La
colonisation du Texas
Les origines de la guerre d’indépendance du Texas sont
directement liées à celle du Mexique en 1821. Les différentes
tentatives espagnoles de colonisation de la province du nord-est appelée
Tejas ont toutes échoué.
Avant 1820, seules 3 colonies existent : Nacogdoches, San Antonio de
Bexar et Goliad, pour une population avoisinant les 2500 Tejanos (habitants
d’origine hispanique ou latino-américaine). La solution
semble être l’ouverture aux colons nord-américains.
Criblé de dettes, Moses Austin entre en négociation avec
la vice-royauté de Nouvelle-Espagne qui lui octroie 211000 acres
(850km²) pour 300 colons le 17 janvier 1821. Ayant contracté
une pneumonie, Austin meurt peu après mais fait promettre à
son fils Stephen de mener à bien son projet. Le Mexique proclame
son indépendance le 28 septembre 1821. Les bouleversements et
différentes révolutions de palais qui s’ensuivent
rendent par 2 fois caduc le contrat de Moses Austin.
En avril 1823, Stephen Austin convainc le congrès mexicain de
lui accorder un nouveau contrat permettant de faire venir 300 familles.
Austin devient un empresario, un agent promoteur de l’immigration.
En 1824 la république fédérale du Mexique adopte
sa première constitution. Elle regroupe les différents
districts espagnols en Etats formant une Union où le Texas n’est
plus qu’une province de l’Etat de Coahuila y Tejas. Sa frontière
se trouve ramenée au Rio Nueces au lieu du Rio Grande. Cependant,
le Texas pourra obtenir le statut d’Etat une fois qu’il
aura atteint un certain niveau de population.
En 1824 toujours, le congrès fait passer une loi autorisant les
Etats à ouvrir les terres du domaine public à l’immigration.
Semi-désertique et particulièrement pauvre, le Coahuila
y Tejas se montre généreux envers les migrants nord-américains.
En contrepartie les colons doivent être loyaux envers le gouvernement
mexicain, utiliser l’Espagnol comme langue administrative, se
convertir au catholicisme. Ces conditions sont globalement d’autant
plus ignorées qu’elles sont difficiles à contrôler
tant est loin le pouvoir central. De plus en plus d’empresarios
apparaissent et en 1831 les colons et leurs esclaves dépassent
les 20000 têtes, très largement supérieurs aux autochtones.
En moins de 10 ans, Stephen Austin a accompli ce qu’un siècle
de colonisation espagnole n’a jamais réussi à faire.
Mais cette croissance rapide de la population commence à inquiéter
les populations mexicaines. Les Anglos importent leur manière
de vivre, incluant la croyance que les droits qu’ils avaient lorsqu’ils
vivaient aux Etats-Unis sont accordés par Dieu et transposables
au Mexique. Largement protestants, peu parlent espagnol et globalement
ne se sentent tenus par aucun sentiment de loyauté envers le
Mexique.

Montée des tensions
En 1828, une étude demandée par le président Guadalupe
Victoria menée par le général Manuel de Mier y
Teran fait ressortir ces attitudes en opposition à ce qui était
prévu. De plus, le flux migratoire fait que l’on découvre
régulièrement de nouveaux colons installés de facto
sur des terres dont il est difficile d’établir la propriété.
L’année suivante Mier y Teran fait un rapport comportant
14 recommandations visant à contrôler l’immigration
nord-américaine. Il préconise entre autres le renforcement
des garnisons existantes, le positionnement de troupes le long du Rio
Nueces, le contrôle du couloir d’entrée des immigrants
américains (le fleuve Sabine) et l’arrêt de l’introduction
d’esclaves. Ses recommandations sont appliquées avec zèle
et même au-delà par le nouveau président, Anastacio
Bustamente qui édicte la loi du « 6 avril 1830» dont
l’article 11 interdit tout nouveau flux migratoire entrant. L’application
de cette loi, outre le tarissement de l’immigration légale
qui prive le Texas de l’accession au statut d’Etat, aboutit
à rendre de nombreux contrats d’empresarios caducs, coûtant
à de nombreux colons leurs économies et ralentissant celles
des colonies existantes. L’année précédente
l’esclavage a été aboli, mesure extrêmement
impopulaire parmi les Texans qui considèrent leurs esclaves comme
leur propriété privée sans droit de regard du gouvernement.
Habitués à une large autonomie, les Texans vivent mal
ces mesures jugées inutiles et vexatoires. Leur colère
monte d’un cran lorsque 2 Anglos, George Fisher et John Davis
Bradburn sont appointés pour faire appliquer la loi, notamment
la nouvelle loi fiscale. L’exemption de taxes jusque-là
accordée a expiré et le gouvernement compte sur ces nouveaux
revenus pour installer 6 nouvelles garnisons destinées à
garder les points d’accès au Texas. Les colons l’ignorent
tant et si bien que Bradburn finit par instaurer la loi martiale. Au
printemps1832, il arrête 2 agitateurs, dont l’avocat William
Barret Travis. La réponse texane se traduit par l’envoi
de 200 miliciens (alors que Bradburn a moins de 300 hommes sous son
commandement à Anahuac et Velasco) à Anahuac. Ils capturent
19 cavaliers le 9 juin avant d’investir la bourgade le lendemain.
La tension est à son paroxysme lorsque Bradburn fait mettre les
2 otages en joue par ses hommes.
Prêt à aller jusqu’au drame, Travis crie aux Texans
de tirer malgré tout. La raison l’emporte et les miliciens
acceptent de se retirer pour entamer des négociations. Ils se
regroupent à Turtle Bayou et relâchent les 19 prisonniers.
Apprenant que certains « insurgés » n’ont pas
quitté la ville, Bradburn refuse de relâcher les siens.
Une bataille d’escarmouche s’engage et les Texans décident
de se replier et d’attendre de l’artillerie (1 canon) en
provenance de Brazos. Les renforts sont surpris en route par les hommes
du colonel Domingo de Ugartechea à Velasco. Une courte bataille
s’ensuit opposant plus d’une centaine d’hommes de
part et d’autre. Elle aboutit à la reddition d’Ugartechea
après épuisement de ses munitions.
Les Texans ont 10 morts, 11 blessés, les Mexicains 5 morts, 16
blessés. Le col. Jose de las Piedras, se met en marche depuis
Nacogdoches mais, craignant d’être en sous-effectifs, il
choisit de rencontrer les Texans. Après négociations,
il ordonne à Bradburn de libérer les otages. Ugartechea
et ses hommes sont libérés. Les tensions s’apaisent
pour un temps.
En 1833 le général Antonio Lopez de Santa Anna est élu
président du Mexique. Il s’oppose à la montée
du centralisme étatique et prône le retour au fédéralisme.
Les Texans organisent une convention pour lui exprimer leurs doléances.
