|
Le
Bretonishe Waffenverband der SS "Bezzen Perrot"
A
la fin de la Première Guerre mondiale, il existait en Bretagne
un mouvement nationaliste relativement puissant. En 1932, le PNB (Parti
National Breton), dont l’objectif officiel était de conquérir
l'indépendance de la "France colonialiste", est fondé.
Le mouvement se radicalisera rapidement et plusieurs attentats "antifrancais"
seront perpétrés. Après une tentative avortée
de fonder un Etat breton en juillet 1940, le PNB avec R. Delaporte à
sa tête, déclare tenir une position qui se dit neutre entre
les Allemands et la Résistance tout en demeurant clairement anti-vichyssoise.
"Ni Allemands, ni Français, Bretons !".
Pour autant, son action prends clairement l’allure de collaboration
politique d’autant plus que, immédiatement après
l’invasion, les autorités allemandes, particulièrement
la Wehrmacht, fait montre de sympathie envers ce mouvement, malgré
les protestations du gouvernement de Vichy.
Mais la Résistance est puissante en Bretagne. Le 4 septembre
1943, Yann Bricler, chef de la section locale du PNB, est exécuté
à Quimper.
Le 12 décembre, un maquisard FTP exécute Yann-Vari Perrot,
un prêtre animateur du groupe catholique nationaliste breton "Bleun
Brug" (Fleur de Bruyère).
Célestin Lainé, un activiste qui a organisé plusieurs
attentats anti-Français en Bretagne avant la guerre, réclame
vengeance. Avec l'aide de la branche locale du Sipo-SD, il crée
le "Bezen Perrot" (Formation Perrot) enregistré par
les Allemands comme le "Bretonische Waffenverband der SS"
(Détachement armé breton de la SS).
Au sujet des "circonstances" ayant présidé à
la création du Bezen Perrot, il convient cependant d’être
très prudent.
De petits réseaux nationalistes bretons existaient avant le 12
décembre 1943 et faisaient du "renseignement" pour
le compte des Nazis, dont entre autre le Bezen Kadoudal et le Bagadou
Sturm. Citons par exemple leur infiltration du réseau FFI Gallais,
démantelé en octobre 41. Huit résistants bretons
seront décapités à Munich le 21 septembre 1943
: René Gallais, Raymond Loizance, Marcel Pitois, Antoine Ferez,
Louis Richer, François Lebosse, Jules Rochelle, et Jules Frémont.
Il ne ne s’agit donc là que d’une mutation, d’un
durcissement.
Par ailleurs, des recherches en cours depuis l’ouverture des archives
en 2004 tendent à montrer que Yann-Vari Perrot n’était
pas simplement un pacifique prêtre breton mais en fait un animateur
très actif de ces réseaux de délation et que son
exécution, aussi bien que celle de Bricler, ne soit pas le fait
d’une initiative des FTP locaux. L’ordre est venu directement
de Londres, probablement via le BCRA, suite à enquête.
Moins de 100 volontaires ont été recrutés, les
chiffres cités par plusieurs sources variants de 62 à
presque 80.
Certains viennent du Bagadou Sturm (Groupe de combat) constitué
en 1941 au sein du PNB par Yan Goulet (1914-1999) qui se réfugiera
en Irlande en 45. Les Allemands interdisent l'utilisation de tous les
insignes bretons distinctifs, ils portent donc l’uniforme standard
de la SS. Cependant, il semble que certains d'entre eux arboraient une
croix celtique pendant les combats, mais cela ne peut pas être
confirmé.
Le groupe (une trentaine d’hommes au départ) est installé
à Rennes, caserne du Colombier et est engagé contre les
Maquis et la Résistance à partir de mars 1944. Sur le
plan militaire, l'unité dépend du Hauptscharführer
Hans Grimm, dit Lecomte, du Sicherheitsdienst (S.D.) de Rennes, l'Obersturmbannführer
Pulmer assurant le commandement direct des unités Ils seront
détachés par petits groupes dans les Kommandanturen allemandes
ou formeront diverses unités d’intervention contre les
maquis. Ils agiront parfois en civil, ce qui les fera détester
plus encore par la Résistance, les considérants comme
des indicateurs.
