La guerre franco-siamoise
(1940-1941) demeure un conflit assez mal connu et peu évoqué
de la seconde guerre mondiale.
Elle s’est déroulée dans la péninsule indochinoise
et a opposé la récente Thaïlande, soutenue par les
japonais à l'État français.
Elle ne précède que de quelques mois le déclenchement
de la guerre du Pacifique avec l’attaque surprise sur Pearl Harbor.
Du Siam à la Thaïlande.
Depuis
1925, le Royaume du Siam est dirigé par Prajadhipok, septième
Roi de la dynastie Chakri et monarque absolu. Couronné à
la mort de son frère, c’est un homme sans envergure qui
n’est guère prêt à affronter d’importantes
responsabilités ni à mener de grandes réformes.
Son règne s’avère très court et sera certainement
le plus controversé, dans l'histoire de la dynastie.
Le Siam de l’entre-deux guerre souhaite de profonds changements
politiques, économiques et sociaux que n’envisage que timidement
son roi. Les nombreuses hésitations et les fréquents revirements
du jeune roi font monter la contestation dans le royaume.
Le 24 juin 1932, après un coup d’état qui se déroule
sans effusion de sang, les insurgés laissent le roi Prajadhipok
provisoirement au pouvoir en lui imposant toutefois d’adopter
une monarchie constitutionnelle. Parmi les conspirateurs on trouve alors
le lieutenant-colonel Plaek Pibulsonggram, ancien élève
des écoles militaires françaises. Cet officier dur et
opiniâtre, plus connu sous le nom de Phibun, va rapidement s’arroger
de hautes responsabilités. Il sera à l’origine de
l’abdication du roi le 2 mars 1935 en faveur de son fils Ananda
Mahidol. Ce très jeune homme, qui à cette époque,
fait son éducation en Suisse, ne sera en fait jamais couronné.
Il ne retournera à Bangkok qu’après la fin de la
seconde guerre mondiale. Phibun, devenu entre-temps Major Général
s’est imposé comme l’homme providentiel dont le pays
avait besoin. Il devient premier ministre en 1938. C’est un homme
qui se révèle brutal et fervent admirateur de Benito Mussolini.
Il impose un régime autoritaire puis dictatoriel et n’hésite
pas à faire exécuter ses opposants.
Il prône un nationalisme ouvertement impérialiste, s’inspirant
d’une doctrine « panthaïe » incarnée par
l’idéologue Luang Vichiter Vadhakarn. Pour montrer au monde
le renouveau de son pays, Phibun change son nom, qui de Siam devient
Prathet Thai, "pays des Thaïs" ou Thaïlande. Le
nom de Prathet Thai ne sera réellement déclaré
officiel que le 11 mai 1949. Ce choix xénophobe sous-entend une
unité de tous les peuples de langue thaï, qui inclue les
Lao du laos et les Shan de Birmanie. Le slogan de son régime
sera d’ailleurs la "Thaïlande aux Thais". Très
vite, il incite le nouveau gouvernement à revendiquer le rattachement
à la couronne de tous les territoires habités par des
peuples de race ou de langue thaïe, ainsi que les terres sur lesquelles
le roi de Siam aurait jadis exercé de prétendus droits
de suzeraineté. Le royaume Khmer et les principautés ou
sultanats du nord de la Malaisie sous contrôle britannique sont
principalement visés. Il rêve également de récupérer
les territoires rattachés au Cambodge et abandonnés à
la France durant le règne du roi Chulalongkorn (provinces de
Melou Prei et de Tonlé Repou en 1904, et provinces de Battambang,
de Sisophon et de Siem Reap en 1907). Il considère également
comme une humiliation le rattachement du Laos en 1904, à l’Indochine
française.
Les revendications
territoriales.
Juste
avant la seconde guerre mondiale, des négociations cordiales
entre Phibun et la France sont entamées au sujet des frontières
séparant l’Indochine et le Siam. Mais le premier ministre
thaïlandais entreprend parallèlement depuis 1938 une profonde
réorganisation de l’Armée tout en menant d’intelligentes
et polies négociations avec Paris. Mais le gouvernement Daladier
n’est pas disposé à céder sur tous les points
revendiqués. Il s’engage tout de même à procéder
rapidement à quelques modifications mineures des frontières
séparant la Thaïlande etl'Indochine française en
échange d’un pacte d’amitié et de non agression
qui est signé le 12 juin 1940. Mais sur le terrain ces concessions
tardent à être mises en pratique.
L’incident de Lang Son,
22 au 26 septembre 1940.
Avec
l’invasion de la France en mai 1940 et la défaite de ses
armées, la Thaïlande profite de l’affaiblissement
français pour se montrer plus ferme et exigeante dans ses revendications
territoriales. Le cabinet de Bangkok s’est jusque là montré
très prudent dans ses relations avec les puissances coloniales
anglaise et française qui exercent leur souveraineté aux
frontières du royaume. La montée en puissance de Tokyo
et l’effondrement des occidentaux sous les coups allemands puis
japonais, vont permettre aux généraux siamois d’allier
l’audace à l’arrogance. Ceux-ci saisissent aussitôt
l’occasion de faire pression sur une France chancelante dont l’affaiblissement
rend le maintien du contrôle sur l’Indochine hasardeux et
difficile.
Le 11 septembre 1940, le gouvernement de Vichy reçoit une note
officielle du premier ministre, Phibun Songram. Dans celle-ci, il demande
une lettre d’assurance, aux termes de laquelle, dans l’éventualité
d’un changement de la souveraineté française, la
France restituerait à la Thaïlande les territoires du Laos
et du Cambodge. Vichy y oppose une fin de non recevoir dès le
18 septembre. Les japonais eux aussi profitent de l’effondrement
français pour agir. Depuis plusieurs mois, ils empiètent
sur le territoire tonkinois pour combattre les chinois et s’installent
en force dans les eaux territoriales. Les exigences japonaises se font
toujours plus pressantes dans une Indochine française, livrée
à elle-même. Seul le Gouverneur Général de
l'Indochine, le Vice Amiral d'Escadre Jean Decoux, leur oppose une résistance
opiniâtre mais ses messages d’avertissement à destination
du gouvernement en métropole sont ignorés.
La tension monte à la frontière chinoise mais Vichy semble
préférer négocier et céder aux exigences
japonaises.
L’Amiral Decoux, frustré, écrit au gouvernement
:
- « il vaut mieux perdre l’Indochine en la défendant
qu’en la trahissant ».
Mais Vichy pense la crise stoppée, suite à une proposition
de compromis entérinée le 30 août dont les modalités
d’accord doivent être signés avant la fin du mois
de Septembre. Le Gouverneur Général désapprouve
complètement les concessions du gouvernement français.
