanmoins,
on y trouvait aussi des Anglais, des Ecossais et des Irlandais, ce qui
tord le coup à l’un des mythes de la bataille qui veut
que seuls des Gallois aient défendu le poste.
Le
chirurgien James Henry Reynolds était en charge de l’hôpital,
installé dans ce qui avait été la résidence
d’Otto Witt. L’endroit n’était pas des plus
pratiques mais Reynolds faisait avec ce qui lui était proposé.
Les 2 pièces principales avaient été transformées
en salles d’opérations et la véranda en dispensaire.
Ses 36 patients étaient installés dans les 7 chambres
situées à l’ouest et à l’arrière
du bâtiment. Quatre de ses chambres seulement communiquaient avec
l’extérieur et toutes n’avaient pas de fenêtres.
Les patients étaient allongés à même le sol,
sur des matelas de pailles. Seuls 3 patients étaient réellement
blessés, dont un Zoulou capturé, le reste étant
victime de fièvres ou de chutes.
Un
groupe important de soldats (leur nombre exact n’est pas déterminé,
on l’estime entre 200 et 300) du Natal Native Contingent, sous
les ordres du capitaine George Stephenson, traînaient leurs guêtres
dans les parages. Mal entraînés et mal équipés,
si quelques-uns avaient de vieux fusils, la majorité n’avait
à sa disposition que des sagaies.
Un
petit détachement de la 5e Compagnie des Royal Engineers, se
trouvait également présent, dirigé par le lieutenant
John Rouse Merriot Chard. Sa mission consistait principalement à
entretenir ponts et routes en état, l’imposante colonne
de Chelmsford ayant considérablement mis à mal la piste
et ses quelques infrastructures. Il devait aussi installer une redoute
près du gué, dont il avait déjà tracé
les structures sur le sol.
La carte de Chard
2. Matinée du 22 janvier
Alors
que le camp s’éveillait, personne ne s’attendait
à beaucoup d’action pour la journée. Les semaines
précédentes avaient été pour le moins chaotiques
du fait du passage de la colonne centrale de Lord Chelmsford mais elle
avait fini par franchir le gué et s’était dirigée
vers le camp intermédiaire d’Isandlwana.
En dehors d’un flux constant de chariot de retour pour le réapprovisionnement,
les seules troupes à arriver avaient été 150 hommes
du Natal Native Horse, 300 du Natal Native Contingent et une petite
batterie de lance-fusées. Elles étaient sous le commandement
du colonel Durnford et étaient arrivées la veille. Considérées
comme des réserves, elles devaient rejoindre la garnison principale
au camp intermédiaire et avaient bivouaquées sur la rive
zouloue de la rivière Buffalo. Elles étaient reparties
à l’aube.
Le
major Spalding, était inquiet de ne pas voir arriver la relève
qu’il attendait depuis déjà plusieurs jours. Elle
aurait permis et à sa centaine d’hommes de Bromhead de
rejoindre leur unité.
La
veille Chard avait reçu pour consigne d’envoyer son détachement
à Isandlwana, sans qu’il soit clair s’il devait s’y
rendre ou non lui-même. Afin de clarifier la situation, il demanda
à Spalding l’autorisation de s’y rendre pour confirmation,
autorisation qui lui fut accordée.
Avant 9h00, Chard avait quitté les lieux pour Isandlwana, où
la rumeur bruissait quant à la présence de guerriers Zoulous
aux alentours. Trois colonnes avaient été aperçues
à l’Est. L’une d’entre elle se dirigeait vers
l’Ouest, les 2 autres avaient disparu en direction du Nord-Est.
Chard apprit que ses hommes devaient rejoindre la colonne principale
mais que lui-même devait retourner stationner à Rorke’s
Drift.
Sur le chemin du retour il croisa Durnford et lui indiqua la direction
du camp. Il fut de retour avant midi.
Chard informa Spalding de ce qu’il avait appris mais il fut décidé
que rien ne menaçait immédiatement le gué. Spalding
désirait se rendre à Helpmakaar dans l’après-midi
pour voir ce qui retenait la relève tant attendue. Il devait
revenir dans la soirée. Le prochain officier apte à prendre
le commandement de la garnison était Chard.
Juste
après midi, il sembla à d’aucuns que des coups feu
étaient tirés au loin vers l’Est. Cela fut confirmé
peu après par le son caractéristique des canons de campagne
d’une brigade d’artillerie.
3.
