En
1933, un coup d'état chassait définitivement la dynastie
royale du Siam au bénéfice de régimes militaires.
En 1938 arrive au pouvoir le général Phibun Songgram qui
impose une politique ultra-nationaliste. Un rapprochement avec le Japon
est décidé qui se transforme en alliance à la fin
des années 30. En 1939, le Siam adopte une politique "panthaïe"
qui l'amène à revendiquer la possession de tous les territoires
où vivent des populations de langue thaïe. Le pays est rebaptisé
Thaïlande.
Les visées expansionnistes thaïlandaises concernent en particulier
des territoires laotiens et le Cambodge, alors sous protectorat français.
LES RELATIONS FRANCO-THAÏLANDAISES
A la fin de 1939, un pacte de non-aggression était en préparation
entre la Thaïlande et la France. Ce traité est signé
le 12 juin 1940. Mais, les nouvelles de l'armistice avec l'Allemagne
conduisent le gouvernement de Bangkok à n'accepter la ratification
du traité que si la France accepte de céder le Cambodge
et une partie du Laos.
En septembre 1940, des échanges de notes à ce sujet entre
Bangkok et Vichy se terminent par une rupture des discussions et la
propagande siamoise se déchaîne contre la France.
LE ROLE DU JAPON
En Indochine française, après l'armistice de juin 1940,
s'exerce une forte pression japonaise pour que le ravitaillement des
troupes chinoises par la route du Yunan soit arrêté. Le
général Catroux, gouverneur général de la
colonie, accepte les demandes japonaises car il ne pense pas être
en mesure de s'y opposer militairement. Ces concessions déplaisent
au gouvernement du maréchal Pétain, encore basé
à bordeaux, qui le relève de ses fonctions le 25 juin
1940. Par suite, l'amiral Decoux est nommé au poste de gouverneur
général de l'Indochine.
Dès le 1er août 1940, le gouvernement japonais exige que
5 aérodromes du nord-Tonkin soient mis à sa disposition
et que 30 000 soldats nippons soient basés dans la province française.
Un accord est trouvé par les autorités françaises
sur place. Il porte sur la mise à disposition de 3 aérodromes
et le stationnement de 6 000 hommes, mais les japonais, non satisfaits,
attaquent la citadelle de Lang son le 22 septembre 1940, ils bombardent
également Haïphong. Vichy et Tokyo négocient alors
directement et les français finissent par céder à
l'ensemble des demandes japonaises.
De plus, Japon et Thaïlande sont liés par un traité
d'amitié. Lorsqu'en octobre 1940, les USA mettent un embargo
sur les livraisons d'armes à la Thaïlande, celle-ci est
aussitôt approvisionnée par les japonais.
LES FORCES EN PRESENCE :
Thaïlande
Terre : 60 000 hommes assez bien équipés (matériel
américain)
300 000 hommes sont mobilisables en cas de nécessité.
Air : 150 appareils environ dont des biplans Vought et des Curtiss Hawk
75
Mer : 2 gardes-côtes cuirassés (2300 t, 15,5 nds, 4 X 203
mm)
Sri Ayuthia (lancé en 1937, construit au Japon, appelé
parfois Ahidéa)
Dhonburi (lancé en 1938, construit au Japon)
2 canonnières cuirassées (900 t, 2 X 152 mm)
9 torpilleurs classe Puket (470 tonnes, 31 nds, 3 X 75 mm, construit
en Italie)
dont : Chonbury (lancé en1937), Songhkla (1937) et Trad ou Trat
(1935)
2 patrouilleurs classe Kantan (110 tonnes, 19 nds, 1 X 75 mm, lancés
en 1937)
2 avisos classe Tachin (2000 t, 17 nds, 4 X 105 mm, lancés en
1936)
4 sous-marins classe Sinsamudar (430 t, fabrication japonaises)
France
Terre : 50 000 hommes pour toute l'Indochine (dont 12 000 européens)
Armement dépassé datant de 14-18
Peu de stock (en particulier en munitions)
Air : environ 80 appareils dépassés
20 MS 406 (la plupart sont immobilisés faute de pièces
de rechange)
Mer : 1 croiseur léger de 8000 tonnes classe Duguay Trouin
Lamotte-Picquet (8 X 155 mm, 33 nds, lancé en 1924)
2 avisos coloniaux de 2 200 tonnes classe Dumont d'Urville
Dumont d'Urville (16 nds, 3 X 138 mm, lancé en 1931)
Amiral Charner (16 nds, 3 X 138 mm, lancé en 1932)
2 avisos anciens
Marne (600 t, 21 nds, 2 X 65 mm, lancé en 1918 )
Tahure (850 t, 20 nds, 2 X 138 mm, lancé en 1919)
1 sous-marin de 1 500 tonnes classe Redoutable.