Il n’ignore pas que les japonais ont des vues sur Lang Son, considéré
stratégiquement parlant comme "verrou de la Chine".
Au Japon, le gouvernement de Fumimaro Konoe, avec l'approbation de l'empereur
Showa (Hiro Hito), décide parallèlement aux négociations,
d’établir un plan secret afin d'occuper militairement l'Indochine.
Afin de ne pas éveiller les soupçons français,
le Quartier Général impérial joue dans un premier
temps la carte de la diplomatie. le 22 septembre 1940, le représentant
du Japon, le Général Nishihara, signe la convention de
Hanoï avec l’Amiral Decoux, contraint par Vichy. Celle-ci
prévoit la mise a disposition de l'armée japonaise de
3 terrains d'aviation au Tonkin, Le droit pour le Japon d'entretenir
6000 hommes de troupe au nord du fleuve rouge, le transit éventuel
au Tonkin de forces japonaises (maximum 25 000 hommes) en direction
du Yunnan et le transfert, suivant des modalités à fixer,
de la division japonaise du Kwang Si, massé à la frontière,
et son embarquement.
Le soir même, contre toute attente, le traité fraîchement
signé et violé. Les 30000 hommes de la 5ème division
japonaise du Kwang, commandés par le Général Akihito
Nakamura, franchissent sans préavis la frontière du Tonkin
en trois points et attaquent nos garnisons de la province de Lang Son
(Nakamura prétextera plus tard n’avoir été
informé que tardivement de la signature de la convention et après
son attaque). Cette unité fait partie de l’Armée
du Général Ando (Armée de Canton), en difficulté
car prise dans la nasse des armées chinoises du Sud.
C’est une division aguerrie, bien équipée, appuyée
par des unités d’artillerie et des chars de léger
et moyen tonnage.
La division dispose également d’un important support aérien
fourni par les chasseurs Nakajima Ki-27 « Nate » de la 84
Dukuristu Hikô Chutai du Commandant Tsunao Nagano et les bombardiers
Kawasaki Ki-48 « Lily » de la 82 Dukuristu Hikô Chutai,
basés à Nanning. L’offensive porte sur une zone
frontalière d’une cinquantaine de kilomètres de
large et la manœuvre par l’Est et par l’Ouest vise
à encercler puis à s’emparer de Lang Son.
5ème
Division d’Infanterie japonaise :
9° Brigade
d’Infanterie
11°
et 41° Régiment d’Infanterie
21°
Brigade d’Infanterie
21°
et 42° Regiment d’Infanterie
Appui et
soutien
5° Régiment
d’Artilerie de Montagne
5° Régiment de Cavalerie
5° Régiment du Génie
5° Régiment de Transport
Dans le secteur investi, les unités françaises sont peu
nombreuses. Elles sont commandées par le Général
Mennerat et se composent principalement de 5 Bataillons d’Infanterie
appartenant au 3ème Régiment de Tirailleurs Tonkinois,
au 9ème Régiment d’Infanterie Coloniale et au 5ème
Régiment Etranger d’Infanterie. Soit un total de 5000 hommes,
ne disposant pour tout appui que de quelques chars antiques Renault
FT17, de quelques canons de 75mm modèle 1897 et d’une batterie
de 155mm. Vers 22 heures, la colonne japonaise la plus au Nord s’empare
de Bi Nhi, sur la frontière et fonce sur That Khé qui
n’est défendu que par une Compagnie.
Au centre, la colonne traverse la frontière à Nam Quam,
désorganisant au passage deux compagnies du 2ème Bataillon
du 3ème RTT. L’effort se fait ensuite vers le Sud en direction
du Poste de Dong Dang. La colonne la plus au Sud écrase les défenseurs
du poste de Chima puis attaque Loc Bihn, à 20 km au Sud Est de
Lang Son. Les débris d’une compagnie du II/3°RTT parviennent
à se replier vers le Sud pour défendre Na Tzuong où
viennent en renfort des éléments du I/9° RIC. La progression
se fait ensuite vers Lang Son après avoir coupé la voie
ferrée menant à Hanoï. Les français, surpris
par l’assaut nocturne, ont des réactions disparates. Les
Légionnaires du II/5°REI se battent courageusement mais il
n'en est malheureusement pas de même pour les unités indochinoises
qui ont tendance à se débander devant l'avance japonaise.
De nombreux déserteurs se joignent à l’envahisseur.
Le 23 septembre, malgré les protestations officielles de Vichy,
l’ « ennemi » accentue sa pression vers Lang Son dont
il s’approche dans l’après-midi. De maigres réserves
ont été envoyées d’urgence vers le la ville
dont des renforts aériens. Face à l’aviation japonaise,
les français ne peuvent opposer que l’EO 1/595 du capitaine
Mayeau. Cette Escadrille est équipée d’appareils
désuets, principalement des Potez 25 TOE et des Potez 29 qui
sont surclassés par les chasseurs nippons. Dès le début
de l’invasion, quatre Potez 25 et un Potez 29 sont envoyés
à Lang Son. Le 23, ils effectuent quatre sorties de reconnaissance
pour localiser l’ennemi et régler des tirs d’artillerie.
En représailles, à 10h10, cinq bombardiers légers
KI-48 bombardent le terrain de Lang Son. Ils y détruisent un
Potez 25 et en endommagent un second. Les derniers appareils sont repliés
sur Tong juste à temps car Lang Son connaît cinq autres
raids dans la journée. A partir du 24, l’EO 1/595 reçoit
l’appui de trois Morane MS406 de l’EC2/595, commandés
par l’Adjudant-chef Tivollier.
Lors d’une sortie le même jour, les chasseurs français
affrontent pour la première fois en combat aérien l’aviation
japonaise en interceptant trois Ki-27. Ce combat ne donnera aucun résultat
malgré la revendication d’une victoire japonaise par le
Sergent Nitsuro Kobayashi.
Au sol, le IV/3°RTT tente une poussée pour reprendre Dong
Dang, mais elle est enrayée par une rencontre imprévue
avec la colonne centrale qui progresse déjà vers Khan
Khé. La contre-attaque tourne rapidement à la débandade.
Les Tonkinois s’enfuient par dizaine laissant seuls les cadres
coloniaux. Plus au nord, dans le 2ème Territoire Militaire, le
poste de That Khé est contraint au repli.
Seul le poste de Na Cham résiste aux assauts japonais mais devant
la poussée acharnée de l'adversaire, les défenseurs
se retirent en ordre et échappent à l’encerclement.
Dans la soirée du 24, les troupes françaises et japonaises
sont au contact autour de Lang Son. Le général Martin
à Hanoï donne l'ordre impératif de résister
sur place. Dans la nuit, le dispositif défensif est remanié
pour s'adapter à la situation, devenue critique.