Après-midi du 22 janvier
Au
loin, les tirs avaient cessé. Le major Spalding était
parti à Helpmakaar et tout était calme à Rorke’s
Drift. Le lieutenant Chard rejoignit son camp près du gué
et entreprit de s’occuper de sa correspondance. En milieu d’après-midi,
il entendit des cris et vit 2 hommes à cheval apparemment très
agités se jeter à l’eau. Il s’agissait des
lieutenants Vane et Adendorff du Natal Native qui amenaient avec eux
la terrible nouvelle du massacre de la colonne centrale à Isandlwana.
Trois impis (régiments) zoulous s’étaient lancés
à la poursuite des fugitifs jusqu’à quelques kilomètres
en aval du gué. Ils avaient traversé la Buffalo et se
dirigeaient maintenant vers la mission.
Chard
était atterré. Rien n’avait été entrepris
pour fortifier la position. Tenter de la défendre contre une
attaque massive zouloue semblait sans espoir mais une tentative de fuite
aurait sans doute été pire. Le temps d’atteler les
bêtes et de charger les blessés, l’ennemi pouvait
arriver. Et quand bien même, le convoi aurait probablement été
intercepté bien avant d’avoir rejoint Hempelkaar. Il ordonna
à son sergent de récupérer eau et matériel
et de le rejoindre au camp de base.
Lorsqu’il
arriva, il vit que Bromhead, mis au courant par un autre cavalier venu
par un chemin différent, avait anticipé un ordre d’évacuation
et commencé à charger quelques malades. Il s’était
interrompu lorsque les 2 cavaliers du NCC lui avaient appris que Chard
comptait se défendre sur place. Vane était reparti en
direction d’Hempelkaar. Adendorff promit de rester, mais il semble
qu’il se soit enfui un peu plus tard (1).
Chard
doutait encore que sa décision fût la bonne mais l’assistant
commissaire (Assistant Commissary) James Dalton, du Train, un sergent-major
à la retraite d’une considérable expérience,
le conforta dans son opinion que toute tentative de fuite équivalait
à un suicide. Chard ordonna définitivement la défense
du camp.
Le
seul périmètre incluant l’hôpital allait considérablement
étendre la ligne des défenseurs mais aucune autre option
ne semblait envisageable. L’entrepôt était rempli
de boîtes de biscuits et de sacs de farine et Dalton suggéra
qu’on les utilise pour former un mur défensif. Les boîtes
de biscuits mesuraient une soixantaine de cm et pesaient 50kg. Les sacs
de farine pesaient le double.
Les hommes se mirent immédiatement à entasser boîtes
et sacs entre l’hôpital et l’entrepôt. Les 2
chariots que Bromhead avait fait atteler à la hâte furent
intégrés dans la ligne, l’espace entre la caisse
et le sol comblé par des boîtes et l’intérieur
rempli de sacs.
De
l’autre côté, la distance à parcourir était
beaucoup plus importante, mais elle fut comblée, de l’hôpital
au kraal. L’espace entre ce dernier et l’entrepôt
fut lui aussi protégé. En définitive, le mur de
protection ainsi construit mesurait près de 250m de long.
L’entrepôt
n’avait ni portes ni fenêtres sur l’arrière
mais une porte sur le côté Est, qui fut comblée
par des sacs de farine.
Malgré
tous ces efforts, il demeurait beaucoup d’endroits d’où
les Zoulous pouvaient s’approcher bien trop près des défenseurs.
Le fossé de drainage situé derrière l’hôpital
et l’ancien kraal de pierres situé à quelques mètres
du nouveau leur permettait de se mettre à couvert. Mais le point
faible de la défense était la zone arborée et broussailleuse
qui s’étendait le long du replat rocailleux au nord du
périmètre. Si cela ne suffisait pas, un mur de pierres
d’1m50 se trouvait en parallèle au replat, à moins
de 10m des remparts improvisés.
Soudain,
une clameur s’éleva au moment où une centaine des
Natal Native Horses du général Durnsford chevauchèrent
jusqu’au lieutenant Vause pour lui demander quels étaient
leurs ordres. Ils avaient attient Isandlwana après la bataille
et s’étaient enfuis via « le sentier des fugitifs
» (Fugitives’ Drif). Chard leur ordonna de surveiller le
plateau qui s’étendait sous la colline Shiyane et de retenir
les Zoulous aussi longtemps que possible avant de se retirer vers la
mission. Chard avait désormais à sa disposition 350 hommes
et il lui sembla que ses chances de tenir bon s’étaient
améliorées.
L’inclusion
de l’hôpital dans le périmètre défensif
en était le point faible, avec ses 4 portes donnant sur l’extérieur,
à l’ouest et sur l’arrière du bâtiment.