Stephen Austin est désigné pour en amener les propositions
à Mexico. Après un intense lobbying, il obtient plusieurs
concessions, dont l’abrogation de la loi du 6 avril mais pas la
qualification d’Etat pour le Texas. Lors de son retour, il est
arrêté à Saltillo comme « insurgé ».
La lettre qu’il a écrite au conseil municipal de Bexar
l’informant des plans des colons pour atteindre le statut d’Etat
a été interprétée comme un appel à
la révolte. Il est emprisonné à Mexico jusqu’en
juillet 1835.
En 1834, Santa Anna, dont les orientations politiques semblent à
géométrie variable, décide que le Mexique n’est
pas prêt pour la démocratie et s’oriente vers le
centralisme autocratique. Il limoge le vice-président fédéraliste,
dissout le congrès et le parlement, ordonne la confiscation des
armes et démet l’ensemble des ministres. La constitution
de 1824 est modifiée. La révolte éclate un peu
partout, plus violemment dans le Zacatecas et le Coahuila. Santa Anna
envoie le général de division Martin Perfecto de Cos faire
le ménage dans le second et décide de s’occuper
personnellement du premier. Le 12 mai 1835, après avoir fait
3000 prisonniers, il laisse ses hommes mettre à sac la capitale
de l’Etat pendant 48h. Les Texans restent sur la réserve.
Le 21 septembre Cos pénètre au Texas à Copano Bay
et se dirige vers Goliad puis Bexar.

Octobre-Novembre
1835 : Victoires militaires…
La colonie de Gonzales a toujours été calme. Jamais elle
n’a été un foyer de rébellion comme San Felipe
ou Anahuac.
Mais avec l’ordre de désarmement des milices et l’arrivée
de Cos, le climat change, d’autant que la colonie détient
un canon espagnol en bronze de 6 pounds « prêté »
à la ville en 1831 pour se défendre contre les Indiens.
Si bien que lorsque le col. Ugartechea ordonne la restitution du canon,
la communauté refuse purement et simplement Conscient de la tension
et soucieux d’éviter le déclenchement des hostilités,
il ordonne au lieutenant Francisco Castaneda et à ses 100 dragons
d’aller le récupérer, par la force si nécessaire,
mais en évitant tout conflit ouvert si possible. Castaneda installe
son camp près de la ville le 1er octobre. Mais les Texans aussi
se sont mis en marche. Ils attaquent le campement le 2 au matin. Le
lieutenant fait reculer ses hommes sur une petite hauteur et demande
à parlementer. Pour les Texans il est hors de question de rendre
le canon, en batterie 200m en arrière. « Il est là,
venez-donc le prendre » lui est-il rétorqué.
Le combat reprend. En sous-effectif et probablement peu enclin à
s’investir outre mesure dans une action en laquelle il ne croit
pas, Castaneda se replie vers Bexar. Bien qu’une simple escarmouche,
la bataille de Gonzales marque le point de rupture entre les Texans
et Mexico.
Après cette « victoire », près de 500 miliciens
et volontaires se regroupent à Gonzales. Austin accepte de prendre
le commandement de « l’Armée du Peuple ». Son
objectif est la ville de Bexar. Le 9 octobre Cos arrive en ville, portant
la garnison à 750 hommes qui se préparent à la
bataille. Le même jour, le planteur George Collingsworth et les
50 hommes qu’il a personnellement levés s’emparent
de la garnison de Goliad en 30mn. La prise apporte armes et vivres aux
insurgés et Bexar est désormais coupé du golfe
du Mexique.
Le premier engagement d’importance a lieu le 28 octobre à
la mission Concepción, à 3km au sud de la ville. Les colons,
sous le commandement de James Bowie et James Fannin adoptent une position
défensive dans un coude du fleuve San Antonio. Les Centralistes,
menés par Ugartechea attaquent avec 275 hommes. Ils en perdent
une cinquantaine et 1 canon en 3 charges vaines avant de battre en retraite.
Le 8 novembre Travis prend par surprise un enclos de 300 chevaux aux
Mexicains. Simple nuisance, mais nouvelle victoire aux yeux des Texans
qui commencent à sérieusement douter de la puissance des
soldados.
L’hiver approche. Les escarmouches se suivent et se ressemblent.
L’ennui s’empare peu à peu des assiégeants
dont une partie s’en retourne chez elle, remplacée par
des volontaires en provenance des Etats-Unis (ici les New-Orleans Greys).
Austin, en voyage diplomatique aux USA a été remplacé
par Edward Burleson. Début décembre, Burleson songe à
partir à Gonzales prendre ses quartiers d’hiver. Ben Milam,
qui a participé à la capture de Goliad, galvanise les
troupes et lance « Qui ira avec le vieux Ben Milam à San
Antonio ? ». 300 hommes se joignent à lui et Frank W. Johnson
pour lancer l’assaut qui débute à 3h00 le lendemain.
L’artillerie de James C. Neill fait diversion en bombardant l’ancienne
mission d’Alamo, reconvertie en fort. Burleson et les 400 hommes
qui lui restent protège le camp et maintient la pression sur
Cos, l’obligeant à diviser ses forces entre Alamo et la
ville. La bataille dure 5 jours de terribles combats de rue, maison
après maison.
Les Texans perdent une trentaine d’hommes (dont Milam qui devient
ainsi le premier « martyr » texan) et les Mexicains environ
150. Cos se rend le 9 décembre. Les soldados sont relâchés
à la condition de ne plus jamais prendre les armes contre les
Texans et peuvent quitter la ville avec les honneurs militaires.
…Et défaite politique
Le 1er novembre, les délégués texans se rassemblent
pour la « Consultation », réunie pour donner la direction
du combat des colons contre les Centralistes. Il faut justifier les
actions du Texas auprès du reste du monde et convaincre les Fédéralistes
que la province ne souhaite rien d’autre que revenir à
la constitution de 1824. Mais cette Consultation ne représente
essentiellement que les zones en guerre (Bexar, Goliad, Refugio, Victoria,
San Patricio). Seuls 58 des 85 représentants élus sont
présents. Une grande partie des supporters de d’Austin,
alors à Bexar, sont absents. La faction opposée, menée
par Henry Smith, rassemble autant de soutiens. Le 7 novembre une déclaration
en 8 parties, adoptée dans la douleur et malgré l’opposition
de nombreux membres, stipule que les Texans ont pris les armes pour
défendre leurs droits, leur liberté et les principes républicains
de la constitution de 1824. Le 13 est votée la « Loi Organique
» qui reflète essentiellement le compromis et l’hésitation
des délégués, avec en définitive peu de
pouvoirs réels. Un gouvernement provisoire est mis en place,
formé de représentants des différentes municipalités,
censés assister le gouverneur. En fait, les 2 partagent essentiellement
les mêmes pouvoirs (encore que limités), partant de l’idée
qu’ils vont travailler ensemble.