A partir du 25 septembre, l’aviation n’est plus en mesure
d’intervenir au profit des troupes françaises. Lors d’une
mission de reconnaissance, le Potez 25 du Capitaine Mayeau est abattu
par deux chasseurs japonais malgré l’intervention de deux
MS406. Mayeau est grièvement blessé et son mitrailleur,
le Commandant Schertzer, patron du Groupe Aérien Mixte 595 est
tué.
Les japonais, au Sud du Fleuve Song Ky Kong, profitent de la confusion
générale pour atteindre sans grandes difficultés
les faubourgs de leur objectif, par le Sud-Est. Après une forte
préparation d’artillerie, la colonne centrale écrase
le I/3RTT à Ky Lua, aux portes Nord de Lang Son. A la Roche Percée,
poste de commandement de la position fortifiée, un coup au but
frappe le colonel Louât de Bort et anéantit son état-major.
Le Général Mennerat et ses hommes sont bientôt assaillis
de toutes parts. Les combats, pendant lesquels s’illustre le 2ème
Bataillon du 5ème REI (Commandant Marcelin) sont sanglants et
sans pitié. Les troupes japonaises massacrent les officiers et
les soldats français de la garnison, ainsi que de nombreux civils.
Mennerat fait savoir à Hanoï que sans support aérien
et appui d’artillerie, la ville de Lang Son, isolée, devient
intenable. A 10h40, le Général Martin autorise des négociations
locales afin de faire cesser les combats. Le Général Mennerat
rencontre à Ky Lua deux officiers japonais qui lui délivrent
un véritable ultimatum, rejetant sur les troupes françaises
la responsabilité des combats. Un délai de deux heures
est donné pendant lequel les Japonais s'infiltrent dans les positions
défensives de la place. A 16h30, la reddition de la garnison
est signée.
Les troupes françaises rendent leurs armes. Lang Son est tombée.
En trois
jours de combat, 824 militaires français ont été
tués et blessés. Parmi eux se trouve Le lieutenant-colonel
Louvet, première victime des japonais. Persuadé de pouvoir
négocier avec l’envahisseur, il est abattu alors qu'il
se trouve à la tête d'un détachement motorisé
en se rendant à Dong Dang, pour tenter de parlementer. 2500 soldats
ont également été fait prisonniers. Afin d’éviter
une percée japonaise au Sud de la ville, des nouveaux Dataillons
français se mettent en ligne pour barrer la route allant de Lang
son à Lang Giai et lang Nac. Leur mission est d’interdire
l’accès au delta du fleuve Rouge.
Les hostilités cessent le 25 septembre sur ordre d’Hiro
Hito. Les japonais restitueront les prisonniers français rapidement
et un message de l'empereur du Japon sera même lu par le Général
Nishihara, exprimant son "sincère et regret profond pour
l'incident tragique de Lang Son". Néanmoins, pendant les
combats sur la frontière chinoise, des navires d'escadre japonais
et des transports se sont approchés de la côte, dans le
Golfe de Tonkin. Abord du destroyer Nenohi, le Général
Nishihara, qui a participé aux négociations du 22 septembre,
compte bien conformément aux accords, débarquer à
Haïphong. Mais il se voit opposer un refus obstiné de Vichy
qui envoie un émissaire sur le croiseur Sendaï pour négocier,
tout en avertissant que les défenses côtières ont
reçu l’ordre d'ouvrir le feu contre toute tentative de
débarquement. La tension monte et Nishihara fait décoller
ses avions pour faire une démonstration de puissance aérienne
et mener des reconnaissances sur les installations portuaires. Malgré
le cessez le feu, les forces japonaises se préparent à
débarquer mais ils se méfient des défenses de Haïphong
et se mettent en formation plus au Sud, à l'abri de la presqu'île
de Do. Le débarquement a lieu à 03h30, le 26 septembre,
sur les plages de Dong Tac, au Sud d'Haïphong. Accompagnés
d’une douzaine de chars, les fantassins se mettent immédiatement
en route pour s’emparer de la ville et du port. A 06h30, la marine
nippone bombarde Haïphong, tuant 37 civils. Le commandement français,
conscient de la disproportion des forces en présence, donne l'ordre
de ne pas s'opposer militairement à l'avance japonaise.
Peu après, la ville est investie par 4500 japonais et les hostilités
cessent définitivement le 26 septembre au soir.
Le 29 septembre, Nishihara est remplacé à Haïphong
par le Général Sumita qui apparaît plus diplomate
et sait flatter l’amour propre des français.
Flotte expéditionnaire
japonaise
Croiseur
léger (CL-15) Sendaï, Classe Naka, (Capt. Toshio Shimazaki
)
Destroyer Nenohi , Classe Hatsuharu, (Lt. Cmdr. Sakuji Matsumoto)
Destroyer Wakaba, Classe Hatsuharu, (Lt. Cmdr. Masutoshi Yasunami)
Destroyer Hatshushimo, Classe Hatsuharu, (Lt. Cmdr. Shuichi Hamanaka)
Porte Hydravions Kamikawa Maru, (Captain Yamada Michiyuki)
Porte Avions Hiryu, (Capt. Ichibei Yokokawa)
Force de
débarquement sur Haïphong (Major Gen. Takuma Nishimura )
Groupe
d’infanterie expéditionnaire en Indochine (Major Gen. Takeshi
Sakurada)
2° régiment d’infanterie de la Garde Impériale
(Col. Kunio Osonoe)
14° Régiment de Chars de Combat
Unités antiaériennes et de transmissions
Les 30000 hommes de la division du Kwang Si seront évacués
d’Indochine entre octobre et novembre 1940. Ils auront l’occasion
de s’illustrer ultérieurement en Malaisie et à Singapour,
en 1941-42. La région conquise par l'armée japonaise,
sera restituée symboliquement aux troupes françaises et
elles pourront réimplanter une garnison à Lang Son. A
la mi-octobre, tous les prisonniers français seront rendus, excepté
200 légionnaires du 5°REI, d’origine allemande.
L'Armée du Général Ando a délibérément
négligé les accords du 22 septembre pour précipiter
et faciliter le transit par le Tonkin de ses troupes en difficulté
en Chine du Sud. Il est d’ailleurs relevé de son commandement
pour son indiscipline. Mais la chute de Lang Son est l’occasion
rêvée qui permet aux japonais en position de force, d’obtenir
de nombreuses concessions. Les français sont contraints de les
autoriser à s’installer militairement en Indochine. L’Amiral
Decoux doit céder le port de Haïphong où stationneront
900 japonais, les territoires avoisinant la région de Lang Son
et devra laisser une garnison de 600 hommes se mettre en place à
Hanoï.