Notons au passage la flagrante contradiction qui, apparemment, ne les
a pas gênés : s’étant engagés au nom
du nationalisme breton et contre la France, c’est essentiellement
contre des maquis bretons, et très bretonnants pour la plupart,
que les Bezen Perrot se battirent.
Certains de ces "combats" se déroulèrent "à
la loyale" : Attaque frontale de Maquis localisés grâce
aux délations. D’autres, arrestations arbitraires de voisins
et familles, tortures, assassinats de "suspects terroristes",
exécutions sommaires de résistants, permettent de classer
le Bezen Perrot au même niveau que les plus criminels des francs-gardes
de la Milice. Ils portaient le drapeau Breton, croix noire sur fond
blanc, mais ne l’ont pas honoré. D’autres l’ont
fait pour eux.
Un exemple, parmi d’autres : Albert Torquéau, né
à Rostrenen, professeur de collège, chef d'un groupe de
résistants, fait prisonnier au cours d'un ratissage et torturé,
fusillé le 16 juillet 1944 à l'âge de 24 ans comme
Marcel Sanguy, 35 ans, et cinq autres résistants, près
de la voie ferrée Guingamp-Carhaix, aux abords du village de
Garzonval, en Plougonver.
Citons aussi Mesdames Ambroise Josse et Céline Maubre, assassinées
ainsi qu’Armand Maubre dans le bois de Menoray en Locmalo le 2
août 1944.
En
août 44, devant l’avance alliée, le Bezen Perrot
doit faire un choix. Philippe Aziz, dans "L'histoire secrète
de la Gestapo en Bretagne", paru en 1975, écrira :
"Pendant toute la journée du 1er août, Célestin
Lainé lance ses lieutenants Ange Péresse et Léon
Jasson à la recherche des "gours" du Bezen afin que
ceux-ci rejoignent la rue Lesage, centre de rassemblement. Il se rend
à deux reprises rue Jules Ferry, au siège de la Gestapo,
pour mettre au point avec Pulmer les modalités du repli et organiser
les convois et les itinéraires. Le 1er août au soir, un
premier contingent de trente membres du Bezen, mêlé à
un groupe d'employés de la Gestapo, prend la route. Le 2 août,
le reste de la troupe suit. Il y a, outre les autres gours du Bezen,
l'imprimeur de "l’heure bretonne", Marcel Guieysse,
sa femme et leur fille Denise, Mme Peresse et ses enfants; Roparz Hemon,
fondateur de l'Institut celtique; Jos Youenou, beau-frère de
François Debeauvais ; Françoise Rozec-Andouard, alias
Meavenn"
Le 3 août 1944, le 8ème corps d’armée US entre
à Rennes que la Wehrmacht avait évacué la veille.
Les Bezen restés sur place (au moins certains de ses membres
ou sympathisants comme Marcel Guiyesse, Roparz Hemon) se replient également
vers l’est.
A l’étape de Paris, les "désertions" se
multiplient : certains (comme celui qu’on surnomme Tintin la Mitraille)
rejoignent les FTP, d’autres les FFI (Le Bihan, entre autres)
et quelques-uns uns enfilent discrètement des vêtements
civils.
Durant sa fuite vers l'Allemagne, le Bezen Perrot se signale à
Troyes par l'exécution sommaire de résistants sortis de
leur geôle (Xavier Théophile, André Geoffroy, Chevillotte,
dit Bleiz).
Les rescapés ont fini dans la région de Tubingen. Les
derniers ont été incorporés dans quelques unités
spéciales alors que quelques-uns uns choisirent de rejoindre
les formations Waffen-SS actives comme la Division Charlemagne. Quand
l'Allemagne s'est rendue, plusieurs, comme Lainé, sont parvenus
à trouver refuge en Irlande. Certains sont restés en Allemagne,
aidés par des civils allemands, alors que d'autres étaient
arrêtés en Allemagne ou France.