Or, la majorité des membres du conseil sont du Parti de la Paix,
opposés à une déclaration d’indépendance
immédiate et donc à Smith. Or, Smith a été
préféré à Austin par 30 voix contre 22.
Sa faction est favorable à une armée régulière,
disciplinée et soumise au contrôle du gouvernement civil.
De fait, la Consultation organise les milices et une armée régulière
calquée sur celle des USA sur la base d’un engagement de
2 ans. Sam Houston en est élu le commandant en chef à
l’unanimité mais la Consultation ne fait rien pour faire
appliquer cette nomination auprès des corps de volontaires déjà
existants et ayant déjà élus leurs officiers (Cf.
encadré). En conséquence l’armée régulière
n’a d’existence que sur le papier. Les compromis ont permis
à la Consultation d’exister mais ont laissé le Texas
dans le flou en termes de leadership, d’objectifs, de structure
de gouvernement ou d’autorité militaire.
Décembre 1835-Mars 1836 : Le temps du chaos et des défaites
L’expédition
de Matamoros
Chez les militaires, la situation n’est guère plus brillante.
L’hiver est là et les factions se créent. D’aucuns
pensent que la guerre est terminée. D’autres que rien n’est
à craindre avant le printemps. D’autres encore veulent
pénétrer plus loin dans le territoire mexicain. Ainsi
le projet de s’emparer du port de Matamoros à l’embouchure
du Rio Grande va faire éclater la crise, mettre fin au gouvernement
provisoire et mener à la quasi-destruction de l’armée
texane. Envisagée dès l’automne 1835, la prise de
Matamoros apporterait une manne financière bienvenue pour l’effort
de guerre et permettrait d’exporter la guerre hors du Texas. De
plus, de par sa position stratégique, elle paralyserait les mouvements
de l’adversaire et empêcherait le ravitaillement des troupes
de Cos à Bexar. On espère aussi rallier en route les fédéralistes
mexicains. L’échec de l’expédition de Tampico
à la mi-novembre 1835 (Cf. encadré) convainc Houston et
Austin qu’une opération similaire à Matamoros serait
vouée au même échec. Mais après la prise
de Bexar l’armée texane, maintenant principalement constituée
de volontaires nord-américains, tend à vouloir se débander.
Elle a besoin d’objectifs. Smith demande à Houston, qui
compte sur Bowie, d’organiser l’expédition. Mais
Frank W. Johnson et son partenaire James Grant, tous 2 impliqués
dans des spéculations foncières douteuses dans le secteur,
décident de monter leur propre expédition. Pendant que
Johnson part chercher l’approbation du conseil général
à San Felipe, Grant s’autoproclame « Commandant en
chef de l’Armée Fédérale des Volontaires
». Il embrigade 200 des 300 hommes destinés à la
garnison de Bexar et se sert largement dans ses réserves, privant
la zone de moyens de défense adéquats en cas d’offensive
centraliste. Il se dirige ensuite vers Goliad, où il outrepasse
une nouvelle fois son autorité en dépouillant la garnison
de son équipement et de ses vivres, créant une tension
des plus vives avec les soldats locaux. Le Conseil Général
valide l’expédition et désigne Johnson comme commandant
le 14 janvier 1836. Mais le 7, pressé d’en finir, il a
aussi nommé James Fannin comme « agent » de l’expédition
des volontaires. Ce dernier a déjà commencé à
recruter de son côté. Avant même d’avoir commencée,
l’expédition a déjà 3 commandants en chef,
chacun travaillant indépendamment des 2 autres !
Houston sait que Santa Anna déplace des troupes dans le secteur.
Il est soucieux des tensions créées par Grant à
Bexar et Goliad. Il pense aussi que le Conseil a outrepassé son
autorité en autorisant l’expédition qui est, selon
lui, mal conçue et militairement dangereuse. Il fait part à
Smith de ses doutes et remonte les nombreux reproches fait à
l’encontre de Grant dont Smith doute de la loyauté, à
l’instar de celle de Johnson. Furieux, Smith dissout le Conseil
Général le 10 janvier.
En retour celui-ci lui oppose un impeachment et reconnaît James
W. Robinson comme nouveau gouverneur. Smith refuse néanmoins
de renoncer à sa charge. En cette période critique, le
Texas est donc doté de 2 organes de gouvernement qui s’affrontent
et ne gouvernent finalement pas grand chose.
Le 15, Houston se rend à Goliad pour tenter de stopper l’expédition.
Grant refuse et se rend à Refugio accompagné de Houston.
Il doit y retrouver Johnson et recevoir des renforts et du ravitaillement.
Johnson arrive avec l’approbation du Conseil Général.
Houston est furieux mais impuissant. Il parvient cependant à
convaincre la majorité des hommes d’attendre les renforts
de Fannin sur place avant de rentrer. Sans armée à commander,
il est envoyé par Smith traiter avec les Indiens Cherokees afin
de sécuriser ses arrières . Johnson et Grant, toujours
persuadés du soutien des fédéralistes mexicains,
regroupent la soixantaine d’hommes restants et se mettent en route
vers San Patricio.
Dès
le 27 octobre, Santa Anna a commencé à organiser l’Armée
du Nord pour mater la rébellion. En décembre, elle est
regroupée à San Luis Potosi. Santa Anna, qui a eu vent
de l’expédition de Matamoros, la scinde en 2 colonnes.
La première, qu’il commande lui-même, suit el camino
reale, défendu par Bexar et Alamo. La deuxième, commandée
par le général de brigade José Cosme de Urrea se
dirige le long de la côte et à travers le Rio Grande vers
Matamoros. Ce sont 6000 soldados qui forment les pinces de ce mouvement
enveloppant destiné à écraser toute résistance
sur son passage. Nouveaux conscrits mal entraînés pour
la plupart, ils s’engagent dans une marche épuisante. Souvent
accompagnés de leurs familles, ils souffrent de la faim, du froid
, de la dysenterie, des raids d’Indiens et leurs rangs s’éclaircissent
à mesure de leur progression.
En cours de route Urrea exploite les vraies visées des Texans,
soit l’indépendance, pour briser les éventuels soutiens
des fédéralistes sur lesquels comptent tant Johnson, Grant
et Fannin. Propageant ainsi la bonne parole il arrive à Matamoros
le 31 janvier.
Fannin, qui a recruté sa propre armée de volontaires est
parti de Velasco le 24 janvier.Il débarque à Copano le
2 février avec environ 200 hommes avant de se diriger vers Refugio.
Le 7 février, son optimisme est ébranlé : Il apprend
que les forces de Gonzales sont totalement dispersées, que les
forces centralistes regroupées à Matamoros dépassent
le millier d’hommes, que Santa Anna prévoit de détruire
la rébellion à Bexar, Goliad et Matamoros et qu’aucun
soutien n’est à attendre des Mexicains qui se sentent trahis
par les Texans. Comprenant enfin la gravité de la situation il
décide de se retirer sur Goliad le 12 février.