Les japonais se voient en outre accorder la libre disposition des aérodromes
de Giam Lam, Phu Tho et Phu Lang Thuong, ainsi que le libre survol de
l’espace aérien compris dans la zone délimitée
par le parallèle de Yen Bay, le fleuve Rouge et le Song Thai
Binh, jusqu’à la mer. En dédommagement, le Japon
se déclare co-défenseur du pays et cède à
l’Armée française une aide en armement obsolète
et des mortiers de 50mm, prises de guerre faites aux nationalistes chinois.
L'occupation par l'armée japonaise va durer trois mois pendant
lesquels de nombreux chefs de cantons et fonctionnaires, ainsi que des
émigrés partisans du prince Cuong-Dé, collaboreront
avec l'envahisseur. Les autorités françaises en arrêteront
un grand nombre après le départ de l’envahisseur
et les traduiront en cours martiale. Mais la présence japonaise
aura semé les premières graines de la révolte nationaliste.
Le plus célèbre de l’époque, Tran Trung Lap,
se rebelle dans la région de Lang Son où il forme une
unité de 3000 hommes, pour la plupart déserteurs des unités
indochinoises, défaites par les Japonais.
Leurs armes proviennent des stocks français saisis par l’ennemi.
L’Armée mate vite cette insurrection et isole les fuyards
dans les montagnes. Après une embuscade qui décime ses
forces, Tran Trung Lap est capturé. Il est exécuté
à Lang Son en décembre 1940.
Conséquence
de la défaite française.
Dans
la toute nouvelle Thaïlande voisine, la défaite rapide des
français face à l’invasion nippone convainc définitivement
le régime de Phibun qu’un affrontement militaire pour récupérer
les territoires convoités, tournerait à l’avantage
de son pays. Bangkok va profiter de cette situation pour réitérer
vivement sa demande par trois fois entre le 25 Septembre et le 06 Octobre.
Agacé, le gouvernement de Vichy rejette définitivement
ces revendications, le 14 Octobre. Les thaïlandais dénoncent
le pacte d’amitié et de non-agression, conclu le 12 juin
1940 avec Paris. Le prétexte avancé est que la France
n’accepte pas de reconnaître à la Thaïlande
des frontières naturelles indispensables au peuple thaï
en cas d’attaque. En réalité, la récente
défaite française donne des ailes aux revendications du
gouvernement thaï et celui-ci confirme rapidement les désirs
d’expansion du «Royaume de l’éléphant
blanc». Dès la fin de 1940, le Siam, qui revendique la
souveraineté sur tous les territoires situés à
l'Est du Mékong, masse ses troupes aux frontières du Cambodge,
et commence une série de provocations et d'incursions sur le
territoire du Protectorat. L’administration coloniale se trouve
à cette époque privée d’aide et de renforts
mais les forces françaises réagissent toutefois avec vigueur.
Il s'établit peu à peu un véritable état
de guerre. En Thaïlande, le ministre de la propagande Luang Wichitwathakan
mène une campagne anti-française par radio et par voix
de presse qui a pour but de soulever la population locale. On tente
d’avancer que les Khmers du Cambodge appartiennent à la
race thaï, de faire étalage des territoires arrachés
à la Thaïlande par un empire colonial français toujours
plus avide de possessions.
Peu de temps après, les relations diplomatiques entre les deux
pays sont empoisonnées par un incident bien vite monté
en épingle par Bangkok. Près de Saimoon, des militaires
français, en patrouille sur le Mékong laotien, auraient
saisi des pièces de soie en contrôlant une pirogue thaïlandaise.
Les relations se dégradent et la tension monte encore, suite
à des incursions de l’aviation thaïlandaise dans l’espace
aérien indochinois. On constate rapidement une concentration
de troupes thaïlandaises aux frontières du Cambodge et du
Laos. Vichy est informé le 05 novembre par l’Amiral Decoux,
des incursions sur le territoire du Protectorat.
En retour, il reçoit l’ordre de ne plus laisser aucune
initiative siamoise sans réponse.
Phibun inspiré par le fascisme européen, entretient le
culte de la personnalité, ses portraits sont présents
partout, tandis que ceux de l’ancien roi sont interdits. Son mépris
pour les chinois l’a poussé à s’allier aux
japonais. Son ministre, Luang Wichitwathakan compare même les
Chinois du Siam aux Juifs d'Allemagne. En moins de trois ans, il a réussi
un tour de force en redressant l’économie de son pays et
en se dotant d’une armée puissante. Il est désormais
décidé à imposer sa volonté à la
France et n’exclue plus d’avoir recours à la force.
L’armée
siamoise en 1940.
Depuis
1937, Phibun Songgram a entrepris de moderniser profondément
l’Armée du Siam. Il a doté son pays d’un outil
de défense moderne et efficace. Les forces thaïlandaises
en temps de paix représentent environ 60000 hommes bien entraînés,
équipés de matériel provenant principalement des
Etats-Unis. 300000 hommes supplémentaires peuvent être
mobilisés rapidement si le contexte l’exige. Elles disposent
d’un soutien blindé correct, soit une centaine de chars
et tankettes britanniques Vickers, ainsi que de 20 chars légers
Ha-Go japonais.
L'armée de l'air thaïlandaise dispose d'appareils modernes
et en nombre bien plus important que l'armée de l'air française
en Indochine. L’aviation début 1937 a abandonné
ses vieux biplans Breguet 14B2 et se bombardiers BT.2/TO.1 Boripatra
(biplans de fabrication locale, dessiné en 1927 par le commandant
en chef des forces aériennes thaï, le Lieutenant Colonel
Luang Vejayanrangsrit). Elle est maintenant équipée de
36 biplans type Vought V93s Corsair, (chasseur biplace, produits sous
licence depuis 1934), de 12 Curtiss Hawk I et II, 24 Curtiss Hawk III
(Modèle 68B), de Boeing P12 100E, de 12 chasseurs monoplans Curtiss
Hawk 75N, 25 Mitshubishi KI-30 Nagoya japonais, de 9 bombardiers Glen
Martin B-10 (139WSM) et de 20 Avro 504N d’entraînement.
L’ensemble représente plus de 150 appareils qui procurent
à la Thaïlande, une écrasante suprématie aérienne
et en fait la seconde puissance aérienne en Asie. La Marine dans
le golfe de Siam, dispose de deux gardes-côtes de 2265 tonnes,
de construction japonaise et armés de quatre pièces de
203mm sous tourelles, de deux canonnières cuirassées de
900 tonnes, armées de deux pièces de 152mm. Elle aligne
également 13 torpilleurs (dont sept construits en Italie), quatre
sous-marins, deux avisos et deux dragueurs.