Conclusion
Le rapport des forces n'est pas en faveur des français. Les forces
terrestres siamoises sont mieux équipées, mieux ravitaillées
alors que les troupes françaises sont constituées majoritairement
d'hommes recrutés dans les provinces indochinoises (tonkinois,
annamites, cambodgiens) qui constituent un ensemble assez hétéroclite.
De plus, l'obligation d'économiser le peu de matériel
et munitions disponibles constitue un réel handicap pour le commandement
français.
L'aviation française n'est pas en mesure de s'opposer à
son homologue thaïlandaise. Ses appareils sont totalement périmés
ou manquent de pièces de rechange.
Seule les forces maritimes de Vichy ont belle allure et sont prêtes
à soutenir un combat. Mais la marine siamoise n'est pas à
négliger. Durant les années 30, elle a été
équipée de navires modernes, de construction japonaise
ou italienne.
PREMIERS AFFRONTEMENTS
Les premiers incidents de frontières ont lieu en septembre 1940,
après la rupture en la France et la Thaïlande au sujet du
Cambodge.
En octobre, le commandement français déplace des troupes
du Tonkin vers le Cambodge. La montée vers la zone de combat
est réalisée avec des camions civils et des cyclo-pousses.
Pendant ce temps, l'aviation thaïlandaise effectue des survols
réguliers de cette région. Elle bombarde Vientiane, Thaket
et Saravanne fin novembre et en décembre 1940.
Les maigres forces aériennes françaises réagissent
par quelques bombardements de nuit du territoire siamois, son matériel
ne lui permet pas de faire mieux.
Début janvier 1941, la concentration des troupes françaises
est terminée. L'amiral Decoux, gouverneur de l'Indochine dispose
de 23 bataillons d'infanterie, de 5 groupes d'artillerie. Les siamois,
en face, disposent de 41 bataillons, 10 groupes d'artillerie et 2 bataillons
de chars. Il décide de ne plus laisser aucun initiative thaïlandaise
sans réponse.
Des plans d'offensive sont mis au point côté français,
ils prévoient une vaste percée dans le secteur de Yang
Dang Kum et de Phum Preav, mais, bien renseignés, les thaïlandais
préparent une contre-offensive adaptée.
L'OFFENSIVE DU 16 JANVIER 1941
Sur terre.
Le 16 janvier 1941, les forces françaises, avec en pointe le
5ème régiment étranger d'infanterie (5 REI) se
portent sur Yang Dang Kum où elles doivent faire face à
une défense siamoise d'abord flottante puis rapidement renforcée
par des chars que les légionnaires attaquent à la grenade
à main.
Devant la résistance siamoise, ordre est donné en fin
de journée aux troupes françaises de se replier vers leurs
bases de départ pour assurer la défense de Sisophon. Dans
le même temps, le commandement thaïlandais, impressionné
par l'attitude agressive des légionnaires, ordonne le repli de
ses forces de plusieurs kilomètres et adopte une attitude défensive.
Sur mer.
Le 9 décembre 1940, l'amiral Decoux constitue une petite escadre
composée du croiseur Lamotte-Picquet, des avisos coloniaux Amiral
Charner et Dumont d'Urville et des avisos anciens Marne et Tahure. L'ensemble
est placé sous le commandement du capitaine de vaisseau Bérenger,
commandant du Lamotte-Picquet.
Dans le but d'appuyer l'offensive terrestre du 16 janvier, ce groupement
reçoit l'ordre d'effectyuer une opération de recherche
et destruction des forces navales siamoises dans le golf de Siam.. Il
appareille le 15 janvier vers 21h00.
LA BATAILLE DE KOH CHANG
Le 16 janvier.
Une reconnaissance aérienne par deux hydravions Loire 130 situe
une part importante de la flotte thaïlandaise aux parages de l'île
de Koh Chang. Sont repérés 1 garde-côtes cuirassé
et 3 torpilleurs. Le commandant Bérenger décide de les
attaquer le lendemain, au lever du jour.