Ni Johnson ni Grant n’ont alors apparemment connaissance de la
présence des troupes d’Urrea dans le secteur, alors que
le général mexicain est parfaitement au courant de leurs
mouvements grâce à ses éclaireurs montés
et aux rancheros locaux. Ainsi, le 27 février, il surprend Johnson
de retour d’un raid pour capturer des chevaux à San Patricio
Une poignée de Texans (dont Johnson) parvient à s’enfuir
vers Refugio laissant sur place 20 morts et 32 prisonniers. Le 2 mars,
avec 60 cavaliers, Urrea tend une embuscade à Grant et 2 douzaines
de volontaires à Agua Dulce Creek. 6 sont faits prisonniers,
6 parviennent à s’enfuir. Tous les autres dont Grant sont
tués. L’expédition de Matamoros est définitivement
terminée.

Fort
Alamo
San Antonio de Bexar et Fort Alamo sont à l’intersection
d’el camino reale menant jusqu’au fleuve Sabine et la Louisiane
et de la route menant à Goliad et Fort Defiance (anciennement
Presidio La Bahia) puis la route côtière. De nombreux Texans
étant retournés dans leurs foyers pour l’hiver,
la garnison est principalement constituée de volontaires en provenance
des USA. Il y a 21 canons de tous calibres à Bexar et c’est
à cause de son expérience d’artilleur que James
C. Neill y a été nommé commandant en chef. Durant
tout le mois de janvier, il fait de son mieux pour renforcer l’ancienne
mission. Le 14, il écrit à Houston que sans renforts et
ravitaillement, la position ne tiendra pas en cas d’attaque. Alors
à Goliad, Houston lui détache James Bowie et une vingtaine
d’hommes pour démilitariser la garnison et rapatrier tout
ce qui est possible à Gonzales. Il en fait la demande officielle
à Smith qui refuse. Sur place le 19, Bowie est rapidement convaincu
par Neill de l’importance stratégique de la place, dernier
bastion avant les colonies anglos. Le 2 février les 2 hommes
envoient une lettre dans ce sens à Smith. Le lendemain William
Travis, désormais lieutenant-colonel, arrive avec 29 hommes.
Lui aussi considère rapidement Alamo comme la clef du Texas.
Le 8 arrivent les Tennessee Mounted Volunteers. Dans leurs rangs un
simple 2ème classe, ancien membre du congrès américain
: David Crockett. Les défenseurs d’Alamo sont alors 140,
comprenant une dizaine de Tejanos et 2 ou 3 hommes de couleur.
Le 14 février Neill part, à la fois pour retrouver sa
famille et tenter de rameuter des renforts. Travis et Bowie sont alors
libres de se disputer le commandement. Finalement un compromis est trouvé
: Travis commandera les réguliers, Bowie, les volontaires.
Travis n’imagine pas que Santa Anna puisse atteindre Bexar avant
la mi-mars, mais le 12 février les Mexicains ont traversé
le fleuve à Presidio del Rio Grande. Depuis le 16, la rumeur
de l’arrivée des Centralistes court mais il n’en
tient pas compte.
Le 22, alors que la garnison est à Bexar pour fêter l’anniversaire
de George Washington, Santa Anna, qui n’est plus qu’à
40km, envoie le général Juan Ramirez y Sesma s’emparer
du fort sans protection mais des pluies torrentielles l’en empêchent.
Le siège peut commencer.
Travis est stupéfait d’apprendre le 23 que les habitants
de Bexar commencent à fuir la ville. Il poste des sentinelles
dans le clocher de l’église de San Fernando et envoie des
patrouilles montées. A midi, le régiment Dolores est repéré
à moins de 3km. Travis ordonne le repli. Totalement pris au dépourvu,
les hommes emportent tout le ravitaillement qu’ils peuvent trouver
avant de gagner Alamo qui comporte alors près de 170 défenseurs
dont plus d’une douzaine de malades. Bowie et Travis comprennent
très bien que sans renforts ils sont perdus. Leur sort dépend
désormais du soutien de Fannin et de tous les volontaires qui
pourraient leur porter assistance. Travis fait envoyer des messagers
à Gonzales et à Goliad.
A 16h30, 1500 Mexicains occupent Bexar. Un drapeau rouge est dressé
au sommet de l’église.
Il signifie « Pas de quartier ». Travis réplique
en faisant tirer au canon.
Le lendemain les Mexicains prennent leurs marques. Ils installent 2
batteries de canons à environ 300m des murs sud et est. Une troisième
est positionnée au sud-est. En une semaine, les Texans recevront
200 boulets à l’intérieur des murs. Beaucoup seront
récupérés et retournés à l’envoyeur
jusqu’à ce que Travis ne fasse économiser la poudre.
A la fin de la journée, 600 soldados arrivent en renfort. Le
général Gaona et la 1ère brigade sont encore à
plusieurs jours de marche. D’autres renforts et de l’artillerie
sont prisonniers de la boue au sud de la ville. Malade (pneumonie ?
Fièvre typhoïde ?), Bowie abandonne le commandement à
Travis.
Le 25, 200 à 300 cazadores du bataillon Matamoros s’approchent
à moins de 100m des murs. Ils veulent installer de nouveaux canons.
Une poignée de Texans fait une sortie, couverts par l’artillerie
et Crockett et ses hommes. Au bout de 2 heures, les Mexicains sont repoussés.
Dans la nuit, une nouvelle batterie est malgré tout mise en position.
Le 26, un terrible vent du nord se met à souffler. La température
tombe à 4°. Aucune des 2 armées n’y est préparée.
Lors d’une tentative d’approvisionnement
en eau et en bois une nouvelle escarmouche à lieu. A Goliad Fannin
a reçu l’appel à l’aide que Travis. Il envoie
une colonne de secours de 300 hommes et 4 canons. Mais l’opération
terriblement est mal conçue. Les hommes ne sont pas habillés
pour affronter le climat et ils n’ont qu’une journée
de rations alors qu’ils ont 150km à parcourir ! Peu après
le départ un conseil de guerre tenu par les officiers vote le
retour à Goliad et Fort Defiance pour en compléter les
fortifications, à l’approche des troupes d’Urrea.
Le 27, les Mexicains construisent un barrage en amont du San Antonio.
Les défenseurs n’ont plus que leur puits pour s’abreuver.
Le 1er mars, les assiégés reçoivent le renfort
de 32 hommes de la Ranging Company of Mounted Volunteers en provenance
de Gonzales.
Le 2 mars, sans que les assiégés n’en sachent rien,
les délégués texans rédigent la proclamation
d’indépendance du Texas lors de la Convention Nationale
(Cf. encadré).