Gardes
côtes (canonnières cuirassées) :
Ayuthia, Dombhuri et Sri Ayuddaya
Torpilleurs
:
Trat, Phuket, Pattani, Surasdra, Chandhaburi
Rayong, Chumporn, Chomburi, Songkla et Phra-Ruang
Avisos
:
Maikron et Tahchin
Mouilleurs
de mines :
Bangrachan et Nonsaraï
Sous-marins
:
Maichanu, Wirun, Sindamudar et Prichunboon
L’armée
française d’Indochine.
Côté
français, dans l’ensemble de l’Indochine, les Forces
françaises comptent environ 50000 hommes dont 12000 européens
et 38000 tirailleurs tonkinois, annamites, cambodgiens, laotiens, Moï
et Thôs. Plus de la moitié des effectifs sont stationnés
aux frontières du Tonkin car les troupes japonaises présentes
sur place multiplient les provocations et le secteur ne peut être
laissé sans surveillance. Il faut maintenant surveiller étroitement
les 1800Km de frontière avec la Thaïlande avec des effectifs
et des moyens très insuffisants. L’armement en dotation
ne correspond plus aux conditions de la guerre moderne. L’infanterie
se résume à 14 bataillons d’inégale valeur.
On y trouve 1400 officiers et 4900 sous officiers, dont 2000 indochinois.
La troupe autochtone est adéquate pour faire la police mais elle
n’est pas aguerrie au combat et montre bien peu d'allant. L’artillerie
dispose d’une centaine de canons dont une majorité de 75mm
et quelques 65 et 80mm de montagne, répartis en 4 groupes. L’artillerie
lourde est presque inexistante et aligne quelques 105mm et deux 120mm
de Bange, datant d’avant la première guerre. Le nombre
de pièces de DCA est symbolique. L’appui blindé
est insuffisant et se résume à peine 6 chars légers
FT17 en état de marche sur 24. Quant à l’aviation,
elle aligne sur tout le territoire, une centaine d’appareils en
grande partie périmés. Le chasseur le plus moderne demeure
le Morane Saulnier MS406, dont une vingtaine est en état de voler,
mais la maintenance en pièces est délicate. Les stocks
de munitions sont très insuffisants et l’approvisionnement
est difficile. Seule la marine, malgré son nombre de bâtiments
restreint peut prétendre jouer un rôle important dans la
défense ou l’intervention. La métropole ne peut
pas grand-chose pour améliorer la situation. A l’été
40, le gouvernement de l’Indochine fait appel aux Etats-Unis pour
acheter les armes et surtout les avions nécessaires à
la défense de son vaste territoire.
Les américains y sont farouchement opposés mais ils continuent
leurs livraisons à l’Armée Thaïlandaise. La
seule action concrète des USA est de mettre un embargo total
sur le pétrole et le fer à destination du Japon, après
l’agression du Tonkin. En octobre 1940, suite à une mission
aux USA menée par le Général Catroux, ils jugent
enfin opportun de mettre un embargo sur l’armement et s’opposent
à la livraison de 10 bombardiers commandés par Bangkok.
Le geste demeurera néanmoins insignifiant puisque le nouvel allié
japonais s’empressera de fournir 63 bombardiers et chasseurs à
l’aviation thaïlandaise, courant décembre 1940. Dans
l’ombre, les services secrets anglo-saxons s’activent pour
la création du Thaï Séri (les Thaïs libres),
organisation clandestine anti-japonaise.
Début
de la guerre Franco Siamoise.
Malgré
l’état de guerre, il n’y a pas d’affrontements
majeurs entre les deux armées pendant les deux derniers mois
de 1940.
Les deux camps préparent leurs plans. L’amiral aimerait
mener une action offensive qui lui permettrait de s’emparer de
Chanthaburi, ville située à 40km à l’Ouest
du Cambodge. Mais faute de moyen, il lui faut se contenter d’établir
un dispositif renforcé à vocation défensive, au
poste frontalier de Poipet et de disséminer ses faibles effectifs
tout le long de la frontière, sur des points d’appuis parfois
distants de 40 kilomètres !
Vers la mi-novembre, les Thaïlandais se font plus agressifs, et
multiplient leurs incursions en territoire cambodgien tout en évitant
l’affrontement direct.
Fin
novembre, L’Armée Française est occupée à
mater en Cochinchine, une révolte paysanne fomentée par
les réseaux clandestins créés par Tran Van Giau.
Les thaïlandais en profitent pour déclencher une série
d’incidents. Le 26 novembre, ils prétendent que les français
ont tenté de bombarder Nakhon Panon. La tension s’accroît
nettement et l’aviation thaïlandaise mènent des raids
de représailles sur les villes de Thakhek et Savannakhet, au
laos. Trois jours plus tard, une barge blindée française
est attaquée au canon de 37mm près de Thakhek. Informé
des tensions frontalières, le ministre des colonies, l’Amiral
Platon donne son accord au Gouverneur Decoux pour qu’il lance
des opérations de représailles suite aux provocations
thaïlandaises. Les plans des futures opérations sont alors
confiés au Général Martin. Dès le 1er décembre,
la Thaïlande continue son intimidation. Ses Curtiss bombardent
une nouvelle fois Takhek et dans l’après midi, un navire
auxiliaire de la Marine Nationale, le Béryl, est la cible d’une
attaque aérienne, sa manœuvre rapide lui permet d’éviter
14 bombes. Le lendemain, c’est une nouvelle barge blindée
qui est prise pour cible par les canons de 37 ennemis, près de
Nong Khaï. Deux soldats français sont tués et 6 autres
sont blessés.
La
semaine suivante, une série d’accrochages à lieu
dans le secteur de Ventiane au laos. Le 8 des Vought Corsairs thaïlandais
bombardent les batteries d’artillerie française du Mékong
puis la ville de Ventiane dans l’après-midi. L’artillerie
ennemie s’en prend également à la localité
de Savannakhet. Après une semaine d’accalmie. Les provocations
reprennent au niveau du poste frontière de Poipet qui est pris
pour cible le 19 décembre par l’artillerie. Le même
jour, un groupe de combat du régiment de Tirailleur du Cambodge
surprend et décime lors d’une embuscade une patrouille
thaïlandaise. L’ennemi abandonne sur le terrain 26 morts
et blessés. Le lendemain de Noël, un accrochage a lieu à
Poipet entre un détachement de reconnaissance thaïlandais
et une patrouille motocycliste française. Celle-ci ne déplore
qu’un blessé contre 15 chez l’assaillant. Malgré
une tension grandissante entre les deux protagonistes, le front demeure
assez calme jusqu’à la fin de l’année 1940.