Dans chacune des chambres occupées par des patients, 2 hommes
furent postés. Ils barricadèrent les portes avec les meubles
d’Otto Witt et des sacs de farine et bloquèrent les fenêtres-trop
hautes pour tirer-avec des matelas. A contrario, ils creusèrent
des meurtrières dans les murs à l’aide de leurs
baïonnettes. Tout patient pouvant tirer se vit confier un fusil.
Peu
après le déjeuner, le chirurgien Reynolds, Otto Witt,
le chapelain George Smith et le soldat Wall avaient grimpé la
Shiyane pour tenter de comprendre ce qui motivait les coups de feu entendus
au loin. S’ils pouvaient voir le sommet du mont Isandlwana, les
4 hommes ne pouvaient pas voir le camp lui-même. Lorsque Reynolds
s’aperçut d’une agitation inhabituelle dans le campement,
il redescendit, laissant ses 3 camarades au sommet de la colline. Peu
après, Smith, qui avait une longue-vue, vit un large groupe de
Zoulous à environ 6km en aval le long de la Buffalo. Ils coururent
en hurlant prévenir la garnison qui était encore en train
d’installer son système de barricade. Witt décida
de quitter les lieux vers Hempelkaar, emmenant avec lui un blessé.
Le
mur arrière était terminé, mais il manquait encore
un rang à celui de l’avant. L’assistant commissaire
Dalton se mit à faire distribuer les munitions.
Soudain,
les Natal Native Horses s’enfuirent sans prévenir en direction
d’Hempelkaar, suivis par le lt Vause qui cria que les hommes refusaient
de lui obéir. Les Zoulous n’étaient pas encore en
vue mais plusieurs coups de feu se dirent entendre plus loin sur la
piste, alors que les fuyards entraient dans la zone de l’impi
« régiment » qui tentait de contourner la mission
par l ‘ouest de la Shiyane. Immédiatement après
les hommes du Natal Native Contingent, officiers et sous-officiers britanniques
inclus, abandonnèrent leurs postes à leur tour. Furieux
d’un tel comportement, les soldats encore en place les agonirent
d’injures, certains leur tirant même dessus, tuant le caporal
Bill Anderson d’une balle dans le dos.
Quoi qu’il en soit, Chard venait de perdre près de 60%
de ses effectifs en une poignée de minutes! Il ne lui restait
plus qu’un peu plus de 150 hommes, dont 134 réguliers.
Plus d’une trentaine étaient à l’hôpital
et seuls 81 hommes de la Cie B constituaient une force sur laquelle
il pouvait réellement s’appuyer. Le périmètre
de défense tel que conçu n’était désormais
plus tenable en l’état et l’hôpital devait
être évacué.
Chard
ordonna à quelques hommes d’ériger un nouveau mur
partant du coin nord de l’hôpital vers le front du périmètre.
Ce mur était à peine terminé qu’une sentinelle
postée sur le toit avertit de l’arrivée des Zoulous.
C’est à cet instant que le sergent Henry Gallagher aurait
dit « Les voilà, autant que de brins d’herbes et
aussi noirs que l’enfer ! » (« Here they come, thick
as grass and as black as hell !»)
Trois
impis Zoulous s’approchaient depuis l’arrière de
la Shiyane : le uThulwana, le uDloko et le inDluyengwe. Ils avaient
formé une des « cornes » de l’attaque à
Isandlwana(2) et n’avaient pas participé au combat. Le
troisième avait infligé plusieurs pertes à ceux
qui tentaient de s’enfuir par « le sentier des fugitifs
». Les 3 régiments s’étaient rejoints le long
de la Buffalo qu’ils eurent quelques difficultés à
traverser et s’étaient mis en mouvement vers Rorke’s
Drift, soit près de 3000 hommes. Ils se reposèrent un
peu avant de reprendre leur route, ce qui leur coûta certainement
la victoire. Sans cet arrêt, les Britanniques n’auraient
jamais eu le temps de monter leur barricade improvisée.
Environ
500 à 700 hommes de l’impi inDluyengwe furent les premiers
à engager la garnison, contournant la Shiyane et attaquant par
le Sud.
Ils se mirent en ligne à environ 600m des barricades hurlant
leur cri de guerre « Usuthu ! Usuthu ! ».
Il
était 16h30. La bataille de Rorke’s Drift venait de commencer.
4.
La bataille de Roke’s Drift : 22-23 janvier
Les
Zoulous chargèrent férocement jusqu’à ce
que, à environ 400m de distance, une salve meurtrière
se déclenche. Même ainsi, certains guerriers parvinrent
à une cinquantaine de mètres de la barricade avant que
la charge ne se dissolve. Les Zoulous comprirent vite que le manque
de couvert allait leur coûter cher et entreprirent de virer sur
la gauche, vers le devant de l’hôpital, ou arbres et buisson
pourraient les protéger. De là, ils chargèrent
en hurlant et un combat désespéré s’ensuivit.