Le 3 mars, l’avant-garde de Gaona est en vue (Pionniers, bat.
Aldama et Toluca). Leur arrivée est bruyamment fêtée
en même temps que l’annonce de la défaite de Johnson
à San Patricio. Ce sont désormais 2400 hommes qui entourent
Fort Alamo.
Le 4 mars Santa Anna convoque un conseil de guerre. La majorité
des officiers veulent attendre l’arrivée (prévue
le 7) de Gaona et de ses 2 canons de 12-pdrs capables d’abattre
les murs d’Alamo. Mais Santa Anna opte pour l’assaut général
pour le 6 au matin . L’ordre de bataille est le suivant:
Bat. Aldama, San Luis Potosi (3 Cies) : Gén. Perfecto de Cos
(350 hommes, assaut par le nord-ouest)
Bat. Toluca, San Luis Potosi (5 Cies) : Col. Francisco Duque (400/nord-est)
Fusileros des Bat. Matamoros et Jiménez : Col. Jose Maria Romero
(400/est))
Cazadores des Bat. Matamoros, San Luis et Jiménez : Col. Juan
Morales (125/sud-ouest)
Artillerie
Réserve (400): granaderos de chaque bataillon, pionniers, cavalerie
: Gén. Santa Anna.
A minuit les hommes se mettent en position avant de prendre un repos
très relatif. Il leur a été interdit, malgré
le froid, de prendre de pèlerines ou de couvertures pour ne pas
entraver leurs mouvements.
A
5h30, les troupes se mettent en marche silencieusement. Les 3 sentinelles
texanes postées en dehors des murs sont tuées dans leur
sommeil. Incapables d’attendre plus longtemps, les hommes s’élancent
au cri de « Viva Santa Anna ! Viva la republica !» et au
son du clairon. Pris au dépourvu, et maintenant que l’effet
de surprise est éventé, Santa Anna fait donner l’artillerie
et jouer le degüello (littéralement « couper la gorge
» soit, « pas de quartier »). Réveillés,
les Texans répliquent immédiatement avec leurs canons
et leurs mousquets. Les premiers rangs mexicains paient chèrement
leur patriotisme bruyant. Dunque est blessé et remplacé
par le général Castrillon. Les soldados ne parviennent
pas à grimper sur leurs échelles d’assaut et sont
systématiquement repoussés. Travis est tué en défendant
le mur nord.
Les Mexicains se regroupent pour un second assaut qui est de nouveau
repoussé. Quinze minutes plus tard, un 3e assaut est lancé.
Les tirs en enfilade des batteries est forcent la colonne de Romero
à obliquer vers le nord et à rejoindre la 2e.. Celle de
Cos fait de même. Les soldados se trouvent regroupés en
une masse confuse, directement sous le feu des canons texans qui, faute
de munitions, sont chargés de tous les objets métalliques
possibles (gonds de porte, clous, fers à cheval…)
Craignant une déroute, Santa Anna ordonne à la réserve
de se lancer à l’assaut pour redonner à ses troupes
un peu d’élan. En quelques minutes, le mur est escaladé
à la main grâce aux différentes brèches et
aspérités qui le constituent. La poterne est ouverte et
les soldados se ruent dans l’enceinte. Les artilleurs du mur sud
retournent leurs canons vers les assaillants. Désormais sans
protection, il est rapidement grimpé par les Mexicains et les
artilleurs tués sur place. Les murs est et ouest sont à
leur tour franchis. La bataille a désormais lieu à l’intérieur
du fort. Les Texans qui le peuvent se retranchent dans les bâtiments.
Crockett et ses hommes défendent la chapelle. A courts de munitions
ils retournent leurs fusils ou sortent leurs couteaux. La majorité
d’entre eux est abattue ou passée au fil de la baïonnette.
Dans la panique les canons n’ont pas été sabotés
et les Mexicains les utilisent contre les baraquements. Les combats
se terminent au corps-à-corps et même Bowie, pourtant alité,
n’est pas épargné. Un groupe d’hommes tente
de s’échapper par la route de Gonzales avant d’être
mis en pièces par la cavalerie. A 6h30, tout est fini. Les 7
survivants sont exécutés . Santa Anna va encore plus loin
dans l’humiliation en faisant brûler leurs cadavres le long
de la route de Gonzales. Les non-combattants relâchés.
Ce sont principalement des Tejanas et leurs enfants et quelques esclaves
Santa Anna se comporte avec femmes et enfants avec une extrême
galanterie. Il leur donne un sauf-conduit, une couverture et 2 dollars
en argent. Les plus célèbres sont Susanna Dickinson, dont
le mari vient d’être tué, et sa fille.
Il les fait défiler devant les survivants de son armée
rassemblés comme à la parade sur la route de Gonzales
pour aller propager la nouvelle de la chute d’Alamo.
Les 182 (certains historiens vont jusqu’à 257) défenseurs
d’Alamo ont causé entre 400 et 600 tués et blessés
aux 2400 Mexicains qui les ont assiégés pendant 12 jours.
Ce délai a permis de déclarer l’indépendance
du Texas, de former un gouvernement révolutionnaire et de jeter
les bases d’une constitution. Si Santa Anna avait attaqué
immédiatement les colonies texanes, peut-être aurait-il
pu l’empêcher et rejeter les insurgés au-delà
du Sabine.
Fort Alamo

Dans
les jours qui suivent la bataille les renforts de Gaona arrivent à
Bexar. Le 8, les bataillons Queretaro, Guanajuato et 6 canons sont sur
place. Le 9, le général Filisola, commandant en second
de l’Armée du Nord arrive à son tour. Le reste de
la cavalerie arrive le 10. Santa Anna organise la poursuite du reste
des forces texanes et la suppression des centres politiques. Urrea longe
la côte et va bientôt arriver au contact avec les troupes
de Fannin. Le 11 mars Morales emmène les bataillons Jiménez
et San Luis Potosi pour le renforcer. Le même jour Sesma marche
sur la capitale du Texas, San Felipe de Austin, avec les régiments
Dolores et Tampico, ainsi que les bataillons Aldama, Matamoros, Toluca
et 2 canons. Le 16 il est suivi par la brigade du général
Tolsa (bataillons Ciudad Mexico (activo) et Guererro). Toujours le 16,
le col. Montoya part avec les bataillons Tres Villas et Queretaro pour
Copano, près de Goliad. Le 24 la 1ère brigade de Gaona
part pour Nacogdoches avec les bataillons Morelos et Guanajuato, 6 canons
et quelques escadrons de presidiales. Santa Anna suit Sesma le 31 mars.
Le général-président a divisé ses forces
en 3 : Gaona vers le nord-est, avec 700 soldados, Urrea au sud (1300)
et Sesma qui marche plein centre (1400). A part Fannin à Goliad,
il n’existe alors plus au Texas aucune force organisée
capable de l’arrêter.