Sur un terrain qu’elles ne maîtrisent pas, les patrouilles
des deux adversaires se rencontrent parfois bien involontairement et
des accrochages sporadiques ont alors lieu. L’aviation thaïlandaise
a la maîtrise incontestée du ciel et bombarde de jour le
Laos à Takhek, Packsé et Vientiane puis les villes cambodgiennes
de Sisophon, Battambang, Stung Treng, Mongkol Borey et Siemréap,
sans être importunée par la chasse française. L’aviation
française tente des raids de nuit en représailles sur
les centres thaïlandais de Oudorn, Sakol Nakorn, Aranya, Lakhon,
Prachinburi, Makhorn Phanom, Waddhana et Sisaket, mais les dégâts
causés sont peu probants. L’amiral Decoux reconnaîtra
que l’aviation thaïlandaise possède des pilotes chevronnés
même si ceux-ci craignent l’obscurité et ne bombardent
que de jour. Pendant cette période, les Français perdent
officiellement 2 chasseurs MS-406 et un Farman 221. Les Siamois reconnaissent
pour leur part la perte de 5 appareils, 13 aviateurs tués et
5 blessés.
Conquêtes
territoriales thaïlandaises.
L’armée
thaïlandaise ronge son frein. Elle est désireuse de monter
sa puissance aux observateurs nippons. En décembre, elle en fait
une démonstration en occupant Pak-Lay et le Bassac (Champasak),
au Nord-Ouest du Laos, puis elle tente un coup de main sur le poste
frontière de Poipet, le 2 janvier 1941. Lors de cette attaque,
les soldats assassinent le journaliste hollandais Hubert Rermans qu’ils
prennent par mégarde pour l’officier français commandant
le poste. L’assaillant incendie le poste de la garde indigène
alors que ses défenseurs se replient sans essuyer d’autres
pertes. Cet incident va déclencher une série de combats
terrestres dans la région. Decoux, à l’annonce de
la nouvelle ne tient plus en place. Il opte pour la proposition du plan,
offensif du Général Martin et souhaite frapper l’ennemi
rapidement. Mais pour mener à bien une guerre de mouvement, il
faut disposer de moyens de transport suffisants.
Le commandement français organise une version exotique des taxis
de la Marne et réquisitionne des camions civils, des attelages
de buffles pour tracter les canons et des centaines de cyclo-pousse
avec leurs conducteurs qui vont emmener environ 10000 soldats combattre
à la frontière cambodgienne. Le 3 janvier, 400 thaïlandais
attaquent le poste de Komrieng à l'aube, sur la route de Pailin
(Cambodge). Le poste, défendu par 70 hommes du I/5° REI est
protégé par quatre bunkers. L’ennemi attaque 3 fois
de suite mais n'arrive pas à prendre la position. Il doit se
replier à 15h30, quand un détachement motorisé
de Cochinchine arrive en renfort. On relève sur le terrain les
corps de 50 thaïlandais dont 4 officiers.
Le 4, les français tentent un coup de main contre le Poste thaïlandais
de Chup Bayoum. Quatre soldats thaïlandais sont tués et
trois autres blessés. Le lendemain l’activité ennemie
s’intensifie sur la frontière avec le Cambodge. De nombreuses
escarmouches ont lieu mais partout, Les thaïlandais sont repoussés
au delà de la frontière et poursuivis par les français.
Les soldats coloniaux attaquent le poste de Kompong Sala, tenu par les
fusilliers marins thaïlandais. Ceux doivent se replier, laissant
le village aux mains des français. Un aspirant thaïlandais,
cloué au lit par la Malaria est capturé. Une contre attaque
repousse les coloniaux qui évacuent le village après l’avoir
incendié. Cinq soldats français ont été
tués dans l’affrontement. Dans l’après-midi,
l'aviation thaïlandaise bombarde Krabei au Cambodge, tuant un légionnaire
et en blessant 9 autres. Au Nord Cambodge, près de Poipet, une
patrouille thaïlandaise infiltrée dans le secteur de Sway
Chek est détruite dans une embuscade tendue par le Corps Franc
du 11e Régiment d'Infanterie Coloniale. Le 6 janvier dans la
nuit, les thaïlandais attaquent le poste de Kim Kébao. En
représailles, le peloton motocycliste du détachement motorisé
de l’Annam exécute des tirs au fusil mitrailleur contre
le poste de gendarmerie, de l’autre côté du Mékong.
A
compter du 7 janvier 1941, les thaïlandais, délaissant le
Laos jugé trop bien protégé par le Mékong,
déclenchent leur attaque principale contre le Cambodge. Ils ont
prévu de progresser sur 2 axes. L'armée Burapha doit prendre
la RC1 (route coloniale 1), qui mène à Battambang, et
l'armée Isaan doit attaquer par le Nord, à Samrong. Le
but est de pousser les français à retraiter dans la région
de Sisophon, secteur difficile à ravitailler durant la saison
sèche. Une diversion doit être effectuée simultanément
par la Division Chantabury, qui doit attaquer Pailin où se trouve
le I/5°REI. Une autre doit avoir lieu plus au nord, à Say
Chek. L'offensive débute par une attaque menée par l'armée
Burathan contre le poste de Poipet, sur la RC1. Leur soutien aérien
brise toute résistance et le fort tombe en fin de journée.
Les troupes françaises sont forcées de retraitent sur
la RC1. Au nord du Cambodge l'armée Isaan s’avance vers
Samrong.
Dans la nuit du 8 au 9 janvier, l'artillerie française effectue
des tirs de barrage pour tenter de désorganiser l'offensive ennemie.
Dans le même temps, les Potez bombardent les aérodromes
d'Ubon et de Sisaket, situés en territoire thaïlandais.
Mais la poussée sur la RC1 ne faiblit pas. Du 9 au 11 janvier,
les forces thaïlandaises s’emparent de Yang Dang Khum et
de Phum Preav. Leur aviation bombarde Samrong.
Au sud Laos, près de Paské, l'Armée Isaan passe
à l'offensive et attaque la RC10 (route coloniale 10), le 12
janvier. Elle prend le poste de Vang Tao après de violents combats.
Les français se replient sur Ban Dou. Au moment où la
situation militaire devient très délicate pour la France,
le gouvernement japonais émet une protestation auprès
de l'administration de Vichy, le 14 janvier. Selon lui, les français
auraient tenté de provoquer une intervention anglo-saxonne en
Indochine, pour les aider contre la Thaïlande.
La France dément avoir fait une telle tentative.
Sur la RC10, l’Armée Isaan continue sa progression. Malgré
de violents combats, elle s’empare de Ban Dou. Tout le dispositif
français se replie sur le Fleuve Pasqué.
La
contre attaque française sur Yang dang Kum et Phum Preav.