Les guerriers qui parvinrent à grimper les sacs de farines et
boîtes de munitions en vinrent au corps à corps avec les
soldats qui utilisèrent leurs baïonnettes (3) faute d’avoir
eu le temps de recharger. Après qu’une vague eût
été repoussée, une autre se lançait à
l’assaut. Les Zoulous montaient sur les cadavres de leurs camarades
pour franchir la barricade. Pendant près de 2 heures, les Britanniques
repoussèrent les charges ennemies l’une après l’autre.
Le
replat rocheux situé devant le périmètre était
autant un avantage qu’un inconvénient. S’il donnait
aux défenseurs l’avantage de la hauteur sur la position,
il donnait aux attaquants celui d’une couverture leur permettant
de tirer quasiment à bout-portant.
A
l’intérieur de l’hôpital, la situation était
tout autant périlleuse. Les meurtrières percées
à la hâte dans les murs ne permettant qu’un champ
de tir limité, les Zoulous purent s’y adosser et se lancer
dans la destruction des portes.
Cinq patients se trouvaient dans la chambre centrale du côté
ouest, avec 2 soldats, John et Joseph Williams. John Williams se mit
à percer un trou dans le mur qui les séparaient de la
pièce d’à côté. Cette opération
prit un certain temps et John Williams ne put sauver que 2 patients
avant que la porte ne soit brisée et tous les occupants de la
pièce massacrés. Les survivants rejoignirent le soldat
Hook dans une autre pièce sans porte de sortie avec 9 autres
patients. Williams se mit alors à percer à nouveau un
mur de séparation. Lorsqu’il y parvient, une nouvelle menace
s’était ajoutée : l’ennemi avait mis le feu
au toit de chaume du bâtiment. Dans cette pièce, elle aussi
sans porte de sortie, se trouvaient le soldat Waters et 2 patients.
Hook protégeait le trou dans le mur pendant que Williams se chargeait
d’en percer un troisième ( !). Lorsque l’issue fut
percée, Waters refusa de quitter les lieux et se réfugia
dans une armoire (4). Deux soldats nommés Jones se trouvaient
dans la dernière pièce avant la sortie, sous la forme
d’une fenêtre qui ouvrait sur ce qui était désormais
un no man’s land.
Chard
avait du en effet abandonner la défense du mur nord et s’était
replié dans le « dernier carré », devant l’entrepôt.
Vingt-cinq mètres séparaient l’hôpital en
feu de Chard et ses hommes. Il faisait nuit maintenant. Les Zoulous
se tenaient le long du périmètre extérieur mais
ne pouvaient le franchir du fait des tirs en provenance du dernier carré.
Lorsque
les premiers patients franchirent la fenêtre pour atterrir dans
la cour, le caporal William Allen et le soldat Frederick Hitch s’élancèrent
courageusement à leur rescousse, couverts par leurs camarades
qui tentèrent de leur mieux de faire baisser la tête aux
Zoulous accrochés à la barricade. La plupart des hommes
parvinrent à l’abri du dernier carré.
Après
que la nouvelle du massacre d’Isandlwana ait atteint Helpmekaar,
le major Spalding se mit en route avec 200 hommes. Menacés d’être
encerclés à quelques km de la mission, Spalding se dit
que Rorke’s Drift avait succombé et se retira pour préparer
la ville à un assaut.
Le
périmètre de défense s’était considérablement
réduit. Bromhead et une douzaine d’hommes tentaient d’en
défendre les arrières mais ils furent pris sous un feu
intense. Le caporal Schiess, un Suisse servant dans le Natal Native
Contingent, sauta par dessus la barricade et tua trois Zoulous qui les
harcelaient (5).
Chard
réunit quelques hommes pour construire à la hâte
une redoute sur le flanc gauche du kraal à l’aide de sacs
de farine. La redoute finit par atteindre 2 à 2m40 avec suffisamment
de place pour les blessés et quelques hommes pour tirer sur les
assaillants. Il fit aussi poster quelques hommes sur le toit de l’entrepôt
qui se mirent à harceler l’ennemi qui tentaient de percer
par le sud et incidemment à rejeter les sagaies enflammées
qui menaçaient d’enflammer le bâtiment.
Plusieurs
vagues d’assaut furent lancées par des Zoulous surgissant
brusquement des ténèbres contre les hommes défendant
le kraal, aux silhouettes parfaitement dessinées du fait de l’incendie
de l’hôpital. Finalement, après plusieurs charges
et contre-charges, les défenseurs durent abandonner le kraal
et rejoindre le dernier carré.