Le massacre de Goliad
Pendant ce temps, les 600 hommes du général Urrea (bataillon
Yucatan (activo), régiments Cuautla et Tampico, un escadron du
régiment de Durango et un canon de 4-pdr) marchent vers le nord,
le long de la route côtière. Ils se dirigent vers Refugio,
à environ 40km au sud de Goliad. Les colons demandent de l’aide
pour évacuer la ville. Fannin leur envoie une compagnie du Georgia
Battalion (28 hommes commandés par Amos B. King) et tous les
moyens de transports de la garnison. Le 12 mars elle est sur place et
s’oppose à l’avant-garde d’Urrea (80 rancheros).
Débordée, elle se retranche dans la mission et demande
des renforts. Fannin envoie le reste du bataillon (lt-col William Ward,
120 hommes) qui arrive le 13 et repousse les assiégeants. Dès
lors, King et Ward se disputent le commandement. King part à
la poursuite des rancheros, pendant que Ward reste à la mission.
C’est alors, Urrea et son armée arrivent. Toute la journée
du 14 les Georgiens repoussent plusieurs assauts mais ils manquent d’eau,
de vivres et de munitions. Quelques volontaires sont laissés
sur place avec les blessés et les familles. Le reste des hommes
profite de la nuit et d’une tempête pour s’enfuir.
King, qui n’a pas pu rejoindre Ward, tente la même manœuvre
pour s’échapper après avoir résisté
contre l’arrière-garde d’Urrea une partie de la journée
dans un bois près de la Mission River. Il n’y parvient
pas et est fait prisonnier le 15. Le lendemain, tous sont fusillés,
ainsi que les volontaires de Ward demeurés à la mission.
Le 13 mars Houston donne enfin à Fannin l’ordre qu’il
attend depuis longtemps d’abandonner sa position mais il se refuse
à tout mouvement sans nouvelles de Refugio. De toute façon,
il n’a plus de chariots, il en attend de Victoria. Ils arrivent
le 16 mars. Fort Defiance regroupe alors 330 volontaires. Le 17 mars,
Fannin apprend finalement le sort de Ward et King. Le 18 se passe en
escarmouches entre l’avant-garde mexicaine et la cavalerie texane.
Le départ est prévu pour le lendemain 9h00.
Fannin a commis une erreur majeure en divisant ses forces. Il s’est
privé de 150 hommes dont il ne peut se passer.
En attendant désespérément des nouvelles du Georgia
Battalion, il a perdu un temps précieux pour évacuer Goliad.
Tout aussi grave, tous les messagers qu’il envoyés à
Refugio ont été capturés. Urrea est parfaitement
au courant de sa situation alors que lui-même ignore tout de la
position de son ennemi.
Les hommes quittent le fort dans un épais brouillard. Fannin
a insisté pour s’encombrer d’artillerie et de 1000
mousquets mais il n’a pris de la nourriture que pour quelques
repas. Les chariots sont pleins à craquer et tirés par
des bœufs épuisés qu’on a oublié de
nourrir la veille. La progression est terriblement lente. Urrea, prêt
à assiéger la place, n’est averti que vers 11h00.
Mais les Texans perdent une heure de leur précieuse avance lorsque
qu’un chariot se brise en traversant le San Antonio. Une autre
heure est perdue lorsque Fannin fait mettre les bœufs en pâture.
Certains protestent devant cet arrêt intempestif mais Fannin (et
de nombreux autres) méprise les Mexicains et est persuadé
qu’Urrea n’osera pas le suivre.
Or, Urrea a quitté Goliad en toute urgence avec seulement 360
fantassins et 80 cavaliers. Il repère la colonne et renvoie 100
hommes sécuriser Fort Defiance et ramener l’artillerie.
L’arrière-garde texane, endormie, ne le repère pas.
Un autre chariot se brise et l’on en transfère le contenu.
A 13h30, Urrea ordonne à sa cavalerie de couper la route de Fannin
vers Coleto Creek où il pourrait trouver refuge dans les bois.
Fannin réagit en faisant mettre ses hommes en carré mouvant
en direction des bosquets plus proches de Perdido Creek, à un
peu plus d’1km. En tentant de gagner un peu de hauteur, le chariot
de munitions se brise à son tour. Fannin réunit un conseil
de guerre pour déterminer s’il est possible de les récupérer.
Urrea saisit l’opportunité qui s’offre à lui
et se lance à l’attaque.
A découvert dans une prairie aux herbes haute qui gêne
toute visibilité les Texans préparent leur défense.
Le carré fait 3 rangs de profondeurs. Chaque homme reçoit
3 ou 4 mousquets. Baïonnettes, fusils, pistolets et munitions complètent
l’arsenal. Les San Antonio Greys et les Red Rovers forment la
première ligne. Les Mustangs de Duval et diverses unités
forment l’arrière. Le flanc gauche est tenu par les Réguliers
de Westover, le droit par les Mobile Greys. L’artillerie est postée
aux coins. Fannin se met au coin arrière droit. Un avant-poste
de tireurs d’élite se met en place autour du chariot-hôpital,
immobilisé depuis qu’un bœuf a été tué
par un tir mexicain.
Les compagnies de fusileros (Morales) attaquent le flanc gauche, les
granaderos et une partie du bataillon San Luis (Urrea) attaquent le
droit. Le Bataillon Jimenez (col. Mariano) attaque le front, la cavalerie
(col. Nunez) attaque l’arrière. Les Texans sont 300, et
il est probable que les Mexicains sont entre 300 et 500.
La bataille dure jusqu’au coucher du soleil, après 3 charges
mexicaines. Les Texans, excellents tireurs, font bon usage de leurs
multiples mousquets et de leurs 9 canons. Le carré ne se brise
pas. 7 hommes sont tués, 60 blessés, dont Fannin. Urrea
se retire par manque de munitions. Lui aussi a perdu beaucoup d’hommes
(100 à 200 selon les sources)
Les Texans ne se sentent pas vaincus et attendent anxieusement les renforts
que la cavalerie d’Horton est allé chercher à Victoria.
Mais Horton ne réussit pas à percer. Ward et le reste
du Georgia bataillon sont assez près pour entendre le bruit des
combats mais ils sont fatigués et affamés. De plus, Urrea
qui sait que le point de rendez-vous est à Victoria, utilise
les rancheros de Carlos de la Garza pour les maintenir isolés
jusqu’à ce qu’ils se rendent. Il fait encercler le
carré et maintien la tension toute la nuit avec de faux appels
de clairon.
La nuit est terrible pour les hommes de Fannin. Le manque d’eau
et l’impossibilité d’allumer des feux empêchent
de traiter les blessés dont les cris démoralisent la troupe.
La nuit est froide et pluvieuse. Sans eau, les canons ne pourront pas
être refroidis ; ils seront inutiles le lendemain. Qui plus est,
le stock de munitions est bas. Fannin tient un conseil dont la conclusion
est l’impossibilité de recommencer une bataille le lendemain.