Il prévoit de diviser son escadre en 3 groupes, (avisos Marne
et Tahure, avisos Dumont d'Urville et amiral Charner, croiseur Lamotte-Picquet).
Le 17 janvier.
6h05, un hydravion français repère cette fois 2 gardes-côtes
cuirassés et 3 torpilleurs au mouillage dans la zone. Il tente
de les attaquer à la bombe, mais la DCA des navires le refoule.
6h14, l'ennemi repère la flotte française et ouvre le
feu à une distance moyenne de 9000 m.
6h20, se repérant à la lueur des départs, le Lamotte-Picquet
lance 3 torpilles sur un des attaquants.
6h30, un coup au but de torpille est observé (le garde côtes
Sri Ayuthia, fortement endommagé, s'éventre sur les récif
de la barre de la rivière Chantaboum).
Les avisos engagent 2 torpilleurs, pendant que le Lamotte-Picquet ouvre
le feu sur un troisième.
6h38, Le Lamotte-Picquet entame un duel d'artillerie à 10 000
m avec un garde côte (le Dhonburi).
6h55, les avisos achèvent 2 torpilleurs ennemis.
7h15, les avisos coloniaux apportent le soutient de leur artillerie
au Lamotte-Picquet dans son duel avec le Dhonburi.
7h48, après avoir été encadrés plusieurs
fois, les navires français perdent le contact avec leur adversaire
qui est en flamme et a pris une forte gîte. (Le Dhonburi, très
endommagé, se précipite sur un récif et coule).
8h00, l'escadre française cesse le feu et s'éloigne à
l'ouest pour retourner à Saigon.
Entre 8h48 et 9h40, les navires français essuient plusieurs attaques
aériennes sans subir de dommages grâce à la vigueur
de leur DCA (un éclat de bombes ayant éclaté très
près sera retrouvé sur le Lamotte-Picquet).
BILAN
Pertes thaïlandaises
2 gardes-côtes cuirassés (Dhonburi et Sri Ayuthia).
Le Sri Ayuthia, échoué, sera relevé et réparé
au Japon. Il reprendra du service fin 1941 et sera coulé le 3
juillet 1951 lors d'une révolution.
3 torpilleurs classe Puket (Trad, Songhkla et Chonburi).
Le Trad fut relevé et réparé, il sera décommissionné
en 1976.
Les pertes en vie humaines sont très élevées, certaines
sources font mention de 82 survivants sur la totalité des équipages
(c'est à dire sur 550 hommes environ).
Pertes françaises
Aucune pertes en navire et vie humaine.
C'est plus du tiers de la flotte siamoise qui est détruit lors
de cette bataille qui est la seule victoire navale totalement française
de la seconde guerre mondiale.
LA FIN DU CONFLIT
Après le match nul des opérations terrestres et la victoire
française de Koh chang, le gouvernement japonais décide
de mettre fin aux hostilités. Il envoie une note aux belligérants
le 22 janvier 1941 pour imposer des négociations.
Le 31 janvier, une trève de 2 semaines est signée à
Saigon à bord du croiseur japonais Natori. Il est prévu,
en outre, un retrait des troupes terrestres de 10 km.
Le 7 février, une conférence s'ouvre à Tokyo pour
régler le problème de façon définitive.
La délégation française est dirigée par
le gouverneur général René Robin, les thaïlandais
par le prince Varanarn. Le ministre japonais des affaires étrangère
Matsuoka préside les débats.
Les Français rejettent les revendications siamoises jusqu'au
2 mars, malgré la pression japonaise. A cette date, il semble
que le conflit va reprendre. Mais il semble qu'à l'arrivée
de Darlan à la tête du gouvernement de Vichy (25 février)
une attitude plus conciliante soit ordonnée, les instruction
atteignant les représentants français le 3 mars.
Le 11 mars, un accord est signé, la Thaïlande obtient les
province cambodgiennes de Battambang (en totalité), de Siem Réap,
de Kompong-Thom et de Stung Treng(en grande partie) soit plus
de 50 000 km2 (le quart de son territoire, et plus de 420 000 personnes).
Le Laos cède les territoires de la rive droite du Mékong
(provinces de Sayabouri et Champassak).
Ni le roi du Laos, ni celui du Cambodge n'ont été consultés.
Les territoires annexés par la Thaïlande ne seront restitués
à la France qu'en novembre 1947.