A
minuit, après près de 8h d’assaut, le carnage ne
semblait pas vouloir prendre fin. Les hommes avaient tiré tellement
de coups de feu que les pièces métalliques de leurs armes
devenaient brûlantes. Les cas d’enrayement devinrent de
plus en plus fréquents. Les yeux brûlaient, les gorges
étaient asséchées.
Bien
après 2h, les charges zouloues s’espacèrent mais
coups feus et volées de sagaies continuèrent à
être échangés dans les ténèbres.
5.
Le 23 janvier
Aux
premiers signes de l’aube, les survivants tentèrent de
repérer l’ennemi. Celui-ci avait disparu. Chard envoya
plusieurs hommes en patrouille. Quelques survivants de l’hôpital
ou d’ailleurs, qui avaient réussi à profiter de
l’obscurité pour rester à couvert purent être
récupérés. Les Britanniques avaient perdu 15 tués,
une dizaine de blessés sévères et plusieurs blessés
légers.
Quatre
cent cadavres entouraient le camp et plusieurs dizaines furent découverts
plus tard dans le secteur.(6)
A
7h l’angoisse étreignit les défenseurs lorsqu’ils
virent les Zoulous réapparaître à l’ouest
de la Shiyane. Chard fit immédiatement revenir toutes les patrouilles.
Les munitions allaient bientôt devenir rare, les survivants étaient
épuisés. Un assaut de grande ampleur ne laisserait aucune
chance aux Britanniques. Mais les Zoulous aussi étaient épuisés.
Ils avaient quitté Ulundi à 130km 6 jours auparavant.
Dans les dernières 24h, ils avaient parcouru plus de 20km pour
rejoindre Rorke’s Drift où ils s’étaient battus
pendant plus de 10h. Beaucoup n’avaient pas mangé depuis
2 jours. Après un moment, les guerriers se levèrent et
firent un large détour pour redescendre en aval de la rivière.
Peu
après 8h, une sentinelle fit savoir qu’une troupe d’importance
se rapprochait en provenance de la vallée de la Bashee, au Zululand.
Impossible de savoir de qui il s’agissait et la tension monta
d’un cran chez les Britanniques. Les hommes hurlèrent de
joie lorsque l’infanterie montée du major Francis Russell
fut en vue. Peu après Lord Chelmsford et le reste de ses hommes
arrivaient à leur tour.
Epuisés,
plusieurs des défenseurs de la garnison s’adossèrent
contre les barricades pour s’endormir sur le champ.
Lieutenant
Gonville Bromhead
(1)
Adendorff fut inscrit sur la liste des présents à Rorke’s
Drift par Chard mais il certains indices semblent indiquer qu’il
s’est enfui. Il fut arrêté plus tard à Pietermaritzburg
pour désertion face à l’ennemi. De lourds soupçons
pèsent sur sa fuite à Isandlwana puisqu’il est arrivé
la première piste coupée par l’ennemi. Il n’existe
pas de traces d’un éventuel procès, peut-être
du fait de son inscription au tableau de présence à Rorke’s
Drift.
(2) La tactique classique d’assaut zouloue s’appelait «
les cornes du buffle ». Deux colonnes (les cornes) faisaient de
part et d’autre de l’objectif un mouvement tournant pour
le prendre de flanc et à revers pendant que « la poitrine
» le fixait sur place.
(3) Il semble que les intenses exercices de combat à la baïonnette
menés par les soldats britanniques aient montré leur efficacité
à Rorke’s Drift. Les témoins racontent que les Zoulous
tentaient d’éviter au maximum ce type de corps à
corps dont l’issue ne leur était pas favorable dans la
plupart des cas. De fait, très peu de soldats furent blessés
ou tués par une arme tranchante.
(4) Le soldat Walters, bien que blessé, parviendra à profiter
de l’obscurité en couvrant sa tunique rouge d’un
lainage noir et à se réfugier dans le fossé de
drainage.
(5) Le caporal Scheiss sera le premier soldat non régulier de
l’armée britannique à recevoir la Victoria Cross.
(6) Les pertes totales zouloues sont estimées entre 500 et 700.
Sources
: http://mysite.wanadoo-members.co.uk/historyfile/zulu_origins.htm
http://mysite.wanadoo-members.co.uk/historyfile/zulu_defence.htm
http://mysite.wanadoo-members.co.uk/historyfile/zulu_defenders.htm
http://www.militaryhistoryonline.com/19thcentury/rorkesdrift/default.aspx