Après vote, les hommes refusent de tenter une percée en
abandonnant les blessés dont beaucoup sont de leur famille. Ils
se mettent à creuser des tranchées, à ériger
des barricades de chariots et de cadavres d’animaux. Entretemps,
les Mexicains on reçu des renforts, des munitions, de l’artillerie.
Ils se regroupent pour l’assaut à 6h15. Après 1
ou 2 coups de canons, Fannin est convaincu de la futilité de
résister. Après un nouveau conseil, il demande une reddition
honorable mais Urrea ne peut que promettre d’intercéder
auprès de Santa Anna. Les Texans valides sont escortés
vers Goliad tandis qu’Urrea poursuit sa route vers Victoria. Il
écrit une lettre à Santa Anna demandant sa clémence.
Le 27, Santa Anna le court-circuite en ordonnant au col. Jose Nicolas
de la Portilla d’appliquer le décret du 30 décembre.
342 hommes (dont ceux de Ward) sont exécutés. 28 réchappent
miraculeusement au peloton d’exécution, 20 sont épargnés
car médecins, mécaniciens ou interprètes. Après
l’exécution les cadavres sont exposés aux 4 vents
jusqu’au 3 juin, quand le général texan Rusk les
enterre avec les honneurs militaires.
Mars-Avril 1836 : De la fuite en avant à la victoire
inattendue
La « grande fuite »
Alamo et Goliad retardent considérablement Santa Anna dans sa
progression vers le cœur des terres. Houston en profite pour se
réorganiser. Il arrive à Gonzales le 11 mars, avec une
armée de papier à commander. Il organise les milices existantes
en un 1st Regiment of Texas Volunteers commandés par Sidney Sherman.
Le 13, Susanna Dickinson arrive d’Alamo. La nouvelle de la fin
de la garnison terrifie la population. Houston quitte immédiatement
Gonzales et entame une longue retraite vers l’est Au fur et à
mesure des volontaires en provenance des USA et des colonies de l’est
et de la côte arrivent, portant son armée à environ
1200 hommes. Après la nouvelle de la défaite de Fannin,
le nombre des soldats diminue ; les hommes veulent protéger leurs
familles. Le 29, Houston arrive à Groce’s Plantation où
il reste une quinzaine de jours. Il y organise un 2nd Infantry Volunteers.
Ainsi qu’1 bataillon à 4 compagnies, embryon des Texas
Regulars. Le 11 avril, 2 canons de 6-pdr, don des habitants de Cincinatti
et surnommés les « Twin sisters » (les « sœurs
jumelles ») arrivent, avec de nouveaux volontaires. Avec de l’artillerie,
60 cavaliers et 1000 fantassins, l’armée texane commence
à prendre forme.
Le 12 avril la Texian Republican Army repart vers l’est. A mesure
que la frontière des USA se rapproche, l’image de Houston,
qui ne semble pas décidé à se battre, est de plus
en plus écornée. Ses hommes et ses officiers n’ont
plus confiance en lui.
A l’instar de leur armée, des milliers de Texans fuient
vers l’est et le refuge éventuel de la Louisiane. Cet exode
massif et meurtrier (froid, faim, maladie, pillards…) sera appelé
« The runaway scrape » (la grande fuite).
Santa
Anna suit Houston à la trace. Le 9 avril, il est à San
Felipe où il apprend que le gouvernement texan est à Harrisburg.
Déterminé à écraser la rébellion
en un coup audacieux, il part le 14 avec 700 hommes et 1 canon. Urrea
est à Matagorda avec 1200 hommes, Gaona est entre Bastrop et
San Felipe (725), Sesma à Fort Bend (1000) et Filisola entre
San Felipe et Fort Bend (1800). A chaque fois Santa Anna manque le gouvernement
de peu. A Harrisburg, qu’il brûle le 15, à New Washington
le 19. Là, il apprend que Houston est près de la Lynchburg
pass, avec 800 hommes et 2 canons. Il ordonne alors à Cos et
500 soldados de le rejoindre au plus tôt et part affronter son
ennemi.
Le
17 avril, après la capture d’un messager et pour la plus
grande joie de ses hommes, Houston arrête sa progression vers
l’est et prend la direction d’Harrisburg. Santa Anna s’est
coupé du principal de son armée et Houston voit là
une occasion à ne pas manquer. Le 18, il est à White Oak
Bayou que Santa Anna longe par l’ouest, parallèlement au
fleuve San Jacinto. Les Mexicains doivent traverser Vince’s Bayou
par le seul pont existant, à l’aller comme au retour. Au
matin du 19, Houston prépare ses hommes à l’action
et leur rappelle les massacres d’Alamo et de Goliad. Le soir,
la troupe traverse Buffalo Bayou, laissant sur place 248 hommes, blessés
ou inefficients. Le lendemain, les Texans s’installent à
2km au sud de Lynch’s Ferry. Sherman, en reconnaissance avec un
petit détachement de cavalerie tombe sur l’armée
de Santa Anna. S’ensuit une violente escarmouche qui manque de
se terminer en bataille rangée. Au cours de cette action, Mirabeau
B. Lamar, simple soldat, se distingue tellement qu’il est nommé
colonel en charge de la cavalerie
Sûr de sa victoire prochaine, Santa Anna établit son camp
au pied de hauteurs situées à moins d’1km de celui
de Houston et fait ériger des barricades de fortune.
San Jacinto
Le champ de bataille est bordé à l’est par le San
Jacinto, au sud par le Peggy’s Lake et au nord par le Buffalo
Bayou. Toute la zone est entourée de marais. Les 2 armées
sont séparées par un large terrain en pente couvert d’hautes
herbes.
A 9h00 le 21 avril, prêts à en découdre, les Texan
apprennent que Cos est arrivé via Vince’s Bridge, avec
540 hommes, portant à plus de 1200 le total des forces ennemies.
Houston demande à Erastus « Deaf » Smith de détruire
le pont pour éviter tout nouveaux renforts, et par là-même
toute retraite vers Harrisburg pour chacun des belligérants.
A 15h30, il fait mettre son armée en ordre de bataille ; de gauche
à droite : le 2nd Volunteers (Sherman), le 1st Volunteers (Burleson),
l’artillerie (Hockley, qui remplace Neill, blessé la veille),
les Regulars (Millard) et enfin la cavalerie (Lamar). L’armée
est déployée en ligne, compagnies en colonnes. Ces mouvements
sont protégés par une ligne d’arbres et une légère
une montée de terrain. Dans le camp mexicain, tout est calme
: c’est l’heure de la sieste. Erreur fatale, Santa Anna
n’a pas jugé utile de détacher des observateurs
avancés. La troupe se met en marche. A 16h30 Smith revient ;.