Sur l'ensemble des Bretonishe Waffenverband der SS "Bezzen Perrot",
trois sont morts au combat, un a été exécuté
par le maquis, un est mort durant un interrogatoire effectué
par la résistance et un (qui avait "retourné sa veste")
a été exécuté par les Allemands.
Le cas Bezen Perrot et d'autres cas de collaboration furent traités
par la Cour de Justice établie à Rennes en 1944. Ses pouvoirs
furent transférés au Tribunal Permanent des Forces Armées
à Paris le 1er février 1951 qui était chargé
de revoir tous les cas. Parmi une douzaine de bretons exilés
en Allemagne de 1946 à 1948, 5 furent condamnés à
mort par contumace dont Yann Bourc’hiz. Une demi-douzaine, arrêtés
en France, furent exécutés.
Liste des membres connus du Bezen Perrot :
1. SS-Untersturmführer Célestin Laine (Neven Hénaff)
– Premier commandant de l’unité. Réfugié
en Irlande. Condamné à mort par contumace. Décédé
en 1983.
2. SS-Sturmscharführer Ael (Ange) Peresse alias Cocal - Adjutant
Condamné à mort par contumace. Naturalisé allemand
après la guerre. Décédé à Munich
en 1984.
3. SS-Untersturmführer Wild (Alsacien) – 2ème commandant
de l’unité.
4. SS-Haupsturmführer Hans Grimm alias Lecomte (Alsacien) –
Commandant nominal.
5. SS-Oberscharführer Erich Froeboese (Allemand) Quartier Maître
6. SS-Oberscharführer Maout
7. SS-Oberscharführer Alan Heussaf – Commandant la 2eme Compagnie.
Condamné à mort par contumace. Réfugié en
Irlande, décédé en 1999.
8. SS-Mann Marcel Bibe – Le plus jeune du Bezen Perrot, condamné
à une peine de prison le jour ou Jasson fut condamné à
mort.
9. SS-Oberscharführer Léon Jasson – commandant de
la 1ère Compagnie, exécuté le 17 juillet 1945
10. SS-Muzikmeister Polig Guirec, étudiant en droit, il était
le joueur de cornemuse du Bezen Perrot et jouait l’appel du matin.
11. SS-Mann Larnikol de Plovanaleg
12. SS-Mann Lezet de Saint-Malo
13. SS-Mann Jean Chanteau (alias Mabinog)
14. SS-Mann Yves Le Négaret, LVF de juin 43 a mai 1944, rejoint
le Bezen Perrot le 6 juin 1944
15. SS-Mann Louis Feutren 'Le Maître'
16. SS-Mann Youenn Le Noac'h 'Ruzik'
17. SS-Mann Yann Bourc'hiz 'Guével'
18. SS-Mann René Guyomarc'h
19. SS-Mann Yan Guyomarc'h, frère du précédent.
20. SS-Mann Alphonse Le Boulc'h
21. SS-Mann Foix 'Eskob' ou 'Bishop'
22. SS-Mann Auguste Le Deuff (Le premier mort, tué par un résistant
capturé qui avait réussi à cacher un pistolet dans
son béret)
23. SS-Mann Yann Laizet (ou Le Nezet) 'Stern' (Mort en 44 lors d’un
affrontement avec la Résistance)
24. SS-Mann Jean Larnicol 'Gonidec' (Mort avec Stern)
25. SS-Mann Yann Louarn 'Le Du' (Exécuté par la Résistance)
26. SS-Mann Job Hirgair 'Ivarc'h' (Mort en Allemagne au cours d’un
bombardement)
27. SS-Mann Joseph Le Berre 'Kernel' (Mort à Paris mais au sein
des FFI ! )
Guy Vissault de Coëtlogon n’était pas membre du Bezen,
mais d’un petit groupe d’informateurs recrutés directement
par le SD de Rennes. Exécuté.
page
précédente page suivante |