L’Amiral
Decoux ne veut plus reculer. Il souhaite contre-attaquer vivement sur
la RC1 et déboucher en territoire ennemi, où il pourrait
se ravitailler plus facilement. Il va confier la pointe de l’effort
au 5°REI, l’unité la plus valeureuse et aguerrie dont
il dispose. L’objectif est de contre-attaquer le 16 janvier à
Yang Dang Kum et à Phum Preav. Mais à Bangkok, on est
informé du plan de l’Etat-major français et une
nouvelle offensive est préparée pour la même date.
Les combats les plus meurtriers de la guerre franco-siamoise vont avoir
lieu.
Dans la nuit du 15, les bataillons du 3°RTT commencent un mouvement
sur l’aile française pour aller se positionner sur les
arrières des thaïlandais. Mais les unités sans point
de repère se perdent et finissent par se heurter à des
points de résistance qu’elles ne peuvent réduire.
C’est la confusion chez les deux adversaires qui ont déclenchés
leur offensive en même temps. Les tonkinois ne tiennent pas le
terrain, l’attaque devant Yang Dang Khum est un désastre.
Hâtivement préparée, mal conduite, celle ci est
contrée immédiatement par les thaïlandais qui ont
eu vent des intentions françaises. Préparés en
conséquence, ceux-ci ont parfois même attaqué avant
que les tirailleurs n'arrivent sur leurs positions de départ.
Le III/5°REI, pivot de l’attaque, tente d’emporter la
décision à Phum Preav.
Le 16, en début de matinée, il accroche sévèrement
les thaïlandais qui surpris, doivent se replier. Mais deux bataillons
reviennent bientôt à la charge, appuyés par leurs
chars. Les légionnaires sont stoppés dans leur progression.
Une de leur section se fait anéantir mais ils attaquent courageusement
les blindés à la grenade. Ils doivent néanmoins
décrocher, après en avoir détruit plusieurs.
L’appui précis des canons français antichars de
25mm arrête l’élan ennemi. L’assaut des chars
est repoussé, les thaïlandais rompent le contact. Les hommes
du 5°REI s’organisent sur le terrain pour résister
à une nouvelle attaque de blindés.
Ils déplorent déjà 50 tués et blessés
dans leurs rangs. Après avoir constaté l’échec
de son offensive, le commandement français ordonne en fin de
journée aux unités engagées de se replier sur leurs
bases de départ afin de pouvoir assurer la défense de
Sisophon. Le III/5°REI se replie alors sur Phum Thot. Paradoxalement
le commandement siamois est parvenu aux mêmes conclusions et prescrit
à ses troupes de reculer de plusieurs kilomètres afin
de se mettre sur des positions défensives ! Les pertes des 2
cotés sont lourdes et les 2 armées se retirent sur un
échec français.
Le 17 janvier, le 3°RTT mis en déroute la veille à
Yang Dang Khum, profite de l'absence de poursuite des thaïlandais,
pour venir reprendre sur le champ de bataille, le matériel abandonné
lors de sa retraite. A Bangkok, malgré le repli thaïlandais,
on publie de triomphants communiqués de victoire. Le Général
Phibun Songkhram pose fièrement avec un fanion de la légion
étrangère capturé à Phum Preav.
La bataille Navale de Kho Chang.
* Note
: ce sujet ayant déjà été brillamment évoqué
il n’en sera fait ici qu’un bref rappel. La
bataille Navale de Kho Chang.
Le 16 janvier 1941, une petite escadre française composée
du croiseur Lamotte-Picquet et des avisos Dumont-d’Urville, Amiral
Charner, Tahure et Marne, commandée par le Capitaine de Vaisseau
Bérenger croise au large des côtes siamoises. Leur mission,
ordonnée par l’Amiral Decoux, doit simuler un débarquement
dans le secteur de Chanthaburi, dans le cadre de l’offensive sur
Battambang. Le 17, un avion d’observation de la marine découvre
la flotte thaïlandaise au mouillage dans la baie de Kho Chang.
Malgré son infériorité numérique, l’escadre
française entame le combat avec la flotte thaïlandaise.
Trente minutes plus tard, 3 torpilleurs (Songkla, Cholburi et trat)
ont été envoyés par le fond, et le Lamotte Piquet
endommage irrémédiablement le garde-côtes Dombury
puis le Sri Ayuddaya. La marine thaïlandaise vient de perdre 40%
de sa puissance en quelques heures de combat et pas un navire français
n’a été atteint. La propagande du pouvoir en place
à Bangkok, aura malgré tout l’audace d’annoncer
sa grande victoire, dans le plus grand combat naval de la guerre mondiale
! Le 19 janvier 1941, alors que les avants gardes terrestres thaïlandaises
arrivent sur Mung Cao, dans le Sud Laos, l'Escadre du Lamotte-Picquet
arrive à Saigon sous les ovations de la foule. Les journalistes
sont invités pour constater que les navires sont intacts, contrairement
aux affirmations de Radio Bangkok qui clame que les 5 navires français
ont été détruits.
La
« médiation » du Japon.
Avec la déroute navale qui a anéanti sa puissance maritime,
Phibun Songkhram comprend que la situation militaire va devenir délicate
si les français parviennent à se renforcer. S’appuyant
sur sa victoire terrestre, il entrevoit alors la possibilité
d’un armistice. Dès le 20 janvier, le gouvernement japonais
présente à M. Arsène Henry, ambassadeur de France
au Japon, une offre de « médiation » dans le conflit
qui oppose la France de Vichy à la Thaïlande en Indochine.
Selon l'ambassadeur, cette médiation « dont les termes
comminatoires ne laissaient aucun doute sur son caractère d’ultimatum"
est faite alors qu'une flotte japonaise croise au large du Cap Saint
Jacques, au Sud de l'Indochine. Pour autant, un cessez le feu n’est
pas conclu et le 24, la bataille aérienne s’achève
par le bombardement de l’aéroport français d’Angkor,
atteint par un raid de bombardiers thaïlandais.
Dès le 25 septembre, les japonais montrent de très sérieux
signes d’agacement et menacent la France. L'administration de
Vichy est forcée d'accepter la médiation japonaise, sous
la pression. Le message de l’ambassadeur est sans équivoque
:
-
« Sommes saisis nouvelle offre médiation japonaise que
nous ne pouvons refuser actuellement sans risquer grave danger de devenir
suspects aux yeux du Gaimusho, de collusion avec pays anglo-saxons.
Cette médiation présente le risque pour nous comme pour
la Thaïlande d’encourager une intervention du Japon qui pourrait
s’étendre à d’autres domaines. En présence
de ce risque une entente directe qui serait conclue avant que les arrangements
afférents à la médiation aient revêtu un
caractère définitif serait d’autant plus souhaitable.