Vince’s bridge est détruit. A quelques dizaines de mètres
des lignes mexicaines, c’est la charge. Sherman ouvre le bal en
tombant droit sur les 3 compagnies de cazadores du flanc droit mexicain
en hurlant « Souvenez-vous d’Alamo ! Souvenez-vous de Goliad
! ».
Les Twin Sisters entrent en action à 200m. Dans les rangs mexicains,
c’est la panique. Après des jours de marche forcée,
les soldados sont épuisés. Les armes sont en faisceaux,
les cavaliers sont démontés et font boire leurs chevaux.
Une ou 2 brèves volées sont tirées avant que les
Texans n’investissent le camp. L’artillerie est prise d’assaut.
Le général Castrillon tente de rallier les troupes avant
d’être tué. Désemparé, Santa Anna voit
ses hommes commencer à battre en retraite.
Il tente de les regrouper, en vain, avant de s’enfuir.
Le campement mexicain est ravagé en 18mn. Ivres de vengeance,
les Texans se montrent impitoyables et massacrent des dizaines de soldats,
au fusil, à la baïonnette, au gourdin. 630 Mexicains sont
tués, 208 blessés, 730 prisonniers. Sur les 910 Texans
engagés, 9 ont été tués, 30 blessés
(dont Houston qui a reçu une balle dans la cheville).
Santa Anna est capturé déguisé en simple soldat
le lendemain. Comme ses hommes, il n’a pas pu passer le Vince’s
Bridge.
La fin de la guerre et ses conséquences
Santa Anna accepte de mettre fin à la campagne. Avant même
que ses ordres ne parviennent à Filisola, ce dernier a déjà
commencé à battre en retraite vers Mexico. De nombreux
officiers protestent, particulièrement Urrea car seul Santa Anna
a été battu, pas l’Armée du Nord. Il reste
3 à 4 000 hommes aux Mexicains et Houston en a moins de 1000.
Malgré tout, l’Armée du Nord se replie le 26 avril
sous des pluies torrentielles qui transforment rapidement le terrain
en une boue où l’on s’enfonce jusqu’aux genoux.
Les hommes commencent à se débarrasser d’une partie
de leur équipement, voire de leurs armes. Plusieurs périssent
de la dysenterie. Le moral, déjà bas, finit de sombrer.
Les Texans forcent Santa Anna à signer le traité de Velasco
le 14 mai. Ce traité, s’il met fin aux hostilités,
ne reconnaît pas formellement l’indépendance du Texas.
Dans une clause secrète, Santa Anna doit user de son influence
pour pousser dans cette voie. Il doit repartir pour Mexico dans ce but
mais l’Armée le garde 6 mois comme prisonnier de guerre
avant qu’il ne soit emmené à Washington D.C. pour
garantir l’indépendance auprès d’Andrew Jackson.
Mais le gouvernement mexicain l’a déposé in absentia.
Santa Anna n’a donc plus aucun pouvoir pour représenter
son pays qui ne ratifie pas le traité.
Les relations avec le Mexique restent tendues, notamment au sujet de
limites de territoires. En tout état de cause, plusieurs escarmouches
d’importance variable (les Mexicains iront jusqu’à
(re)prendre Bexar en 1842) auront lieu durant 9 ans.
A
l’automne 1836 Sam Houston est nommé président de
la République. La nouvelle administration envoie rapidement un
représentant à Washington où Andrew Jackson croit
à l’intégration dans l’Union mais se refuse
à agir, de crainte des conséquences politiques. Les représentants
des Etats du Nord refusent l’entrée de tout nouvel état
esclavagiste. Le dernier jour de sa présidence, il reconnaît
cependant le Texas comme une nation indépendante. Son successeur,
Martin Van Buren, est opposé à l’extension des Etats
esclavagistes et craint une guerre avec le Mexique. Les Texans se rapprochent
donc d’autres pays, notamment la Grande-Bretagne. Celle-ci est
fort intéressée par le coton quoique repoussée
par la pratique de l’esclavage.
Pendant 9 ans le Texas demeure indépendant, reconnu par de nombreux
pays mais pas le Mexique, Par contre, la République est choyée
par la Grande-Bretagne et la France, qui voient là un moyen de
contrebalancer la présence des Etats-Unis sur le continent. En
1844-1845 l’opinion publique américaine est prête
à l’annexion. John Tyler, président sortant et James
K. Polk, son futur successeur, en sont tous 2 partisans. Les USA craignent
de plus en plus la menace britannique d’un protectorat qui remettrait
en cause leur expansion (et celui de l’esclavage). La Grande-Bretagne
et la France ne parviennent pas à convaincre le Mexique d’enfin
reconnaître l’indépendance du Texas avant qu’il
ne soit trop tard. Tyler fait passer une résolution jointe le
26 février 1845, ratifiée le 1er mars. Le 6, le Mexique
coupe ses relations diplomatiques avec Washington. Le 4 juillet, le
congrès texan se déclare favorable à l’annexion,
suivi par les Texans eux-mêmes en octobre. Le 29 décembre,
Polk fait entrer le Texas comme le 28e Etat de l’Union. Dans 4
mois, une nouvelle guerre va éclater.
NOTES
:
1 Pour l’occasion les Texans ont même fait confectionner
un drapeau représentant sur fond blanc une étoile noire,
le canon et la phrase « Come and take it ». Le slogan
est désormais utilisé par les défenseurs du droit
au port d’armes
2 Procédure permettant au pouvoir législatif de destituer
un haut fonctionnaire du gouvernement
3 Les raids d’indiens sont une nuisance permanente depuis des
années et le seront pendant encore longtemps.
Durant la guerre, 3 compagnies de 56 Texas Rangers seront chargées
de protéger les colonies de ces raids.
4 De nombreux conscrits viennent des régions tropicales du Yucatan
et ne sont pas habitués à l’hiver (particulièrement
froid en 1836) du nord du pays. En février, il tombe jusqu’à
40cm de neige et plusieurs d’entre eux mourront d’hypothermie.
5 Ces mêmes officiers soutiendront au contraire que c’est
Fannin seul qui décida d’abandonner l’opération.
6 Il est possible que Santa Anna ait eu vent d’une possible reddition
des assiégés. La perspective d’une victoire sans
gloire l’aurait poussé à précipiter l’assaut.
7 Les historiens sont divisés quant à savoir si Crockett
en faisait partie ou non
8 Lamar sera même élu plus tard président de la
République du Texas (1838-1841)
Sources :
The Texas war of independence 1835-1836, Alan C. Huffines, Osprey Essential
Histories N°50
The Alamo and the war of texan independence 1835-36, Phillip Hayhornthwaite,
Osprey Men-At-Arms N°173
The handbook of Texas online : précieuse collection d’articles
de la Texas State Historical Association : http://www.tshaonline.org/handbook/online/