»
L’accord,
valable pour quinze jours, comprend, outre le préambule reconnaissant
la médiation japonaise, dix articles déterminant les points
de repli des troupes au contact, les zones limites des mouvements de
navires et d’avions, l’arrêt de la propagande hostile
et le respect réciproque des personnes et des biens. Un ultimatum
impose d’abord aux deux belligérants un armistice provisoire,
proclamé le 28. Le même jour, Des pourparlers commencent,
sur le cuirassé japonais Natori, ancré dans le port de
Saigon, entre les représentants français et les représentant
thaïlandais, sous l'arbitrage de représentants officiels
japonais. Le 30 janvier, l’accord d'armistice définitif
entre la France et la Thaïlande, est signé à Saigon
à 20 heures, sur le cuirassé Natori. Celui-ci règle
l'arrêt des combats, en attendant la signature d'un traité
de paix, qui doit être négocié dans quelques jours
à Tokyo.
Conséquence de la guerre franco-siamoise.
Les
négociations de paix entre la France de Vichy et la Thaïlande
se déroulent à Tokyo, à partir du 7 février
1941. La délégation française est menée
par René Robin, ancien Gouverneur Général de l’Indochine,
qui s’est rendu au Japon pour y conduire les pourparlers économiques
qui débutent, au même moment, dans la capitale japonaise.
Il est assisté du directeur du cabinet civil de l’amiral
Decoux, Georges Gautier. La suspension d’armes est prolongée
jusqu'au 7 mars. La Thaïlande présente des exigences, bien
supérieures à ce qu'elle réclamait à la
fin de 1940. A l’origine elle ne briguait que deux provinces du
Laos. A la conférence de paix, ses ambitions portent pratiquement
sur l’intégralité du Laos et du Cambodge.
La France, après étude, se dit insatisfaite et repousse
le 18 février, le plan de paix proposé par le Japon, dans
le règlement du conflit avec la Thaïlande. Elle repousse
ce projet une seconde fois pour les mêmes raisons, le 24 février,
mais M. Matsuoka menace de rompre les accords du 30 Août 1940,
ainsi que les négociations économiques qui sont en cours,
en parallèle.
Le 11 mars, sous la pression japonaise, la délégation
française est contrainte d'accepter le second plan de médiation
japonais.
Le
texte comprend notamment la mention suivante :
-
« L’Indochine ne devra contracter avec une tierce puissance
aucun accord ou entente qui prévoit une coopération politique,
économique ou militaire, de nature à s’opposer au
Japon.
L’Indochine perd les territoires de Paklay et de Bassac, la province
cambodgienne de Battambang et la partie nord des provinces de Siemreap
et de Kompong-Thom, soit une superficie totale de 70 000 kilomètres
carrés. En guise de compensation, elle recevra une indemnité
de 6 millions de piastres, échelonnée sur 6 ans. »
Pendant
la même période, la Thaïlande et l'URSS échangent
des notes, établissant une relation diplomatique et préparant
un accord commercial. Finalement le 9 mai, la France, sous contrainte
japonaise, signe un traité définitif de paix, par lequel
elle abandonne finalement les provinces de Battambang et Siem Réap
(littéralement "loi siamoise") et de Kompong-Thom prises
au Cambodge, de Champasak et Sayaburi, prises au Laos. Vichy, consent
à la violation du traité de protection franco-cambodgien
et permet ainsi l’amputation de près de 25% du territoire
du Cambodge. Ce traité sera suivi d’un autre entre la France
et le Laos le 21 août.
Conclusion.
Militairement,
la guerre franco-siamoise se solde par un match nul avec avantage à
la Thaïlande. Ceux-ci ont été vainqueurs dans les
combats terrestres mais ont été mis en déroute
en combat naval. L'armée française déplore un total
de 321 tués, dont 15 sont des officiers. Après le 28 janvier,
elle compte 178 disparus (6 officiers, 14 sous-officiers, et 158 hommes
enrôlés). Les Thaïlandais ont capturé 222 hommes
(17 Nord-africains, 80 Français, et 125 Indochinois). L'Armée
de Terre thaïlandaise dénombre un total de 54 tués
et 307 blessés. 41 marins ont également été
tués, et 67 ont été blessés. À la
bataille de Koh Chang, 36 marins ont été tués,
dont 20 sur le Dombury, 14 sur le Songkla, et 2 sur le Chomburi. L'Armée
de l'Air thaïlandaise a, quant à elle, perdu 13 hommes.
Le nombre de soldats thaïlandais capturé par les Français
s’élève à 21. Environ 30% des avions français
ont été rendus inutilisables vers la fin de la guerre.
Principalement en raison de dommages mineurs subis lors de raids aériens.
L'Armée de l'Air admet la perte d'un Farman F221 et deux Morane-Saulnier
MS.406, détruits au sol, mais il est probable que ses pertes
soient plus importantes. En effet, Au cours de sa première expérience
de combat, l'Armée de l'Air Royale thaïlandaise prétend
avoir abattu cinq avions français en l'air et en avoir détruit
dix-sept au sol, pour la perte de trois de ses propres avions dans le
ciel et de cinq à dix détruits dans des raids aériens
français sur les terrains d'aviation thaïs.
Fin
juillet 1941, l’armée impériale japonaise fait son
entrée dans la capitale cambodgienne. Elle n’hésite
pas, le 8 décembre à débarquer en Thaïlande
Lorsqu'elle constate que le premier ministre thaï Plaek Pibulsonggram
(Phibun), contrairement à ses déclarations verbales, n’est
guère disposé à soutenir une invasion japonaise
en Malaisie. Le coup de force des japonais aboutit à un cessez-le-feu
en moins de 24 heures. Constatant l'avance fulgurante de leurs troupes
dans le cadre de la Bataille de Malaisie, le gouvernement thaïlandais
décide de se ranger aux côtés du Japon. Le 21 décembre
1941, la Thaïlande signe un traité d'alliance avec le Japon.
Sources
:
Historia Magazine N°15 (février 1968)
The Franco-Siamese War of 1941 [Archive] - Military Photos
Indochina Expedition order of battle - Wikipedia, the free encyclopedia
7 Janvier 1941 - La seconde guerre mondiale au jour le jour
http://aerostories2.free.fr/acrobat/events/langson.pdf
ANAI - Site Officiel de l'Association Nationale des Anciens et Amis
de l'Indochine et du Souvenir Indochinois
Indo-Chine: une histoire coloniale ... - Google Books
Second World War Books: History Page
Le 5ème REI durant la Guerre franco-thaïlandaise: 1940-1941.
- Page 1
http://airforce.thaiembdc.org/rtaf/history_st17.jpg
http://www.admp.org/revuespdf/201/uneguerreoubliee.pdf
http://thaimilitary.files.wordpress.com/2008/12/rtaf-ki-30-nagoya.jpg